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Cibler à la fois les voies dopaminergiques et noradrénergiques dans le traitement du TDAH

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Point de vue sur les articles suivants : Behav Brain Res 1998;94:127-52; J Clin Psychiatry 2006;67(suppl 8):32-7

Revu par : Robert D. Hunt, MD

Center for Attention and Brain Function Nashville, Tennessee

À mesure que la recherche permet d’élucider d’autres mécanismes qui sous-tendent le trouble déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH), les chercheurs apprennent aussi à décortiquer les mécanismes neuropsychiatriques clés du traitement. La dopamine et la noradrénaline, deux neurotransmetteurs fondamentaux dans la pathogenèse du TDAH, représentent donc des cibles importantes du traitement (Tableau 1).

Tableau 1. Fonctions de la dopamine et de la noradrénaline


LE RÔLE DE LA norADRÉNALINE

Dans un article phare qu’elle a signé, Mary V. Solanto (Solanto MV. Behav Brain Res 1998;94:127-52) décrit les interrelations entre les divers mécanismes qui interviennent dans la pathogenèse du TDAH.

Il existe différents récepteurs noradrénergiques, chacun exerçant une action distinctive. Le récepteur noradrénergique alpha-2 intervient dans deux aspects clés du TDAH : l’hyperactivité globale et les dysfonctions exécutives. Les agents utilisés pour réguler l’hyperactivité globale comprennent la clonidine et la guanfacine. Ces deux médicaments ont pour effet d’atténuer l’hyperéveil; cela dit, il est essentiel de cibler à la fois l’éveil et les fonctions exécutives dans le TDAH.

Le récepteur noradrénergique bêta-2 régule les fonctions exécutives, lesquelles englobent la pensée et la capacité de raisonner. Solanto décrit le processus dans les termes suivants : chez le sujet sain, la nouvelle information stimule l’éveil, ce qui lui permet de prendre la nouvelle information en considération et d’y répondre de façon efficace à l’aide d’une décharge d’adrénaline. L’une des principales difficultés du sujet atteint du trouble déficit de l’attention (TDA) et du TDAH est de reconnaître que quelque chose est nouveau ou a changé, puis de répondre efficacement à ce changement. La noradrénaline facilite la pensée et la capacité de raisonner, et est essentielle à la régulation de l’éveil et à la capacité de répondre efficacement au changement.

LE RÔLE DE LA DOPAMINE

La dysrégulation de la dopamine est une composante importante du TDAH parce que ce neurotransmetteur permet au sujet de focaliser et de maintenir son attention. Solanto note que la dopamine régule aussi la réponse motrice.

Chez l’humain, c’est dans l’aire tegmentale ventrale, région du cerveau qui gouverne l’attention, que la dopamine est le plus étroitement liée à l’attention. C’est d’ailleurs à la dopamine que l’on attribue la capacité de se concentrer sur quelque chose d’important avec plus d’intensité.

La capacité de résoudre un problème est une autre facette de l’attention que l’on doit à la dopamine. Ces effets de la dopamine sont dose-dépendants. À faible dose, la dopamine augmente la capacité de focaliser l’attention et peut atténuer le comportement hyperactif et le mouvement. À très forte dose, par contre, elle a l’effet contraire et peut entraîner des stéréotypies.

Les stimulants utilisés dans le traitement du TDAH exercent donc un effet dose-dépendant sur l’activité locomotrice. À forte dose, ils induisent davantage les stéréotypies. À faible dose, par contre, ils permettent au sujet de mieux maîtriser son activité, car une faible dose exerce un effet inhibiteur.

Comme le souligne Solanto, ces effets différents ont été observés lors d’études chez l’animal. Dans la pratique clinique, on peut utiliser sans risque les stimulants qui agissent sur la dopamine si la composante dopaminergique est administrée à faible dose. Grâce à cette stratégie, on tire profit du traitement dopaminergique sans devoir composer avec les mouvements involontaires associés aux fortes doses.

EFFET SUR LE CIRCUIT DE LA RÉCOMPENSE

Les stimulants exercent un effet particulièrement important sur le circuit de la récompense. De l’avis de Solanto, l’une des principales découvertes des études de neuro-imagerie est que le noyau accumbens, où se trouve le circuit de la récompense dans le cerveau, est riche en récepteurs dopaminergiques et est la cible la plus touchée par les psychostimulants.

L’objectif du traitement par un psychostimulant est précisément de stimuler le renforcement du circuit de la récompense par la dopamine, cette propriété de la dopamine étant assurée par les récepteurs dopaminergiques D1 et D2. Notre capacité, en tant qu’humains, d’expérimenter un sens de la récompense et du plaisir dans nos efforts et de convertir cette récompense en un sens de valeur et de finalité correspond au mécanisme de renforcement en milieu scolaire. Les stimulants peuvent accroître l’attrait et la saillance de la récompense.

L’un des défis que doivent relever les patients atteints du TDAH ou du TDA est de trouver une récompense alléchante. En l’absence de traitement, les parents d’enfants atteints du TDAH ou du TDA et les enseignants sont souvent frustrés de voir le peu d’effet qu’ont les récompenses comme les allocations et les privilèges. Les chercheurs ont constaté que les stimulants accroissent la saillance de la récompense et que celle-ci peut alors influencer le comportement.

Les stimulants augmentent la possibilité d’utiliser les renforcements en agissant sur les mécanismes dopaminergiques. L’administration d’un stimulant est l’une des principales raisons pour lesquelles, lorsqu’un enfant atteint du TDAH est sous traitement, les parents et les éducateurs sont capables d’objectiver une amélioration des résultats scolaires, surtout aux chapitres de l’épellation et des mathématiques.

En notre qualité de médecins, nous savons que les stimulants utilisés dans le traitement du TDAH peuvent aider les patients à demeurer concentrés sur la tâche en cours, mais nous devons aussi nous assurer qu’ils les aident à se soucier de la tâche à accomplir, de leur performance et de leurs résultats. La clé du succès est une dose bien équilibrée. Dans l’accomplissement d’une tâche, l’évitement se traduit par une courbe en U. Si le patient reçoit une dose trop faible, le traitement a peu d’effet, voire n’en a aucun. Si la dose est trop forte, par contre, l’anxiété devient alors trop intense pour que le patient soit fonctionnel.

LES AMPHÉTAMINES DANS LE TRAITEMENT DU TDAH

Les amphétamines exercent à la fois des effets dopaminergiques et des effets noradrénergiques. Les sels mixtes d’amphétamines (SMA), l’une des principales préparations à notre disposition, se prennent généralement une fois par jour. Les amphétamines inhibent surtout le recaptage de la dopamine et de la noradrénaline. Ainsi, en augmentant la quantité de dopamine et de noradrénaline disponible, le traitement aide surtout le patient à maintenir et à réguler sa réaction d’éveil en réponse au changement.

En milieu scolaire, cet effet permet au sujet de focaliser son attention et de demeurer concentré, et d’améliorer ses fonctions exécutives. La prise de SMA peut donc l’aider à prendre des décisions efficaces en réponse aux stimuli.

Il importe de savoir que les amphétamines et le méthylphénidate ne sont pas équivalents, car ils exercent des effets différents sur la noradrénaline et la dopamine. Les amphétamines bloquent le recaptage de la dopamine, mais ont aussi pour effet d’augmenter à la fois la synthèse de la dopamine et celle de la noradrénaline. Autre aspect intéressant des amphétamines : elles ont plus d’effet sur la noradrénaline que le méthylphénidate. Notre compréhension du rôle clé de la noradrénaline dans le TDAH est récente, mais nos connaissances sur son interaction avec les SMA sont plus poussées.

Les récepteurs noradrénergiques sont principalement concentrés dans le cortex préfrontal du cerveau, qui gouverne l’attention, la vivacité d’esprit et la vigilance. La noradrénaline facilite la mémoire de travail et inhibe la réponse aux stimuli qui ne sont pas pertinents. En inhibant le recaptage de la noradrénaline et en augmentant la disponibilité de cette dernière, les SMA aident le patient à moins se laisser distraire et à prendre des décisions plus efficaces en réponse aux stimuli pertinents, d’où un meilleur rendement scolaire ou professionnel.

LE MÉTHYLPHÉNIDATE DANS LE TRAITEMENT DU TDAH

Le méthylphénidate ayant principalement des effets dopaminergiques, il agit sur l’attention, l’hyperactivité et le circuit de la récompense.

Le méthylphénidate agit favorablement sur l’attention en aidant le patient à décider où focaliser son attention, à avoir un sens critique à l’égard de son comportement et à maîtriser celui-ci, à décider efficacement quand bouger ou ne pas bouger, quand appuyer sur un bouton ou non. De plus, le TDA se présente sous plusieurs types et maintes versions. Qui plus est, le degré d’hyperactivité, du déficit de l’attention et du déficit dans le traitement de l’information varie d’un patient à l’autre.

Le patient peut éprouver des difficultés en situation d’apprentissage parce qu’il est incapable de s’asseoir et de rester en place, de se concentrer ou d’intégrer l’information à laquelle il est exposé. La noradrénaline est à l’origine de ce dernier déficit.

Il n’existe pas de démarche optimale qui convient à tous les patients (Wilens TE. J Clin Psychiatry 2006;67[suppl 8]:32-8). Tous les patients sont différents, de sorte que la stratégie de traitement doit être individualisée. Le choix du traitement doit reposer sur un interrogatoire complet des parents, à laquelle s’ajoutent les commentaires de l’enseignant. Le médecin peut alors repérer les principaux symptômes et problèmes du patient et prescrire un traitement approprié. Il est souhaitable que chaque patient essaie d’abord un médicament agissant davantage sur le système dopaminergique comme le méthylphénidate, puis la préparation de SMA qui agit de façon marquée à la fois sur la dopamine et la noradrénaline.

STRATÉGIE CROISÉE

La stratégie croisée est souvent la meilleure façon de déterminer le traitement optimal. Le patient prend un premier médicament, généralement le méthylphénidate, avant de passer à la préparation de SMA deux semaines plus tard. Le médecin peut alors opter pour le médicament qui corrige le mieux les symptômes du patient. Dans ma pratique, nous essayons les deux médicaments chez chaque patient et nous voyons ainsi lequel donne les meilleurs résultats sur les plans de l’attention et du degré de bien-être, en tenant compte des effets indésirables.

Il est important d’essayer les deux médicaments l’un après l’autre chez chaque patient et de les comparer. Cette comparaison prend un peu de temps, mais vaut la peine. Au moment où les patients nous consultent, le TDAH persiste généralement depuis déjà un certain temps, et un tel problème chronique ne peut pas se résoudre du jour au lendemain. Il est essentiel de comprendre les effets distincts de chaque neurotransmetteur. À mesure qu’avance la recherche sur la pathogenèse du TDAH, nous découvrirons peut-être que la noradrénaline est plus importante que la dopamine sur le plan de l’attention. En clinique, nous essayons un agent de chaque catégorie.

Lorsque l’on compare les deux types de médicament pour déterminer lequel convient le mieux à chaque patient, on doit évaluer brièvement et objectivement deux aspects de la réponse : d’abord, l’efficacité, c’est-à-dire l’effet de chaque médicament sur l’attention, l’accomplissement des tâches, le sens de l’organisation et les effets indésirables. En deuxième lieu, le médecin doit évaluer la durée de l’action de chaque médicament par rapport aux activités et aux tâches du patient pendant la journée. Si la structure des activités d’un enfant en classe est assez prévisible, l’évaluation de la réponse chez un adulte doit être individualisée selon les tâches précises qu’il a à accomplir au cours d’une journée.

STRATÉGIE D’OPTIMISATION DE LA MÉDICATION

Notre équipe a conçu et présenté au congrès de 2004 de l’American Psychiatry Association un système de suivi validé (le Hunt-medication Efficacy and Duration System) qui permet de mesurer simplement la réponse au médicament tout au long de la journée à partir de signaux envoyés toutes les deux heures à l’assistant numérique confié au patient. Ces mesures, combinées à l’utilisation hebdomadaire de l’échelle de Conners d’évaluation du TDA chez l’adulte, permettent d’évaluer objectivement la réponse à la démarche croisée susmentionnée. Nous avons également conçu une courte échelle de détermination de la préférence qui permet au patient de coter les raisons pour lesquelles il préfère un médicament ou l’autre. Ces raisons englobent non seulement l’efficacité et les effets indésirables du médicament, mais aussi la réponse à des questions où la subjectivité, les interactions sociales et l’accomplissement de tâches entrent en ligne de compte.

Des médicaments comme la clonidine diminuent aussi l’hyperactivité, mais pas de la même façon que les stimulants; cet agent peut d’ailleurs être utilisé en association avec un stimulant. Il peut aussi agir en synergie avec le méthylphénidate et ainsi permettre de réduire la dose de méthylphénidate requise pour focaliser l’attention. Les amphétamines ont plutôt un effet inhibiteur vertical, en ce sens qu’elles agissent sur la partie supérieure du système nerveux central en apaisant la partie inférieure, c’est-à-dire la composante motrice.

Chez les jeunes patients, les médicaments qui agissent sur la réaction d’éveil noradrénergique sont souvent utiles pour améliorer les résultats scolaires. Toujours chez ces patients, le défi principal consiste à amplifier l’effet inhibiteur et ainsi atténuer l’hyperactivité et l’impulsivité. La préparation de SMA XR peut être utile en inhibant le mouvement excessif et en stimulant l’éveil. Cet agent exerce des effets davantage noradrénergiques que le méthylphénidate. Le médecin peut alors indiquer aux parents qu’ils verront surtout une amélioration au niveau de la concentration, du maintien de l’attention et de la prise de décisions dans les travaux scolaires. L’épellation et les mathématiques sont généralement les sujets que les SMA XR améliorent.

CONTRIBUTION DE LA NEURO-IMAGERIE ET AVENIR DE LA RECHERCHE

Les progrès réalisés en neuro-imagerie nous ont aidés à comprendre les rôles respectifs de la dopamine et de la noradrénaline dans le TDAH. Pour ne citer qu’un exemple, il est maintenant possible de marquer les récepteurs dopaminergiques. L’examen d’imagerie cérébrale demandé peut maintenant évaluer les ligands spécifiques de la dopamine. Il serait intéressant d’ailleurs d’observer l’activité réelle des récepteurs dopaminergiques en fonction du sous-type de TDAH. Nous sommes donc capables de voir l’effet du traitement par le méthylphénidate ou les SMA XR.

Certains chercheurs sont en bonne voie d’identifier les variants génétiques qui pourraient contribuer au TDAH. À ce jour, on a repéré sept gènes qui jouent un rôle actif dans les voies dopaminergiques et noradrénergiques. Les essais cliniques de l’avenir exigeront peut-être une analyse génétique moléculaire de chaque participant et un examen d’imagerie cérébrale afin de rendre possible l’évaluation des effets spécifiques du traitement sur les liaisons aux récepteurs dopaminergiques. À l’heure actuelle, cependant, aucun ligand noradrénergique n’a été identifié.

Nous anticipons avec plaisir l’évolution des connaissances sur les variants génétiques qui pourraient influer sur le TDAH. En connaissant le profil génétique particulier de chaque patient, nous réussirons peut-être à mettre au point des traitements ciblés et ainsi à obtenir de meilleurs résultats.

RÉSUMÉ

La dopamine et la noradrénaline, deux neurotransmetteurs essentiels à l’apprentissage et à la prise de décisions, sont toutes deux affectées dans le TDA ou le TDAH. Chez la personne atteinte du TDAH, on observe un recaptage excessif de ces deux neurotransmetteurs, de sorte que chacun est disponible en quantité moindre dans l’organisme. Ces déficits se traduisent par les signes cardinaux du TDAH, à savoir l’inattention, l’incapacité de rester concentré sur la tâche à accomplir, l’impulsivité et l’hyperactivité. Les amphétamines et le méthylphénidate sont les principaux stimulants utilisés dans le traitement du TDA et du TDAH. La présence de dysfonctions dopaminergiques et noradrénergiques semble nécessaire pour que ces agents soient cliniquement efficaces. Le méthylphénidate agit principalement sur les récepteurs dopaminergiques, de sorte qu’il cible l’attention, l’hyperactivité et le circuit de la récompense. Les amphétamines agissent à la fois sur la dopamine et la noradrénaline, de sorte qu’elles améliorent surtout l’attention focalisée et les fonctions exécutives pour permettre au patient de prendre des décisions efficaces en réponse aux stimuli.

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