Comptes rendus

Vers de meilleurs résultats dans le traitement de l'aspergillose invasive
De nouvelles données sur l’individualisation du traitement de l’infection à VIH chez les patients qui avancent en âge

Deuxième Conférence de l’Est de l’Ontario sur la prise en charge des GIST

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

EN DIRECT - D’après les communications présentées à la Deuxième Conférence de consensus de l’Est de l’Ontario sur les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST)

Ottawa (Ontario) / 6 novembre 2009

Il y a deux ans, la Premiere Conference de consensus de l’Est de l’Ontario sur la detection, la stadification et le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) a permis de faire un tour d’horizon des pratiques alors en vigueur compte tenu des ressources de la region. La deuxieme conference organisee recemment avait pour objectif d’integrer dans la definition des soins optimaux plusieurs avancees importantes realisees depuis la premiere rencontre. La presente publication, comme celle qui a fait suite a la conference inaugurale, sera sans doute pertinente pour d’autres regions du Canada et d’autres pays ou l’evolution rapide des connaissances appelle une prompte actualisation des strategies de prise en charge. Cela dit, les initiatives a la fine pointe de la technologie en matiere de diagnostic, d’evaluation et de traitement des GIST, a plus forte raison si elles demeurent experimentales, ne s’appliquent pas forcement a tous les centres ou ces tumeurs sont diagnostiquees ou traitees. Les participants de la deuxieme conference – dont le lecteur trouvera les grandes lignes dans la presente publication – avaient pour mission d’actualiser les normes de soins des GIST dans la pratique.

Objectifs de la conférence

• Resumer les progres recents dans le diagnostic et la classification moleculaire des GIST

• Evaluer les modalites du traitement adjuvant d’une GIST, y compris la selection des patients et la duree du traitement

• Envisager les possibilites de prise en charge d’une GIST evolutive a l’aide des nouveaux agents systemiques ou de la chirurgie

• Determiner l’orientation de la recherche et les besoins de formation

Résultats de la conference

• Le patient porteur d’une GIST doit etre pris en charge par une equipe multidisciplinaire reunissant des chirurgiens, des pathologistes, des specialistes en radiodiagnostic et des oncologues qui connaissent bien cette entite.

• Tous les patients porteurs d’une GIST qui resident dans l’Est de l’Ontario doivent etre inscrits dans la base de donnees sur les GIST.

• Le rapport de pathologie doit etre presente sur la fiche synoptique elaboree recemment. Aux analyses immunohistochimiques standards s’ajoute le dosage du nouveau marqueur DOG1 (Discovered on GIST 1).

• La recherche de mutations doit etre effectuee par un laboratoire central dans le cadre d’un processus continu de recherche et d’assurance de la qualite.

• Lorsque la GIST est peu avancee et resecable, on doit evaluer le risque de recidive a l’aide des criteres de Miettinen; si le risque excede 20 %, on doit offrir au patient un traitement adjuvant par l’imatinib a raison de 400 mg/jour pendant au moins un an.

• Lorsque la GIST est initialement inoperable ou que sa resection risque d’entrainer une perte critique de capacite fonctionnelle, on doit envisager un traitement neoadjuvant par l’imatinib d’une duree de trois a 12 mois et suivre le patient etroitement afin de determiner le moment optimal pour la resection chirurgicale.

• Lorsque la GIST est avancee, on doit offrir au patient un traitement par l’imatinib a raison de 400 mg/jour; en cas de progression, on passera a 800 mg /jour d’imatinib ou on optera pour le sunitinib. Le traitement doit se poursuivre indefiniment etant donne l’evolution rapide de la tumeur a l’arret du traitement par un inhibiteur des tyrosine kinases (ITK).

• En presence d’une mutation confirmee dans l’exon 9, on doit envisager un traitement par l’imatinib a forte dose (800 mg/jour).

• On doit tenir compte des concentrations d’imatinib lorsque la toxicite est inacceptable ou que l’on prevoit une reponse sous-optimale.

Introduction

À l’instar de la première conférence, la Deuxième Conférence de consensus de l’Est de l’Ontario sur le diagnostic, l’évaluation et le traitement des tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) visait principalement à cerner les améliorations pratiques à apporter à la prise en charge de ce cancer. Les discussions, comme celles que l’on a publiées après la première conférence, devaient servir à déterminer l’orientation des soins en fonction des outils cliniques à notre disposition, notamment les modalités d’imagerie, les épreuves de laboratoire et les traitements. Contrairement aux nouvelles stratégies de traitement et aux initiatives prometteuses évaluées dans un contexte de recherche, un guide de pratique clinique est essentiel lorsque des restrictions quant à l’utilisation des ressources et au remboursement des soins commandent une démarche cohérente fondée sur des preuves.

À l’ordre du jour de la première conférence de consensus, il y avait une série de présentations inaugurales sur l’épidémiologie et l’évolution naturelle des GIST de même qu’un résumé des possibilités d’amélioration mises en évidence par la recherche. Si, la première fois, le contexte historique des GIST servait de fondement à l’évaluation des stratégies alors employées, il n’y avait pas lieu cette fois-ci de revenir sur des points comme l’incidence de la maladie, la physiopathologie fondamentale ou d’autres aspects des GIST qui n’ont essentiellement pas changé. Seul un résumé très bref de cette information sera présenté au début du présent document. Le lecteur trouvera de plus amples renseignements sur ces sujets dans la publication précédente ou dans les nombreux articles de revue publiés récemment sur ces questions1,2,3.

Le présent résumé, comme la conférence en tant que telle, se veut une mise à jour de l’information cliniquement pertinente publiée depuis la première conférence de consensus. Les sections les plus importantes des deux documents de consensus concernent le diagnostic et le traitement des GIST précoces résécables. Parmi les progrès cliniquement pertinents accomplis depuis la dernière conférence de consensus, celui que l’on considère comme le plus important est une étude de phase III multicentrique sur l’utilisation du mésylate d’imatinib en adjuvant pour les GIST réséquées. La pertinence de cette étude dans la pratique actuelle sera passée en revue dans un premier temps. Il sera ensuite question de nouvelles données sur la classification et le traitement des GIST résistantes à l’imatinib, y compris l’utilisation de marqueurs moléculaires pour guider le traitement, ainsi que sur la conduite à tenir devant une GIST d’opérabilité limite et sur les options de traitement pour les GIST métastatiques.

Brève mise en contexte

Les GIST – qui représentent 1 à 3 % de tous les cancers digestifs – sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes du tube digestif. Environ 60 % des GIST siègent dans l’estomac, mais elles peuvent être localisées dans l’ensemble du tube digestif4. Environ 80 % des GIST expriment c-KIT (CD117), glycoprotéine transmembranaire de 145 kDa classée dans le groupe III – les récepteurs à activité tyrosine kinase (RTK) – dont fait aussi partie le facteur de croissance d’origine plaquettaire (PDGF). La non-expression de CD117 n’exclut pas un diagnostic de GIST, mais les mutations du gène KIT jouent un rôle important dans la croissance anarchique qui caractérise la plupart des GIST5. Les mutations du gène codant pour le récepteur alpha du PDFG (PDGFRA) semblent expliquer la dérégulation de la croissance cellulaire dans une proportion substantielle de GIST CD117-négatives. Dans les tumeurs où ni le gène de KIT ni celui du PDGFRA n’ont muté, la perte des gènes suppresseurs de tumeur dans les chromosomes 14q et 22q semble être le mécanisme pathologique le plus important. Ces GIST, qui représentent moins de 5 % des cas, ont souvent d’autres caractéristiques atypiques, dont une lente évolution clinique.

Comme pour la plupart des cancers, le dépistage précoce d’une GIST, palpable dans moins de 40 % des cas, est corrélé avec de bonnes chances de réussite du traitement6. La taille, l’index mitotique et la localisation sont autant de facteurs prédictifs de l’issue clinique. Lors d’une étude dans laquelle on a comparé l’issue clinique en fonction de 12 caractéristiques, dont la croissance périvasculaire, l’atypie nucléaire et l’infiltration de la musculeuse, le taux d’absence de la maladie à cinq ans variait entre 99,3 % pour les patients dont la tumeur primitive présentait les caractéristiques les plus favorables et 43,9 % pour ceux dont la tumeur présentait la combinaison la moins favorable de caractéristiques7. Les chercheurs citent souvent en exemple l’imatinib et d’autres inhibiteurs des tyrosine kinases (ITK), capables de bloquer l’activation de c-KIT et du PDGFRA, pour démontrer l’activité des thérapies ciblées lorsque les étapes moléculaires clés sont connues et supprimées. Cela dit, comme la résection chirurgicale est le seul traitement à visée curative pour les GIST, l’optimisation des résultats passe par le diagnostic de la tumeur à un stade où elle est encore résécable.

Le point sur le traitement : le rôle d’un traitement adjuvant par l’imatinib

La chirurgie est le seul traitement curatif pour une GIST. Comme c’est le cas pour d’autres cancers, l’objectif est une résection complète, sans cellules cancéreuses dans les marges d’exérèse (R0). Cela dit, une résection R0 confère une protection plutôt modeste contre la récidive lorsque la GIST présente des caractéristiques défavorables, comme une grande taille ou un index mitotique élevé. Dans certaines séries, 50 % des tumeurs au profil défavorable récidivent dans un délai de cinq ans malgré une résection R08. On explore d’ailleurs la possibilité d’un traitement adjuvant afin de réduire les taux de récidive des tumeurs primitives à risque élevé. Cependant, comme c’est le cas pour les GIST métastatiques, ni les agents cytotoxiques traditionnels ni la radiothérapie ne se sont révélés efficaces pour réduire le risque de récidive ou prolonger la survie9.

Lors de l’étude de phase III ACOSOG Z9001 menée à double insu avec randomisation sur l’imatinib en adjuvant, dont les résultats sont maintenant publiés, 713 adultes porteurs d’une GIST primitive KITpositive d’au moins 3 cm ont été randomisés de façon à recevoir 400 mg/jour d’imatinib ou un placebo pendant un an après la résection chirurgicale10. Le paramètre principal était la survie sans récidive. Les chercheurs ont mis fin prématurément au recrutement lorsqu’une analyse intermédiaire a révélé que la borne prédéfinie de l’efficacité avait été dépassée en faveur de l’imatinib. Un an après l’intervention chirurgicale, le risque relatif (HR, pour hazard ratio) de récidive était 65 % plus faible dans le groupe sous imatinib en adjuvant que dans le groupe témoin sous placebo (HR de 0,35; IC à 95 % : 0,22-0,53; p<0,0001). Le taux de récidive ou de mortalité après un suivi d’une durée médiane de 19,7 mois était plus de deux fois moins élevé dans le groupe imatinib (8 % vs 20 %). Les taux de survie ne diffèrent pas encore de manière significative, mais le suivi se poursuit. Les résultats de cet essai ont persuadé la Food and Drug Administration (FDA) américaine d’accélérer l’homologation conditionnelle du traitement adjuvant par l’imatinib, la condition étant que les données de survie globale devront être soumises pour évaluation. Santé Canada a pour sa part émis récemment un avis de conformité en vertu duquel l’imatinib est maintenant indiqué chez l’adulte pour le traitement adjuvant d’une GIST KIT-positive à risque modéré ou élevé de récidive après résection complète.

L’étude a confirmé que l’imatinib administré en adjuvant était bénéfique au sein d’une population répondant au principal critère de sélection, soit une tumeur KIT-positive >3 cm. Les patients n’avaient pas été stratifiés en fonction de l’index mitotique. Les caractéristiques des patients étaient typiques des porteurs d’une GIST, à savoir un âge médian de près de 60 ans et un ratio hommes:femmes à peu près égal. L’indice fonctionnel était de 0 chez environ 75 % des patients, de 1 chez 23 % des patients et de 2 chez 2 % des patients. Environ 40 % des tumeurs mesuraient de 3 à 6 cm (25 % mesuraient >10 cm) et 60 % siégeaient dans l’estomac. Une résection R0 a été possible chez 92 % des patients; chez les autres, à l’exception d’un seul patient pour qui la donnée est inconnue, on a obtenu une résection incomplète R1. L’imatinib a été qualifié de bien toléré, et les effets indésirables signalés étaient semblables à ceux des études antérieures.

En fonction de la taille, l’imatinib était systématiquement plus avantageux que le placebo, mais l’avantage n’était pas nécessairement d’autant plus marqué que la tumeur était volumineuse. Même s’ils reconnaissent l’utilité pronostique de l’index mitotique, déjà démontrée d’ailleurs, les auteurs précisent que l’index mitotique n’a pas été retenu comme critère d’inclusion en raison de l’absence de paramètres standards, ce qui aurait pu fausser l’interprétation de cette variable dans une étude multicentrique. Ces résultats constituent une preuve importante de l’utilité d’un traitement adjuvant par l’imatinib et définissent une population pouvant en bénéficier. Par contre, ils soulèvent aussi beaucoup de questions. On se demande notamment si le traitement pourrait être bénéfique chez des patients considérés comme exposés à un risque élevé selon des critères autres que ceux de l’étude.

Les méthodes largement utilisées pour déterminer le pronostic d’une GIST reposent sur plusieurs critères autres que la taille de la tumeur, dont l’index mitotique. Dans une étude où l’on a comparé les principales méthodes de détermination du pronostic, dont celle de l’AFIP (Armed Forces Institute of Pathology) qui est l’une des plus utilisées, un index mitotique >5 pour 50 champs à fort grossissement (CFG), la nécrose tumorale et l’atteinte de la séreuse ont tous été associés à une valeur prédictive indépendante de la taille de la tumeur11. Il importe ici de souligner que le risque de récidive s’échelonne sur un continuum. Ainsi, chez un sujet porteur d’une GIST <2 cm dont l’index mitotique est <5 pour 50 CFG, le risque de récidive pourrait être extrêmement faible, mais il augmentera progressivement avec la taille de la tumeur et l’index mitotique (Tableau 1). La localisation de la tumeur est également un facteur de poids dans la détermination du risque de récidive.

Tableau 1.


L’étude ACOSOG Z9001 a permis de définir les conditions dans lesquelles le traitement adjuvant par l’imatinib peut être bénéfique, mais elle n’exclut pas l’existence d’un bénéfice important chez les patients qui ne répondent pas aux critères de l’étude, comme la présence simultanée d’une tumeur <3 cm mais >2 cm et d’un index mitotique élevé. Bien que l’Agence européenne des médicaments (EMEA) ait accepté d’accorder l’indication de traitement adjuvant à l’imatinib, elle n’en recommande pas l’utilisation en présence d’un faible risque de récidive. La durée du traitement est une autre question importante à laquelle l’étude ne répond pas. Lors de l’étude ACOSOG Z9001, la protection contre la récidive diminuait rapidement à l’arrêt
matinib (Figure 1).

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On ignore si un traitement de plus longue durée donnerait lieu à des avantages supplémentaires. Plusieurs études ayant évalué l’imatinib en fonction de critères d’inclusion différents de ceux de l’étude ACOSOG Z9001 pourraient nous
la sélection des patients et la durée du traitement (Tableau 2).

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Les participants à la conférence estiment à l’unanimité qu’un traitement adjuvant par l’imatinib doit être expliqué et offert aux patients à risque élevé de récidive (>20 %) en Ontario. Sur la foi de multiples algorithmes de détermination du pronostic, la sélection des patients devant recevoir ce traitement devrait tenir compte à la fois de l’index mitotique et de la taille de la tumeur. Il est raisonnable pour l’instant de fonder la sélection des patients sur les critères de stratification du risque de l’AFIP. La dose d’imatinib recommandée en pareil contexte est de 400 mg/jour pendant 12 mois.

Traitement néoadjuvant par l’imatinib en première intention

Le traitement néoadjuvant ayant pour objectif la réduction du volume tumoral et la résection chirurgicale d’une GIST métastatique fait l’objet de nombreuses recherches. Lorsqu’une GIST est d’opérabilité limite, le traitement initial par un ITK a l’avantage de diminuer la morbidité associée à l’intervention chirurgicale et de réduire le risque de récidive postopératoire. Cependant, l’inopérabilité est souvent mal définie, et il y a un risque de progression ou de dissémination métastatique pendant le traitement néoadjuvant. De plus, aucun essai prospectif rigoureux n’a permis de déterminer

la durée optimale d’un tel traitement préopératoire. Les essais cliniques sur l’imatinib semblent indiquer que le délai d’obtention de la réponse optimale est d’environ trois mois12 et que la médiane de l’intervalle sans progression (ISP) est de 12 mois13, ce qui laisse une fenêtre de l’ordre de trois à cinq mois pour le traitement préopératoire. Un seul essai publié – l’essai de phase II RTOG 0132/ACRIN 6665 – porte sur le traitement néoadjuvant des GIST. Lors de cet essai, 30 patients porteurs d’une tumeur localement avancée, telle que déterminée par l’investigateur, ont reçu 600 mg/jour d’imatinib pendant 8 à 12 semaines avant d’être opérés. Les résultats ont révélé que le traitement néoadjuvant était sûr; en effet, aucun cas de progression n’a été enregistré pendant le traitement préopératoire, les complications opératoires n’ont pas été plus fréquentes et une résection R0 a été possible chez 77 % des patients. Cela dit, d’autres études s’imposent pour que l’on puisse définir le rôle de l’imatinib dans le traitement néoadjuvant des GIST.

Stratégies de traitement des GIST avancées (non résécables ou métastatiques)

L’activité de l’imatinib dans les GIST non résécables ou métastatiques est bien établie12, mais de nombreuses questions demeurent, notamment quant à la dose, à la durée du traitement et à la conduite à tenir en cas de résistance primaire ou d’échec du traitement. En cas de résistance, le doublement de la dose d’imatinib – de 400 à 800 mg – a été associé à une amélioration des taux de réponse14, mais une étude qui visait à comparer les doses de 400 mg et de 600 mg chez des patients porteurs d’une GIST avancée jamais traitée auparavant n’a objectivé aucune différence significative entre les deux doses quant à l’intervalle sans progression (ISP) ou à la survie globale15. Chez 33 % des patients dont la GIST a progressé pendant le traitement à faible dose, le passage à la dose plus forte a permis d’obtenir une réponse objective ou de stabiliser la maladie.

L’absence d’un bénéfice significatif va à l’encontre d’une augmentation de la dose dans le traitement d’une GIST avancée jamais traitée auparavant, d’autant plus que les effets indésirables étaient à la fois plus fréquents et plus sévères dans le groupe 800 mg d’imatinib que dans le groupe 400 mg. Cela dit, l’augmentation de la dose pourrait être bénéfique en cas de résistance primaire (environ 15 % des patients) ou secondaire (s’installant avec le temps). Les chercheurs ont constaté que la résistance primaire au traitement était plus fréquente en présence d’une mutation de KIT siégeant sur l’exon 9 ou d’une mutation du PDGFRA au niveau de D842V de même qu’en présence des génotypes de type sauvage de KIT ou du PDGFRA. Chez les patients porteurs de mutations conférant une résistance primaire, il serait peut-être approprié d’envisager une dose plus forte d’imatinib ou un autre ITK. Lors d’une petite étude dont les résultats n’ont pas été publiés16, la dose de 800 mg d’imatinib a été associée à une prolongation de la médiane de survie sans progression (SSP) par rapport à la dose de 400 mg chez des patients porteurs d’une mutation de KIT localisée dans l’exon 9 (19 vs 6 mois; p=0,017). Certains ont ainsi avancé qu’une analyse mutationnelle devrait être faite systématiquement dès lors que l’on soupçonne la présence de mutations (p. ex., GIST primitive de l’intestin grêle).

Malgré les données montrant qu’une dose initiale systématique de 800 mg d’imatinib n’est pas bénéfique chez tous les patients, le lien dose-réponse est important en cas de résistance. Outre une prolongation de la SSP observée en présence d’une mutation de KIT de l’exon 9 chez des patients qui recevaient 800 mg d’imatinib, les concentrations plasmatiques se sont révélées prédictives de la réponse des GIST avec mutation de KIT de l’exon 9 ou 11 dans le cadre d’une étude où l’on a stratifié les patients en quartiles selon leur concentration minimale (Cmin) d’imatinib17. La comparaison des ISP en fonction du quartile a révélé que la maîtrise de la maladie était significativement meilleure dans les trois quartiles les plus élevés que dans le quartile le plus faible (Figure 2). De plus, il est connu que les paramètres pharmacocinétiques de l’imatinib varient significativement en fonction de facte
nents, tels le poids corporel, le nombre de granulocytes et l’hémoglobine18.

Figure 2

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Dans la mesure où les paramètres pharmacocinétiques de l’imatinib pourraient être prédictifs de la réponse et de la SSP, l’analyse des concentrations plasmatiques du médicament à l’état d’équilibre permettrait de repérer les patients qui n’atteignent pas les concentrations thérapeutiques, mais il n’est pas clair que ces analyses doivent être faites chez tous les patients. Les experts s’entendent de plus en plus pour dire que les concentrations plasmatiques devraient être mesurées chez les patients qui risquent en particulier de métaboliser le médicament anormalement, qui présentent une toxicité excessive ou qui ne répondent pas au médicament après un traitement d’épreuve à 400 mg/jour de durée suffisante. La mesure des concentrations du médicament pourrait aussi être appropriée lorsqu’on soupçonne la non-observance du traitement. Le rôle global des concentrations plasmatiques dans un traitement guidé par les paramètres pharmacocinétiques devra faire l’objet d’une étude prospective d’envergure visant à confirmer les observations précédentes.

Le rôle de l’analyse mutationnelle et le choix de l’ITK initial ou la dose initiale d’imatinib soulèvent des questions très semblables. Bien que l’analyse moléculaire puisse aussi être utile pour le diagnostic, les caractéristiques moléculaires particulières d’une GIST ont une utilité pronostique. Par exemple, les mutations de KIT de l’exon 11 laissent entrevoir de meilleurs résultats que celles de l’exon 9 pour les tumeurs gastriques et pourraient définir les groupes qui bénéficieraient d’une dose plus forte d’imatinib ou du traitement par un autre ITK (Tableau 3)19. En effet, on a utilisé le profil mu
la réponse à certains ITK, comme une plus grande sensibilité au sunitinib en présence de mutations de l’exon 13 ou 1420.

Tableau 3

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Bien que l’analyse du statut mutationnel au moment de la récidive puisse être utile pour définir la cause de la progression, il semble de plus en plus pertinent d’analyser le statut mutationnel au moment du diagnostic d’une GIST non résécable, car il est alors possible d’optimiser le traitement d’emblée. Avec le temps, la caractérisation moléculaire sera peut-être systématique pour toutes les GIST, résécables ou non, en raison de l’importance du statut mutationnel pour la sous-classification des GIST dont les comportements biologique et clinique diffèrent. Le bien-fondé d’une analyse du statut mutat
e étayé par des données confirmant que cette étape peut modifier les décisions ou les résultats, mais les participants à la conférence y sont néanmoins allés de recommandations préliminaires (Tableau 4).

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Le corpus de données sur la signification clinique des mutations dans les GIST devrait prendre pas mal d’ampleur grâce à l’ambitieux projet en cours à l’Université de Montréal, qui consiste à faire le génotypage d’une vaste série d’échantillons tissulaires de GIST recueillis dans l’Est de l’Ontario. Les chercheurs tenteront d’établir des corrélations entre les caractéristiques moléculaires, y compris les mutations, et diverses caractéristiques pathologiques, puis entre les corrélats résultants, d’une part, et le pronostic et la réponse aux traitements, d’autre part. L’analyse des 238 premiers cas tire à sa fin.

La durée du traitement pour une GIST avancée est moins controversée. L’étude française BFR14 – qui a clairement démontré que la progression de la tumeur était rapide à l’arrê
imatinib chez des patients qui y répondaient – apporte de l’eau au moulin (Figure 3). Les experts sont maintenant unanimes à dire que le traitement d’une GIST avancée doit se poursuivre indéfiniment ou jusqu’à ce que la tumeur progresse.

Figure 3

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Chirurgie et GIST métastatique

Il semble bénéfique d’opérer un patient pour une GIST avancée une fois la tumeur maîtrisée par un ITK pour autant qu’une résection complète puisse être réalisée avant que la tumeur ne devienne résistante, ce qui se produit généralement au cours de l’année suivant le début du traitement par un ITK. Il existe deux types de progression d’une GIST sous ITK : la progression focale et la progression multifocale. Le premier type – qui survient dans un délai de 12 mois – pourrait représenter une résistance acquise à l’ITK. La résection chirurgicale permet parfois de faire échec à ce type de progression. La progression multifocale, en revanche, survient dans un délai de trois mois et est de mauvais pronostic, malgré la chirurgie. Lors d’une étude où l’on a évalué la SSP après une résection chirurgicale, les meilleurs résultats ont été obtenus chez les patients dont le cancer avait été stabilisé par un traitement à l’imatinib avant l’intervention. Chez ceux dont la tumeur avait connu une progression généralisée durant le
inib, en revanche, le pronostic était sombre sans exception (Figure 4). Au chapitre de la SSP, la différence entre la stabilisation et la progression focale (p=0,002) et la différence entre la progression focale et la progression généralisée (p<0,0001) étaient significatives.

Figure 4

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Lors d’une autre étude monocentrique, on n’a observé aucune trace de cancer après l’intervention chez 78 % des patients dont le cancer était stable sous ITK au moment de l’intervention, chez 25 % de ceux dont la progression était limitée et chez 7 % de ceux dont la progression était généralisée13. À la lumière de ces résultats, la chirurgie est recommandée dans certains cas de GIST avancée pour autant que le cancer soit stable ou que sa progression soit limitée durant le traitement par l’ITK, l’objectif étant de réduire le risque d’apparition de clones pharmacorésistants et de retarder la progression de la maladie21.

Traitement systémique : options en cas de progression

L’efficacité du sunitinib en cas d’échec du traitement par l’imatinib a été démontrée lors d’un essai de phase III comparatif avec placebo qui regroupait 312 patients porteurs d’une GIST non résécable ayant progressé sous imatinib22. La médiane de l’ISP était de 27,3 semaines sous sunitinib vs 6,4 semaines sous placebo (p<0,0001) (Figure 5). Le sunitinib a été bien toléré lors de cette étude, mais il importe ici de souligner que les types d’effets indésirables varient d’un ITK à l’autre et que cette étude de phase III utilisait un schéma intermittent qui a peut-être été mieux toléré que ne l’aurait été un traitement par le sunitin
nu. En général, le sunitinib est moins bien toléré que l’imatinib, et l’apparition d’une mucite ou d’un syndrome mainspieds pourrait commander une diminution de la dose. Chez les patients sous sunitinib, on doit surveiller étroitement la formule sanguine, la fonction thyroïdienne, la tension artérielle et la fonction cardiaque.

Figure 5

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Le profil unique d’activité des ITK donne tout lieu de croire qu’il serait possible d’aller au-delà d’un traitement de deuxième intention. Lors d’une étude non comparative sur l’utilisation du nilotinib en troisième intention, la SSP a été plus longue que ce à quoi on aurait pu s’attendre chez un patient non traité, et environ la moitié des patients étaient toujours en vie un an après le début du traitement23. Dans le cadre d’une étude de phase II en cours, les patients dont le cancer a progressé sous imatinib et sous sunitinib reçoivent aléatoirement du nilotinib ou les meilleurs soins de soutien (qui peuvent inclure une reprise du traitement par l’imatinib ou le sunitinib). D’autres ITK, dont le masitinib, qui a été évalué récemment lors d’une étude de phase I sur les GIST24, augmentent les possibilités d’expansion de l’arsenal thérapeutique.

Nouvelles données : progrès en matière de classification et de traitement des GIST

Le potentiel d’évolution rapide du diagnostic, de la classification et de la prise en charge des GIST est énorme. Il y a relativement peu de temps, un gène surexprimé dans 94,4 % de toutes les GIST – que l’on a désigné DOG1 – s’est avéré une cible très prometteuse pour un test diagnostique plus rapide et plus spécifique25. Il semble maintenant probable que le dosage du DOG1 sera intégré à la démarche diagnostique usuelle.

De même, les progrès accomplis en matière de caractérisation des GIST et de détermination des facteurs prédictifs des résultats ont permis de définir divers critères de stratification du risque (Tableau 5) qui continueront sans doute d’évoluer. Les fondements de la méthode de collecte des données, comme la définition d’un CFG pour la quantification des mitoses, ne sont pas encore standardisés. L’expansion rapide des caractéristiques dotées d’une importance pronostique risque de semer la confusion en l’absence de normes sur les méthodes de collecte des données et sur la nature même des d
806" />Université d’Ottawa a conçu récemment une fiche synoptique pour s’assurer que toutes les données pathologiques pertinentes soient recueillies et prises en compte dans la prise en charge du patient. Cette fiche (Tableau 6) – dont l’utilisation pourrait se généraliser – a pour objectif de standardiser l’évaluation des GIST et de guider l’évolution des normes de traitement.

Tableau 5

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Tableau 6

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On s’attend également à une évolution des stratégies thérapeutiques, non seulement pour les GIST résistantes et avancées, mais aussi pour le traitement de première intention. Bien que l’imatinib soit le traitement de référence pour les
statiques à en juger par les études qui visaient à évaluer l’efficacité, il n’a jamais été comparé directement à d’autres ITK en première intention. Une étude de phase III multinationale – à laquelle participent des centres du Canada – évalue nez à nez l’imatinib et le nilotinib dans le traitement d’une GIST avancée encore jamais traitée (Figure 6). Une analyse rétrospective du statut mutationnel pourrait nous éclairer quant à l’activité relative des deux agents.

Figure 6

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Avant le début des années 1990, on ne différenciait même pas une GIST des autres tumeurs mésenchymateuses. Or, la classification des caractéristiques moléculaires de ces tumeurs et notre compréhension de ces caractéristiques ont évolué à la vitesse grand V. Il s’agit là d’un phénomène plutôt unique dans les cancers potentiellement mortels. Bien que la résection précoce demeure le seul traitement curatif efficace, les ITK prolongent la survie de manière significative chez les patients porteurs d’une GIST avancée et non résécable, sans compter qu’ils se sont révélés bénéfiques en traitement adjuvant après la résection de la tumeur à un stade précoce.

Résumé

Il est rare que l’on doive organiser une nouvelle conférence de consensus après un intervalle de seulement deux ans pour actualiser les normes de traitement d’un cancer, mais les progrès substantiels accomplis en matière de diagnostic et de traitement des GIST depuis 2007 le justifiaient. Si la confirmation d’un bénéfice associé au traitement adjuvant par l’imatinib d’une GIST résécable compte parmi les progrès les plus importants que l’on ait réalisés depuis la première conférence de consensus, la conférence récente a démontré que nos connaissances étaient en pleine ébullition à bien des égards. Ce fut par ailleurs une nouvelle occasion pour les participants de collaborer et de tendre vers un consensus, conditions sine qua non de l’optimisation des résultats dans le traitement des GIST.

Références

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