Comptes rendus

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Amélioration significative des résultats cliniques dans le myélome multiple grâce aux agents innovants

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 15e Congrès de la European Hematology Association (EHA)

Barcelone, Espagne / 10-13 juin 2010

L’avènement des agents innovants dans le traitement de première intention du myélome multiple (MM) a amélioré notablement les résultats cliniques. Cela dit, les décisions thérapeutiques reposent encore en grande partie sur les particularités du patient, notamment l’âge, la présence d’un profil cytogénétique à risque élevé et la comorbidité.

«Auparavant, la rémission complète [RC] était rare», rappelle la Dre Maria-Victoria Mateos, consultante, Hospital Universitario de Salamanca, Espagne. Aujourd’hui, c’est un objectif prioritaire dans tous les cas de MM, précise-t-elle, puisqu’on observe une diminution significative de l’intervalle sans progression (ISP), de la survie sans progression (SSP) et de la survie globale (OS) chez les patients qui obtiennent une quasi-RC ou conservent une maladie résiduelle minimale, qu’ils aient fait ou non l’objet d’une greffe.

Résultats de l’essai VISTA

L’intensité et la durée de la RC constituent des facteurs déterminants : plus la RC est profonde et durable, plus l’ISP, l’intervalle sans traitement (IST) et la SG augmentent, fait remarquer la Dre Mateos. Ainsi, dans l’essai de phase III VISTA (Velcade as Initial Standard Therapy in multiple myelomA), l’IST chez les sujets parvenus à une RC a été de 17,6 mois dans le groupe bortézomib/melphalan/prednisone (VMP), comparativement à 8,4 mois dans le groupe melphalan/prednisone (MP) (p<0,001).

Les sujets VISTA parvenus à une RC sous VMP étaient plus susceptibles de profiter d’un IST plus long que les patients ayant obtenu une réponse partielle (RP) grâce à cette même trithérapie, et l’écart était significatif (p<0,0001). À trois ans, 68,5 % des patients du groupe VMP étaient encore en vie, contre 54 % des patients du groupe MP; le schéma VMP a donc été associé à une baisse de 35 % du risque de mortalité par rapport au schéma MP.

Environ le tiers des patients atteints d’un MM ont un profil cytogénétique défavorable, affirme le Pr Philippe Moreau, chef du Service d’hématologie, CHU de Nantes, France. Dans l’espoir de triompher du sombre pronostic réservé à ces patients, des chercheurs ont tenté d’administrer plusieurs agents innovants en première intention, dont la thalidomide et le lénalidomide, mais aucun de ces immunomodulateurs (IMiD) n’a amélioré les résultats obtenus dans cette population, souligne le Pr Moreau.

En revanche, dans le groupe VMP de l’essai VISTA, que le profil cytogénétique ait été à risque standard ou élevé, on a obtenu des taux de RC et des ISP fort semblables. Après un suivi médian de 36,7 mois, la médiane de SG n’a pas encore été atteinte dans le groupe VMP, alors qu’elle s’est établie à 40 mois chez les quelques sujets de ce groupe ayant un profil cytogénétique à risque élevé.

Effets rénaux

Une insuffisance, voire une défaillance rénale, apparaît chez environ 40 % des patients souffrant d’un MM, poursuit le Pr Moreau, «et nous devons intervenir rapidement pour soulager le patient du fardeau de la maladie et améliorer sa fonction rénale». Ici encore, l’essai VISTA a montré que la trithérapie VMP était plus efficace que le schéma MP en présence d’une insuffisance rénale, comme en ont témoigné le taux de RC, le délai d’obtention d’une première réponse, la durée de la réponse et l’ISP. Mais, constatation plus importante encore, les profils d’efficacité et d’innocuité étaient comparables chez les sujets dont le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) était =50 mL/min et ceux dont le DFGe dépassait 50 mL/min. De plus, le DFG s’est amélioré pendant le traitement – passant de <50 mL/min au départ à >60 mL/min - chez environ 44 % des patients sous VMP, contre 34 % des patients sous MP.

Selon une étude récente de Roussou et de ses collaborateurs (Leuk Res 2010, sous presse), des patients ayant reçu depuis peu un diagnostic de MM et dont la fonction rénale était insuffisante dès le départ (clairance de la créatinine [ClCr] <50 mL/min) sont parvenus à une rémission rénale complète en plus grand nombre sous bortézomib (71 %) que sous IMiD (45 %) ou chimiothérapie traditionnelle (41 %), et la différence était significative. Le délai médian d’obtention d’une réponse rénale majeure était également beaucoup plus court dans le groupe bortézomib, soit 0,69 mois, que dans les groupes IMiD (1,6 mois) et chimiothérapie traditionnelle (1,8 mois). Enfin, ajoute le Pr Moreau, l’amélioration rapide de la fonction rénale (un mois ou moins) laissait présager une survie plus longue.

Traitement fortement dosé

Le MM, ont fait observer les conférenciers, est diagnostiqué à un âge médian de 70 ans; cela signifie que plus de la moitié des patients ne sont pas admissibles à un traitement fortement dosé lorsqu’ils reçoivent leur diagnostic. Chez les patients qui le sont, toutefois, ce traitement, jumelé à l’autogreffe de cellules souches (AGCS), demeure le traitement de référence. Comme l’a déclaré le Dr Meletios Dimopoulos, professeur titulaire et directeur, Département de thérapeutique clinique, École de médecine de l’Université d’Athènes, Grèce, les données ne vont plus dans le sens des associations «classiques» vincristine/doxorubicine/dexaméthasone (VAD) et cyclophosphamide/dexaméthasone (CyDex), mais plutôt d’une trithérapie d’induction comprenant au moins un agent innovant, suivie d’un prélèvement de cellules souches, d’un traitement fortement dosé par le melphalan et de la perfusion des cellules souches.

La réponse postgreffe est déterminante pour la survie, insiste la Dre Laura Rosiñol, spécialiste en hématologie, Hospital Clínico, Barcelone, Espagne. Ainsi, la survie médiane avoisine les 10 ans chez les greffés qui parviennent à une RC par rapport à quatre ans chez ceux qui obtiennent une RP. Les taux de RC, tant antérieurs qu’ultérieurs à l’AGCS, sont exceptionnels par rapport à ceux des témoins historiques. En effet, selon les données de la Dre Rosiñol (ASH 2009, résumé no 130), la trithérapie d’induction bortézomib/thalidomide/dexaméthasone (VTD) produit un taux de RC prégreffe de 31 % et postgreffe de 52 %. On a également fait état de taux de RC «sans précédent» lors de l’ajout d’un agent innovant à une bithérapie MP de fond chez des patients non admissibles à l’autogreffe, que cet agent innovant ait été la thalidomide (15 %), le lénalidomide (13 à 18 %) ou le bortézomib (30 % selon les données de l’essai VISTA).

Maintien de l’efficacité en traitement de rattrapage

Lors de l’essai VISTA, les traitements de rattrapage ont semblé aussi efficaces dans les deux groupes, ce qui indique que les agents innovants demeurent utiles en cas de rechute, même si on a administré du bortézomib en première intention. En fait, selon les résultats présentés devant l’EHA, on peut même utiliser le bortézomib en première intention, puis y recourir de nouveau lors d’une rechute. En effet, comme l’explique la Dre Maria Teresa Petrucci, Università degli studi di Roma “La Sapienza”, Rome, Italie, 126 patients évaluables ayant rechuté six mois ou plus après la prise de leur dernière dose de bortézomib ont été soumis de nouveau au schéma standard, à savoir huit cycles de trois semaines avec administration du médicament les jours 1, 4, 8 et 11. On a amorcé le traitement par la dernière dose tolérée lors du traitement initial, et la plupart des sujets (72 %) ont également reçu de la dexaméthasone.

«On a obtenu de bons résultats, puisque 40 % des patients ont répondu à ce second traitement», a déclaré la Dre Petrucci en entrevue. Après une période médiane de 5,7 mois, l’IST se poursuivait toujours chez les répondeurs, tandis que l’ISP médian s’établissait à 8,4 mois. On a observé une thrombopénie de grade 3 ou 4 chez le tiers des patients environ et une neuropathie périphérique de grade 3 chez 9 % des patients.

À ce propos, la perfusion hebdomadaire semble réduire notablement l’incidence de la neuropathie périphérique. La Dre Sarah Bringhen, Università degli studi di Torino, Italie, nous apprend, en effet, que 369 patients de plus de 65 ans atteints d’un MM de diagnostic récent ont reçu du bortézomib une fois par semaine et 134, deux fois par semaine. La dose administrée était pour ainsi dire identique dans les deux groupes, soit environ 40 mg/m2, précise la Dre Bringhen, d’où, probablement, l’obtention de taux similaires (RC : 29 % [une fois par semaine] vs 35 % [deux fois par semaine]; RP : 85 % [une fois par semaine] vs 86 % [deux fois par semaine]). Les résultats étaient quasi identiques, également, pour la SSP et la SG à trois ans, à savoir 50 % vs 47 % pour la SSP, et 88 % vs 89 % pour la SG. Par contre, l’incidence de la neuropathie périphérique a été significativement moins élevée dans le groupe traité une fois par semaine (3 %) que dans le groupe traité deux fois par semaine (16 %); en outre, comme les réductions de dose et les arrêts de traitement se sont imposés moins souvent chez les sujets sous perfusion hebdomadaire, ceux-ci ont pu poursuivre leur traitement plus longtemps.

Résumé

L’entrée en scène précoce des agents innovants dans le traitement du MM a donné lieu à une amélioration significative des résultats cliniques. Des essais, notamment VISTA, ont confirmé que l’utilisation de ces agents en première intention procurait un avantage significatif au chapitre de la survie, avantage relativement indépendant des particularités du patient et de la maladie. Voilà qui est de bon augure pour les patients atteints d’un MM qui, eu égard au vieillissement de la population, pourraient bientôt représenter une proportion importante des patients traités en hématologie.

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