Comptes rendus

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Carcinome hépatocellulaire et cancer du rein avancés : le point sur les résultats obtenus dans certaines populations de patients

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

44e Assemblée annuelle de l’ American Society of Clinical Oncology(ASCO)

Chicago, Illinois / 30 mai - 3 juin 2008

COMMENTAIRE ÉDITORIAL :

Yoo-Joung Ko, MD, MMSc, SM, FRCPC

Division d’hématologie / d’oncologie médicale, Sunnybrook Health Sciences Centre, Toronto (Ontario)

Il est ressorti de l’essai phare SHARP (Sorafenib HCC Assessment Randomized Protocol) présenté au congrès 2007 de l’ASCO qu’un traitement systémique, par rapport à un placebo, avait prolongé à la fois la survie globale (SG) et l’intervalle sans progression (ISP) chez des patients souffrant d’un carcinome hépatocellulaire (CHC) avancé. Après la divulgation de ces résultats, le sorafenib a été homologué au Canada et aux États-Unis pour le traitement du CHC avancé. Les investigateurs de l’essai SHARP ont toutefois précisé que d’autres études s’imposaient dans divers groupes ethniques et chez les patients dont le cancer du foie avait été causé par des facteurs différents.

Analyses des sous-groupes de patients présentant un CHC avancé

Pour étudier l’influence de facteurs pronostiques sur l’efficacité du traitement, le Dr Morris Sherman, professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario, et ses collaborateurs ont effectué une analyse par sous-groupes des données de l’essai SHARP obtenues chez des patients dont le CHC s’accompagnait d’une invasion macrovasculaire (IMV) et/ou d’une dissémination extrahépatique (DEH). Les chercheurs ont enregistré un taux de réponse globale de 2,4 % chez les patients des sous-groupes IMV/DEH sous sorafenib vs 0,9 % chez les patients sous placebo, et la maladie s’est stabilisée chez 65,6 % des patients vs 62,7 %, respectivement, pour un taux de maîtrise de la maladie de 41,2 % dans le groupe sorafenib vs 27,8 % dans le groupe placebo. La médiane de l’ISP et celle de la SG chez les patients IMV/DEH étaient respectivement de 4,1 mois et de 8,9 mois vs 2,7 mois et 6,7 mois chez les témoins sous placebo. Les résultats ont confirmé que l’inhibiteur multikinase avait prolongé la SG et l’ISP sans égard à la présence d’IMV et/ou de DEH et que les résultats obtenus chez ces patients étaient conformes à ceux de l’ensemble de la cohorte de SHARP.

Des données propres aux patients des régions de l’Asie et du Pacifique ont été présentées par la Dre Ann-Lii Cheng, Hôpital universitaire national de Taïwan, Taipei. Dans le cadre de cet essai de phase III, le CHC avancé avait été causé par une hépatite B chez plus de 70 % des sujets asiatiques, par comparaison à 18 % des sujets de la cohorte initiale de SHARP. En outre, ces sujets – qui étaient plus jeunes – présentaient plus de foyers tumoraux et plus de métastases pulmonaires. Le bénéfice clinique a toutefois été de même ampleur que le bénéfice observé dans la cohorte entière de l’essai SHARP, la SG ayant été prolongée de 47 % (6,2 mois vs 4,1 mois) et la médiane de l’ISP, de 74 % (2,8 mois vs 1,4 mois) par rapport au placebo (résultats de SHARP : 44 % et 73 %, respectivement). Malgré le stade avancé de la maladie chez ces patients de l’Asie et du Pacifique, le sorafenib a été aussi bien toléré que dans l’essai SHARP, ce qui confirme que c‘est un traitement sûr et efficace pour différentes ethnies et pour le CHC causé par une hépatite B.

L’indice fonctionnel (IF) de l’ECOG est un autre critère important de l’efficacité du traitement. Le Dr Jean-Luc Raoul, Centre Eugène Marquis, Centre de lutte contre le cancer, Rennes, France, a présenté une analyse des données de SHARP ayant montré que les patients qui avaient un IF selon l’ECOG de 1 ou 2 avaient répondu aussi bien au sorafenib que ceux dont l’IF était de 0. Le taux de maîtrise de la maladie se chiffrait à 46,6 % chez les patients sous sorafenib dont l'IF était de 0 vs 39,9 % chez ceux dont l'IF était de 1 ou 2, alors que la médiane de l’ISP et celle de la SG s’établissaient respectivement à 5,5 mois et à 13,3 mois chez les patients ayant un IF de 0 vs 5,3 mois et 8,9 mois, respectivement, chez ceux dont l’IF était de 1 ou 2. Aucun écart notable n’a été relevé entre les deux groupes quant à la distribution ou à la fréquence des effets indésirables liés au traitement comme la diarrhée, la fatigue, le syndrome palmo-plantaire et l’hypertension, et les effets indésirables qui ont été signalés étaient généralement d’intensité légère ou modérée.

À l’aide d’un modèle coût-efficacité, Noemi Muszbek, associée de recherche principale, United BioSource Corporation, Londres, Royaume-Uni, a déterminé que le sorafenib était plus cher que les meilleurs soins de soutien (MSS) pour le CHC parce que les patients vivent plus longtemps et que les coûts de la prestation des MSS sont plus élevés lorsque le CHC progresse. Le modèle Markovien qu’elle utilisait a permis de déterminer que le sorafenib est efficient, son coût se situant à l’intérieur des limites que la société considère comme acceptables (de 50 000 à 100 000 $ par année de vie gagnée).

Innocuité du traitement chez les patients âgés souffrant d’un cancer du rein

En général, les sujets des essais cliniques randomisés sont triés sur le volet, si bien que les effectifs ne sont pas toujours représentatifs des sujets polymorbides que l’on rencontre dans la pratique clinique. Comme le souligne le Dr Ronald M. Bukowski, Cleveland Clinic Foundation, Ohio, le programme d’accès élargi nord-américain ARCCS ( Advanced Renal Cell Carcinoma Sorafenib) est précieux, car il englobe un vaste éventail de patients qui avaient été exclus des essais antérieurs sur le sorafenib et son effectif est plus représentatif des patients atteints d’un cancer du rein avancé que l’on voit dans la pratique.

Le taux de maîtrise de la maladie obtenu chez les patients âgés de plus de 65 ans (84 %) était essentiellement identique au taux obtenu chez ceux de moins de 65 ans (83 %). Les médianes de l’ISP et de la SG étaient aussi similaires : 38,1 semaines et 46,6 semaines chez les patients de >65 ans vs 34,9 semaines et 50,3 semaines chez les patients de 65 ans, respectivement. Les taux d’effets indésirables de classe 3 étaient faibles et comparables dans les deux groupes d’âge, et les effets les plus courants étaient la réaction palmo-plantaire et les éruptions cutanées. On n’a pas noté de différences non plus entre les deux groupes d’âge quant aux effets cardiaques, mais il importe ici de souligner que les patients n’étaient pas admissibles à l’étude s’ils présentaient au départ des arythmies cardiaques de sévérité supérieure à la classe 1, une maladie coronarienne évolutive, une ischémie ou une hypertension non maîtrisée.

Solution de rechange dans le traitement des GIST réfractaires

Comme il inhibe à la fois l’angiogenèse et l’activité de multiples kinases, le sorafenib peut combattre la croissance tumorale en empruntant plusieurs voies puissantes et pourrait donc surmonter la résistance à d’autres agents ciblés. Dans le cadre d’une étude dirigée par la Dre Lauren Wiebe, University of Chicago, Illinois, les patients porteurs d’une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST) résistante à l’imatinib seulement ou à la fois à l’imatinib et au sunitinib ont reçu du sorafenib pendant une médiane de quatre cycles. Selon les données mises à jour présentées, quatre des 29 patients (14 %) ont obtenu une réponse partielle (RP) et 18, une stabilisation du cancer (62 %), pour un taux de maîtrise globale de la maladie de 76 %. Les médianes de la SSP et de la SG dans le sous-groupe des GIST résistantes seulement à l’imatinib se chiffraient à 3,4 mois et à 13,6 mois, respectivement, alors que dans le sous-groupe des GIST résistantes à l’imatinib et au sunitinib, ces médianes étaient respectivement de 5,7 mois et de 8,5 mois.

Pareille activité dans un groupe dont le cancer est hautement résistant donne à penser que les traitements ciblés agissent différemment selon les mutations présentes. Des fragments tumoraux provenant des sujets de cette étude font actuellement l’objet d’une analyse dont l’objectif est de déterminer le statut mutationnel et la réponse au sorafenib.

Améliorer les taux de réponse et déterminer l’activité clinique dans d’autres cancers

Bien que les traitements ciblés puissent conférer une bonne maîtrise de la maladie, l’induction d’une rémission complète – condition sine qua nond’une guérison éventuelle – demeure un objectif difficile à atteindre. Afin d’obtenir une réponse plus complète et plus durable lorsqu’ils traitent un cancer avancé, les chercheurs essaient maintenant d’administrer divers traitements ciblés en association. Le Dr Jonathan Rosenberg, professeur adjoint de médecine, University of California, San Francisco, a exploré l’association du sorafenib et d’un inhibiteur de mTOR, l’évérolimus, dans le cadre d’une étude de phase I. Douze patients atteints d’un cancer du rein métastatique ont reçu du sorafenib à la dose standard et de l’évérolimus à raison de 2,5 mg/jour ou de 5 mg/jour. Les chercheurs ont obtenu deux RP assez durables dans le groupe évérolimus à 2,5 mg de même qu’une RP durable et deux stabilisations dans le groupe évérolimus à 5 mg. Aucune manifestation de toxicité limitant la dose n’a été signalée dans le groupe évérolimus à 2,5 mg tandis que deux manifestations de classe 3 et 4 ont été associées à la dose de 5 mg.

La faisabilité de l’association d’agents ciblés dans le traitement des cancers avancés a aussi été confirmée par une étude sur les interactions entre le sorafenib et la rapamycine (aussi connue sous le nom de sirolimus), autre inhibiteur de mTOR, cette étude ayant indiqué que ni l’un ni l’autre de ces deux agents n’avait modifié les concentrations moyennes de l’autre (Gangadhar et al., résumé 2545).

Le Dr Robert Amato, directeur du programme d’oncologie génito-urinaire, Methodist Hospital, Houston, Texas, a rapporté que les patients atteints d’un cancer du rein métastatique peuvent bénéficier de meilleures réponses cliniques si la dose de sorafenib est doublée (800 mg 2 fois/jour). Son équipe – qui étudiait une cohorte de 21 patients – a obtenu trois réponses complètes (RC), quatre RP et une stabilisation du cancer chez près des deux tiers des patients restants. Même lorsque le sorafenib était administré à la dose de 800 mg 2 fois/jour, la majeure partie des effets indésirables étaient de classe 1 ou 2 et n’a pas entraîné de cardiotoxicité notable.

Comme le cancer du rein métastatique devient résistant aux agents ciblés avec le temps, les chercheurs tentent de déterminer si l’association de ces agents peut améliorer la qualité et la durée de la réponse. L’efficacité de diverses doses de sorafenib et de bévacizumab a été explorée dans une étude de phase I/II dirigée par le Dr Jeffrey Sosman, professeur titulaire de médecine, Vanderbilt University School of Medicine, Nashville, Tennessee. Sans égard à la dose, les chercheurs ont noté une RP chez 52 % des patients et une stabilisation de la maladie chez 38 % des patients. Ils ont aussi déterminé que la dose maximale tolérée du traitement d’association était de 200 mg de sorafenib une fois par jour et 5 mg/kg de bévacizumab toutes les deux semaines.

Dans le cancer gastrique et l’adénocarcinome de la jonction gastro-oesophagienne métastatiques ou avancés, l’association du sorafenib et du protocole de chimiothérapie de référence (docetaxel/cisplatine) a donné lieu à un taux de réponse de 40,9 % et un taux de stabilisation de 31,8 % au sein d’un groupe de 44 patients, rapportait le Dr Weijing Sun, département de chimie, Iowa State University, Ames. Les médianes de SSP et de SG se chiffraient respectivement à 5,8 mois et à 13,6 mois. Deux décès ont été signalés, l’un des suites d’une infection et l’autre des suites d’une hémorragie gastro-intestinale qui, de l’avis des chercheurs, seraient peutêtre liées à l’étude. Malgré tout, la trithérapie a exercé une activité qui a été qualifiée de très encourageante, et les chercheurs estiment donc qu’elle mérite d’être explorée plus à fond dans le contexte de ce cancer difficile à traiter.

Enfin, on se penche également sur le rôle du sorafenib dans le traitement des sarcomes des tissus mous avancés, y compris les sarcomes vasculaires ainsi que les léiomyosarcomes et les liposarcomes de forte malignité, car on a observé des signes d’activité dans ces cancers.

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