Comptes rendus

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Améliorations observées chez des patients souffrant d’hypertension artérielle pulmonaire débutante

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

18e Congrès annuel de l’ERS (European Respiratory Society)

Berlin, Allemagne / 4-8 octobre 2008

L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est considérée comme une maladie très grave de très mauvais pronostic. Elle peut être idiopathique ou familiale ou encore, être associée à d’autres maladies comme une maladie des tissus conjonctifs (sclérodermie), une cardiopathie congénitale ou l’infection par le VIH. Le plus souvent, la maladie est déjà avancée lorsque le patient consulte, moins de 25 % des patients recevant un diagnostic aux premiers stades, c’est-à-dire la classe fonctionnelle (CF) I ou II de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). En l’absence de traitement, l’HTAP progresse rapidement même dans les cas où elle n’est que légèrement symptomatique. Grâce à une meilleure compréhension de la physiopathologie de la maladie, aux progrès des nouvelles méthodes diagnostiques et à l’avènement des programmes de dépistage, l’HTAP est diagnostiquée à un stade peu avancé chez un nombre croissant de patients. Jusqu’à tout récemment, cependant, les agents utilisés dans le traitement de l’HTAP avaient été étudiés principalement aux stades modéré ou sévère (CF III et IV selon l’OMS), même s’il ressort d’études d’observation qu’il est préférable d’amorcer le traitement lorsque le patient répond aux critères de la CF II.

EARLY (Endothelin Antagonist TRrial in MildLY Symptomatic Pulmonary Arterial Hypertension Patients) a été le premier essai randomisé et comparatif avec placebo à être réalisé chez des patients souffrant d’HTAP de CF II. Lors de cet essai, le bosentan, antagoniste des récepteurs de l’endothéline (ARE), a été associé à une amélioration des deux paramètres principaux, à savoir une réduction significative des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) et une augmentation – quoique non significative – de la distance parcourue au test de marche de six minutes (T6M). Le traitement a aussi permis d'améliorer significativement le délai d’aggravation clinique mesurée par la progression des symptômes et les hospitalisations pour cause d’HTAP. Les symptômes de la maladie ont progressé chez 1,1 % des sujets sous traitement actif vs 10 % des témoins sous placebo. «Les résultats de l’essai EARLY soulignent l’importance d’un diagnostic et d’une intervention précoces dans l’HTAP», indique le Pr Marc Humbert, Université Paris-Sud 11, Centre national de référence de l’hypertension artérielle pulmonaire, Service de pneumologie et de réanimation respiratoire, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France. Le Pr Humbert a passé en revue les résultats de l’essai EARLY, qui ont d’ailleurs été publiés récemment (Galiè et al. Lancet 2008;371:2093-100).

L’essai EARLY

L’essai EARLY portait sur des patients âgés de 12 ans et plus dont l’HTAP répondait aux critères de la CF II de l’OMS et dont le résultat au T6M était <80 % de la valeur théorique chez un sujet sain ou encore, <500 mètres avec un score <u>></u>2 points sur l’échelle de dyspnée de Borg. En tout, 185 patients ont été randomisés de façon à recevoir 62,5 mg de bosentan deux fois par jour pendant quatre semaines, puis 125 mg deux fois par jour, ou un placebo pendant la période de traitement de six mois menée à double insu. Après six mois, les RVP correspondaient à 83,2 % de la valeur initiale dans le groupe ARE vs 107,5 % dans le groupe placebo, ce qui revient à un effet du traitement d’ampleur hautement significative (-22,6 %; IC à 95 % : -33,5 à 10,0; p<0,0001). La distance parcourue au T6M, par rapport à la distance initialement parcourue, a augmenté de 11,2 mètres dans le groupe ARE alors qu’elle a diminué de 7,9 mètres dans le groupe placebo, ce qui correspond à un effet moyen du traitement de 19,1 mètres (IC à 95 % : -3,6 à 41,8; p=0,076). «Au T6M, on observe, chez les patients dont l’HTAP est légère, un effet de plafonnement qui expliquerait l’augmentation non significative chez ces patients», explique le Pr Humbert. Compte tenu de la distance parcourue en moyenne au départ, qui était d’environ 431mètres, la capacité d’exercice a été relativement bien conservée puisque les possibilités d’amélioration significative étaient assez limitées. «La tendance était toutefois marquée», fait-il remarquer (Figures 1 et 2).

Figure 1. EARLY : Effet significatif sur les RVP


Aggravation clinique

L’aggravation clinique, paramètre secondaire de l’essai EARLY, se définissait comme la mort, l’hospitalisation pour cause d’HTAP, ou la progression des symptômes de l’HTAP, c’est-à-dire l’apparition ou l’aggravation d’une insuffisance cardiaque droite, ou une diminution de la distance parcourue de <u><</u>10 % lors de deux T6M, par rapport à la distance initiale, ou encore, une diminution de <u>></u>5 % de la distance parcourue lors de deux T6M accompagnée d’une augmentation de ³2 points sur l’échelle de dyspnée de Borg. On s’attendait à peu de décès au cours des six mois de l’étude chez ces patients dont l’HTAP n’était que légèrement symptomatique. L'amélioration du délai d’aggravation clinique dans le groupe bosentan est le résultat le plus encourageant de l’essai EARLY, estime le Pr Humbert (taux de risque [HR] de 0,227; IC à 95 % : 0,065 à 0,798; p=0,0114) (Figure 3). Les sujets sous bosentan étaient moins nombreux que les témoins sous placebo à avoir atteint une ou plusieurs composantes du paramètre de l’aggravation clinique au terme des six mois. La progression des symptômes ou l’hospitalisation pour cause d’HTAP ont été plus fréquentes dans le groupe placebo. Aucun des deux décès survenus pendant l’essai n’était lié à l’HTAP. «Ce sont là des données précieuses pour le médecin qui exerce en milieu communautaire, ajoute le Pr Humbert. Le moment est venu d’utiliser l’aggravation clinique comme paramètre principal des essais cliniques sur l’HTAP.»

Figu
à la hausse au T6M

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La proportion de patients chez qui la maladie est passée à la CF III/IV était significativement moins élevée dans le groupe bosentan que dans le groupe placebo (3,4 % vs 13,2 %, respectivement; p=0,0285). «Parmi les sujets sous placebo dont la maladie était de CF II, plus de 10 % sont passés à la classe III. C’est un message important à retenir, poursuit-il. La sévérité de la maladie chez certains patients de CF II selon l’IOMS ne doit pas être négligée.» Le taux de NT-proBNP (fraction terminale du peptide natriurétique de type B) – qui a augmenté dans le groupe placebo, mais baissé dans le groupe bosentan (effet moyen du traitement, -471 ng/L; p=0,0003) – est un autre marqueur utile de la progression de la maladie.

Qualité de vie et innocuité

La qualité de vie, que l’on a évaluée au moyen du questionnaire abrégé en 36 points SF-36, s’est améliorée chez 57 % des patients sous bosentan, par comparaison à 38 % des patients sous placebo (risque relatif [RR] de 1,50; IC à 95 % : 1,07 à 2,10; p=0,0244). «Ce résultat est particulièrement encourageant», indique le Pr Humbert. Le bosentan a été bien toléré, son profil d’innocuité ne nous ayant causé aucune surprise par rapport aux études antérieures. L’incidence des effets indésirables était comparable dans les deux groupes (69,9 % sous bosentan vs 65,2 % sous placebo). Des effets indésirables graves ont été signalés chez 12 (13 %) patients du groupe bosentan et huit (9 %) patients du groupe placebo, les plus fréquents étant respectivement la syncope et l’insuffisance ventriculaire droite. Chez 12 (13 %) patients sous bosentan, le taux d’aminotransférases a dépassé trois fois la limite normale supérieure. «Ce n’est pas une surprise, poursuit le Pr Humbert. Le taux de transaminases hépatiques augmente chez environ 10 % des patients exposés à un ARE en première intention, et on ne doit pas oublier que le traitement – d’une durée de six mois dans l’essai EARLY – n’avait jamais été aussi long dans un essai sur un ARE», fait-il remarquer. Toutes les élévations observées dans l’essai EARLY se sont normalisées soit sans intervention, soit après l’arrêt du traitement ou après une diminution de la dose de bosentan. Chez tous les patients qui reçoivent un ARE, quel qu’il soit, il est d’ailleurs recommandé de mesurer le taux de transaminases hépatiques une fois par m
LY: Prolongation significative du délai de détérioration clinique

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Stratégies d’augmentation de la dose

Dans le cadre de l’essai EARLY, 28 patients (15 sous placebo et 13 sous bosentan) recevaient un traitement concomitant par le sildénafil, inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5. Chez ces patients, les effets du traitement sur les deux paramètres principaux ont été comparables à ce qu’on a rapporté chez l’ensemble des patients : après six mois, les RVP ont baissé de 20,4 %, par rapport aux valeurs initiales (IC à 95 % : -43,9 à 13,0; p=0,0478), et la distance parcourue au T6M a augmenté d’une médiane de 15 mètres (IC à 95 % : -43,1 à 53,9). L’investigateur principal de l’essai EARLY, le Pr Nazzareno Galiè, directeur du Centre d’hypertension pulmonaire, Institut de cardiologie, et professeur agrégé de cardiologie, Université de Bologne, Italie, précise que l’association du bosentan et du sildénafil est actuellement la plus utilisée dans le traitement de l’HTAP, si l’on en juge par le registre REVEAL (Registry to Evaluate Early And Long-term PAH Disease Management) (Badesch et al. Chest 2007;132[4 suppl]:473S).

De plus en plus de données montrent que les associations sont efficaces et bien tolérées dans le traitement de l’HTAP. Par contre, prévient le Dr Galiè, même si, au quotidien, nous avons déjà recours très souvent aux associations dans le traitement de l’HTAP, nous devons encore régler certaines questions, en particulier les voies métaboliques les plus importantes que l’on doit cibler, le moment optimal pour la mise en route du traitement d’association et les doses optimales des agents utilisés en association. Comme les voies impliquées dans la pathogenèse de l’HTAP que ciblent ces deux agents sont différentes et que les deux agents sont administrés par voie orale, des améliorations plus marquées pourraient être observées chez certains patients, ajoute-t-il.

Programme COMPASS

L’efficacité et l’innocuité de l’association bosentan/sildénafil sont actuellement à l’étude dans une série d’essais cliniques regroupés sous la désignation COMPASS (Effects of Combination of Bosentan and Sildenafil vs. Sildenafil Monotherapy on Morbidity and Mortality in Symptomatic Patients with Pulmonary Arterial Hypertension). L’essai COMPASS-1, qui a été réalisé en Europe et au Canada, avait pour objectif d’évaluer les effets hémodynamiques à court terme du sildénafil lorsque celui-ci était ajouté à un traitement chronique par le bosentan. Les résultats ont objectivé l’absence d’interaction cliniquement pertinente entre les deux agents (Gruenig et al. Eur Heart J 2007;28[suppl 140]:résumé 1012).

Des améliorations significatives ont été notées sur le plan des RVP, le paramètre principal, et des résistances périphériques totales. «Ces résultats ne permettent peut-être pas de prévoir l’effet chronique, mais ils sont encourageants», fait valoir le Pr Galiè. Dans l’essai COMPASS-3 où la stratégie consistait à traiter jusqu’à l’atteinte des valeurs cibles, on a comparé l’association bosentan/sildénafil et le bosentan en monothérapie chez 100 patients. Les résultats de cet essai réalisé aux États-Unis sont attendus en 2009. L’essai COMPASS-2 vise quant à lui à comparer les effets de l’association à ceux du sildénafil en monothérapie sur la morbi-mortalité chez 250 patients recrutés dans le monde entier. Le paramètre principal est le délai de survenue du premier événement morbide ou du décès. Cet essai comporte un outil d’autoévaluation dont les résultats sont corroborés par ceux du T6M, et tous les événements morbides et les décès sont évalués par un comité indépendant qui ignore quel traitement reçoivent les patients. Les résultats de l’essai COMPASS-2 sont attendus en 2011.

HTAP associée à l’infection par le VIH

Le Dr Bruno Degano, Centre national de référence de l’hypertension artérielle pulmonaire, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France, a présenté les résultats de l’analyse réalisée chez une série de patients infectés par le VIH et souffrant d’HTAP qui recevaient en première intention un traitement de longue durée par le bosentan (Degano et al. Congrès de l’ERS de 2008, résumé 1583). Cette étude a confirmé l’amélioration des symptômes, de la distance parcourue au T6M et des variables hémodynamiques. Les résultats semblent aussi indiquer que le traitement de première intention par le bosentan pourrait exercer un effet favorable sur la survie à long terme chez ces patients. Le bosentan a semblé sûr en association avec un traitement antirétroviral hautement actif (HAART) et n’a eu aucun effet négatif sur la maîtrise de l’infection par le VIH. Ces résultats ont également été publiés (Degano et al. Eur Respir J 17 sept 2008; publié en ligne avant impression) (Figure 4).

Les chercheurs ont analysé les données recueillies chez 59 patients (âgé moyen de 40±15 ans; 63 % d’hommes) dont l’HTAP était de CF II à IV selon l’OMS et qui ont été traités entre mai 2002 et juillet 2007 dans deux centres d’HTAP en France. Le SIDA était symptomatique chez 61 % des patients, et 83 % recevaient un schéma HAART. Le bosentan a été prescrit à raison de 62,5 mg deux fois par jour pendant quatre semaines, puis de 125 mg deux fois par jour. Un traitement supplémentaire était permis selon certains critères préétablis. Après quatre mois, les RVP avaient chuté, passant de 737±328 à 476±302 dyn.s/cm-5 (p<0,05), tandis que la distance parcourue au T6M avait augmenté, passant de 358±98 à 435±89 mètres (p<0,05). Chez 38 patients, l’évaluation à long terme, réalisée après un suivi d’une durée moyenne de 29±18 mois, a mis en évidence une diminution supplémentaire des RVP jusqu’à 444±356 dyn.s/cm-5 (p<0,05 vs valeur initiale; p<0,05 vs valeur à quatre mois) et le statu quo de la distance parcourue au T6M. Fait digne de mention, note le Dr Degano, les paramètres hémodynamiques se sont normalisés chez 10 patients recevant un ARE en monothérapie. À leur dernière évaluation, ces patients présentaient une HTAP de CF I selon l’OMS et pouvaient parcourir 532±52 mètres au T6M. Ce fut une surprise, admet le Dr Degano, parce que la normalisation complète des paramètres hémodynamiques est exceptionnelle sous l’effet d’un traitement ciblant l’HTAP chez des patients souffrant d’une maladie concomitante. Après un, deux et trois ans de traitement, le taux de survie globale se chiffrait respectivement à 93 %, 86 % et 66 % et le taux de survie sans événement, respectivement à 82 %, 73 % et 54 %; ces résultats sont meilleurs que ceux que l’on avait déjà ra
de patients infectés par le VIH qui souffraient d’HTAP.

Figure 4. HTAP associée à l’infection par le VIH

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On a observé un lien significatif entre des antécédents d’insuffisance cardiaque droite et une HTAP de CF IV selon l’OMS, d’une part, et une piètre survie globale, d’autre part. «Cela souligne l’importance du dépistage de l’HTAP chez les patients infectés par le VIH qui présentent une dyspnée inexpliquée, car il devient alors possible d’amorcer un traitement sans délai, c’est-à-dire avant la survenue d’une insuffisance cardiaque droite», conclut le Dr Degano.

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