Comptes rendus

Myélome multiple réfractaire : prolongation du délai de progression grâce à de nouveaux protocoles de traitement
Défis cliniques du traitement des lymphomes non hodgkiniens : Utilisation des anticorps monoclonaux en 2008

Améliorer les résultats du traitement du cancer du sein HER2+

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

30e Symposium annuel de San Antonio sur le cancer du sein

San Antonio, Texas / 13-16 décembre 2007

Traitement d’un cancer métastatique en première intention

Une étude présentée au congrès a non seulement confirmé l’activité du schéma actuellement prescrit en première intention dans le traitement du cancer du sein métastatique, à savoir l’association d’un anticorps monoclonal (AcM), le trastuzumab en l’occurrence, et d’un taxane, mais a aussi démontré l’utilité d’une stratégie pour améliorer les résultats davantage. En effet, l’ajout de la capécitabine à l’association standard trastuzumab/docetaxel en première intention a prolongé significativement le délai de progression et la survie sans progression (SSP). Les deux schémas ont donné lieu à des taux de réponse supérieurs à 70 %.

«La possibilité de prolonger la survie grâce au trastuzumab a changé la donne thérapeutique pour les patientes atteintes d’un cancer du sein avancé», affirme le Dr Andrew Wardley, Christie Hospital, Manchester, Royaume-Uni. «L’ajout de la capécitabine au schéma le plus utilisé en première intention, soit le trastuzumab et un taxane, permet aux patientes de vivre encore plus longtemps sans que leur cancer progresse.»

Ces résultats émanent de l’essai randomisé et ouvert CHAT (Capecitabine, Herceptin and Taxotere), qui regroupait 222 patientes atteintes d’un cancer du sein HER2+ (human epidermal growth factor receptor 2) localement avancé ou métastatique. Aucune des patientes n’avait déjà été exposée au docetaxel, à la capécitabine ou au trastuzumab. Après randomisation, les patientes recevaient du docetaxel (100 mg/m² aux trois semaines) et du trastuzumab (dose d’attaque de 8 mg/kg, puis 6 mg/kg aux trois semaines) ou ces deux agents (docetaxel à 75 mg/m²) plus de la capécitabine (950 mg/m² b.i.d. les jours 1 à 14, tous les 21 jours). Le traitement se poursuivait jusqu’à ce que la maladie progresse ou que la toxicité devienne intolérable.

Le paramètre d’évaluation principal était le taux de réponse globale. Les paramètres secondaires étaient le délai de progression, la SSP, la survie globale (SG) et l’innocuité. Le Dr Wardley a présenté des statistiques pour tous les paramètres clés sauf la SG.

Lorsqu’ils ont conçu le plan de l’étude, les chercheurs avaient comme hypothèse que la bithérapie serait associée à un taux de réponse globale de 50 % et que l’ajout de la capécitabine porterait ce taux à 70 %. Or, la bithérapie a plutôt été associée à un taux de réponse de 72,5 %, soit 40 % de plus que ce à quoi l’on s’attendait. Le schéma comportant de la capécitabine a toutefois été associé à un taux de réponse de 70,5 %, conformément aux attentes. Il a aussi donné lieu à un délai médian de progression de 18,6 vs 13,6 mois (p=0,0290) et à une médiane de SSP de 17,9 vs 12,8 mois (p=0,0402). En outre, l’ajout de la capécitabine au trastuzumab et au docetaxel s’est traduit par une proportion plus élevée de réponses complètes (23,2 % vs 16,4 %) et de stabilisations (25,0 % vs 16,4 %).

«La prolongation significative du délai de progression et de la SSP et l’augmentation du taux de réponse complète semblent indiquer que la trithérapie est dotée d’une efficacité supérieure, mais il faudra le démontrer auprès d’un nombre plus élevé de patientes dans le cadre d’un suivi plus long», note le Dr Wardley.

La trithérapie a entraîné des signes de toxicité qui ont pu être traités, et l’ajout de la capécitabine n’a occasionné aucun effet indésirable inattendu, précise-t-il.

Prolongation de la survie après la détection de métastases cérébrales

Après avoir examiné rétrospectivement le dossier de 56 patientes atteintes d’un cancer du sein HER2+ qui avait essaimé au cerveau, le Dr Byung Ho Nam, Centre national d’oncologie, Goyang-si, Corée du Sud, et ses collaborateurs ont rapporté que le traitement par le trastuzumab était associé à un important gain de SG.

L’effectif était composé de 36 patientes qui n’avaient jamais reçu de trastuzumab ou qui avaient cessé d’en prendre après avoir reçu un diagnostic de métastases cérébrales et de 20 patientes qui avaient reçu l’AcM sans interruption ou avaient commencé à le prendre après le diagnostic de métastases cérébrales. L’analyse a objectivé une médiane de survie de 3,8 mois chez les patientes qui n’avaient pas reçu l’AcM vs 13,4 mois chez celles qui l’avaient reçu (p=0,0003). La durée de survie la plus longue (19,3 mois) a été observée chez les patientes traitées par le trastuzumab dont la tumeur exprimait des récepteurs aux œstrogènes ou à la progestérone. Ces résultats sont fascinants, reconnaît le Dr Nam, mais ils doivent être confirmés par des essais cliniques prospectifs, prévient-il.

Poursuite du traitement après la progression

Comme le souligne le Dr Gunter von Minckwitz, Université de Francfort, Allemagne, des études précliniques ont montré que l’activité antiproliférative du trastuzumab persiste tant que celui-ci est administré. De plus, l’arrêt du traitement entraîne la reprise d’une croissance cellulaire rapide (Oncogene 1998;17:2235-49).

Lors de la phase de prolongation de l’essai pivot, la poursuite du traitement par le trastuzumab (seul ou en association avec un autre agent) malgré la progression du cancer s’est traduite par un bénéfice clinique global de 22 % et une réponse dont la durée médiane était de 6,7 mois (J Clin Oncol 2004;22:1063-70). Le principe de la poursuite du traitement anti-HER2 après la progression du cancer a été validé dans un essai récent lors duquel l’ajout d’un inhibiteur du facteur de croissance épidermique à la chimiothérapie s’est révélé plus efficace que la chimiothérapie seule (N Engl J Med 2006;355:2733-43).

Le Dr von Minckwitz a présenté les résultats provisoires d’un essai de phase III prospectif avec randomisation qui portait sur le cancer du sein HER2+ métastatique. Toutes les patientes avaient déjà reçu du trastuzumab en première intention ou en adjuvant et avaient déjà été exposées à une anthracycline ou à un taxane. Elles recevaient 2500 mg/m² de capécitabine les jours 1 à 14, tous les 21 jours, en monothérapie ou en association avec 6 mg/kg de trastuzumab toutes les trois semaines.

Après randomisation, les 156 patientes étaient subdivisées en deux groupes. L’ajout de l’AcM à la capécitabine a donné lieu à une prolongation de 52 % de la SSP (8,5 mois vs 5,6 mois). La différence a été associée à un taux de risque (hazard ratio [HR]) de 0,71 en faveur de l’AcM. La médiane de SG se chiffrait à 20,3 mois dans le groupe recevant l’association et à 19,9 mois dans le groupe recevant la capécitabine seule. Le nombre de réponses objectives était deux fois plus élevé dans le groupe trastuzumab que dans le groupe capécitabine seule (48,9 % vs 24,6 %).

Au départ, la fraction d’éjection du ventricule gauche était normale chez toutes les patientes, mais elle a diminué sous le seuil de 40 % chez une seule patiente pendant le traitement. Deux patientes (2,9 %) du groupe capécitabine et trois (4,9 %) du groupe traitement d’association ont subi d’autres événements cardiaques graves : insuffisance cardiaque (un cas), tachycardie (un cas) et hypertension (trois cas).

Une neutropénie, une anémie et une thrombopénie ont été signalées chez environ 30 % à 60 % des patientes de chaque groupe, mais les signes d’hématotoxicité de classe 3 ou 4 étaient peu fréquents, précise le Dr von Minckwitz. Les signes de toxicité non hématologique de classe 3 ou 4 les plus courants étaient le syndrome palmo-plantaire (24 % à 30 %) et la diarrhée (15 % à 20 %). Les autres signes de toxicité non hématologique de classe 3 ou 4 ont été signalés chez moins de 10 % des patientes.

«La poursuite du traitement par le trastuzumab en association avec la capécitabine après la progression du cancer a été associée à une diminution du nombre d’événements, conclut le Dr von Minckwitz. Dans le traitement du cancer du sein métastatique, l’administration simultanée du trastuzumab et de la capécitabine est faisable et n’entraîne pas d’effets indésirables graves inattendus, surtout au chapitre de la cardiotoxicité à long terme.»

Conditions d’utilisation réelles

L’analyse des résultats obtenus dans 142 centres d’oncologie en Allemagne est venue étayer la poursuite du traitement par l’AcM, et ajoute du poids aux articles déjà publiés sur la question. Cette analyse regroupait 910 patientes atteintes d’un cancer du sein qui avaient reçu du trastuzumab en association (ou en monothérapie) dans le cadre de leur traitement. L’agent était administré en monothérapie (n=102) ou était ajouté à la chimiothérapie (n=715) ou à l’hormonothérapie (n=93), rapporte le Dr Christian Jackisch, Klinikum-Offenbach, Allemagne.

Les schémas contenant l’AcM ont été associés à un taux de réponse globale de 56 %. Le taux de réponse était plus élevé lorsque le trastuzumab était ajouté à la chimiothérapie (59 %) que lorsqu’il était administré seul (45 %) ou ajouté à l’hormonothérapie (38 %). Le taux de réponse globale le plus élevé a été enregistré chez les patientes qui recevaient l’association trastuzumab/taxane en première intention (62 %), alors que le moins élevé (47 %) a été enregistré chez celles qui avaient déjà été exposées à une anthracycline et à un taxane.

La médiane de SSP se chiffrait à 9,8 mois chez l’ensemble des patientes, et elle a atteint un maximum de 11,9 mois lorsque l’AcM était ajouté à l’hormonothérapie. La médiane de SG était de 30 mois pour l’ensemble des patientes, de 27 mois pour celles du groupe trastuzumab en monothérapie, de 28 mois pour celles du groupe trastuzumab/chimiothérapie et de 44 mois pour celles du groupe trastuzumab/hormonothérapie.

Un sous-groupe de 112 patientes qui ont poursuivi le traitement par l’AcM malgré la progression du cancer a été comparé à un sous-groupe similaire de 81 patientes chez qui le traitement par le trastuzumab a été arrêté dès la progression du cancer. Chez celles qui ont poursuivi le traitement, on a obtenu un gain de 50 % de la SG (20,1 mois vs 13,4 mois; p=0,0014).

«Dans la pratique clinique, il est fréquent que le trastuzumab soit utilisé après la progression du cancer, commente le Dr Jackisch. Les résultats présentés au congrès font état d’un gain important de SG chez les patientes qui le prennent après la progression de leur cancer.»

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