Comptes rendus

Évolution de la prise en charge des plaques vulnérables
En quête de neuroprotection dans l’AVC aigu

Abaisser le taux de LDL pour maîtriser l’athérosclérose : données corroborantes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

56es Séances scientifiques annuelles de l’American College of Cardiology

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 25-28 mars 2007

De nombreux experts estiment que, dans les cas où la maladie coronarienne est confirmée, le taux cible de LDL devrait être <1,8 mmol/L, des données ayant montré que ce taux confère une meilleure protection contre les événements que le taux cible <2,5 mmol/L actuellement recommandé dans les lignes directrices de l’ATP III (Adult Treatment Panel III) (le taux <1,8 mmol/L y est défini comme une option). Chez les patients qui n’ont aucun symptôme et ne souffrent pas de la maladie coronarienne, mais qui présentent des facteurs de risque, le taux cible actuel est <3,3 mmol/L. Cela dit, l’athérosclérose est une maladie dont la progression s’étale sur plusieurs années, voire des décennies, avant que les symptômes n’apparaissent. Un traitement intensif administré assez tôt dans le processus pourrait ainsi prévenir à jamais la progression de la maladie jusqu’au stade où la rupture de la plaque occasionne un événement thrombotique, comme un infarctus du myocarde ou un AVC. Un nouvel essai dans lequel on a évalué l’utilisation très précoce d’un agent hypolipidémiant puissant étaye cette théorie.

Résultats de l’essai METEOR

Le traitement hypolipidémiant par la rosuvastatine administré lors de cet essai multicentrique et comparatif avec placebo «a essentiellement arrêté la progression» que l’on a observée dans le groupe placebo pendant les deux années de l’étude, explique le Dr John R. Crouse III, Wake Forest University School of Medicine, Winston-Salem, Caroline du Nord. Auteur principal de l’essai intitulé METEOR (Measuring Effects on Intima-Media Thickness: an Evaluation of Rosuvastatin), le Dr Crouse souligne que si les résultats de cet essai viennent confirmer qu’une baisse du taux de LDL protège contre la progression de l’athérosclérose, ils établissent que les patients «dont le risque est faible selon l’équation de Framingham, qui montrent des signes d’athérosclérose carotidienne infraclinique et qui ne présentent qu’une légère élévation des taux lipidiques» peuvent aussi bénéficier de cette protection.

Même s’il recommande la tenue d’un essai d’envergure avec paramètres cliniques pour évaluer les retombées cliniques de ces résultats, le Dr Crouse reconnaît que l’essai METEOR a confirmé que, même aux premiers stades de la maladie, une baisse énergique du taux de LDL peut faire bifurquer l’évolution naturelle de l’athérosclérose. Plus précisément, ces données semblent indiquer que le processus morbide peut être maîtrisé à n’importe quel stade du continuum en vertu duquel un léger fardeau athéroscléreux se solde un jour par un événement thrombotique. Si l’on savait déjà qu’il est souhaitable de viser un taux de LDL toujours plus bas chez les patients à risque élevé, METEOR donne à penser que cela pourrait être vrai aussi chez les patients à risque faible ou modéré. Dans le groupe rosuvastatine de l’essai METEOR, le taux moyen de LDL était de 2,0 mmol/L sous traitement, ce qui revient à une réduction de 49 % par rapport au taux initial et concorde avec ce que l’on recommande de plus en plus chez les patients exposés à un risque élevé.

Les sujets de l’étude ne présentaient aucun symptôme et n’avaient aucun antécédent d’athérosclérose connu. À leur admission, les hommes de 45 à 70 ans et les femmes de 55 à 70 ans devaient avoir un risque inférieur à 10 % d’événement cardiovasculaire (CV) selon l’équation de Framingham de même qu’une épaisseur intima-média carotidienne (EIMC) comprise entre 1,2 et 3,5 mm à l’échographie en mode B. Parmi les 5751 participants soumis à la présélection, 984 sujets (âge moyen de 57 ans) ont été recrutés. Parmi les patients exclus, nombreux sont ceux dont la masse athéromateuse excédait le risque prédéfini.

Le paramètre principal de l’étude était la détermination, sur une période de deux ans, du taux de variation de l’EIMC maximale de 12 sites carotidiens à l’échographie en mode B (Figure 1). Les chercheurs surveillaient également les variations de l’EIMC de divers sites de l’artère carotide commune, du bulbe carotidien et l’artère carotide interne, ainsi que la variation de l’EIMC moyenne de divers sites de l’artère carotide commune. Au terme de l’étude, les chercheurs ont noté une régression de 0,0014 mm/année de l’EIMC maximale des 12 sites carotidiens ciblés dans le groupe rosuvastatine, vs une progression de 0,0131 mm/année dans le groupe placebo (p<0,001). La variation maximale de l’EIMC des sites de l’artère carotide commune et du bulbe carotidien a également mis en évidence une régression sous rosuvastatine vs une progression sous placebo (p<0,001). Bien que la régression n’ait été significative en aucun site par rapport aux valeurs initiales dans le groupe rosuvastatine, les différences qui se sont dégagées de toutes les mesures de l’EIMC favorisaient le traitement actif de manière significative.

Figure 1. Variation de l’EIMC maximale (paramètre principal)


«Les résultats obtenus dans le groupe rosuvastatine étaient solides, et les différences entre les deux groupes étaient systématiques dans tous les sous-groupes prédéfinis», explique le Dr Crouse. Les sujets avaient été stratifiés en fonction de l’âge, du sexe, de la race, de l’indice de masse corporelle et des facteurs de risque. Les analyses de sensibilité ont aussi fortement étayé l’avantage significatif associé au traitement actif.

Le Dr Robert Roberts, président et agent scientifique en chef, Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, Ontario – à qui l’on a demandé de commenter ces résultats – estime que METEOR «nous force vraiment à penser plus concrètement à ce que nous pouvons faire côté prévention». En général, les cardiologues travaillent surtout à prolonger la vie des patients qui ont déjà été victimes d’un événement ou qui sont exposés à un risque très élevé d’événement, mais «ces données indiquent que le processus morbide peut être modifié à un stade précoce».

La prévention revêt une grande importance, car le premier événement CV peut être fatal ou causer suffisamment de lésions au cœur ou au cerveau pour rendre le rétablissement complet impossible. «Environ la moitié des hommes et plus de la moitié des femmes qui meurent subitement de la maladie coronarienne n’avaient jamais eu de symptômes. De plus, du côté des hommes, bien au-delà de la moitié des événements CV surviennent chez ceux qui présentent un important facteur de risque modifiable ou moins, souligne le Dr Roberts. Nous savons également que la majorité des personnes qui vivent au-delà de l’âge de 50 ans finiront par souffrir de la maladie coronarienne. Il est donc nécessaire que nous pensions à maîtriser plus tôt le processus morbide sous-jacent.»

Inhibition de l’athérosclérose

METEOR est la plus récente d’une série d’études ayant évalué un traitement hypolipidémiant intensif pour la maîtrise de l’athérosclérose. Jusqu’à tout récemment, la majorité de ces essais, qui ont porté sur diverses statines, avaient objectivé un ralentissement de l’athérosclérose sans toutefois réussir à démontrer l’arrêt de la progression, voire la régression. Trois études ont établi qu’une baisse du taux de LDL peut mettre un terme à la progression de l’athérosclérose et, dans les trois cas, le taux de LDL atteint était d’environ 2,0 mmol/L ou moins. Outre METEOR, ces études étaient REVERSAL (Reversal of Atherosclerosis with Aggressive Lipid Lowering), qui a associé l’atorvastatine à 80 mg à une diminution de la progression sur une période de 18 mois chez des patients à risque élevé (Nissen et al. JAMA 2004;291:1071-80), et ASTEROID (A Study to Evaluate the Effect of Rosuvastatin on Intravascular Ultrasound-Derived Coronary Atheroma Burden), qui a associé la rosuvastatine à 40 mg à la régression (Nissen et al. JAMA 2006;295:556-65).

À ce jour, ASTEROID a été la seule étude à objectiver la régression réelle de l’athérosclérose. Comme REVERSAL, ASTEROID prévoyait une évaluation de la masse athéromateuse au départ et au terme de l’étude à l’échographie endovasculaire, outil très sensible pour la mesure de la masse athéromateuse sur la paroi des artères coronaires. Après 24 mois de traitement par la rosuvastatine à 40 mg chez 349 patients, on a noté une réduction médiane de 6,8 % de la masse athéromateuse totale par rapport à la masse initiale (p<0,001) et des réductions encore plus marquées dans les segments les plus atteints des artères coronaires. Le taux moyen de LDL est passé de 3,3 à 1,5 mmol/L, ce qui revient à une diminution de 53,2 %. En parallèle, le taux de HDL a augmenté de 14,7 %.

«Une baisse du taux de LDL est essentielle, mais le taux de HDL est un autre facteur, et je soupçonne que l’augmentation assez marquée du taux de HDL lors de l’étude ASTEROID a pu faire une différence», fait valoir le Dr Steven Nissen, président sortant, American College of Cardiology, et chef, département de médecine cardiovasculaire, Cleveland Clinic Foundation, Ohio.

Certes, on n’a pas enregistré de régression statistiquement significative au fil des 24 mois de l’étude METEOR, mais l’absence de maladie coronarienne avérée et d’athérosclérose avancée au départ rendait moins probable la mise en évidence d’une réduction. Cependant, insiste le Dr Crouse, les résultats de METEOR sont compatibles avec ceux d’ASTEROID en ce sens qu’ils montrent que l’on peut mettre le processus athéroscléreux en échec si l’on abaisse suffisamment le taux de LDL.

Repérer le risque avant l’apparition des symptômes

Les données montrant que la progression peut être arrêtée, même à un stade assez précoce de la maladie, auront d’énormes retombées sur la prise en charge du risque chez les patients qui risquent le plus de souffrir un jour de la maladie coronarienne, par exemple les patients ayant d’importants antécédents familiaux. Si l’essai METEOR n’était pas conçu pour guider le traitement systématique en l’absence de symptômes, prévient le Dr Crouse, plusieurs experts estiment qu’il vient alimenter un intérêt croissant pour un traitement plus énergique chez les patients les plus à risque.

«Il est très logique d’utiliser les lignes directrices publiées comme point de départ, mais on doit néanmoins voir le patient dans son ensemble et bien interpréter le risque.» Souvent, les lignes directrices ne brossent pas un tableau exact de la situation, précise le Dr Christie M. Ballantyne, Center for Cardiovascular Disease Prevention, Baylor College of Medicine, Houston, Texas. Nombre de ses patients d’âge moyen ont un risque plutôt faible selon les évaluations standard, mais ces patients le préoccupent tout de même en raison d’autres aspects de leur profil. Il cite l’exemple d’un patient de 50 ans qui ne fume pas, qui présente seulement une hypertension légère et dont le bilan lipidique n’a rien de remarquable. Ce patient est peut-être exposé à un faible risque si l’on en juge par les évaluations standardisées du risque, mais s’il a un indice de masse corporelle élevé et des antécédents familiaux marqués de maladie CV, il faut peut-être s’en inquiéter, estime le Dr Ballantyne.

«L’équation de Framingham ne tient pas compte des antécédents familiaux; or, c’est là un important marqueur du risque. Dans un cas comme celui-là, je m’inquiéterais. À vrai dire, j’envisagerais d’autres tests diagnostiques et j’amorcerais probablement un traitement hypolipidémiant si je soupçonnais un problème sous-jacent», affirme le Dr Ballantyne, qui ajoute qu’en pareil cas, une tomodensitométrie ou un autre examen seraient peut-être indiqués pour déceler la présence de lésions infracliniques.

Il n’est pas le seul à voir la situation de cet œil. Commentant un cas semblable, le Dr Nissen a rappelé à l’auditoire que les lignes directrices laissent souvent pour compte des patients qui se dirigent tout droit vers une maladie CV symptomatique. Chez un patient qui présente plusieurs caractéristiques d’un syndrome métabolique imminent, comme un ratio taille:hanches anormal et une anomalie de la glycémie à jeun, il envisagerait lui aussi une intervention précoce. S’il insiste sur le fait que les antécédents familiaux constituent une bonne raison de traiter plus énergiquement les patients dont les facteurs de risque ne justifient pas un traitement selon les lignes directrices, poursuit-il, «la prévention demeure au cœur de notre mission. Nous devons nous demander comment nous pouvons prévenir les maladies CV plutôt que de simplement les traiter.»

Le Dr Roberts, dont la recherche est axée sur la génétique des maladies CV, pense lui aussi que les antécédents familiaux devraient nous inciter fortement à envisager un traitement hypolipidémiant intensif à un stade précoce. Des essais comme METEOR modifieront peut-être nos théories sur le moment optimal pour intervenir, dit-il, car les résultats semblent indiquer qu’un taux de LDL toujours plus bas est souhaitable, peu importe l’ampleur de l’élévation du risque CV.

Stratégies

Il n’est pas encore établi que la prévention de la progression de l’athérosclérose est l’objectif du traitement hypolipidémiant, surtout en prévention primaire, mais il reste qu’un tel objectif nécessite un traitement intensif. Pour atteindre un taux de LDL d’environ 2,0 mmol/L, une réduction d’au moins 50 % du taux initial s’impose chez de nombreux patients. Au dire du Dr Ballantyne, l’atorvastatine à 80 mg ou la rosuvastatine à 20 mg sont les seules options dont on dispose pour obtenir une réduction de 50 % ou plus du taux de LDL à l’aide d’une statine en monothérapie. Cela dit, il est possible d’obtenir une baisse de même ampleur en administrant une statine d’efficacité plus modérée à la dose maximale en concomitance avec 10 mg d’ézétimibe (Ballantyne et al. Am J Cardiol 2007; sous presse). Dans les cas où une réduction encore plus marquée du taux de LDL est nécessaire, poursuit le Dr Ballantyne, l’association rosuvastatine-ézétimibe peut autoriser une réduction supérieure à 70 %, ce qu’il n’avait encore jamais vu avec un traitement pharmacologique.

D’aucuns craignent que l’administration d’une statine à forte dose entraîne l’apparition de myalgies, mais ce risque ne semble pas lié à la baisse du taux de LDL. Lors de l’essai METEOR, l’incidence des myalgies était de 12,7 % sous rosuvastatine vs 12,1 % sous placebo, ce qui représente une différence non significative malgré un taux de LDL qui était environ deux fois plus élevé dans le groupe placebo que dans le groupe traitement actif. Des arthralgies ont été signalées chez 10,1 % des sujets sous rosuvastatine vs 7,1 % des sujets sous placebo. Les raideurs musculosquelettiques et les cas de myasthénie étaient peu fréquents dans l’un ou l’autre groupe, et on a même observé un avantage numérique, quoique non significatif, en faveur de la rosuvastatine. D’après le Dr Michael H. Davidson, directeur, Preventive Cardiology Center, Rush University Medical Center, Chicago, Illinois, ces statistiques concordent avec les résultats d’un essai dont l’objectif était d’évaluer les myalgies associées à la rosuvastatine chez des patients qui avaient mis fin à un autre traitement en raison de cet effet indésirable particulier ou d’un autre effet indésirable. Après un traitement d’une durée médiane de 44 semaines, des myalgies sont apparues chez un seul des 61 patients qui étaient passés à la rosuvastatine à 10 mg (Glueck et al. Clin Ther 2006; 28:933-42).

«Les statines sont aussi sûres que [l’AAS] et au moins aussi efficaces, peut-être même plus, pour réduire le risque CV», enchaîne le Dr Davidson. Inquiet du fait que les médecins n’utilisent pas ces agents assez intensément et que les patients ne sont pas suffisamment rassurés quant à leur innocuité, il insiste sur la nécessité de promouvoir davantage un traitement approprié et une meilleure observance du traitement. Une morbi-mortalité substantielle pourrait être évitée si les médecins prescrivaient les statines à une dose optimale et s’ils maintenaient leurs patients sous statine, toujours à une dose optimale.

«Pour chaque tranche de un million de personnes hypercholestérolémiques, les statines préviendront 10 000 événements CV, mais seulement un ou deux patients subiront des effets indésirables graves pouvant menacer le pronostic vital», fait remarquer le Dr Davidson. Non seulement les résultats de la nouvelle étude confirment-ils l’innocuité de ces agents, mais ils augmentent aussi la proportion de patients chez qui le traitement doit être envisagé.

Résumé

L’essai comparatif avec placebo METEOR – qui a révélé que la progression de l’athérosclérose peut être arrêtée même chez les patients qui ne présentent aucun symptôme et dont le risque sur 10 ans d’événement CV est assez faible – a confirmé le rôle clé du taux de LDL dans la modification de l’évolution naturelle de la maladie. L’étude confirme également une protection similaire contre l’athérosclérose chez les patients dont la maladie coronarienne est avérée et établit qu’un taux de LDL d’environ 2,0 mmol/L s’impose pour prévenir la progression. Bien qu’un essai visant à évaluer l’incidence des événements soit nécessaire pour confirmer que cet arrêt de la progression diminue le risque d’événement CV chez les patients ne présentant aucun symptôme, l’essai METEOR ajoute du poids à l’importance d’une baisse intensive du taux de LDL chez les patients qui bénéficieraient de cette stratégie de réduction du risque.

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