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Allaitement maternel et sevrage
Le point sur le traitement de la surcharge en fer

De la recherche à la pratique clinique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

EN DIRECT - La Gériatrie

Juin 2010

D’après les communications présentées à la 30e Assemblée annuelle de la Société canadienne de gériatrie

Ottawa, Ontario / 15-17 avril 2010

Introduction

Le vieillissement de la population : retombées sociales au XXIe siècle

La Société canadienne de gériatrie (SCG) tenait récemment à Ottawa sa 30e Assemblée annuelle. Les Drs Roger Wong, professeur agrégé de médecine clinique, University of British Columbia, Vancouver, et Robert Lam, professeur adjoint de médecine familiale, University of Toronto, Ontario, y ont co-animé la première séance clinique, intitulée «The Geriatric Jungle: Survival Skills for the Family Physician». Tous deux ont souligné l’importance de tenir compte des difficultés particulières à la gériatrie, tels la complexité des problèmes médicaux, le fardeau administratif et les obstacles à la communication, si l’on aspire à offrir aux personnes âgées des soins cliniques adéquats. «Les personnes de 65 ans ou plus représentent à l’heure actuelle la moitié des consultations en cabinet, de sorte que, dans les faits, la médecine familiale constitue déjà une pratique gériatrique», affirme le Dr Lam. D’ici 2031, un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans, ajoute-t-il (Figure 1).


Avec la certification de seulement 211 internistesgériatres et de 164 médecins de famille formés à la prise en charge de la personne âgée, on peut penser que «les soins gériatriques au Canada sont en majeure partie fournis par les médecins de famille omnipraticiens et continueront de l’être, de conjecturer le Dr Lam. Si cette tâche qui s’annonce de plus en plus lourde doit leur échoir, alors ils auront besoin d’acquérir certaines “techniques de survie”.»

Lorsqu’on a affaire à des personnes âgées, il est essentiel de hiérarchiser les problèmes médicaux, estime le Dr Lam. S’il reçoit le patient dans le cadre d’une consultation ordinaire à son cabinet, le médecin doit être conscient qu’il ne pourra pas, en une seule visite, aborder tous les problèmes médicaux— probablement multiples — du patient, mais qu’il doit plutôt essayer de trouver avec lui un «terrain d’entente» tout en l’assurant que ses autres sujets de préoccupation seront discutés au fil des prochaines visites.

Centrer l’entretien sur le patient en lui donnant la parole peut aider à trouver ce terrain d’entente, poursuit le Dr Lam; le patient devrait être d’autant plus satisfait si l’on a déterminé, avec son aide, l’ordre d’importance de ses problèmes. Une franche communication est également utile. Cela dit, reconnaît le Dr Lam, il peut être difficile d’établir une relation avec un patient âgé, en particulier s’il a un déficit cognitif.

D’un autre côté, les personnes âgées peuvent être très loyales envers leur médecin à condition que le médecin à qui elles s’en remettent soit capable de bien communiquer ou ait une personnalité qui les mette à l’aise. Lors d’une étude rétrospective qu’il a menée chez 104 patients âgés adressés consécutivement à sa propre clinique de gériatrie, le Dr Lam en est venu, après une analyse approfondie, à la conclusion que les médecins devaient réellement focaliser leur attention davantage sur la démarche de soins qui importe vraiment aux personnes âgées que sur la complexité des problèmes médicaux auxquels ils peuvent faire face.

Il est également probable que les patients aient davantage besoin d’aide en raison de douleurs articulaires, cervicales ou dorsales, d’une fibromyalgie, de crampes dans les jambes, d’insomnie ou d’un diabète que pour les nombreux autres problèmes souvent abordés dans les programmes de formation médicale continue destinés aux médecins de famille. «Il importe aussi que le médecin établisse des objectifs réalistes qui servent l’intérêt véritable de la personne âgée fragile», poursuit le Dr Lam.

Comme ce dernier l’indique, la mise sur pied d’équipes interdisciplinaires et de services de soins de santé communautaires peut aider à répondre aux nombreux besoins des aînés. Par ailleurs, les médecins, qui sont limités par les codes de facturation de leur régime provincial, doivent reconnaître qu’une consultation en cabinet ordinaire d’une durée de 5 à 10 minutes n’est pas suffisante pour répondre aux multiples besoins des patients âgés. Ils doivent également se doter de systèmes pour le suivi de leurs patients âgés atteints d’une maladie évolutive et d’outils de rappel pour les interventions particulières dont ceux-ci ont besoin en temps utile.

«On ne peut pas y arriver tout seul, reconnaît le Dr Lam, mais si on apprend les techniques de survie qui s’imposent, la tâche est plus facile à accomplir.»

Faire face au vieillissement des baby-boomers

Le public est pleinement conscient du «tsunami gris» qui se prépare à déferler au cours des prochaines décennies, alors que les premiers baby-boomers atteindront dans moins d’un an l’âge de 65 ans (Tableau 1). Tout comme l’est aussi l’effectif plutôt restreint de spécialistes en gériatrie et de médecins de famille spécialisés dans le soin des personnes âgées qui se consacrent déjà entièrement à cette clientèle. De l’avis du Dr William Dalziel, récipiendaire du prix Ronald Cape Distinguished Service Award de cette année pour son inestimable contribution à la gériatrie, la sonnette d’alarme n’est pas entendue par les acteurs qui sont en mesure de concevoir, pour tous les types de soins de santé, des systèmes proactifs beaucoup mieux adaptés à la démarche médicale en gériat
à l’heure actuelle.

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«Tout le monde parle du vieillissement de la population, mais on ne semble pas faire le lien entre cette réalité et le besoin de médecins spécialistes ainsi que d’omnipraticiens et d’infirmières formés et donc à même de fournir de meilleurs soins aux personnes âgées», indique-t-il. Non pas que ce besoin ne soit pas reconnu, «mais cela ne s’est simplement pas concrétisé par des changements dans la pratique clinique de la gériatrie et nous sommes nombreux à nous inquiéter de l’avenir de cette spécialité au pays», note le Dr Dalziel. L’abolition des écarts de rémunération entre la gériatrie et d’autres spécialités telles que la neurologie ou la cardiologie (comme cela se fait en Grande-Bretagne, précise le Dr Dalziel) lèverait un important obstacle à l’attrait pour la gériatrie.

Un plus grand nombre d’heures d’enseignement de la gériatrie aux étudiants des facultés de médecine durant la période où ils décident s’ils se spécialiseront et, si oui, dans quelle discipline, pourrait accroître considérablement l’intérêt pour cette spécialité.

«Dans une perspective à long terme, je suis plus optimiste, mais, en ce moment, le manque de ressources ne nous laisse aucune marge, conclut le Dr Dalziel. En dernière analyse, les choses devront bouger à l’échelle nationale et il appartiendra aux médecins d’exhorter les autorités à apporter les changements souhaitables au système.»

L’ischémie cérébrale transitoire, un signal d’alarme à ne pas rater

Pour le médecin, l’ischémie cérébrale transitoire (ICT) est une occasion en or d’intervenir pour prévenir l’AVC, surtout au cours des premiers jours suivant l’ICT, le risque d’AVC étant alors maximal.

«L’ICT est un symptôme avant-coureur d’au moins 15 à 20 % des AVC. L’ICT offre donc au médecin une belle occasion de faire de la prévention», affirme le Dr Michael Sharma, directeur, Centre régional des AVC de Champlain, Ottawa, Ontario. L’ICT – dont le diagnostic est clinique – se caractérise par l’apparition soudaine d’un déficit neurologique localisé que l’on suppose d’origine vasculaire, souligne-t-il. L’ICT typique dure moins d’une heure, car si les symptômes durent plus d’une heure, il s’agit d’un AVC, précise le Dr Sharma. L’ICT peut se répéter de deux à quatre fois, poursuit-il.

Il est essentiel d’intervenir sans délai, surtout chez les patients à risque élevé d’AVC. Par exemple, si les examens d’imagerie des carotides mettent en évidence une sténose de 70 % ou plus, on doit tout de suite diriger le patient vers un spécialiste pour une endartériectomie carotidienne. Si l’intervention chirurgicale peut être réalisée dans un délai de deux semaines après l’ICT, le nombre de patients à traiter pour éviter un AVC est de trois. Si l’intervention a lieu beaucoup plus tard, le nombre est alors beaucoup plus élevé.

Il a aussi été démontré que l’introduction précoce d’une statine diminuait le risque de progression vers l’AVC de 16 % au bas mot, et probablement plus, souligne le Dr Sharma. En revanche, l’utilisation de suppléments d’acides gras oméga-3 augmente le taux de C-LDL et ne diminue pas le taux d’événements, si bien que l’on doit dissuader les victimes d’une ICT de prendre ces suppléments.

«L’hypertension est le plus important des facteurs de risque de l’AVC que l’on puisse modifier», poursuit le Dr Sharma, car elle est à l’origine de 40 à 60 % de tous les AVC. Toutes les classes d’antihypertenseurs peuvent réduire le risque d’AVC à l’exception des bêta-bloquants, qui n’influent pas grandement sur ce risque, précise le Dr Sharma. Et ce ne sont pas des agents de première intention pour les patients âgés.

L’introduction d’un antiplaquettaire devrait être fonction du niveau
déterminé par un score prédictif tel le score ABCD2 (Tableau 2).

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Si l’association ASA + clopidogrel est indiquée, elle peut être administrée pendant un court laps de temps après l’ICT (au plus trois mois), mais elle ne peut pas l’être à long terme car elle majore le risque hémorragique.

S’il y a lieu, on doit encourager le patient à cesser de fumer, car l’arrêt du tabagisme diminue l’adhésion plaquettaire et le risque d’embolie en quelques jours, ce qui diminue le risque d’AVC.

Reconnaître les patients à risque élevé

Pour reconnaître les victimes d’une ICT à risque élevé d’AVC, on doit avoir recours à divers outils, dont le score ABCD2 qui a été conçu conjointement par des chercheurs américains et britanniques. À en juger par les cohortes d’études sur l’ICT, le score ABCD2 aide à cerner les patients à risque élevé d’AVC.

«Un score [ABCD2] de 6 ou 7 points dénote un risque élevé d’AVC. La sensibilité de cet outil pour la détermination du risque d’AVC à sept jours est de 83 %», souligne le Dr Jeffrey Perry, professeur agrégé de médecine, Université d’Ottawa.

Dans leur propre étude prospective, le Dr Perry et ses collaborateurs ont suivi une cohorte de patients qui, à leur arrivée au service des urgences de deux établissements tertiaires entre janvier 2007 et avril 2009, montraient des symptômes d’une ICT.

Le score ABCD2 a révélé que, parmi les 982 patients qui avaient été suivis pendant 90 jours, 32 % étaient considérés comme exposés à un faible risque d’AVC, 49 % à un risque modéré et 19 % à un risque élevé. Si le risque d’AVC s’élevait à 9,1 % selon le score ABCD2, le taux réel d’AVC pen
s’élevait qu’à 3,2 % au sein de la cohorte d’Ottawa, souligne le Dr Perry (Tableau 3).

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Fait digne de mention, seulement 6 % des sujets de la cohorte ont dû être hospitalisés, et le risque de nouvelle ICT, d’infarctus du myocarde et de décès à 90 jours se chiffrait à 5,4 %, 0,1 % et 1,8 %, respectivement. «Un score ABCD2 dénotant un risque élevé n’est pas assez sensible pour guider à lui seul l’évaluation du risque d’AVC chez une victime d’ICT, prévient le Dr Perry. Cependant, on recommande tout de même de diriger le patient sans délai vers un spécialiste pour prévenir un AVC sur la foi du score ABCD2 et de l’impression du clinicien.»

Au nombre des autres interventions obligatoires figurent un électrocardiogramme pour déceler une fibrillation auriculaire sous-jacente s’il y a lieu ainsi que des examens d’imagerie pour détecter la présence d’une sténose critique ou des antécédents d’infarctus cérébral, lesquels majorent tous le risque d’AVC de manière significative.

Démence avancée : préparer la famille ou le mandataire aux soins de fin de vie

La démence avancée est une maladie terminale, et la famille ou le mandataire du patient ont la lourde responsabilité de formuler les directives préalables qui détermineront les interventions désirées en cas de complications et, surtout, celles auxquelles ils ne souhaitent pas recourir.

Selon la Dre Susan Mitchell, professeure agrégée de médecine, Harvard Medical School, Hebrew Rehabilitation Center, Roslindale, Massachusetts, les soins palliatifs prodigués aux patients atteints de démence avancée (stade 7 de l’échelle GDS [Global Deterioration Scale]) sont souvent insuffisants, quel que soit le type d’établissement de soins, car la démence n’est pas toujours reconnue comme une maladie terminale. En cas de complications, ces patients sont également plus susceptibles que les patients cancéreux d’être soumis à des interventions énergiques, même s’ils meurent souvent peu de temps après ces dernières.

Plusieurs mois avant leur décès, les patients atteints de démence avancée présentent tout aussi souvent que les patients cancéreux des symptômes tels que dyspnée, douleur, escarres de décubitus, aspiration et agitation. Il est difficile d’établir le pronostic chez ces patients, reconnaît la Dre Mitchell, mais il s’agit d’une démarche importante, car la méconnaissance du pronostic constitue le principal obstacle à l’accès aux soins palliatifs (seulement 10 % des patients atteints de démence avancée aux États-Unis bénéficient de tels soins).

On a tenté d’établir des scores pronostiques applicables à la démence avancée, mais malgré l’utilisation de méthodes très rigoureuses, «nous avons pu déterminer correctement le risque de mortalité à 6 mois chez seulement 70 % des patients, et je suis maintenant persuadée qu’il est impossible de prévoir le moment du décès chez les patients atteints de démence avancée», souligne la Dre Mitchell, ajoutant que l’accès aux soins palliatifs ne devrait pas être lié au pronostic.

Directives préalables

Dans le but d’aider les familles et les mandataires en soins de la personne à formuler les directives préalables d’un patient atteint de la maladie d’Alzheimer (MA), la Dre Mitchell et ses collaborateurs ont réalisé une étude auprès de 570 résidants de maisons de soins infirmiers afin de déterminer quelles étaient les complications les plus susceptibles de survenir chez les personnes atteintes de démence avancée. Pendant les 18 mois du
ts de la cohorte sont décédés (25 % en moins de 6 mois), 93 % sont morts dans l’établissement de soins, et quasiment tous les sujets sont morts de démence.

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Les complications observées le plus souvent dans cette cohorte ont été la pneumonie et les problèmes d’alimentation, et le taux de mortalité était significativement plus élevé chez les patients victimes de ces complications.

La Dre Mitchell souligne l’importance, pour les médecins, d’expliquer à la famille et au mandataire ce à quoi ils doivent s’attendre aux stades avancés de la démence, et de les aider à formuler des directives préalables avant qu’une intervention ne soit nécessaire. Certaines études ont révélé que plus de 30 % des résidants de maisons de soins infirmiers étaient alimentés par sonde, souvent à la suite d’un événement aigu ayant nécessité une hospitalisation pendant laquelle l’alimentation parentérale a été instaurée, sans être abandonnée par la suite. Or, de
mage.php?id=4163" />quement démontré que l’alimentation par sonde n’avait aucune incidence sur les marqueurs de la malnutrition et qu’elle ne prolongeait pas la survie, contrairement aux idées reçues (Tableaux 4 et 5).

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Selon la Dre Mitchell, l’alimentation par sonde ne fait qu’ajouter aux malaises du patient, «alors si l’objectif des soins est le bien-être, l’alimentation orale assistée est l’option à privilégier».

L’utilisation abusive d’antibiotiques est lourde de conséquences pour la société et peut favoriser la résistance bactérienne, phénomène auquel l’usage répété d’antibiotiques chez les patients atteints de démence avancée contribue largement. Les infections sont en effet courantes au sein de cette population. Dans le cadre de son étude auprès de résidants de maisons de soins infirmiers, la Dre Mitchell a constaté que plus de 40 % d’entre eux avaient reçu une antibiothérapie au cours des 14 derniers jours de leur existence et qu’ils étaient tous décédés en dépit de ce traitement. Si l’objectif de la famille vise le mieux-être du patient plutôt que la prolongation de sa vie, elle doit aviser les professionnels de la santé de ne pas donner d’antibiotiques au patient en cas d’infection. En revanche, si l’entourage familial accepte l’antibiothérapie, celle-ci devrait préférablement être administrée par voie orale – moins invasive – plutôt qu’intraveineuse. Il est vrai que la survie des patients qui ne reçoivent pas d’antibiotiques est moins longue, mais leur bien-être en souffre moins, note la Dre Mitchell.

Trousse d’information sur la démence et la conduite automobile

Une liste de contrôle rapide en 10 points sur la démence et la conduite automobile, utilisable en cabinet et élaborée par un éminent gériatre, facilite maintenant la tâche des cliniciens qui ont la lourde responsabilité d’évaluer l’aptitude du patient à la conduite automobile.

Comme l’ont précisé au congrès l’auteur de cet outil, le Dr William Dalziel, chef du Programme gériatrique régional de l’Est de l’Ontario, Ottawa, et le Dr Frank Molnar, professeur agrégé de médecine, Université d’Ottawa, ce n’est pas tant l’âge du patient qui en fait un danger sur la route, mais bien les
re – surtout si elles ne sont pas stabilisées – ainsi que la prise de médicaments à doses élevées ou fluctuantes. Comme ils sont à l’avantafin scène des soins aux personnes âgées, «les médecins peuvent évidemment prévenir beaucoup de collisions», souligne le Dr Molnar.

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Les guides de pratique et les lignes directrices consensuelles ne donnent toutefois aucune orientation sur l’utilisation appropriée des tests recommandés, dont le mini-examen de l’état mental (MMSE), le dessin de l’horloge et la partie B du test des tracés, et ne fixent aucune valeur-seuil permettant de déterminer l’aptitude d’un patient à la conduite automobile. «En l’absence de données probantes, nous devons nous tourner vers des outils d’évaluation fondés sur l’expérience», explique le Dr Molnar.

Forts de leur expérience dans l’évaluation de l’aptitude des aînés à la conduite automobile, des gériatres d’Ottawa, sous la direction du Dr Dalziel, ont donc élaboré une trousse d’information sur la démence et la conduite automobile.

Le premier point de la liste de contrôle consiste à déterminer le type de démence dont souffre le patient. Comme le précise le Dr Dalziel, «la démence frontotemporale et la démence à corps de Lewy rendent la conduite particulièrement dangereuse. Les patients qui présentent ces types de démence ne peuvent conduire sans danger.»

Malheureusement, ces deux types de démence ne touchent qu’une faible proportion de patients, les médecins traitant surtout des cas de MA, de démence vasculaire (DVa) ou de démence mixte (DVa et démence associée à la MA). La conduite automobile est jugée plus «sécuritaire» chez les patients présentant ces derniers types de démence, mais la gravité de l’atteinte est déterminante. Pour mesurer cette dernière, le médecin doit évaluer les pertes fonctionnelles associées à la démence plutôt que de s’en remettre au score MMSE. La démence «très légère» est généralement associée à des perturbations minimes des activités de la vie quotidienne (AVQ) : courses, ménage, budget ou finances, préparation des repas et déplacements. Comme les hommes s’acquittent généralement peu de ces tâches, le médecin évaluera alors leur capacité à utiliser des outils et le téléphone. Les patients qui présentent des incapacités dans plus d’une AVQ utilitaire ou au moins une AVQ de base ne doivent pas conduire.

Le médecin doit ensuite s’assurer que les membres de la famille sont récemment montés en voiture avec le patient, avant de leur poser la «question des petitsenfants » : Vous sentiriez-vous à l’aise si un enfant de cinq ans se trouvait seul dans la voiture conduite par le patient? La réponse est souvent un «non» catégorique.

On peut évaluer les facultés visuospatiales au moyen d’un test qui consiste à demander au patient de positionner les chiffres correspondant aux heures sur un cercle représentant une horloge, ainsi qu’à y reproduire une heure précise; les patients qui échouent ce test sont vraisemblablement inaptes à conduire.

De l’avis des conférenciers, le patient acceptera probablement plus facilement de renoncer à conduire si la décision du médecin est motivée par des problèmes physiques plutôt que des troubles cognitifs. C’est pourquoi le médecin ne devra pas hésiter à invoquer la présence de troubles musculosquelettiques, de faiblesse, de diminution de la mobilité du cou ou de crises épisodiques pour justifier sa décision. Toute diminution importante de l’acuité visuelle ou du champ de vision devra également être recherchée.

Le patient est inapte à conduire s’il ne répond pas aux critères de réussite de l’un des six premiers points de la liste de contrôle; il est alors inutile de pousser l’évaluation plus loin. Dans le cas contraire, le médecin pourra recourir aux autres éléments de la liste, dont la présence éventuelle de risques associés à la prise de médicaments pouvant entraîner de la somnolence, une augmentation du temps de réaction ou une baisse de la concentration.

Les parties A et B du test des tracés (http://giic. rgps.on.ca/driving-capacity) permettent d’évaluer la capacité du patient à résoudre des problèmes (Figure 3). S’il prend plus de 2 minutes pour terminer la partie A ou commet plus de 2 erreurs, il est inapte à conduire; la même conclusion s’impose s’il prend plus de 3 minutes à terminer la partie B ou commet plus de 3 erreurs. Les patients qui terminent la partie B en moins de 2 minutes ou font moins de 2 erreurs peuvent être jugés aptes à conduire. L’aptitude à conduire ne peut être établie formellement chez les patients qui prennent de 2 à 3 minutes à terminer la partie B ou qui commettent 2 erreurs; le médecin doit alors tenir compte des observations qualitatives notées durant la réalisation du test – lenteur, hésitations, manque de concentration, corrections multiples – pour dissiper tout doute et conclure avec certitude que le patient est inapte à conduire.

Le test de la règle permet d’évaluer le temps de réaction du patient. Le médecin place la partie inférieure d’une règle de 30 cm entre le pouce et l’index du patient (écartés de 1 à 2 cm), lui demande plusieurs fois s’il est prêt à l’attraper, puis la laisse tomber. Si le patient est incapable de la rattraper après deux essais, les résultats sont considérés comme anormaux.

Enfin, un test simple permet d’évaluer le jugement du patient. Il consiste à lui demander ce qu’il ferait si un ballon roulait devant sa voiture pendant qu’il conduit. (On peut supposer qu’il ralentirait ou immobiliserait son véhicule, s’attendant à voir un enfant s’élancer sur la chaussée pour rattraper son ballon.)

Le médecin devrait également poser la question suivante à son patient : «Compte tenu de votre diagnostic de démence, croyez-vous que vous devrez un jour arrêter de conduire?». Les patients jugés aptes à conduire doivent être réévalués tous les 6 à 12 mois selon l’évolution du déclin cognitif; ceux qui sont jugés inaptes doivent être signalés aux autorités provinciales compétentes. Enfin, dans le cas des patients dont l’aptitude à conduire n’a pu être établie formellement, le médecin doit demander une évaluation spécialisée sur la route si la conduite automobile est le seul élément qui pose problème, et faire appel à des services spécialisés d’évaluation de la démence si celle-ci touche plusieurs sphères.

«Un diagnostic de démence n’entraîne pas la suspension automatique du permis de conduire», souligne le Dr Molnar. Toutefois, le médecin doit impérativement s’informer des habitudes de conduite de son patient, car la méconnaissance de ces dernières ne protège pas contre les poursuites en justice.»

Les plans d’action sur la maladie d’Alzheimer au Canada, un réel défi

Les gériatres et les médecins de famille ayant une expertise auprès des personnes âgées occupent une position privilégiée pour rallier les politiciens autour d’un plan d’action déjà existant sur les démences et les inciter à le mettre en oeuvre.

«Lors de sa publication, en janvier, le rapport Raz-demarée a bénéficié d’un généreux appui de la population, mais il a reçu un accueil réservé d’Ottawa et rien de concret n’en est ressorti», constate Scott Dudgeon, auteur du rapport, consultant en politiques de la santé et chef de la direction sortant de la Société Alzheimer du Canada. Le rapport Raz-de-marée : Impact de la maladie d’Alzheimer et des affections connexes au Canada – Stratégie canadienne sur le cerveau a été élaboré grâce à une subvention sans restriction de Pfizer Canada.

«Ce rapport avait pour objectif d’évaluer le fardeau que feront peser les démences sur l’économie et la santé au Canada au cours des 30 prochaines années», explique M. Dudgeon.

Le nombre annuel de nouveaux cas de démence devrait atteindre 250 000 en 2038, soit une incidence 2,5 fois plus élevée que celle de 2008. Le fardeau économique total attribuable à la maladie d’Alzheimer (MA) au Canada se chiffre actuellement à 15 milliards de dollars par année environ (Tableau 6). On prévoit qu’il s’alourdira considérablement au cours des 30 prochaines années pour atteind
mage.php?id=4166" />lars de 2008). Ce montant inclut les coûts directs et indirects estimés à 570 milliards, ainsi que les coûts de renonciation des aidants — les revenus que ces derniers auraient pu toucher s’ils n’avaient pas quitté le marché du travail pour prendre soin d’une personne Alzheimer — lesquels totalisent environ 300 milliards (Figure 4).

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M. Dudgeon estime également qu’environ 75 000 patients Alzheimer au Canada ont moins de 65 ans et qu’ils avaient possiblement atteint leur plus haut niveau de rémunération et de contributions fiscales. Les pertes de revenus et les impôts non perçus à cause de la maladie représentent alors d’autres coûts de renonciation importants.

«En revanche, une augmentation de 50 % du niveau d’activité physique de tous les Canadiens de plus de 65 ans se traduirait par une réduction de quelque 6 milliards de dollars du fard
ns seulement», affirme M. Dudgeon. Un programme permettant de retarder de 2 ans l’apparition de la maladie réduirait ce fardeau de 24 milliards pendant la même période; un programme de soutien aux aidants entraînerait des économies de 12 milliards environ; enfin, l’assignation d’un navigateur de système assurant la gestion des besoins de chaque patient réduirait le fardeau de quelque 24 milliards de dollars (Tableau 7).

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«Nous avons présenté les faits aux gouvernements d’un bout à l’autre du pays, nous leur avons offert des pistes de solution et nous les avons invités à poursuivre le dialogue avec nous, affirme M. Dudgeon. C’est maintenant au tour des Canadiens d’inciter les gouvernements à passer à l’action, et je crois que les gériatres sont bien placés pour aider la population à savoir ce qu’elle doit demander.»

Progrès importants

L’Ontario a réalisé des progrès importants au chapitre des soins aux personnes atteintes de démence, mais aucune des approches globales recommandées ne pourra être adoptée sans l’injection d’investissements beaucoup plus considérables.

La Dre Marie-France Rivard, professeure titulaire de psychiatrie, Université d’Ottawa, a examiné les initiatives de l’Ontario et leur incidence sur les objectifs stratégiques du programme de lutte contre la MA de cette province. Ce programme, la première stratégie intégrée au Canada sur la MA, a bénéficié d’un investissement de 68,4 millions de dollars de 1999 à 2004. Il avait pour objectifs d’améliorer la qualité de vie des patients et de leurs aidants, d’améliorer les traitements, les soins et les conditions de vie des personnes atteintes, et d’accroître la sensibilisation du public à l’égard des démences et des services offerts. «Nous estimons que ces objectifs ont été atteints», affirme la Dre Rivard.

Toutefois, l’intégration de ces objectifs à la pratique clinique est un «défi constant» pour les professionnels de la santé, précise-t-elle, et les ressources étaient parfois insuffisantes pour que nous puissions mener à bien certaines initiatives du programme original. Ce dernier nous a appris que les besoins des patients atteints de démence étaient complexes et que le gouvernement provincial devait adopter une stratégie multifacette pour y répondre.

Les divers ministères, dont celui de la Santé et des Soins de longue durée, doivent travailler de concert afin de favoriser la collaboration entre les divers organismes et groupes d’intérêts. «Compte tenu de l’ampleur du problème, la collaboration est essentielle à l’atteinte de nos objectifs», confirme la Dre Rivard.

La reconnaissance formelle des besoins en matière de santé mentale, ainsi que des troubles comportementaux associés à la MA – composantes de la maladie que de nombreux intervenants hésitent à prendre en charge en raison de la stigmatisation des maladies mentales – sont d’autres éléments ayant contribué à la réussite du programme, souligne la Dre Rivard, précisant que «la plupart d’entre nous seront touchés par la MA au cours de notre vie professionnelle ou personnelle; il est donc important que nous trouvions des moyens d’améliorer la situation des patients atteints de démence. Nous devons trouver des solutions.»

Plan d’action pour le Québec

Le Dr Howard Bergman, vice-président, Réseau québécois de recherche sur le vieillissement, Fonds de la recherche en santé du Québec, Montréal, a passé en revue le plan d’action sur la MA et les maladies apparentées préparé par un comité d’experts qu’il a lui-même présidé. «L’urgence d’agir est maintenant reconnue au niveau international. La France, le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont élaboré des plans d’action nationaux», précisent les auteurs. Les objectifs du plan d’action prioritaire 2 étaient d’améliorer et de simplifier l’accès à un processus d’évaluation des fonctions cognitives et de diagnostic de la maladie; d’assurer l’accès à une prise en charge intégrée dès l’annonce du diagnostic; d’innover par une coordination efficace et souple des services requis par la personne atteinte et ses proches; et d’adapter l’organisation et l’approche proposées à la réalité locale et régionale.

Le plan proposé comporte sept actions prioritaires assorties de 24 recommandations pour leur mise en oeuvre. «Selon moi, l’action prioritaire 2 est la plus importante», précise le Dr Bergman. Pour atteindre les objectifs visés, les auteurs recommandent de recourir au modèle de prise en charge des maladies chroniques reposant sur un partenariat médecin-infirmière avec la personne atteinte et ses proches.

Au sein de ce cadre, l’infirmière responsable de la continuité des services aux patients agira à titre d’«infirmière pivot Alzheimer» afin de s’assurer que les personnes atteintes reçoivent les services essentiels, mais pour jouer son rôle, le partenariat médecin-infirmière devra pouvoir bénéficier d’un accès rapide, facile et souple à des ressources spécialisées. Le traitement initial serait mis en route par des groupes de médecine familiale et des cliniques réseaux en collaboration avec les centres de santé et de services sociaux régionaux, lesquels s’assureraient que l’organisation des services soit adaptée à la réalité locale et régionale.

«Le gouvernement travaille à l’élaboration d’un plan stratégique quinquennal d’amélioration du système de santé, dont le principe consiste à intégrer les interventions ciblées aux services médicaux de première ligne, ainsi qu’aux services spécialisés, précise le Dr Bergman. Je suis persuadé que les acteurs concernés travaillent à mettre en place des solutions à cet enjeu de taille; lorsque les patients Alzheimer seront de plus en plus nombreux à occuper des lits d’hôpitaux et à avoir besoin de soins de longue durée, les gens prendront conscience que quelque chose ne va pas.»

Revue de la littérature en 2009

Le congrès de la SCG de cette année s’est terminé par une revue de la littérature publiée en 2009, présentée par le Dr Chris Brymer, professeur agrégé de gériatrie, University of Western Ontario, London. Voici quelquesuns des points clés de sa présentation, intitulée «Applying the Top Articles of Last Year in Your Practice».

Hypertension et insuffi sance cardiaque congestive chez les patients de plus de 75 ans

• Pour réduire la mortalité, viser des chiffres tensionnels de 130/80 à 140/90 mmHg.

• Le traitement par l’amlodipine ou la félodipine, un diurétique thiazidique ou un inhibiteur de l’ECA réduit la mortalité.

• Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) sont moins susceptibles de causer une toux que les inhibiteurs de l’ECA.

• La prise en charge de tous les facteurs de risque vasculaire (dyslipidémies, hypertension, tabagisme, diabète et maladie coronarienne) a été fortement associée à la préservation de la capacité fonctionnelle et du score MMSE durant 2,5 ans chez des patients qui, au départ, étaient atteints de la maladie d’Alzheimer (MA) mais exempts de maladie vasculaire cérébrale.

• En présence d’antécédents d’infarctus du myocarde datant de moins de 5 ans ou d’une insuffi sance cardiaque congestive caractérisée par une fraction d’éjection <45 %, traiter l’hypertension au moyen d’un bêta-bloquant afi n de réduire le risque de mortalité; la dose nécessaire ne doit réduire la fréquence cardiaque au repos que d’environ 10 bpm.

Diabète

• Le contrôle intensif de la glycémie ayant pour objectif un taux d’hémoglobine A1c< 7 % augmente le risque d’hypoglycémie sévère et possiblement de mortalité, et est donc inapproprié dans ce groupe d’âge; en outre, les épisodes récurrents d’hypoglycémie ont été associés à une augmentation proportionnelle du risque de démence.

• L’autosurveillance glycémique fréquente n’a été associée à aucun bénéfi ce mesurable en ce qui a trait aux résultats cliniques, à la qualité de vie ou à la satisfaction du patient.

Maladie d’Alzheimer et démence

• 10 % des patients souffrent de démence avant leur premier AVC.

• 10 % des patients présentent une démence peu après leur premier AVC.

• 35 % des patients présentent une démence après un nouvel AVC.

• La prévention primaire et secondaire des AVC pourrait avoir des répercussions majeures sur le risque de démence.

• Chez le patient âgé souffrant de démence, n’ajouter un antipsychotique à un traitement par le citalopram ou la trazodone que lorsque le patient présente un risque pour luimême ou pour autrui. Les antipsychotiques, tant classiques qu’atypiques, sont associés à un risque accru de mort cardiaque subite dans ce groupe de patients.

• Chez les sujets âgés de 75 à 95 ans, l’association entre la présence de plaques et la démence s’atténue de façon Revue de la littérature en 2009 marquée, alors que celle entre l’atrophie cérébrale et la démence s’accentue.

• Le traitement par un inhibiteur de l’ECA à action centrale (p. ex., le périndopril) a réduit le risque de démence de 65 % par année d’exposition.

• La probabilité que la présence de signes anatomopathologiques de MA soit associée à une démence est moins forte chez les sujets âgés de 80 à 90 ans que chez les sujets âgés de 60 à 70 ans.

• Selon une étude d’une durée de quatre ans menée auprès d’une cohorte de 7000 sujets âgés de plus de 65 ans, l’utilisation continue d’agents anticholinergiques a augmenté de 65 % le risque d’apparition d’une démence.

• Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS), en particulier le citalopram, sont plus effi caces chez les sujets déprimés âgés (atteints ou non de démence) que chez les sujets déprimés jeunes.

• Il a été démontré que le citalopram réduisait particulièrement le risque de suicide chez les sujets âgés.

• Selon les résultats d’un suivi de 15 ans, le régime méditerranéen et l’exercice physique régulier ont individuellement réduit de 35 % le risque de MA chez des personnes âgées vivant à domicile; toutefois, lorsqu’ils étaient combinés, ces deux facteurs n’étaient pas plus effi caces que l’un ou l’autre séparément.

Qualité de vie

• La prise de vitamine D prévient les chutes et les fractures; la dose quotidienne recommandée et jugée sûre est de 2000 UI.

• Chez le sujet âgé, on recommande un dosage de la vitamine D tous les deux ans.

• Il est recommandé aux personnes âgées de porter des chaussures dans la mesure du possible afi n d’améliorer leur équilibre.

• Sur le plan de la préservation de la capacité fonctionnelle des patients âgés hospitalisés en raison d’une affection aiguë, on observe de bien meilleurs résultats dans les unités de soins gériatriques de courte durée que dans les unités de soins généraux. Entre autres mesures, la prestation de soins hospitaliers à domicile par du personnel infi rmier bien formé peut prévenir l’hospitalisation et les visites au service des urgences des sujets âgés.

• Administré à des patients de plus de 65 ans présentant une légère défi cience fonctionnelle, le traitement par la capromoréline, sécrétagogue de l’hormone de croissance sous forme orale encore au stade expérimental, a amélioré signifi cativement divers paramètres liés au vieillissement — à savoir les résultats au test d’équilibre tandem (marcher un pied devant l’autre) et à un test d’escalier ainsi que le poids et la masse maigre — et n’a eu que des effets indésirables minimes. La capromoréline pourrait contribuer à prévenir l’inévitable déclin fonctionnel engendré par l’absence d’hormone de croissance ou le défaut de sensibilité à cette hormone qui accompagne le vieillissement.

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