Comptes rendus

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Retombées de l'inhibition de l'IL-17A sur la sévérité de la maladie et les changements structuraux dans la spondylarthrite axiale

Actualisation de données à long terme sur l’inhibition de l’IL-17A dans le traitement du psoriasis

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIERES MEDICALES - 26e Congrès de la European Academy of Dermatology and Venereology

Genève, Suisse / 13-17 septembre 2017

Genève - Nous disposons maintenant de données à long terme sur les inhibiteurs de l’interleukine (IL)-17A dans le traitement du psoriasis en plaques modéré ou sévère et de l’arthrite psoriasique. Ces données – qui proviennent de prolongations ouvertes d’études de phase II et III – prouvent avec éloquence que de bonnes réponses PASI (Psoriasis Area and Severity Index) 75, 90 et 100 observées en début de traitement peuvent durer jusqu’à 5 ans, sans pour autant entraîner de nouveaux problèmes d’innocuité. Des registres aideront à mieux cerner les retombées des inhibiteurs de l’IL-17A dans la pratique.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Le rôle des inhibiteurs de l’interleukine (IL)-17A est bien établi dans le traitement du psoriasis, l’IL-17A étant une cytokine clé dans la pathogenèse du psoriasis et de l’arthrite psoriasique (APs).

De nouvelles données montrent que les inhibiteurs de l’IL-17A peuvent maintenir le blanchiment de la peau à long terme. Les données à 5 ans de la prolongation d’une étude de phase III ont en effet objectivé l’effet durable du sécukinumab, anticorps monoclonal anti-IL-17A entièrement humain, chez des patients atteints de psoriasis modéré ou sévère. Des études de phase II sur l’ixékizumab, anticorps monoclonal anti-IgG4 humanisé qui neutralise l’IL-17A, et sur le brodalumab, anticorps monoclonal anti-IL17-RA, ont également permis de générer des données d’efficacité et d’innocuité pendant 5 ans.

Pourquoi cibler l’IL-17?

L’IL-17A est une cytokine pro-inflammatoire qui contribue à la défense de l’hôte et à diverses pathologies immuno-inflammatoires. L’IL-17A est un médiateur important dans le psoriasis en plaques et l’APs. L’IL-17A représente donc une cible rationnelle dans le traitement du psoriasis et de l’APs puisqu’elle est présente dans l’épiderme et les articulations. «Lorsqu’on la cible, on observe des effets bénéfiques à la fois rapides et robustes», affirme le Dr Richard Langley, directeur de la recherche, division de dermatologie, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada.

Jamais un inhibiteur de l’IL-17A n’a permis un tel niveau de blanchiment chez des patients atteints de psoriasis, sans compter que son action a été rapide : 65 à 80 % des patients étaient parvenus à une réponse PASI 90 à 16 semaines. L’amélioration de la qualité de vie est d’autant plus marquée que la réponse PASI est bonne, et la probabilité de parvenir à une réponse DLQI (Dermatology Life Quality Index) est d’autant plus élevée que la variation en pourcentage de la réponse PASI par rapport aux valeurs de départ est marquée.

Cette amélioration rapide de la réponse se maintient. «Très peu de patients nous échappent au fil du temps, dit-il. Nous avons le privilège de pouvoir rendre nos patients heureux à court terme [grâce à l’utilisation d’inhibiteurs de l’IL-17A], et la durabilité de la rémission est de mieux en mieux établie. Les données à 5 ans présentées au congrès nous permettent de rassurer nos patients.»

Prolongation ouverte d’études de phase II

Ixékizumab. Le Dr Andrew Blauvelt, Oregon Medical Research Center, Portland, États-Unis, a présenté des données d’efficacité et d’innocuité ainsi que d’autres données liées la santé qui ont été recueillies pendant 5 ans chez des patients traités par l’ixékizumab pour un psoriasis en plaques chronique dans le cadre de la prolongation ouverte d’un essai de phase II. Dans l'étude, la dose d'ixékizumab a été ramenée à 80 mg toutes les 4 semaines en vertu d'une modification du protocole afin d'être conforme au schéma utilisé dans les essais de phase III, lequel schéma a ensuite été homologué; il n’y a donc pas de données d’efficacité et d’innocuité reliées à l’utilisation exclusive de la dose de 80 mg.

Après avoir terminé le traitement qu’ils avaient reçu aléatoirement et pris un congé thérapeutique de 12 semaines, 120 des 192 patients ont participé à la phase de prolongation à long terme en mode ouvert, et 67 (55,8 %) ont reçu le traitement pendant au moins 5 ans. «Les taux de réponse clinique sont demeurés stables tout au long de la prolongation», précise le Dr Blauvelt. Le taux de réponse PASI 75 – qui s’élevait à 86 % à 52 semaines – se chiffrait à 83 % après la prolongation ouverte de 240 semaines. Des tendances similaires se sont dessinées pour les réponses PASI 90 (74 % à 52 semaines et 88 % à 240 semaines) et PASI 100 (53 % et 45 %, respectivement).

Le taux de réponse sPGA (static Physician Global Assessment) sous ixékizumab s’est maintenu pendant 4,5 ans de traitement ouvert, tant avec la méthode du report en aval de la dernière observation (imputation) qu’avec la méthode des cas observés. Une réponse sPGA de 0-1 sur l’échelle de 5 points avait été atteinte chez 72 % des patients à 52 semaines et chez 64 % à 240 semaines, tandis qu’une réponse sPGA de 0 avait été atteinte chez 54 % et 48 % des patients à 52 et 240 semaines, respectivement.

«Pendant la prolongation ouverte, la plupart des effets indésirables survenus sous traitement ont été qualifiés de légers ou modérés», affirme le Dr Blauvelt. Des effets indésirables sont survenus sous traitement chez 60,0 % des patients des semaines 1 à 52, et chez 50,0 % des patients des semaines 208 à 260.

L’ixékizumab a aussi permis des améliorations durables du DLQI et une diminution durable du prurit pendant les 4,5 années de traitement. Entre le début de l’étude et la semaine 240, le DLQI a varié de -8,3 (moyenne) et le score du prurit sur une échelle visuelle analogique, de -43,6 (moyenne).

Brodalumab. Le taux de blanchiment complet se maintenait toujours après environ 5 ans dans le cadre de la prolongation ouverte d’une étude de phase II de détermination de la dose de 12 semaines chez des patients atteints de psoriasis modéré ou sévère. Les patients inscrits dans l’étude de 12 semaines avaient reçu soit du brodalumab (70/140/210 mg toutes les 2 semaines, avec dose d’attaque à la semaine 1, ou 280 mg toutes les 4 semaines), soit un placebo.

Quelque 181 patients ont été admis à la prolongation ouverte, pendant laquelle tous les patients ont d’abord reçu 210 mg de brodalumab toutes les 2 semaines; en vertu d’une modification du protocole effectuée après environ 1 an, les patients dont le poids était ≤ 100 kg pouvaient passer à 140 mg toutes les 2 semaines (n=118); à la suite d’une deuxième modification du protocole, les patients dont la réponse à la dose de 140 mg était inadéquate pouvaient revenir à 210 mg toutes les 2 semaines (n=30). Parmi les 181 patients, 107 (59,1 %) étaient toujours sous traitement à 264 semaines (exposition médiane de 264 semaines).

«La réponse est demeurée très robuste chez les patients dont la maladie était bien maîtrisée au début du traitement, à 12 semaines plus précisément», explique le Dr Kim Papp, Probity Medical Research, Waterloo, Ontario, Canada. Les patients parvenus à une réponse PASI 100 sont ceux chez qui la réponse se maintenait le mieux à 5 ans.»

À 12 semaines, 62,9 % des patients étaient parvenus à une réponse PASI 100, et cette réponse se maintenait à 240 semaines chez 59,4 % des patients. L’amélioration moyenne de la réponse PASI se chiffrait à 95,4 % à 12 semaines et à 92,1 % à 240 semaines. À la dernière visite de l’étude (semaine 264), les patients ne recevaient plus de traitement depuis au moins 6 semaines, ce qui a entraîné une diminution de la réponse dans tous les groupes de traitement.

Prolongation ouverte d’une étude de phase III

Sécukinumab. L’étude multicentrique de phase III SCULPTURE sur le sécukinumab est la seule pour laquelle nous disposons de données de prolongation à 5 ans sur un inhibiteur de l’IL-17A.

Les patients atteints d’un psoriasis en plaques modéré ou sévère qui avaient reçu leur traitement à double insu pendant la totalité des 52 semaines de l’essai SCULPTURE ont participé à une prolongation à l’insu jusqu'à la semaine 156, puis à une prolongation ouverte jusqu’à la semaine 260. Cette prolongation avait pour objectif principal d’évaluer la tolérabilité et l’innocuité à long terme du sécukinumab. Au nombre des critères de jugement de l’efficacité figurait la proportion de patients parvenus aux réponses PASI 75, PASI 90, et PASI 100.

Dans SCULPTURE, les patients parvenus à une réponse PASI 75 à 12 semaines ont été randomisés de façon à recevoir à double insu un traitement d’entretien à raison de 300 mg ou de 150 mg de sécukinumab, soit à intervalles fixes de 4 semaines, soit au besoin. Les 642 patients qui ont reçu leur traitement pendant la totalité des 52 semaines ont pu continuer de recevoir la même dose et le même schéma durant la prolongation.

La prolongation de 5 ans a permis de confirmer l’efficacité durable du traitement (Figure 1). Dans l’essai initial, à 52 semaines, 89 % et 69 % des 162 patients étaient parvenus aux réponses PASI 75 et PASI 90, respectivement. L’analyse des résultats à 5 ans a permis d’objectiver des réponses PASI 75 et PASI 90 chez 89 % et 66 % des patients (n=122), respectivement. À 1 an, quelque 44 % des patients bénéficiaient d’un blanchiment complet (PASI 100), et ce taux se maintenait à 5 ans (41 %).

Figure 1.

L’analyse a été effectuée non seulement sur la base des cas observés, mais aussi d’imputations multiples. «Peu importe la méthode d’analyse, cette molécule demeure efficace à long terme, poursuit le Dr Langley. Évidemment, ce ne sont pas tous les patients qui continuent de répondre à un médicament, quel qu’il soit. Il y aura toujours des abandons, mais je trouve ces résultats rassurants.»

Le sécukinumab est demeuré associé à un profil d’innocuité favorable et homogène (Tableau 1) de même qu’à une faible immunogénicité. Les effets indésirables ont motivé l’arrêt du traitement chez seulement 10 patients (6,6 %). Les plus fréquents sont demeurés la rhinopharyngite, les infections des voies respiratoires supérieures, et les céphalées.

Tableau 1.

Analyse des résultats à long terme dans la pratique à l’aide d’un registre

«Les registres sont d’excellentes sources d’information non seulement pour l’innocuité à long terme, mais aussi pour la durabilité de la réponse», précise le Dr Langley.

Il est toutefois difficile de comparer des agents quant à leur efficacité à long terme, parce qu’on optimise souvent le traitement en ajustant la dose et l’intervalle. Il est fréquent que le traitement soit ajusté après l’obtention d’une réponse PASI 75, les patients étant en quête de résultats encore meilleurs, dit-il.

Le registre prospectif PURE – qui cible des patients atteints de psoriasis en plaques chronique modéré ou sévère et ayant reçu du sécukinumab ou un autre agent homologué en Amérique latine ou au Canada – vise un effectif de 2500 patients soignés dans 90 centres de dermatologie communautaires et hospitaliers. L’étude prévoit un suivi de 5 ans.

Une analyse intermédiaire regroupant 497 patients (186 sous sécukinumab et 311 recevant un autre traitement) a montré que la plupart des patients avaient reçu un autre traitement antipsoriasique avant leur traitement en cours (91,9 % dans le groupe sécukinumab  et 86,5 % dans l’autre groupe; p=0,001). Les patients sous sécukinumab étaient plus nombreux à avoir déjà reçu un agent biologique (60,8 % vs 20,3 %; p=0,001).

Les scores PASI antérieurs étaient pires chez les patients sous sécukinumab que chez les patients recevant un autre traitement (17,6 vs 14,0; p=0,002). Une affection concomitante passée ou en cours était présente chez plus de 80 % des patients. Les patients sous sécukinumab étaient aussi plus nombreux, en proportion, à souffrir d’APs (18,8 % vs 10,9 %; p=0,014).

Les analyses futures porteront sur la pratique réelle, plus particulièrement sur l’innocuité, l’efficacité, et l’utilisation des ressources du système de santé, chez des patients recevant du sécukinumab et d’autres traitements approuvés, mais en raison de différences significatives quant aux caractéristiques des patients admis, «l’interprétation des résultats commandera la prudence», concluent les auteurs.  

Questions et réponses

Les réponses aux questions suivantes sont celles des Drs Kim Papp, Probity Medical Research, Waterloo, Ontario, Canada, et Richard Langley, directeur de la recherche, division de dermatologie, Dalhousie University, Halifax, Nouvelle-Écosse, Canada.

Q : Les inhibiteurs de l’IL-17A sont maintenant bien établis. Comment l’avènement de ces agents biologiques est-il venu modifier le traitement de référence du psoriasis? 

Dr Papp : Les attentes quant au degré de blanchiment sont beaucoup plus grandes. Lorsque la réponse PASI 75 est devenue une cible, il y a de cela une vingtaine d’années, c’était un seuil raisonnable. C’était le critère que nous utilisions pour mesurer la réponse parce que la plupart des médicaments de l’époque, les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale (TNF) par exemple, ne permettaient pas d’obtenir de réponses tellement meilleures. Lorsque les inhibiteurs de l’IL-17A ont été mis au point, la première étape a été de trouver la dose optimale pour le traitement du psoriasis. Comme une exposition plus importante devenait possible, ces agents se sont révélés beaucoup plus efficaces que les inhibiteurs du TNF.

Dr Langley : Nous reconnaissons que la voie IL-23/Th17/IL-17A joue un rôle clé dans la régulation du psoriasis. L’amélioration rapide, robuste et durable du psoriasis observée avec les inhibiteurs de l’IL-17A lors des essais cliniques a contribué à le confirmer.

De même, de récentes données tirées d’études sur l’ixékizumab et des études FUTURE sur le sécukinumab ont montré que ces agents étaient aussi efficaces dans le traitement de l’arthrite psoriasique (APs) que les inhibiteurs du TNF, lesquels avaient jusque-là été le traitement de référence de l’APs.

Q : Dans la pratique, quelles sont les plus grandes retombées sur le traitement de référence chez ces patients?

Dr Langley : Les inhibiteurs de l’IL-17A sont associés à un pourcentage élevé de patients parvenant à une réponse PASI 90 ou PASI 100. Le blanchiment/quasi-blanchiment est très important pour les patients; une forte corrélation avec le DermatologicQuality of Life Index a d’ailleurs été démontrée. Les patients nous disent essentiellement qu’ils jouissent d’une qualité de vie normale, et certains peuvent maintenant porter des shorts ou des vêtements qui exposent leurs bras.

Q : Pourquoi les données à 5 ans sont-elles importantes pour les médecins?

Dr Papp : Les données à 5 ans sont importantes aux yeux de n’importe quel médecin qui prescrit un agent biologique pour traiter un psoriasis parce qu’elles sont annonciatrices de la durabilité de la réponse et de la capacité d’un agent en particulier non seulement de maintenir la réponse, mais aussi de maintenir une réponse solide. Une période de 5 ans permet aussi de bien évaluer l’innocuité.

Q: Quelle est l’importance d’un registre et, en particulier, du registre PURE?

Dr Papp : Même si les critères d’inclusion des essais cliniques sont plus souples qu’il y a 5 ou 6 ans, ils demeurent tout de même très stricts. Les données d’un registre sont utiles de deux façons.

D’abord, elles viennent conforter ou compléter les résultats des essais cliniques. Ensuite, elles nous permettent de mieux cerner les éventuels problèmes d’innocuité dans la pratique chez des patients atteints de maladies préexistantes ou concomitantes. Le registre est aussi un coup d’œil sur la réalité quant à la durabilité de la réponse.

 

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