Comptes rendus

Le point sur l’optimisation des traitements ciblés dans la maîtrise à long terme des GIST
Nouvelles données sur la prévention des NVCI

Antagonistes de la GnRH et cancer de la prostate : la suppression androgénique évolue

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRIORITY PRESS - La 105e Assemblée annuelle de l’American Urological Association

San Francisco, Californie / 29 mai-3 juin 2010

Très utilisés dans le cancer de la prostate, les agonistes de la GnRH suppriment efficacement la testostérone chez >90 % des patients, mais cette suppression – qui peut tarder jusqu’à 30 jours – est précédée d’une élévation. L’élévation initiale, dont l’effet sur le cancer de la prostate demeure obscur, pourrait stimuler les cellules cancéreuses et exacerber le cancer. L’usage concomitant d’un antiandrogène vise à atténuer le risque de poussée, quoique des poussées aient été signalées malgré l’association. De plus, l’antiandrogène augmente le coût du traitement et peut entraîner des effets indésirables. Selon le Dr Judd Moul, Duke University, Durham, Caroline du Nord, le degarelix, antagoniste de la GnRH, est une avancée prometteuse en matière de suppression androgénique. La liaison de cet agent aux récepteurs de la GnRH – immédiate, mais réversible – permet une chute rapide et réversible de la LH, de la FSH et de la testostérone.Les données pharmacocinétiques d’un essai pivot de phase III (BJU Int 2008;102:1531-8) ont objectivé des taux de castration dès le 1er jour chez la moitié des patients sous degarelix. Après 3 jours, 96 % des patients sous degarelix avaient un taux de testostérone <0,5 ng/mLvs aucun sous leuprolide (agoniste de la GnRH). Il a fallu 28 jours pour que les taux de testostérone soient équivalents dans les deux groupes.

Après 12 mois, le risque d’échec du PSA ou de décès était significativement plus faible sous antagoniste de la GnRH (p=0,049 vs agoniste). «Sous degarelix, le taux de castration s’est maintenu pendant 365 jours; aucune élévation initiale n’a été signalée, mais on a observé des pointes au-delà du taux de castration chez 2 % des patients», affirme le Dr Moul. Sous leuprolide, en revanche, on a signalé une élévation initale chez 80 % des patients et des pointes au-delà du taux de castration chez 4 % des patients.

Des effets indésirables sont survenus chez 79 % des patients sous antagoniste de la GnRH vs 78 % des patients sous agoniste. Sous degarelix, l’incidence des réactions au point d’injection a atteint 35 % lors du traitement initial, pour chuter à 4 % lors du traitement d’entretien. «La plupart des réactions – légères ou modérées – étaient transitoires et ont motivé l’abandon du traitement chez <1 % des patients. Aucune réaction allergique systémique n’a été observée», précise le Dr Moul.

Suppression de la testostérone à long terme

Après la phase avec randomisation (1 an), tous les patients pouvaient participer à la prolongation ouverte et recevoir du degarelix. Les sujets déjà sous degarelix recevaient la même dose. Les sujets initialement sous leuprolide ont amorcé le traitement à 240 mg de degarelix, puis recevaient aléatoirement 80 ou 160 mg en traitement d’entretien, souligne le Dr E. David Crawford, University of Colorado, Denver.

Au chapitre de la survie sans progression du taux de PSA, le risque relatif (HR) d’événement était de 0,11/année sous degarelix vs 0,20/année sous leuprolide au terme de la première année. Après une médiane de 840 jours, il était de 0,14 année chez les patients demeurés sous degarelix et avait baissé significativement pour atteindre 0,08/année chez les patients passés de l’agoniste à l’antagoniste de la GnRH (p=0,0029). «Ces données étayent la supériorité statistiquement significative du degarelix sur le leuprolide [...] durant la 1re année de traitement et la pertinence du degarelix en première intention», conclut le Dr Crawford.

Une analyse distincte a porté sur l’échec du PSA et la phosphatase alcaline (PAL) sérique. «La PAL sérique totale est un marqueur de la formation osseuse servant au diagnostic et au suivi des métastases osseuses dans le cancer de la prostate, explique le Dr Crawford. Un taux élevé peut être associé à la progression des métastases osseuses et à la diminution de la survie globale.»

L’échec du PSA se définissait comme deux augmentations consécutives de 50 % et =5 ng/mL vs le taux minimum, à au moins 2 semaines d’intervalle. L’analyse a objectivé un taux global d’échec du PSA de 7,7 % sous degarelix vs 12,9 % sous leuprolide. L’incidence des échecs du PSA était plus faible sous degarelix, tous stades et tous taux de PSA initiaux confondus, note le Dr Crawford. Dans les cas où le taux initial de PSA était >20 ng/mL, l’antagoniste de la GnRH a été associé à une baisse significative du risque de progression du PSA (p=0,04).

Diminution du risque musculosquelettique

Chez les patients atteints d’un cancer métastatique, le taux initial de PAL était élevé, ce qui dénote la présence de métastases osseuses. Au terme de la phase avec randomisation, le degarelix a été associé à un taux de PAL significativement moins élevé (p=0,014 vs leuprolide). En fin d’étude, le taux de PAL affichait une tendance à la hausse sous leuprolide, mais pas sous degarelix.

Un taux initial de PSA >50 ng/mL était associé à un taux de PAL 3 à 4 fois plus élevé. Dans ce sous-groupe, les baisses de la PAL sérique ont été significativement plus marquées sous degarelix (p=0,007 vs leuprolide). La baisse plus forte de la PAL a été associée à une réduction significative de l’incidence des événements musculosquelettiques, l’incidence globale ayant atteint 17 % vs 26 % sous leuprolide (p=0,001). «Les symptômes de la maladie comme les arthralgies, les dorsalgies et les douleurs dans les membres étaient plus fréquents sous leuprolide que sous degarelix parmi les patients atteints d’un cancer métastatique, affirme le Dr Crawford. Le degarelix pourrait donc maîtriser la maladie significativement plus longtemps, et l’incidence significativement plus faible d’événements musculosquelettiques sous degarelix étaye ce résultat.»

Taux de castration optimal

L’étude a objectivé une suppression plus marquée de la testostérone sous degarelix, mais le taux optimal demeure d’autant plus controversé que le nombre d’agents augmente, note le Dr Juan Morote, Service d’urologie et de transplantation rénale, Hospital Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne. Dans une synthèse récente, Tombal et al. révèlent que, sous agoniste de la GnRH, le taux de testostérone avait fait des pointes au-delà de 0,5 ng/mL chez 2 à 13 % des patients et au-delà de 0,2 ng/mL chez 13 à 35 % des patients.

Le Dr Morote et son équipe ont évalué la pertinence clinique de divers taux de castration chez 73 patients sous suppression androgénique continue (Morote et al. J Urol 2007;178[4 Pt 1]: 1290-5). Ils cherchaient surtout à savoir si la survie sans progression indépendante des androgènes (PIA) pouvait être associée à un seuil précis de testostérone.

La testostérone sérique a été mesurée 3 fois en 6 mois. La PIA se définissait comme 3 élévations du PSA sérique après l’atteinte d’un taux minimum et la survie sans PIA, comme l’intervalle précédant la 1re augmentation du taux de PSA après l’atteinte d’un taux minimum. Les chercheurs ont déterminé que la PIA augmentait au-delà de 0,32 ng/mL. La survie sans PIA était de 88 mois en moyenne chez les patients dont le taux avait dépassé 0,32 ng/mL une ou plusieurs fois vs 137 mois chez les patients dont le taux était toujours resté <0,32 ng/mL (p=0,03). «Cette analyse rétrospective est la première à montrer un lien direct entre la hausse de la testostérone et la PIA, explique le Dr Morote. Une suppression insuffisante de la testostérone peut augmenter la mortalité par cancer de la prostate.»

Innocuité cardiovasculaire

L’innocuité cardiovasculaire (CV) du blocage de la GnRH soulève des craintes, en particulier le risque accru d’infarctus du myocarde, de mort subite et possiblement d’allongement de l’intervalle QT. Il importe toutefois de souligner que, chez les sujets des deux groupes de l’essai comparatif, le taux de comorbidité CV (maladies CV, diabète et hypertension) était élevé. Les ECG effectués tous les 3 mois jusqu’à la fin de l’étude n’ont montré aucune différence entre les groupes de traitement quant à l’intervalle QT moyen durant l’étude. La fréquence des variations marquées de l’intervalle QT par rapport aux valeurs initiales chez les patients dont le complexe QRS était =120 msec était semblable dans les deux groupes. Les taux d’événement CV étaient faibles et comparables dans les deux groupes.

Résumé

La suppression constante de la testostérone sérique est essentielle à l’efficacité du traitement dans le cancer de la prostate. L’élévation initiale de la testostérone, phénomène courant sous agoniste de la GnRH, pourrait avoir un effet sur l’évolution clinique du cancer, quoique cela n’ait pas été confirmé. Le degarelix, antagoniste de la GnRH, procure une suppression rapide et durable de la testostérone s’il est administré à long terme. Le taux de castration optimal demeure controversé, mais de récentes données semblent indiquer que le risque de PIA commence à augmenter à un taux de testostérone =0,32 ng/mL. Les données d’un essai clinique avec randomisation montrent que le degarelix abaisse la testostérone, le PSA et la PAL plus efficacement que le leuprolide et qu’il réduit le risque d’événement musculosquelettique chez les hommes atteints d’un cancer de la prostate avancé.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.