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Cancer de la prostate : La survie sans progression du taux de PSA étaye maintenant l’importance d’une suppression rapide des taux hormonaux

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 26e Congrès annuel de l’Association européenne d’urologie

Vienne, Autriche / 18-22 mars 2011

Dans le cancer de la prostate, les résultats corroborent maintenant les avantages théoriques de la suppression de la gonadolibérine (GnRH) par un antagoniste plutôt que par un agoniste. Les agonistes de la GnRH commencent par stimuler la synthèse de la testostérone et de l’hormone folliculostimulante (FSH) avant de la supprimer. La FSH, croit-on, jouerait aussi un rôle dans la progression du cancer de la prostate, car comparativement aux cellules saines de la prostate, les cellules cancéreuses contiennent davantage de récepteurs de FSH, a fortiori si elles sont réfractaires aux androgènes.

Les agonistes sont très efficaces pour retarder la progression du cancer de la prostate, certes, mais les antagonistes de la GnRH – de facture plus récente – ont le mérite d’agir sans délai. Un essai de phase III a d’ailleurs démontré que les agonistes et les antagonistes ne supprimaient pas la testostérone à la même vitesse. En effet, les données récentes d’une prolongation de la phase croisée de cet essai montrent que le passage d’un agoniste à un antagoniste se traduit, graphiquement parlant, par une pente moins inclinée de la droite des marqueurs de la progression, ce qui est logique compte tenu de l’activité de l’antagoniste.

«C’est vraiment un accident de parcours que les agonistes aient vu le jour avant les antagonistes. Les agonistes agissent indirectement sur le récepteur, alors que les antagonistes ont un effet direct immédiat», explique le Dr John Anderson, Royal Hallamshire Hospital, Sheffield, Royaume-Uni. À l’instar d’autres experts invités au congrès pour discuter des données cumulatives sur les effets relatifs des agonistes et des antagonistes de la GnRH, le Dr Anderson estime que les données étayent majoritairement une intervention permettant l’atteinte rapide et le maintien durable de taux hormonaux de castration.

 

Résultats d’une étude

 

Les nouvelles données proviennent de la prolongation de l’essai pivot sur le degarelix, antagoniste de la GnRH. Au cours de l’essai initial de 12 mois, intitulé CS21, 610 patients ont été randomisés de façon à recevoir soit l’un de deux schémas de degarelix (les deux groupes ont reçu une dose initiale de 240 mg, mais l’un recevait ensuite une dose mensuelle de 80 mg et l’autre, de 160 mg) par voie sous-cutanée, soit du leuprolide, agoniste de la GnRH, à raison de 7,5 mg/mois par voie intramusculaire (Klotz et al. BJU Int 2008;102:1531-8). L’objectif de l’étude était de démontrer la non-infériorité du degarelix par rapport au leuprolide au chapitre de la durabilité de la suppression de la testostérone pendant 12 mois, et cet objectif a été atteint, pour les deux posologies. Qui plus est, le degarelix a abaissé les taux de testostérone et d’antigène spécifique de la prostate (PSA) beaucoup plus rapidement. Les données récentes de la prolongation, intitulée CS21a, prouvent maintenant que les stratégies diffèrent considérablement quant aux résultats.

«Si l’avantage du degarelix était significatif en termes de survie sans progression du taux d’antigène spécifique de la prostate [SSP-PSA] à 12 mois [p=0,05], la droite représentant le risque relatif de progression du taux de PSA dans le groupe leuprolide était moins pentue après le passage au degarelix, qui est survenu à 12 mois», rapporte le Dr Thomas E. Keane, Medical University of South Carolina, Charleston. Plus précisément, le taux de risque d’événement venant mettre fin à la SSP-PSA a diminué de plus de 50 %, passant de 0,20 événement/année la première année à 0,08 événement/année après le passage au degarelix (p=0,003). Graphiquement parlant, la courbe des échecs de la suppression du PSA ou des décès a repris une allure plus favorable, semblable à celle du groupe degarelix. De l’avis du Dr Keane, la constance de la suppression hormonale pourrait y être pour quelque chose.

«Durant la phase de l’étude avec randomisation, l’administration de doses répétées de leuprolide entraînait des micro-élévations du taux de testostérone, ce qui n’a pas été le cas chez les patients sous degarelix, et cette différence a été observée même chez les patients qui recevaient un antiandrogène en plus du leuprolide», poursuit le Dr Keane.

 

Modes d’action d’un agoniste et d’un antagoniste

 

Les élévations et micro-élévations du taux de testostérone témoignent des modes d’action très différents de l’agoniste et de l’antagoniste. Les agonistes de la GnRH suppriment la testostérone uniquement après une élévation initiale persistante, explique le Dr Anderson. Sous l’effet de l’antagoniste, la testostérone atteint le taux de castration (<0,7 nmol/L) dans un délai d’environ 24 heures alors que sous l’effet de l’agoniste, le taux de testostérone s’élève et ne revient à son niveau initial qu’après 7 jours environ, et il faut encore compter 21 jours avant que le taux de castration ne soit atteint. Bref, 28 jours s’écoulent avant que la suppression de la testostérone soit équivalente à celle que l’on obtient sous degarelix, et chaque injection subséquente de leuprolide entraîne des micro-élévations des taux de testostérone et d’autres hormones sexuelles. Dans le cadre de l’étude, il a fallu 56 jours pour que le taux médian de PSA observé sous leuprolide atteigne le taux médian observé sous degarelix.

«Cette différence est certes importante pour les patients aux prises avec des symptômes, mais je pense que la différence en termes de maîtrise du taux de PSA aura un impact sur les résultats», fait remarquer le Dr Anderson. Bien que l’essai CS21 ait eu comme objectif principal de comparer le degarelix et le leuprolide, les patients sous leuprolide étaient autorisés à prendre un antiandrogène pour soulager leurs symptômes prostatiques. L’étude a donc permis de réfuter l’allégation voulant qu’un agoniste de la GnRH soit l’équivalent d’un antagoniste de la GnRH pour autant qu’il soit associé à un antiandrogène. On ne s’attendrait pas que cette assertion soit vraie d’un point de vue mécaniste – l’antiandrogène ne fait que supprimer les effets de l’élévation du taux de testostérone, et non l’élévation en tant que telle –, mais la différence entre les deux agents quant au délai d’atteinte d’un taux de PSA indécelable dans le cadre de l’essai CS21 montre qu’elle n’est pas vraie non plus d’un point de vue clinique.

La constance de la suppression de la testostérone n’est pas le seul élément clé de l’efficacité du degarelix, car il semble que la suppression de la FSH et de l’hormone lutéinisante (LH) ait aussi son importance. De l’avis du Dr Anderson, qui a cité plusieurs études à l’appui de cette hypothèse, «de plus en plus de données montrent que la FSH pourrait jouer un rôle direct dans la pathogenèse et la progression du cancer de la prostate. La diminution de la FSH plus complète et plus durable [sous degarelix] pourrait expliquer en partie les différences entre agoniste et antagoniste.»

 

L’élévation du taux de testostérone associée à une moins bonne réponse

 

Il semble néanmoins que la suppression de la testostérone demeure la variable qui influe le plus sur les résultats. Dans le cadre d’une étude ayant abordé la question sous un tout nouvel angle, les chercheurs ont évalué l’impact de l’élévation du taux de testostérone durant le traitement chez des patients atteints de cancer de la prostate qui recevaient en continu un agoniste de la GnRH comme traitement adjuvant à la radiothérapie. L’analyse regroupait 11 752 patients traités sur une période de 10 ans. Dirigée par le Dr Tom Pickles, programme de radiothérapie, BC Cancer Agency, Vancouver, l’étude a révélé que le risque d’élévation du taux de testostérone au-delà du seuil de 0,7 nmol/L était de 26,8 % par patient et que les élévations du taux de testostérone malgré le traitement étaient associées à un taux minimum de PSA post-radiothérapie plus élevé (3,0 vs 0,5 nmol/L; p=0,0230). De plus, aucune trace biochimique de la maladie n’était décelable après 5 ans chez 82 % des patients dont le taux de testostérone n’avait pas augmenté vs seulement 72 % des patients chez qui il avait fait des pointes (p=0,03).

«Plusieurs groupes, dont le nôtre, rapportent que les patients sous [agoniste de la GnRH] n’atteignent pas ou ne maintiennent pas toujours un taux de testostérone de castration, enchaîne le Dr Pickles. Une élévation au-delà du seuil de 0,7 nmol/L associé à la castration chirurgicale est associée à une moins bonne réponse néoadjuvante du taux de PSA, à un taux minimum de PSA post-radiothérapie plus élevé et à un risque accru de rechute biochimique.» De l’avis du Dr Pickles, on doit surveiller le taux de testostérone systématiquement chez les patients sous agoniste de la GnRH afin de pouvoir modifier le traitement ou d’y ajouter un antiandrogène dans l’éventualité d’une élévation.

Il semble toutefois plus logique d’amorcer le traitement par un antagoniste de la GnRH, option peut-être plus fiable pour un éventail plus vaste de patients. Par exemple, dans le cadre d’une sous-étude de l’essai CS21a chez les sujets dont le taux initial de PSA était =20 ng/mL, l’intervalle précédant l’échec de la suppression du taux de PSA ou le décès a été significativement plus long sous degarelix que sous leuprolide chez 25 % des patients (514 vs 303 jours; p=0,01).

«Ces données étayent l’amélioration durable de la SSP-PSA chez les patients qui recevaient du degarelix, par comparaison aux patients qui recevaient du leuprolide en injection mensuelle, durant la première année. Le degarelix a aussi fait ses preuves à titre de traitement hormonal de première intention», souligne l’auteur de cette analyse, le Dr Bertrand Tombal, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Belgique.

 

Résumé

 

Les agonistes de la GnRH jouent un rôle clé du fait qu’ils empêchent le cancer de la prostate de progresser en abaissant le taux de testostérone. Cependant, l’utilisation d’un agoniste entraîne une élévation initiale de la testostérone et l’administration de doses répétées entraîne des micro-élévations. D’autres hormones sexuelles comme la FSH augmentent dans un premier temps avant de chuter. En revanche, un antagoniste de la GnRH mis au point récemment permet d’atteindre un taux de testostérone de castration de façon plus rapide et plus complète sans élévation ni micro-élévation tout en maintenant le taux de FSH à un niveau plus faible. Ces facteurs pourraient avoir contribué à la prolongation de la survie sans progression du taux de PSA chez les sujets d’une étude de phase III sous antagoniste de la GnRH, comparativement aux sujets sous agoniste. Le suivi prolongé de cette même étude de phase III étaye l’efficacité durable de l’antagoniste, des tendances favorables, voire des améliorations, ayant été notées chez les patients qui étaient passés à un antagoniste après 12 mois.

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