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Accroître la protection contre la grippe chez les plus vulnérables : regard sur les vaccins antigrippaux avec adjuvant

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 11e Conférence canadienne sur l’immunisation

Ottawa, Ontario / 2-4 décembre 2014

Ottawa - Le fardeau de morbidité associé à la grippe est considérable, mais il est particulièrement lourd chez les très jeunes enfants et les personnes âgées. La réponse au vaccin antigrippal standard n’étant pas optimale dans ces deux groupes d’âge les plus vulnérables, il y a lieu de stimuler la réponse immunitaire pour mieux les protéger. Plusieurs stratégies d’immunisation peuvent accroître l’immunogénicité d’un vaccin, mais l’une des plus efficaces consiste en l’ajout d’un puissant adjuvant à la préparation vaccinale. À en juger par la comparaison du vaccin antigrippal trivalent additionné de l’adjuvant MF59 (VTIa-MF59) à des vaccins antigrippaux standards sans adjuvant à la fois chez de très jeunes enfants et chez des sujets de plus de 65 ans, le VTIa-MF59 est associé à une réponse immune supérieure et il est sûr dans les deux groupes. Le VTIa-MF59 produit une réponse anticorps beaucoup plus robuste chez les jeunes enfants, ce qui est important, car les enfants ont besoin de titres d’anticorps plus élevés afin d’être protégés contre la grippe. De même, la protection usuelle ne suffit pas chez les femmes enceintes, si bien que ces dernières auraient aussi intérêt à recevoir le VTIa-MF59.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les taux de morbidité et de mortalité associés à la grippe sont démesurément élevés chez les très jeunes enfants et les sujets très âgés. En 2013-2014, selon les données d’IMPACT recueillies dans 12 hôpitaux pédiatriques participants du Canada, environ 16 % des enfants âgés de 0 à 5 mois et environ 28 % des enfants âgés de 6 à 23 mois et de 2 à 4 ans ont été hospitalisés pour cause de grippe. «Au chapitre des taux d’hospitalisation, ces statistiques ressemblent étrangement à ce que l’on observe chez les 65 ans et plus», fait valoir le Dr Dat Trans, professeur titulaire de pédiatrie, University of Toronto.

Le vaccin antigrippal à virus vivant atténué est efficace pour prévenir la grippe chez les enfants de moins de 6 ans, ajoute-t-il; il suffit en effet de vacciner 6 enfants de 2 à 6 ans pour prévenir un épisode dans ce groupe d’âge. Cela dit, chez les enfants de 2 ans ou moins, il n’y a pas de données prouvant l’efficacité de ce vaccin, et les vaccins antigrippaux à virus inactivé ne sont pas plus efficaces qu’un placebo pour prévenir l’infection.

Par ailleurs, la couverture des jeunes enfants du Canada par le vaccin antigrippal est faible, ce qui témoigne probablement d’un manque de données sur l’utilisation du vaccin chez les très jeunes enfants et d’une efficacité médiocre selon les données dont on dispose. À l’autre extrême de la vie, les personnes âgées sont plus susceptibles de succomber à la grippe ou à d’autres infections respiratoires du fait qu’elles risquent davantage de développer une surinfection bactérienne secondaire mortelle.

L’immunosénescence se caractérise par un certain nombre de déficits immunitaires, mais un individu est d’autant plus susceptible de développer une infection que son indice fonctionnel est mauvais. Aussi est-il toujours plus important de tenter de prévenir la grippe chez les personnes âgées fragiles afin de prévenir une infection bactérienne secondaire qui pourrait s’avérer mortelle, affirme le Dr Mark Loeb, directeur de la Division des maladies infectieuses, McMaster University, Hamilton. Selon une revue des vaccins antigrippaux par la Collaboration Cochrane (Cochrane Database Syst Rev. 2010;7:CD001269), les vaccins peuvent offrir aux personnes âgées une protection de 50 à 60 % contre l’infection selon la concordance entre les souches vaccinales et les souches en circulation.

Par contre, les taux de protection s’émoussent substantiellement lorsqu’un piètre indice fonctionnel est pris en compte, note le Dr Loeb. Vu les «obstacles immunitaires» importants à surmonter chez la personne âgée, il faut se tourner vers diverses stratégies de protection, notamment les vaccins intradermiques et les vaccins à forte dose, lesquels peuvent tous deux contribuer à stimuler l’immunogénicité dans un contexte d’immunosénescence.

Comme l’a montré leur recherche, en vaccinant des enfants au sein de colonies huttérites, le Dr Loeb et ses collègues ont pu atteindre un niveau de protection d’environ 60 % chez des sujets jamais vaccinés; c’est un moyen indirect de protéger les adultes», affirme le Dr Loeb.

L’ajout d’un adjuvant au vaccin est une autre façon de stimuler la réponse immunitaire au vaccin antigrippal, poursuit-il.

Vaccins antigrippaux avec adjuvant

Le vaccin antigrippal trivalent inactivé à sous-unités renfermant l’adjuvant MF59 (VTIa-MF59) (FluadMD) est prescrit aux personnes âgées en Europe depuis 1997. «Ce vaccin n’a fait l’objet d’aucun essai avec randomisation», souligne le Dr Steven Black, professeur titulaire de pédiatrie, University of Cincinnati, Cincinnati, Ohio. Par contre, une vaste étude d’observation, l’étude LIVE (Lombardia Influenza Vaccine Effectiveness), a porté sur quelques saisons grippales entre 2006 et 2009.

L’efficacité du VTIa-MF59 a été comparée à celle d’un vaccin trivalent inactivé (VTI) chez des résidants de 65 ans ou plus. Fait digne de mention, le vaccin avec adjuvant était recommandé chez les sujets en moins bonne forme de cette étude. Au terme de l’étude, les chercheurs ont constaté que le VTIa-MF59 – comparativement au VTI – avait conféré une protection 25 % plus élevée contre l’influenza durant les pics d’activité grippale.

Selon une étude comparative sur l’efficacité du VTIa et d’un VTI chez des sujets vivant à domicile et des sujets vivant dans un centre de soins prolongés, le VTIa a été associé à une protection significative, plus précisément à une protection d’environ 60 % au sein de la cohorte dans son ensemble et d’environ 72 % chez les sujets ne vivant pas dans un centre de soins prolongés (Vaccine. 2013;31:6122-8).

Chez des enfants de 6 à 72 mois, la moyenne géométrique des titres d’anticorps (MGT) après deux doses du VTIa a atteint 746, par comparaison à 92 après deux doses d’un VTI et à 12 chez des témoins qui n’avaient reçu aucun vaccin. Ces MGT se sont traduites par un taux d’efficacité de 89 % pour le VTIa comparativement à 43 % pour le VTI. La protection contre les souches hétérologues – c’est-à-dire les souches ayant subi un glissement antigénique par rapport aux souches vaccinales – est jusqu’à 6 fois plus élevée sous l’effet du vaccin avec adjuvant; ainsi, «non seulement le vaccin avec adjuvant permet-il d’obtenir des titres d’anticorps plus élevés contre les souches vaccinales, mais il pourrait aussi protéger contre ces souches variantes», explique le Dr Black. Un effet protecteur a été observé après la première dose dans le groupe VTIa, alors qu’il ne l’a été qu’après la deuxième dose dans le groupe recevant le vaccin sans adjuvant, précise-t-il.

Titres IH plus élevés

Autre fait important, on doit obtenir des titres d’inhibition de l’hémagglutination (IH) plus élevés chez les jeunes enfants que chez les adultes pour bien protéger les enfants contre l’influenza. Chez les adultes, un titre d’anticorps de 1:40 procure une protection d’environ 50 % contre l’infection – «ce qui est, étonnamment, plus ou moins ce que nous voyons avec les vaccins antigrippaux», fait remarquer le Dr Black. Chez les enfants, une probabilité de protection de 50 % est corrélée avec un titre d’anticorps de 1:110. Pour obtenir une probabilité de protection de 80 % — ce qui correspondrait davantage au degré de protection que recherchent les autorités sanitaires –, les titres d’anticorps doivent atteindre au moins 1:330.

Dans une étude de Nolan et al. (Vaccine. 2014;32:6146-56), le VTIa-MF59 a non seulement généré des anticorps plus rapidement (après une dose unique), mais les titres IH étaient aussi plus élevés et plus durables que les titres associés aux vaccins de comparaison sans adjuvant; il a en outre été associé à des taux de séroprotection systématiquement plus élevés pour des titres IH seuils plus élevés.

L’immunogénicité accrue du VTIa a donné lieu à des titres IH plus élevés, qui sont probablement des corrélats plus significatifs de protection clinique contre la grippe chez les nourrissons et les jeunes enfants, indiquent les auteurs de l’étude.

Les femmes enceintes représentent un autre groupe qui aurait intérêt à recevoir le VTIa-MF59. Selon de récentes données, un VTI n’offrirait qu’une protection d’environ 50 % aux femmes enceintes et à leur nourrisson. «Les bébés dont la mère a développé une grippe pendant la grossesse risquent davantage de naître prématurément et d’avoir un faible poids de naissance, poursuit le Dr Black; il s’agit donc d’une autre population cible pour laquelle ce vaccin pourrait être envisagé.» Aucun problème d’innocuité n’a été signalé chez les femmes enceintes ayant reçu le vaccin avec adjuvant ou les vaccins sans adjuvant, enchaîne-t-il. Chez les jeunes enfants, la réactogénicité du VTIa est très semblable à celle d’un VTI.

«Nous avons beaucoup d’expérience avec le vaccin renfermant un adjuvant, et tout indique qu’il est sûr dans toutes les populations où il a été évalué; le vaccin est plus efficace pour ce qui est d’induire une réponse immunitaire, tant contre les souches homologues que contre les souches hétérologues, chez les adultes âgés et les enfants», conclut le Dr Black.

«[Comme] les VTI offrent une protection sous-optimale chez les enfants, les personnes âgées et les femmes enceintes, tout milite en faveur d’une utilisation accrue du VTIa dans ces populations.»

Résumé

Les enfants de moins de 2 ans ne répondent pas bien aux vaccins antigrippaux injectables standards, de sorte qu’un vaccin hautement efficace chez les nourrissons et les jeunes enfants viendrait combler un grand vide au chapitre des maladies évitables par la vaccination. De même, le système immunitaire vieillissant expose une proportion élevée de la population au risque de grippe et de ses complications, alors que les vaccins sans adjuvant actuellement utilisés ne sont que modérément efficaces pour protéger les femmes enceintes et les nourrissons contre la grippe. Nous avons donc de solides arguments pour promouvoir une utilisation accrue du VTIa dans ces trois populations en particulier et pour alléger le lourd fardeau de morbidité associé à l’infection grippale.

 

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