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Cancer de la prostate résistant à la castration et métastatique : la signalisation androgénique dans la mire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 48e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Chicago, Illinois / 1er-5 juin 2012

Chicago - C’est en essayant de mieux comprendre les mécanismes qui sous-tendent le cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC) que l’on a découvert le rôle clé du récepteur androgénique (RA) dans la progression de la maladie. De plus en plus de données indiquent que l’activation et la signalisation des RA persistent après la castration médicamenteuse ou chirurgicale en raison de la production extragonadique d’androgènes. Bien qu’il demeure incurable, le CPRC répond aux thérapies hormonales ciblées de deuxième intention. Cette observation clinique a éveillé l’intérêt des chercheurs pour le développement d’agents qui ciblent la production extragonadique d’androgènes et la signalisation androgénique. L’une de ces approches est axée sur l’inhibition de l’enzyme CYP17 lyase, un potentialisateur essentiel de la biosynthèse d’androgènes. L’analyse intermédiaire d’une étude de suivi sur cet inhibiteur de la biosynthèse d’androgènes a objectivé l’obtention de meilleurs résultats – notamment une forte tendance vers l’amélioration de la survie – chez des patients atteints d’un CPRC qui n’avait encore jamais été traité. Comme plusieurs autres présentées au congrès, cette étude témoigne de la recherche en cours sur la signalisation des RA dans le CPRC.

Rédactrice médicale adjointe : Dre Julie Frère, Montréal, Québec

Malgré les progrès récents en matière de développement d’agents systémiques, nous avons un vide thérapeutique à combler dans le cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC) métastatique, affirme le Dr Charles J. Ryan, University of California, San Francisco. Ce besoin encore insatisfait découle du fait que les traitements actuellement sur le marché sont utilisés exclusivement après une chimiothérapie. Certains traitements seraient associés à un bénéfice sur le plan de la survie globale (SG) sans pour autant conférer une réponse objective, atténuer les symptômes ou augmenter la capacité fonctionnelle. De plus, la chimiothérapie ne s’est pas encore taillé une très grande place dans la pratique clinique.

«Dans les faits, les patients atteints d’un CPRC vivent pas mal plus longtemps avant la chimiothérapie qu’après, et une très forte proportion de patients ne reçoit jamais de chimiothérapie», affirme le Dr Ryan.

Reconnaissant qu’il s’écoule parfois des années entre le moment où la maladie progresse et le moment où le patient décède, des chercheurs cliniciens de 12 pays, dont le Canada, ont conçu l’essai COU-AA-302 avec placebo et randomisation afin d’évaluer l’impact de l’acétate d’abiratérone, inhibiteur de la biosynthèse des androgènes, sur les deux paramètres principaux, à savoir la survie sans progression (SSP) et la SG chez les hommes atteints d’un CPRC métastatique encore jamais exposé à la chimiothérapie. L’étude regroupait près de 1100 patients atteints d’un CPRC asymptomatique ou paucisymptomatique randomisés de façon à recevoir soit 1000 mg/jour d’abiratérone plus 5 mg de prednisone 2 fois/jour, soit un placebo d’apparence similaire et de la prednisone.

Outre ces deux paramètres principaux, les chercheurs ont évalué l’intervalle précédant l’usage d’opiacés pour le soulagement de la douleur cancéreuse, l’intervalle précédant le début d’une chimiothérapie, l’intervalle précédant la détérioration de l’indice fonctionnel et l’intervalle précédant la progression du taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA). Pour déterminer la progression osseuse, les chercheurs ont eu recours à la définition radiographique de la survie sans progression (SSPr) comme le recommande le Prostate Cancer Clinical Trials Working Group (J Clin Oncol 2008;26:1148-59). La progression au niveau des tissus mous était évaluée au moyen de la tomodensitométrie ou de l’IRM.

Les groupes de traitement ne différaient pas de manière significative quant aux caractéristiques initiales, dont l’âge médian (70 ans), le délai écoulé depuis le diagnostic initial (5 à 5,5 ans), les métastases osseuses (80-83 %), le pourcentage de patients ayant >10 lésions osseuses (48 %) ou une atteinte des tissus mous ou des ganglions (50 %). Le protocole prévoyait trois analyses intermédiaires pour que l’on puisse repérer sans tarder l’apparition d’un effet bénéfique ou, au contraire, d’un effet nocif. Ces analyses étaient prévues après la survenue d’environ 15 %, 40 % et 55 % des événements ayant un impact sur la SG.

Arrêt prématuré de l’essai en raison d’un bénéfice

Après la deuxième analyse intermédiaire – 43 % des événements avaient alors eu lieu –, le comité d’évaluation des essais a recommandé que l’insu soit levé et que les patients puissent passer du groupe placebo au groupe abiratérone.

Au cours du suivi – dont la durée médiane a atteint 22,2 mois –, les patients sous abiratérone ont reçu une médiane de 15 cycles de traitement, alors que les patients sous placebo en ont reçu neuf. Comme le souligne aussi le Dr Ryan, on a mis fin au traitement chez 84 % des patients sous placebo, vs 69 % des patients sous abiratérone. Dans les deux groupes, les principaux motifs d’abandon du traitement étaient la progression radiographique, la progression clinique ou les deux. Les résultats ont objectivé une amélioration statistiquement significative de la SSPr : la médiane était de 8,3 mois dans le groupe placebo, alors qu’elle n’avait pas encore été atteinte dans le groupe abiratérone (p<0,0001). L’écart s’est traduit par une réduction de 57 % du risque de progression radiographique ou de décès.

Une analyse de sous-groupe approfondie a fait ressortir un avantage constant et statistiquement significatif en faveur de l’inhibiteur de la biosynthèse des androgènes, précise le Dr Ryan.

Forte tendance vers la prolongation de la survie

L’analyse du second paramètre principal a mis en lumière une médiane de SG de 27,2 mois dans le groupe placebo, alors que la médiane n’était toujours pas atteinte dans le groupe abiratérone. La différence ayant été associée à une valeur de p de 0,0097, le seuil de significativité nécessaire n’a pas été atteint pour que l’on puisse mettre un terme à l’essai (p=0,0008). Par conséquent, la réduction de 25 % du risque de mortalité représentait une forte tendance en faveur de l’abiratérone. Le graphique en forêt des résultats de l’analyse de sous-groupe a de nouveau démontré une tendance systématique vers l’amélioration de la SG.

Les chercheurs ont également analysé les agents administrés après l’arrêt du traitement à l’étude : 60,3 % des témoins ont reçu un traitement supplémentaire, principalement du docetaxel (53 %), vs 44,3 % des patients sous abiratérone (37,9 % ont reçu du docetaxel). «Fait digne de mention, 10 % des patients du groupe témoin ont ensuite reçu de l’abiratérone vs 5 % des patients du groupe abiratérone», ajoute le Dr Ryan.

L’analyse des réponses au traitement a révélé que les patients sous abiratérone avaient été au moins deux fois plus nombreux à obtenir une réponse objective (36 % vs 16 %, p<0,0001). Plus précisément, 11 % des patients sous traitement actif ont obtenu une réponse complète, 25 %, une réponse partielle, et la maladie s’est stabilisée chez 61 % des patients. Le taux de maîtrise de la maladie a ainsi atteint 98 % dans le groupe sous traitement actif vs 85 % dans le groupe placebo. Le taux de réponse biochimique, défini par une baisse ≥50 % du taux de PSA, a atteint 62 % dans le groupe abiratérone vs 24 % dans le groupe placebo (p<0,0001).

«Ces données semblent indiquer que la prednisone a servi de comparateur actif et qu’elle exerce une activité antitumorale, enchaîne le Dr Ryan. De plus, elles montrent qu’un traitement antérieur par le docetaxel n’est pas essentiel à l’activité clinique de l’abiratérone.»

Avantage systématique

L’analyse des paramètres secondaires a objectivé une amélioration systématique chez tous les patients sous abiratérone (p=0,0053 à p<0,0001). Les effets indésirables les plus fréquents étaient la fatigue, la rétention hydrique, l’hypokaliémie, l’hypertension, les troubles cardiaques et l’élévation transitoire des enzymes hépatiques. Les effets indésirables ont dans l’ensemble frappé une proportion similaire de patients dans les deux groupes. Les effets indésirables de grade 3 ou 4 étaient peu fréquents dans l’un ou l’autre groupe.

«Bref, chez les patients atteints d’un CPRC métastatique asymptomatique ou paucisymptomatique qui n’avaient jamais été exposés à la chimiothérapie, le traitement abiratérone + prednisone retarde la progression de la maladie, prolonge la survie de même que le temps sans symptômes ou presque, et n’est associé à aucun nouveau problème d’innocuité important», conclut le Dr Ryan.

Traitements en développement

D’autres conférences du congrès où l’on faisait le point sur les agents en développement dans le traitement du CPRC métastatique ont confirmé l’intérêt du RA en tant que cible thérapeutique.

Une étude de phase I a permis de constater qu’un inhibiteur de la signalisation androgénique, l’ARN-509, était sûr et a généré des données préliminaires encourageantes sur son efficacité. Un seul des 30 patients a eu un effet indésirable grave, et le traitement – administré à des doses variables – a été associé à une diminution ≥50 % du taux de PSA chez 42 % des patients, explique la Dre Dana E. Rathkopf, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, New York.

Un essai international de phase III avec randomisation a montré que le traitement par l’enzalutamide, inhibiteur de la signalisation des RA, était associé à une amélioration significative de la SG. La moitié des 1200 patients avaient reçu ≥3 schémas antérieurs. La médiane de SG a atteint 18,4 mois sous enzalutamide, vs 13,6 mois sous placebo, souligne le Dr Johann S. de Bono, Royal Marsden Hospital, Surrey, Royaume-Uni.

Le traitement par le tasquinimod, agent oral dérivé de la quinoline-3-carboxamide, a allongé significativement le délai de progression symptomatique dans le cadre d’un essai avec placebo qui regroupait 201 patients atteints d’un CPRC métastatique (HR 0,42, p=0,039). La SG ne différait pas d’un groupe à l’autre. Cela dit, chez les patients qui répondaient aux critères de progression du Prostate Cancer Working Group 2, la médiane de SG a atteint 34,2 mois vs 25,6 mois dans le groupe placebo, ce qui est supérieur aux médianes de survie observées jusqu’ici au sein de populations similaires, précisent le Dr Andrew J. Armstrong, Duke University, Durham, Caroline du Nord, et ses collaborateurs.

Lors d’un essai de phase III mené chez des patients atteints d’un CPRC avec métastases osseuses, le radium 223 (Ra-223), un émetteur de particules alpha, a été associé à une prolongation de près de 3 mois de la SG par rapport à un placebo (p=0,00185). En outre, il a retardé significativement l’apparition de la première complication osseuse (13,6 vs 8,4 mois; p=0,00046), souligne le Dr Oliver Sartor, Tulane University, La Nouvelle-Orléans, Louisiane. Le Ra-223 a été associé à un bon profil d’innocuité et a donné de meilleurs résultats que le placebo sur le plan du maintien de l’indice fonctionnel.

Un essai clinique de phase I a apporté des preuves préliminaires de l’activité anticancéreuse de l’ASG-5ME, conjugué d’un anticorps monoclonal et d’un agent qui ciblent la SLC44A4, protéine exprimée par 95 % des tumeurs prostatiques primaires. Une baisse >50 % du taux de PSA a été observée chez 4 des 8 patients atteints d’un CPRC métastatique qui ont reçu les deux doses les plus fortes d’ASG-5ME. La recherche clinique se poursuivra à la dose maximale tolérée de 2,4 mg/kg.

Résumé

La signalisation des RA – dont le rôle capital dans le CPRC métastatique est maintenant connu – est la cible de plusieurs traitements en cours de développement. Les traitements actuellement sur le marché ont une utilisation et une activité limitées. Dans le cadre d’un essai international avec placebo, l’abiratérone, inhibiteur de la biosynthèse des androgènes, a été associé à une augmentation significative de la SSPr de même qu’à une forte tendance vers l’amélioration de la SG chez des patients atteints d’un CPRC métastatique jamais exposé à la chimiothérapie de même qu’à une amélioration significative de tous les paramètres secondaires évalués, y compris l’intervalle précédant le début de la chimiothérapie. 

 



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