Comptes rendus

Résolution des difficultés d’alimentation fréquentes en pédiatrie : une démarche pratique

Dermatite atopique : le traitement de l’inflammation subclinique permet de réduire le nombre de poussées

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 22e Congrès mondial de dermatologie

Séoul, Corée du Sud / 24-29 mai 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Physiopathologie

Comme l’explique le Dr Michael Cork, chef de l’Unité de recherche en dermatologie, University of Sheffield, Royaume-Uni, une couche cornée intacte fait obstacle à la pénétration d’irritants et d’allergènes dans la peau et offre ainsi une protection contre les pertes d’eau transépidermiques (PETE).

Dans sa revue de la dysfonction de la barrière épidermique (J Invest Dermatol 2009;129:1892-908), le Dr Cork précise qu’une anomalie de la fonction barrière est l’un des premiers événements menant à l’apparition d’une dermatite atopique (DA) et que des mutations ou des variants des gènes régulant la fonction barrière prédisposent les patients à la DA.

Les chercheurs ont à ce jour repéré des mutations dans au moins trois groupes de gènes codant pour des protéines de structure, des protéases épidermiques et des inhibiteurs de protéases. Ces mutations augmentent le risque d’apparition d’une DA, et ce sont les mutations perte-de-fonction du gène de la filaggrine qui sont les plus importantes. Comme le souligne le Dr Cork, la dégradation de la barrière épidermique se trouve exacerbée à la fois par la plus grande activité des protéases et par la synthèse moindre de lamelles lipidiques.

Les facteurs environnementaux, tel l’usage de savon et de détergents, augmentent aussi le pH de la couche cornée, ce qui vient encore exacerber la dégradation de la barrière épidermique. En présence d’une élévation persistante du pH de la peau, on observe simultanément une intensification de la dégradation par les protéases et une diminution de l’activité des enzymes responsables de la synthèse lipidique. Une anomalie de la fonction barrière de l’épiderme permet l’entrée des allergènes dans la peau où ils interagissent localement avec des cellules effectrices de l’immunité par l’intermédiaire de cellules présentatrices d’antigènes, déclenchant ainsi une réponse allergique IgE-dépendante chez la plupart des patients atteints de DA.

«Le lien marqué entre les anomalies génétiques de la fonction barrière et les conséquences des agressions extérieures [chez les patients atteints] de DA semble indiquer que la dysfonction de la barrière épidermique est l’une des principales causes de l’apparition de cette maladie, écrit le Dr Cork. Notre compréhension des interactions entre la génétique et l’environnement devrait donner lieu à une meilleure utilisation de certains produits topiques, à la non-utilisation d’autres produits de même qu’à l’utilisation accrue et au développement de produits qui peuvent restaurer la barrière cutanée.»

Non-utilisation de traitements qui altèrent la barrière épidermique

Le Dr Cork a présenté au congrès des données montrant que les corticostéroïdes topiques (CST) ont un effet délétère sur la fonction barrière de la peau et qu’il est probablement souhaitable d’en éviter l’utilisation à long terme.

Il a notamment présenté une étude où, avec son équipe, il a comparé un inhibiteur de la calcineurine topique (ICT), soit le tacrolimus en onguent à 0,1 %, et le valérate de bétaméthasone (0,1 %) en application biquotidienne sur l’avant-bras pendant 4 semaines. Ils ont constaté que l’ICT en onguent était associé à une amélioration de la fonction barrière – mesurée par l’ampleur de l’effet du traitement sur les PETE – alors que le CST était plutôt associé à une détérioration.

Les chercheurs de la University of Sheffield ont aussi montré que les CST déclenchaient une activité des protéases cutanées, contrairement aux ICT, ce qui donne tout lieu de croire que ces derniers ne sont pas susceptibles d’altérer la barrière épidermique.

Traitement de l’inflammation subclinique : une démarche proactive

Dans sa discussion sur l’inflammation clinique et subclinique associée à la DA (Eur Derm 2010;5:28-31), le Pr Thomas Bieber, président et directeur, Département de dermatologie, Friedrich-Wilhelms-Universität, Bonn, Allemagne, précisait que la démarche thérapeutique actuelle en réponse aux poussées de DA n’est pas bien adaptée, physiologiquement parlant, à la nature inflammatoire chronique de la maladie. «On comprend maintenant que la peau cliniquement intacte des patients atteints de DA n’est pas "saine" et qu’une inflammation subclinique persiste après la disparition des signes cliniques», affirme-t-il. Or, en ne parvenant pas à traiter l’inflammation subclinique, on pourrait en fait contribuer aux épisodes successifs, ajoute-t-il.

Le Pr Bieber suggère plutôt une approche «proactive» qui pourrait améliorer l’issue clinique : un traitement anti-inflammatoire de forte intensité pour induire une rémission de la DA, puis un traitement d’entretien reposant sur des anti-inflammatoires à faible dose pour maintenir la rémission. Pour déterminer la pertinence d’une démarche proactive, le Pr Bieber a évalué plusieurs études dont une (BMJ 2003;326:1367) qui regroupait 376 patients atteints de DA modérée ou sévère. Ces patients ont d’abord reçu un traitement de forte intensité par le propionate de fluticasone (PF) en crème à 0,05 % ou en onguent à 0,005 % 1 fois/jour ou 2 fois/jour pendant 4 semaines. Quelque 295 patients dont la maladie était bien maîtrisée ont ensuite reçu un traitement d’entretien qui consistait en l’application proactive 2 fois/semaine du PF en crème, du PF en onguent ou d’un placebo. Tous les patients faisaient usage régulièrement d’un émollient.

La médiane de l’intervalle précédant la rechute durant la phase d’entretien était >16 semaines chez les patients recevant les schémas proactifs à base de PF vs 6 semaines pour le placebo. Le risque de rechute était 5,8 fois moins élevé dans le groupe PF en crème 2 fois/semaine que dans le groupe placebo, et 1,9 fois moins élevé dans le groupe PF en onguent que dans le groupe placebo. Cette étude et d’autres études apparentées indiquent qu’un schéma proactif à base de PF peut être efficace chez les patients dont la DA est en rémission.

Par contre, souligne le Pr Bieber, l’innocuité à long terme de CST actifs en inquiète plus d’un, qu’il s’agisse d’atrophie cutanée, de stries ou d’effets systémiques comme le retard de croissance que redoutent les parents d’enfants atteints de DA. Le traitement proactif à base d’un ICT pourrait représenter une solution de rechange plus sûre à long terme, estime le Pr Bieber.

Traitement d’entretien à long terme : résultats de l’étude CONTROL

Comme l’explique le Dr Diamant Thaçi, directeur, Division de la recherche clinique, Département de dermatologie, Johann Wolfgang Goethe-Universität, Francfort-sur-le-Main, Allemagne, la démarche progressive actuellement recommandée dans le traitement de la DA tend déjà vers le traitement d’entretien à long terme puisqu’une meilleure maîtrise de la DA est plus susceptible de prévenir les poussées ou, à tout le moins, de prolonger l’intervalle entre les poussées. L’un des schémas possibles repose sur un ICT, le tacrolimus en l’occurrence.

Dans les études CONTROL publiées en 2008 (Allergy 2008;63:742-50; Br J Dermatol 2008;159:1348-56), tous les sujets recevaient du tacrolimus en onguent 2 fois/jour jusqu’à ce que leur score IGA (Investigator’s Global Assessment) atteigne =2 ou pendant un maximum de 6 semaines. Ils étaient ensuite randomisés de façon à recevoir l’ICT en onguent 2 fois/semaine (à 0,03 % pour les enfants et à 0,1 % pour les adultes) ou à ne recevoir un traitement qu’en cas de poussée.

Après 12 semaines, l’indice EASI (eczema area and severity index) moyen avait chuté de 46,7 % chez les adultes traités 2 fois/semaine alors qu’il n’avait pas changé chez les patients traités en cas de poussée. Chez les enfants, l’indice EASI moyen avait chuté de 51 % dans le groupe traité 2 fois/semaine et de 6,7 % dans le groupe traité en cas de poussée. Une analyse plus récente des études CONTROL (J Dermatol Treatment 2010;21:34-44) a révélé que les poussées majeures étaient significativement moins nombreuses chez les adultes et les enfants traités 2 fois/semaine que chez les sujets traités en cas de poussée (p<0,001) et que le nombre de patients n’ayant eu aucune poussée, toutes sévérités confondues, était significativement plus élevé dans le groupe traité 2 fois/semaine que dans le groupe témoin (p<0,001).

«Durant les 12 mois de l’étude, l’absence de poussées s’est maintenue chez environ 3 fois plus de patients traités 2 fois/semaine que de patients traités en cas de poussée, fait valoir le Dr Thaçi, et l’intervalle médian précédant la première poussée majeure a atteint, chez les enfants, 217 jours dans le groupe traité 2 fois/semaine vs 36 jours dans le groupe traité en cas de poussée.» Dans l’étude menée chez les adultes, l’intervalle précédant la première poussée majeure était aussi significativement plus long : 142 jours vs 15 jours, respectivement (Tableau 1).

Tableau 1. Études CONTROL : résultats dans la DA modérée ou sévère


L’incidence des effets indésirables et des effets indésirables graves était faible et similaire dans les deux groupes, tant chez les adultes que chez les enfants.

Une analyse coût-efficacité réalisée par Thaçi et al. (J Eur Acad Dermatol Venereol 2010;24[9]:1040-6) a révélé que le coût associé au traitement d’enfants atteints de DA sévère pendant 12 mois était aussi plus faible lorsque le tacrolimus en onguent était appliqué 2 fois/semaine que lorsqu’il était appliqué en cas de poussée seulement. «Le tacrolimus en onguent est associé à une meilleure maîtrise de la maladie à long terme de même qu’à un nombre moindre de poussées majeures, de signes cliniques et de symptômes de la maladie. L’utilisation de cet onguent n’augmente pas le coût du traitement chez les patients en proie à une atteinte plus sévère puisque, chez ces patients, le schéma bihebdomadaire a aussi diminué le coût», conclut le Dr Thaçi.

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