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Associations à doses fixes : nouvelles données sur la compatibilité des antirétroviraux dans les schémas HAART et le risque de résistance

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

14th Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections

Los Angeles, Californie / 25-28 février 2007

Il pourrait n’y avoir aucune association optimale dans la lutte contre l’infection à VIH, mais diverses données présentées au congrès ont jeté un nouvel éclairage sur les forces et les faiblesses relatives des antirétroviraux actuellement utilisés dans les schémas de première et de deuxième intention. Il est maintenant bien établi que chaque agent inclus dans les associations à doses fixes en un comprimé unique conserve sa puissance, mais d’autres questions, comme l’innocuité relative à long terme, demeurent d’importantes sources d’inquiétude.

Regard sur la fonction rénale

Plusieurs présentations du congrès sur le risque de néphrotoxicité associé au ténofovir illustrent la voie dans laquelle la pratique clinique semble s’engager.

«Nous avons émis l’hypothèse voulant que le déclin de la fonction rénale soit plus marqué chez les patients traités par le ténofovir et un inhibiteur de la protéase potentialisé par le ritonavir [IP/r] que chez les patients traités par le ténofovir et un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse [INNTI]», souligne le Dr Miguel Goicoechea, University of California, San Diego. «C’est précisément ce que nous avons observé. Bien que le taux de filtration glomérulaire [TFG] se soit détérioré dans les deux groupes, le déclin était deux fois plus marqué chez les patients qui recevaient le ténofovir en concomitance avec un IP/r que chez ceux qui le recevaient en concomitance avec un INNTI (13,9 vs 6,2 mL/min/année; p=0,033).»

La néphrotoxicité est un effet indésirable caractéristique du ténofovir dont on doit tenir compte lorsque l’on choisit des inhibiteurs de la transcriptase inverse (INTI) comme traitement de fond, que le ténofovir soit prescrit seul ou dans l’association à doses fixes avec l’emtricitabine, mais les données montrant que le risque peut être exacerbé par l’administration concomitante d’un IP/r guident le choix du traitement. D’autres INTI ont des effets indésirables caractéristiques, par exemple la réaction d’hypersensibilité associée à l’abacavir chez 5 % des patients, mais peu de données montrent que ces réactions sont exacerbées par d’autres agents administrés en concomitance. Cela dit, de telles considérations sont d’autant plus importantes que de nouvelles associations à doses fixes, y compris des trithérapies, continuent de s’ajouter à l’arsenal thérapeutique usuel.

On a réalisé une étude regroupant 147 patients afin d’évaluer la néphrotoxicité du ténofovir selon que celui-ci est associé à un IP/r ou à un INNTI. De ces patients, 51 recevaient le ténofovir plus un IP/r, 29, le ténofovir plus un INNTI, et 67, un schéma sans ténofovir. Ces sujets provenaient tous d’une plus vaste étude de surveillance thérapeutique connue sous le nom de CCTG 578. Le TFG initial – estimé à partir des équations Cockcroft-Gault et MDRD (Modification of Diet in Renal Disease) – était semblable dans les trois groupes. Les patients ont été suivis sur une période de 48 semaines.

Au fil du temps, on a remarqué un déclin du TFG dans tous les groupes, y compris le groupe ne recevant pas de ténofovir. L’ampleur du déclin ne différait pas entre le groupe recevant le ténofovir plus un INNTI et le groupe ne recevant pas de ténofovir. Lorsqu’on a évalué divers facteurs pouvant avoir une incidence sur la fonction rénale, seul l’âge était associé à un déclin marqué du TFG (-1,2 mL/min/année; p=0,001). Le nombre de cellules CD4+, la charge virale ou les antirétroviraux administrés dans le passé (vs aucun traitement préalable) n’étaient aucunement corrélés avec le déclin du TFG.

La comparaison des groupes a fait ressortir une exposition plasmatique plus forte au ténofovir chez les patients recevant un IP/r, mais les auteurs de cette étude multicentrique ont rapporté que les paramètres pharmacocinétiques n’étaient pas annonciateurs d’un déclin de la fonction rénale au fil du temps. Cette étude ne permet pas de dire avec certitude si l’exacerbation du risque de néphrotoxicité associé au ténofovir tient à l’interaction avec le ritonavir, qui est reconnu pour causer une insuffisance rénale. Cependant, une deuxième étude sur le même sujet a incriminé le ritonavir en particulier.

«Avant ajustement des données, les analyses ont révélé que l’insuffisance rénale [estimée à partir de l’équation MDRD] était plus marquée sous ténofovir et ritonavir qu’en l’absence de ténofovir», rapporte le Dr Homan Wai, également affilié à la University of California, San Diego. «Dans les modèles où l’on tenait compte de l’indice de masse corporelle, du nombre initial de cellules CD4, de la charge virale initiale et de la clairance initiale mesurée selon l’équation MDRD, le ténofovir et le ritonavir demeuraient d’importants facteurs de risque de l’insuffisance rénale.»

Dans cette étude rétrospective regroupant 635 patients, trois groupes ont été évalués : ceux qui ne recevaient pas le ténofovir (380 patients); ceux qui recevaient le ténofovir/r (184 patients); et ceux qui recevaient le ténofovir mais pas le ritonavir (71 patients). Deux définitions de l’insuffisance rénale étaient utilisées : diminution de la clairance de 30 mL/min selon l’équation MDRD; et diminution de 25 % du même paramètre par rapport à la clairance initiale. Après ajustement des données, le taux de risque (HR, pour hazard ratio) d’atteinte du paramètre de l’insuffisance rénale selon la première définition était de 1,9 (p=0,001) chez les patients recevant à la fois le ténofovir et le ritonavir. Selon la deuxième définition, le HR se chiffrait à 1,8 (p<0,0001).

Cela dit, les données ayant servi à l’évaluation du risque de néphrotoxicité associé au ténofovir n’étaient pas toutes homogènes. Selon une analyse rétrospective des données provenant de 565 patients, le ténofovir était associé à une insuffisance rénale définie selon le TFG, mais le déclin à long terme était considéré comme léger. Selon l’un des chercheurs principaux, le Dr Richard Moore, professeur agrégé de médecine, Johns Hopkins University, Baltimore, Maryland, le déclin du TFG sous ténofovir se limitait aux patients ayant déjà été traités et s’observait le plus souvent au cours des six premiers mois de traitement. Les autres facteurs associés à une diminution du TFG dans cette série étaient notamment un nombre de cellules CD4+ <50/mm³, la présence du diabète et un âge supérieur à 45 ans.

Lors de l’étude de cohorte suisse sur l’infection à VIH, on a noté une progression de l’insuffisance rénale telle que mesurée par le TFG dans les quatre groupes de traitement évalués, dont deux recevaient le ténofovir et deux n’en recevaient pas. Cependant, le déclin du TFG «était significativement plus fréquent chez les sujets des groupes ténofovir que chez ceux des autres groupes», rapporte le Dr Christoph A. Fox, Hôpital universitaire, Berne, Suisse.

Dans l’étude suisse, les patients ont été répartis en quatre sous-groupes : patients jamais traités recevant un premier schéma hautement actif (HAART) avec ténofovir (100 patients); patients jamais traités recevant un premier schéma HAART sans ténofovir (357 patients); patients déjà traités recevant un nouveau schéma HAART avec ténofovir, après un an sans traitement (113 patients); et patients déjà traités de même type recevant un schéma sans ténofovir (137 patients). La fonction rénale était évaluée à l’aide des équations Cockcroft-Gault et MDRD. Lorsque les patients faisaient l’objet d’une analyse de régression multiple de Cox, explique le Dr Fox, la probabilité d’atteinte des deux paramètres de l’insuffisance rénale était élevée dans les groupes ténofovir, le HR étant de 2,63 (IC à 95 %, 1,87-3,69).

Facteurs à considérer pour les stratégies futures

Une autre série de données provenant de l’étude de cohorte suisse sur l’infection à VIH a mis en lumière des différences éventuelles entre les antirétroviraux quant à l’issue à long terme. Dans cette analyse, qui nous ramène à une question de fond, à savoir s’il est préférable d’amorcer un schéma HAART à base d’un IP/r ou d’un INNTI, on a évalué la résistance aux classes de médicaments chez 1155 patients qui commençaient à recevoir un schéma HAART à base d’un IP/r ou d’un INNTI après au moins un échec. Selon les résultats, les deux types de schéma HAART étaient de puissance égale au départ, mais différaient quant au risque de résistance subséquente. Plus précisément, la résistance était significativement moins marquée après l’échec d’un schéma HAART à base d’un IP/r qu’après l’échec d’un schéma HAART à base d’un INNTI.

«Ces données soulignent que le choix d’un traitement en première intention doit tenir compte non seulement de la puissance d’un agent, mais aussi des barrières génétiques résultant de l’échec virologique», affirme le Dr Victor von Wyl, Hôpital universitaire de Zurich, Suisse.

Lors de cette étude, 42 patients (5,9 %) sur 711 ayant commencé par un INNTI et 22 (5,0 %) sur 444, par un IP/r ont subi un échec virologique. Des mutations définies par l’International AIDS Society ont été repérées chez quatre (33,3 %) des 12 patients recevant un IP/r vs 22 (73,3 %) des 30 patients recevant un INNTI. La différence entre les échecs des schémas à base d’IP/r et les échecs des schémas à base d’INNTI «est demeurée statistiquement significative lorsqu’on a répété cette analyse à l’aide des scores de sensibilité génotypique de Stanford avec seuils variables», souligne le Dr von Wyl. Globalement, 67 % des patients du groupe INNTI ont perdu la possibilité de recevoir au moins deux classes dès l’échec du traitement en première intention, contre seulement 8,3 % des patients du groupe IP/r.

Résumé

Le schéma HAART optimal continue de se préciser à mesure que de nouvelles stratégies, comme les associations à doses fixes, sont évaluées dans le contexte du pronostic à long terme, celui-ci étant défini en fonction de l’innocuité et de la conservation des options futures en cas d’échec. Les associations d’INTI à doses fixes actuellement sur le marché, comme abacavir/lamivudine et ténofovir/emtricitabine, se caractérisent par un degré élevé d’innocuité, mais pourraient ne pas être interchangeables dans un schéma HAART à base d’un IP/r ou un schéma HAART à base d’un INNTI. Bien que les schémas HAART actuels soient puissants, on ne sait toujours pas quelle association à doses fixes offre les meilleures chances de maîtrise à long terme de l’infection à VIH.

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