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De nouveaux agents biologiques dans le traitement de la colite ulcéreuse

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Semaine des maladies digestives (DDW 2014)

Chicago, Illinois / 3-6 mai 2014

Chicago - De nouveaux agents biologiques à l’étude pour le traitement de la colite ulcéreuse (CU) ont été conçus pour offrir des avantages aux patients sur les plans de la voie d’administration, du schéma posologique et du profil d’effets indésirables; certains sont aussi dotés de modes d’action distincts qui seront utiles en cas d’échec du traitement de première intention ou d’intolérance à ce dernier. Il a été question au congrès d’anticorps monoclonaux homologués récemment ou dont la demande d’homologation est à l’étude en Amérique du Nord et en Europe.

Rédactrice médicale en chef : DreLéna Coïc, Montréal, Québec           

«Bien que le traitement médicamenteux ait beaucoup évolué depuis le jour où les maladies inflammatoires de l’intestin (MII) ont été reconnues, nombreux sont les patients qui ne bénéficient pas des médicaments actuels; de plus, même si les taux de chirurgie ont diminué, il reste que jusqu’à 20 % des patients doivent encore être opérés», affirmait le Dr Gary. R. Lichtenstein, University of Pennsylvania School of Medicine, Philadelphie, en séance plénière. «Les agents biologiques sont les traitements les plus efficaces que nous ayons pour la colite ulcéreuse (CU), mais des études montrent que moins de 40 % des patients parviennent à la rémission; c’est donc dire que les nouveaux agents combleront des besoins thérapeutiques insatisfaits», dit-il.

Parmi les nouveaux agents présentés au congrès figuraient le golimumab, le plus récent des inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF) homologués, et le vedolizumab, deuxième représentant de la classe des inhibiteurs de molécules d’adhésion. Le golimumab – le plus récent agent biologique homologué dans le traitement de la CU modérée à sévère chez l’adulte ayant des antécédents de réponse insuffisante au traitement traditionnel ou présentant des contre-indications médicales au traitement classique – est un anticorps monoclonal humain de type IgG1 qui s’injecte par voie sous-cutanée. Il est également approuvé pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, du rhumatisme psoriasique et de la spondylarthrite ankylosante au Canada. Le vedolizumab, anticorps monoclonal humanisé dirigé contre l’intégrine a4b7 qui s’injecte par voie intraveineuse, a récemment été homologué en Europe et aux États-Unis pour le traitement de la CU et de la maladie de Crohn (MC).

Innocuité et efficacité à long terme

Le golimumab a été homologué pour le traitement de la CU sur la foi des essais cliniques de phase III PURSUIT. Dans le cadre de l’étude PURSUIT-Maintenance de 54 semaines, les taux de réponse clinique étaient significativement plus élevés sous golimumab à 50 et à 100 mg (47 % et 51 %) que sous placebo (31 %; p=0,010 et p<0,001, respectivement) (Sandborn WJ et al.Gastroenterology 2014;146:96-109). Les effets indésirables (EI) observés – notamment les infections graves, la tuberculose et les cancers – et leur incidence semblent comparables à ce que l’on voit avec d’autres anti-TNF. La prolongation de l’essai PURSUIT-Maintenance a permis de constater que cet anti-TNF demeurait associé à un profil bénéfice:risque favorable après 2 ans et qu’il était cliniquement avantageux, notamment du fait qu’il a diminué l’usage de corticostéroïdes, souligne le chercheur principal, le Pr Peter Gibson, Monash University, Melbourne, Australie (résumé 1214). «La poursuite du traitement n’a entraînéaucun nouveau problème d’innocuité, affirme le Pr Gibson. Les taux d’infections, dont la tuberculose et les infections opportunistes, sont demeurés faibles et constants tout au long de l’étude. Le taux de tumeurs malignes et la mortalité durant les 2 années de traitement étaient comparables aux taux observés après 54 semaines.»

L’étude de prolongation regroupait 203 patients qui avaient reçu le traitement d’entretien dans le cadre de l’étude PURSUIT-Maintenance pendant 52 semaines. Après 104 semaines de traitement d’entretien, 62 % étaient en rémission à en juger par un score ≥ 170 à l’IBDQ (Inflammatory Bowel Disease Questionnaire) et, parmi les patients qui n’étaient pas sous corticostéroïdes après 54 semaines, 89 % ne l’étaient toujours pas après 104 semaines. «Nous savons à la lumière de ces données que le golimumab est efficace et sûr à long terme, et c’est ce qui compte, poursuit le Pr Gibson. Nous pensons que cet agent sera surtout utilisé dans les cas où la maladie est particulièrement chronique et où le nombre d’options est limité. Nous avons maintenant le choix entre l’infliximab, l’adalimumab et le golimumab.» Le golimumab est le seul anti-TNF administré par voie sous-cutanée qui s’administre toutes les 4 semaines en traitement d’entretien, ajoute-t-il.

Non-répondeurs

Après 6 semaines, dans un essai de phase III sur le traitement d’induction et d’entretien de la CU, le traitement par le vedolizumab étaitassocié à un taux de réponse clinique significativement plus élevé comparativement au placebo (47 % vs 26 %, p<0,001; GEMINI 1; Feagan BG et al. N Engl J Med 2013;369:699-710). Chez des patients souffrant de MC, le vedolizumab n’avait pas encore induit de réponse clinique après 6 semaines (31 % vs 26 % sous placebo, p=0,23), mais il s’est révélé bénéfique pour maintenir la rémission chez les répondeurs (36 à 39 % à 52 semainesvs 22 % sous placebo, p<0,005; GEMINI 2; Sandborn WJ et al.N Engl J Med 2013;369:711-21). Les analyses présentées à Chicago montrent que dans les deux essais, même si le seuil de significativité statistique n’a pas été atteint, le nombre de non-répondeurs au traitement d’induction par le vedolizumab à 6 semaines qui ont finalement obtenu une réponse clinique après 10, 14 et 52 semaines était plus élevé parmi ceux qui avaient continué de recevoir du vedolizumab (toutes les 4 semaines) que chez ceux qui avaient reçu un placebo. Dans l’essai GEMINI-2, la proportion de non-répondeurs au vedolizumab à 6 semaines qui sont ensuite parvenus à la rémission clinique ou à une réponse CDAI-100 après 10 à 52 semaines était plus élevée que sous placebo, précise le chercheur principal, le Dr William J. Sandborn (University of California-San Diego, La Jolla) (résumé Mo1217).

Lien entre l’exposition et la réponse

Les résultats de l’essai PURSUIT-Maintenance (résumé Mo1215) ont révélé qu’aucune corrélation apparente n’avait été détectée entre l’exposition sérique au golimumab et la survenue d’infections, d’infections graves ou d’EI graves chez des patients atteints de CU qui avaient reçu 50 mg ou 100 mg de cet agent toutes les 4 semaines pendant 1 an. Une analyse exploratoire des données pharmacocinétiques et des EI – notamment les infections, les infections graves et les EI graves – pendant 54 semaines de traitement d’entretien a été réalisée chez 1227 patients qui avaient reçu l’anti-TNF ou un placebo dans l’essai PURSUIT-Maintenance. L’augmentation de l’exposition sérique – mesurée par l’aire sous la courbe (ASC) cumulative et exprimée par quartile – n’était pas corrélée avec une augmentation apparente des taux d’infections, d’infections graves ou d’EI graves. La distribution de l’ASC chez les patients qui avaient eu au moins 1 EI était comparable àcelle despatients qui n’en avaient pas eu. Ces résultats concordaient avec d’autres paramètres pharmacocinétiquesévalués(Cmax, Cmoy et Cmin). Ces résultats s’apparentent aussi àce que l’on obtient en rhumatologie avec l’anti-TNF sous-cutané, notent les chercheurs (Leu JH et al.Arthr Rheum 2013;65[S10]:S123; résumé 292).

Le lien exposition-réponse (LER) apparent observé avec le vedolizumab à300 mg en traitement d’induction chez les sujets de GEMINI 1 et 2 a été confirmé par d’autres analyses. Les résultats de GEMINI 1 ont semblé indiquer qu’une Cmoy accrue de vedolizumab augmentait la probabilité de réponse et de rémission cliniques à 6 semaines. Les LER estimés étaient positifs  à la fois pour la réponse clinique (p<0,01) et la rémission clinique (p<0,01) (résumé Mo1229). Dans l’essai GEMINI 2, une Cmoy accrue a été associée à une probabilité plus forte de réponse clinique et de rémission à 6 semaines, mais l’effet était moindre dans le cas de la rémission clinique (résumé Mo1231). Dans les deux analyses, le LER a semblé atteindre un plateau àune Cmoy élevée pour les deux paramètres. Aucun lien n’a été mis en évidence entre la réponse et les covariables testées, comme l’utilisation antérieure d’un anti-TNF, l’albumine, la protéine C-réactive ou le taux de calprotectine fécale.

Innocuité comparative des agents biologiques

Les données sur le golimumab et le vedolizumab ont été incluses dans une étude où l’on comparait un agent biologique et une thiopurine dans le cadre d’une monothérapie au long cours dans la CU à l’aide d’un nouvel outil mis au point par le Dr Eric D. Shah, Cedars-Sinai Medical Center, Los Angeles (résumé 5). Les données provenaient de 14 essais de phase III menés avec randomisation et placebo pour évaluer une monothérapie dans la CU : 10 essais portaient sur un agent biologique (infliximab, adalimumab, golimumab et vedolizumab) et 4 essais, sur des immunomodulateurs (tacrolimus et 6-mercaptopurine/azathioprine). Pour chaque agent, le Dr Shah et ses collaborateurs ont divisé le ratio interventions/préjudices (calculé à partir du nombre d’abandons du traitement pour cause d’effets indésirables) par le ratio interventions/bénéfices (calculé d’après les paramètres d’évaluation de l’efficacité lors des essais cliniques). Le traitement immunosuppresseur d’induction par le tacrolimus n’a pas été nocif, mais le traitement immunosuppresseur d’entretien par le même agent a été associé à un ratio interventions/préjudices de 14 (RR=2,8; IC à 95 % : 0,7-10,5). Dans le cas des agents biologiques, le ratio était favorable au traitement d’induction, au traitement d’entretien et aux traitements d’induction et d’entretien combinés. «Par contre, nos données indiquent que l’azathioprine en monothérapie est nocive», conclut le Dr Shah.

Résumé

«Les anti-TNF sont manifestement les médicaments les plus efficaces et les moins toxiques parmi les agents homologués pour le traitement de la CU modérée à sévère», affirme le Dr Stephen B. Hanauer, Northwestern Feinberg School of Medicine, Chicago, Illinois. Nous avons maintenant au Canada un autre anti-TNF homologué pour le traitement de la CU et un inhibiteur des molécules d’adhésion à l’étude. L’arrivée de nouveaux traitements donne tout lieu d’espérer que les patients parvenant à la rémission seront de plus en plus nombreux et les patients devant être opérés, de moins en moins nombreux.

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