Comptes rendus

Nouvelles données sur l’hépatite C chronique : amélioration des protocoles de traitement et mise en évidence de différences entre les génotypes
Les antiarythmiques de nouvelle génération viendront combler un manque

Cancer de l’ovaire : défis du traitement et prise de décisions

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

15e Congrès international de la European Society of Gynecological Oncology

Berlin, Allemagne / 28 octobre-1er novembre 2007

Comme le souligne le Dr Gavin Stuart, doyen de la faculté de médecine, University of British Columbia, Vancouver, «il est ressorti d’un nombre assez élevé d’essais cliniques que la doxorubicine liposomale pégylée [DLP] est associée à un bénéfice clinique et à une toxicité moindre, tant dans le traitement du cancer de l’ovaire que de celui du cancer du sein. Cela dit, on se demande encore à quel moment l’utiliser et à quelle dose dans le traitement du cancer de l’ovaire.» Le cancer de l’ovaire est généralement asymptomatique aux premiers stades, de sorte qu’il est le plus souvent diagnostiqué à un stade avancé, et le diagnostic à un stade avancé est inversement corrélé avec la survie.

La DLP en monothérapie est maintenant reconnue comme une option de traitement en cas de récidive dans les six mois suivant le traitement, alors que l’association d’un platine et d’un taxane est bien établie en cas de récidive passé 12 mois. Le traitement optimal des tumeurs partiellement sensibles aux platines, dans les cas où la récidive survient dans un délai de six à 12 mois, demeure toutefois mal défini. En outre, il ressort d’essais réalisés plus tôt que des agents autres que les platines – qui sont moins toxiques – pourraient être efficaces chez certaines patientes dont la tumeur est sensible aux platines.

«Nous avons fait une étude de phase II pour examiner cette période particulière, explique le Dr Stuart, et nous avons administré une dose assez faible de DLP – 30 mg/m² – en association avec du carboplatine à raison d’une ASC de 5 mg/mL/min toutes les quatre semaines, dose que l’on sait bien tolérée chez ces patientes.»

Dans cet essai de phase II multicentrique qui portait sur un seul groupe de femmes, les critères d’inclusion étaient une tumeur mesurable et un traitement préalable par l’association d’un taxane et d’un platine.

Cet essai multicentrique canadien regroupait 58 patientes (âge médian de 59,1 ans) dont la tumeur était mesurable. Ces femmes avaient déjà reçu de un à 12 cycles de paclitaxel/carboplatine (P/C) et avaient bénéficié d’un intervalle sans progression supérieur à six mois, mais inférieur à 12 mois. Durant l’étude, 75 % des patientes ont reçu au moins six cycles de DLP, 16 % en ont reçu un ou deux et 9 % en ont reçu trois à cinq (Figure 1). Le paramètre principal était la réponse selon les critères RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors).

La Dre Patti Power, Dr. H. Bliss Murphy Cancer Centre, et professeure titulaire d’obstétrique et gynécologie, Memorial University of Newfoundland, St. John’s, qui présentait les résultats, estime que «les taux de réponse sont très impressionnants en pareil contexte et que le profil de toxicité du schéma est assez remarquable. Ce groupe de patientes a bénéficié d’un intervalle médian sans progression de 8,8 mois (extrêmes : 5,6 et 12 mois), alors que le taux de réponse objective était de 45 % (4 % de réponses complètes [RC] et 41 % de réponses partielles [RP]). Le taux de stabilisation du cancer (SC) d’une durée supérieure à six mois a atteint 33 %, ce qui revient à un bénéfice clinique total (RC+RP+SC) de 78 %.

Figure 1. Cycles de DLP/carboplatine (DLP/C) reçus (n=58)


Chez les patientes dont le taux d’antigène CA-125 était mesurable, le taux de réponse se chiffrait à 64 % (27 % de RC et 37 % de RP) et le taux de SC de plus de six mois, à 17 %, pour un bénéfice clinique total de 81 %.» La médiane du délai de progression était de 10,5 mois (extrêmes : 1,6 et 22,5 mois), mais la médiane de survie n’avait pas encore été atteinte au moment de la dernière analyse (Figure 2), d’ajouter la Dre Power. Chez 13 patientes dont le cancer s’est stabilisé, le taux de CA-125 a augmenté après deux cycles pour ensuite chuter sous la valeur initiale.

Comparativement au taux de réponse auquel on s’attendrait de tout traitement d’association dans le cancer de l’ovaire récidivant, commente la Dre Power, le taux de réponse de 45 % de cette étude était très prometteur. «En général, un taux de réponse comme celui-là s’obtient au prix d’une toxicité plus prononcée; or, essentiellement aucune des 58 patientes n’a manifesté de signes de toxicité importante. Le traitement a été extrêmement bien toléré», fait-elle valoir. Les signes de toxicité de classe 3 et 4 les plus fréquents étaient la neutropénie (21 %), la thrombocytopénie (16 %) et la constipation (10 %); aucun de ces effets ne menaçait le pronostic vital, et tous étaient généralement traitables ou se résorbaient à l’arrêt du traitement. Deux cas d’alopécie de classe 2 et un seul cas d’érythrodysesthésie palmo-plantaire (EPP) de classe 3 ont été signalés. Aucune patiente n’a abandonné le traitement pour cause d’EPP.

La quasi-totalité des autres effets indésirables souvent associés aux chimiothérapies d’association en pareil contexte – comme les nausées/vomissements et la fatigue – étaient essentiellement inexistants ou minimes. Contrairement au traitement standard, l’association DLP/C n’a pas causé d’alopécie notable. La Dre Power considère que, sur le plan de la qualité de vie, il s’agit là d’un avantage non négligeable pour des femmes qui ont déjà perdu leurs cheveux et qui les perdent à nouveau lorsque leur cancer récidive.

«Aucun cas de cardiotoxicité, pas même léger, n’a été signalé avec la préparation de doxorubicine encapsulée dans des liposomes pégylés. Pourtant, la doxorubicine standard, qui est un dérivé du [chlorhydrate de doxorubicine], est très cardiotoxique, note-t-elle. En fait, cette association a été tellement bien tolérée qu’aucune mise en garde d’importance ne s’impose. Elle permet en fait d’éviter la cardiotoxicité habituelle de la doxorubicine ordinaire et la neurotoxicité du [paclitaxel].»

Les Drs Stuart et Power ont chacun de leur côté insisté sur le fait que l’essai canadien portait uniquement sur des patientes dont le cancer avait récidivé dans un délai de six à 12 mois, groupe dont la réponse à la chimiothérapie est imprévisible à leur avis. Une autre caractéristique unique de cette étude était la dose assez faible de 30 mg/m² de DLP utilisée. En général, les cancers de l’ovaire qui récidivent en moins de six mois ne sont pas du tout sensibles aux schémas contenant un platine, alors que les cancers qui récidivent passé 12 mois sont sensibles aux platines et répondent à un autre traitement à base d’un platine. Par contre, le traitement optimal des tumeurs qui récidivent à l’intérieur de cette fenêtre thérapeutique étroite de six à 12 mois et qui sont partiellement sensibles aux platines n’a pas été défini.
progression* (n=58)

<img1192|center>

De l’avis de la Dre Power, cet essai montrant que l’association DLP/C est une solution de rechange sûre et efficace chez les femmes dont le cancer ovarien récidivant n’est que partiellement sensible aux platines est un important complément de l’essai CALYPSO (Caelyx in Platinum-Sensitive Ovarian Patients). Cet essai de phase III international et comparatif avec randomisation visait à comparer la toxicité et l’efficacité de l’association DLP/C à celles de l’association P/C standard chez des sujets comparables. C’est le plus vaste essai jamais réalisé sur les tumeurs sensibles aux platines, et il regroupe notamment 76 patientes recrutées dans 18 centres du Canada.

«Cette étude fera date, affirme la Dre Power. Lors de l’étude canadienne, on a obtenu un taux de réponse objective de 45 %. L’efficacité est aussi un paramètre essentiel de l’essai CALYPSO, mais on évalue aussi la toxicité comme paramètre secondaire. Je pense que cette étude sera favorable pour la DLP. Même si les taux de réponse sont équivalents pour les deux schémas de traitement, nous opterons pour l’association à base de DLP, parce que l’association P/C est moins bien tolérée; les patientes continuent en effet de perdre leurs cheveux ainsi que leur fonction nerveuse dans les doigts et les orteils. Les résultats devraient être dévoilés dans environ 18 mois.»

Cette analyse partielle de l’essai de phase III en cours CALYPSO, qui porte sur les données de 200 des 976 patientes inscrites souffrant d’un cancer épithélial de l’ovaire en récidive tardive, a été présentée au congrès. Les auteurs, dont le Dr Mark Heywood, Institut national du cancer du Canada – Groupe des essais cliniques, précisent que les patientes reçoivent aléatoirement soit du carboplatine par voie intraveineuse (i.v.) à raison d’une ASC de 5 le jour 1 plus du paclitaxel à raison de 175 mg/m²/3 h par voie i.v. le jour 1, toutes les trois semaines (groupe P/C), soit du carboplatine plus de la DLP i.v. à raison de 30 mg/m² le jour 1, toutes les quatre semaines (groupe DLP/C), pendant au moins six cycles. Bien que le paramètre principal de l’essai soit la survie sans progression, la question de la toxicité des deux schémas revêt aussi une importance cruciale.

L’un des investigateurs, le Dr Andreas du Bois, Horst-Schmidt-Klinik, Wiesbaden, Allemagne, a rapporté qu’on avait mis fin au traitement prématurément pour des raisons de toxicité chez 13 des 98 patientes du groupe P/C vs deux des 102 patientes du groupe DLP/C, et que l’on avait dû diminuer les doses chez 20 % à 30 % des patientes des deux groupes. La neutropénie, quoique peu fréquemment associée à des infections, était similaire dans les deux groupes (classe 3-4; 37 % dans le groupe DLP/C vs 48 % dans le groupe P/C). L’anémie et la thrombocytopénie de classe 3-4 étaient plus fréquentes dans le groupe DLP/C que dans le groupe P/C (neuf vs cinq patientes et 19 vs cinq patientes, respectivement), de sorte qu’un plus grand nombre de cycles ont été retardés chez 23 % des sujets de la cohorte.

Le syndrome mains-pieds est le seul signe de toxicité non hématologique qui a été plus fréquent dans le groupe DLP/C que dans le groupe P/C. L’alopécie de classe 2 était plus fréquente dans le groupe P/C que dans le groupe DLP/C, tout comme les neuropathies, les réactions allergiques et les arthralgies/myalgies (Table
Essai CALYPSO : Principaux signes de toxicité non hématologique

<img1193|center>

Les auteurs concluent de cette analyse partielle des 200 premières patientes de l’essai CALYPSO que même si la fréquence globale des signes de toxicité était faible en général, le profil de toxicité varie d’un schéma de traitement à l’autre.

Études de cas

La Dre Nicoletta Colombo, Istituto Europeo di Oncologia, Università degli Studi di Milano-Bicocca, Italie, et le Pr Ignace Vergote, directeur du département d’obstétrique-gynécologie et de gynécologie oncologique, Université catholique de Louvain, Belgique, ont présenté deux cas types qu’ils rencontrent au quotidien dans leur pratique.

Premier cas : Patiente de 60 ans; indice fonctionnel modéré; cancer de l’ovaire non différencié (stade IIIC selon la classification de la FIGO); taux de CA-125 de 630 U/mL; tumeur résiduelle d’environ 5 mm à la surface de la séreuse de l’intestin grêle. Le dosage du CA-125 n’a pas été effectué après l’intervention. La patiente a reçu six cycles de carboplatine/docetaxel comme chimiothérapie de première intention. L’examen à huit mois motivé par une gêne abdominale ne révèle pas de masse pelvienne, mais du «tissu rugueux» au niveau de l’apex vaginal et du cul-de-sac de Douglas. La patiente exige un traitement efficace qui lui permettra de maintenir sa qualité de vie et ne veut rien entendre d’une intervention chirurgicale et des schémas émétisants; et elle préférerait vraiment ne pas perdre ses cheveux une fois de plus. Les options de chimiothérapie sont les suivantes : carboplatine, DLP ou topotécan, en monothérapie dans tous les cas; associations carboplatine/gemcitabine, P/C, DLP/C; ou bevacizumab seul ou en association. La Dre Colombo a demandé aux participants quelles seraient leurs recommandations.

En général, elle subdivise les patientes comme celles-là en deux groupes : celles dont la tumeur est partiellement sensible aux platines et qui n’ont pas reçu de platine depuis six à 12 mois; et celles dont la tumeur récidivante est vraiment sensible aux platines parce qu’elles n’en ont pas reçu depuis plus de 12 mois. Cette patiente ferait partie du premier groupe.

«La patiente s’inquiète de sa qualité de vie et ne veut ni perdre ses cheveux ni endurer des nausées/vomissements. Est-ce une restriction thérapeutique acceptable? demande-t-elle. En pareil contexte de traitement de sauvetage, j’estime que nous devons tenir compte du profil de toxicité lorsque nous choisissons la chimiothérapie. Il existe des options pour une patiente comme celle-là, car on dispose de quelques médicaments actifs qui n’entraînent ni alopécie ni nausées/vomissements. Nous devrions donc tenir compte des préférences de la patiente et lui offrir quelques choix.»

«Devrions-nous nous contenter de prodiguer des soins palliatifs parce que le cancer est incurable? poursuit-elle. Les objectifs de la chimiothérapie de deuxième intention diffèrent selon que le cancer est récidivant ou réfractaire, parce que le traitement d’un cancer récidivant n’a qu’une visée palliative. Chez les patientes dont la tumeur récidivante n’est que partiellement sensible aux platines, on peut, à mon avis, espérer prolonger un peu le délai de progression et peut-être même la survie globale. La DLP, par comparaison au topotécan par exemple, est particulièrement efficace dans ce groupe de patientes, les courbes de survie étant assurément meilleures lorsque l’intervalle sans platine se situe entre six et 12 mois. Un traitement à visée palliative n’est peut-être pas une option acceptable chez ces patientes.»

La Dre Colombo conclut en disant que l’on peut maintenant offrir aux patientes des agents efficaces qui ne causent ni alopécie ni nausées/vomissements. Bien que le cancer demeure probablement incurable, la chimiothérapie de deuxième intention pourrait prolonger la survie, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’envisager un traitement à visée palliative en pareil cas. Des essais comparatifs avec randomisation ont permis de constater que la DLP est plus efficace et moins toxique que le topotécan, et que la DLP est aussi efficace mais moins toxique que la gemcitabine. Pour ce qui est des traitements d’association, enchaîne-t-elle, les associations P/C et carboplatine/gemcitabine sont supérieures au carboplatine seul, mais la toxicité qui en découle serait inacceptable pour la patiente dont il est question ici. Enfin, le traitement ciblé par le bevacizumab est actif, mais probablement trop toxique chez les patientes déjà traitées massivement, de sorte qu’il est probablement préférable de réserver ces médicaments au traitement de première intention en association avec la chimiothérapie.

Deuxième cas : Le Pr Vergote a pour sa part décrit le cas suivant : femme de 60 ans; tumeur ovarienne séreuse, stade IIc selon la classification de la FIGO (T2c, Nx); taux de CA-125 de 120 U/mL; aucune tumeur résiduelle visible après la résection de deux nodules péritonéaux dans le cul-de-sac de Douglas, qui a ramené le taux de CA-125 à 49 U/mL. La patiente a reçu six cycles de P/C comme chimiothérapie de première intention. Plus d’un an plus tard, le taux de CA-125 passe à 85 U/mL, mais on n’observe ni métastases hépatiques ou pulmonaires, ni adénopathies médiastinales métastatiques, ni ascite ni épanchement pleural. On conclut donc à la présence d’adénopathies para-aortiques métastatiques.

Discutant de la stratégie de traitement appropriée chez cette patiente, le Pr Vergote note que le stade a été sous-évalué lors de l’intervention chirurgicale. Environ 58 % de ces patientes présentent des métastases para-aortiques, de sorte que la patiente devrait subir une lymphadénectomie para-aortique. À son avis, une deuxième chirurgie de réduction tumorale serait indiquée.

Les chimiothérapies d’association comportant un platine sont devenues la norme dans le traitement des tumeurs récidivantes sensibles aux platines, précise-t-il, la survie globale à deux ans ayant augmenté de 9 %. Il ne fait donc aucun doute dans l’esprit du Pr Vergote que cette patiente devrait recevoir une chimiothérapie d’association à base de carboplatine. L’association gemcitabine/carboplatine a été proposée comme solution de rechange à l’association P/C dans les tumeurs ovariennes sensibles aux platines parce qu’elle a donné de meilleurs résultats que le carboplatine seul sur le plan de la survie sans progression. Par contre, nous avons peu de données sur l’association de la DLP et du carboplatine à part les résultats de l’essai canadien récent et de l’essai CALYPSO toujours en cours. Il a cité l’essai de phase II GINECO (Ferrero et al. Ann Oncol 2007;18[2]:263-8), lors duquel l’association DLP/C a entraîné une neutropénie de classe 3-4 chez 51 % des patientes, une mucosite de classe 2-3 chez 12 % des patientes et une EPP de classe 2 ou supérieure chez 11 % des patientes. Bien que cet essai n’ait pas été randomisé, il a objectivé un taux de réponse fort surprenant de 63 %; la médiane de survie sans progression se chiffrait à 9,4 mois et la médiane de survie globale, à 32 mois.

Cette association à base d’un platine peut prolonger la survie sans progression et la survie globale chez les patientes dont la tumeur ovarienne récidivante est sensible aux platines, de conclure le Pr Vergote. Les associations gemcitabine/carboplatine et DLP/C ont l’avantage de ne pas exacerber la neurotoxicité et entraînent moins d’alopécie. En général, les patientes, comme celle qui nous intéresse ici, ont déjà reçu du paclitaxel; en pareil cas, le Pr Vergote privilégie les associations DLP/C ou gemcitabine/carboplatine.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.