Comptes rendus

Second regard sur les associations d’INTI en traitement de fond
Nouvelles données sur le risque croissant de dysfonction rénale chez les patients atteints du VIH/SIDA

Diminution de la protéinurie chez les patients atteints d’insuffisance rénale chronique : nouveau schème de référence

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 40e Assemblée/Exposition scientifique annuelle de l’American Society of Nephrology

San Francisco, Californie / 31 octobre-5 novembre 2007

Il a été démontré qu’à dose ultra-élevée, le candésartan, antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II (ARA), diminue la protéinurie de façon significativement plus marquée qu’à dose standard ou très élevée chez des patients souffrant d’une insuffisance rénale (IR) chronique, selon les résultats de l’étude SMART (Supra Maximal Atacand Renal Trial).

Fait tout aussi important, le candésartan administré à dose ultra-élevée lors de l’étude SMART n’a pas augmenté le risque d’effets indésirables, et la kaliémie est demeurée dans les limites de la normale tout au long des 30 semaines de l’essai.

Comme le précise la Dre Ellen Burgess, Foothills Medical Centre, et professeure titulaire de médecine, University of Calgary, Alberta, 346 patients hypertendus présentant une protéinurie >1 g/24 h depuis plus de six mois ont initialement été recrutés pour l’étude SMART.

Tous les patients ont d’abord reçu du candésartan à la dose standard de 16 mg pendant huit semaines. Chez 269 d’entre eux, la protéinurie persistait après huit semaines. Après randomisation, ces patients ont continué de recevoir 16 mg ou sont passés très graduellement à une dose maximale de 64 mg/jour ou de 128 mg/jour. Cette cohorte de 269 patients est demeurée sous traitement pendant 30 semaines. Au moment de la randomisation, le profil des patients se définissait comme suit : taux de filtration glomérulaire estimatif (TFGe) médian de 49,9 mL/min/1,73 m²; protéinurie médiane de 2,66 g/24 h; tension artérielle (TA) moyenne de 132,5/77,5 mmHg; créatininémie médiane de 130 µmol/L; et kaliémie médiane de 4,5 mmol/L. Environ le tiers des patients présentaient une glomérulopathie primitive, environ 12 % présentaient une néphrosclérose hypertensive et un peu plus de la moitié, une néphropathie diabétique.

À la dernière évaluation, qui avait lieu à 30 semaines, l’analyse en intention de traiter (tous les patients ayant reçu au moins une dose du traitement actif) a révélé une baisse moyenne de 33 % de la protéinurie dans le groupe 128 mg, par comparaison au groupe 16 mg (p<0,0001).

L’analyse qui portait sur les sujets ayant terminé l’étude (toutes les doses administrées pendant 30 semaines) a objectivé une réduction moyenne de 44,3 % de la protéinurie dans le groupe 128 mg, toujours par rapport au groupe 16 mg (p<0,0001). Dans le groupe 64 mg, la réduction (non significative) de la protéinurie était de 16,9 % par rapport au groupe 16 mg.

«La TA systolique ne différait pas d’un groupe à l’autre au moment de la randomisation ni au terme de l’étude, précise la Dre Burgess. De même, il n’y avait pas d’écart significatif entre les groupes quant à la TA diastolique au moment de la randomisation ou au terme de l’étude.» Comme on pouvait s’y attendre, la créatininémie a augmenté légèrement durant l’étude, mais l’élévation ne différait pas de façon notable d’un groupe à l’autre. Fait peut-être encore plus important, la kaliémie «est demeurée bien à l’intérieur des limites de la normale» tout au long des 30 semaines de l’étude et ne différait pas de manière significative entre les trois groupes, tant au moment de la randomisation qu’au terme de l’étude. L’incidence des autres effets indésirables ne différait pas de manière significative entre les trois groupes.

«La maîtrise de la TA est essentielle à la conservation de la fonction rénale, mais il faut aussi penser à la protéinurie, poursuit la Dre Burgess. Si la TA est maîtrisée, mais que la protéinurie persiste malgré la dose maximale recommandée d’un ARA, vous devriez envisager un ARA qui a fait ses preuves à forte dose. Dans le cas des autres ARA, d’ailleurs, vous ne sauriez pas à quelles doses vous pouvez obtenir le même effet. Vous devez donc opter pour un ARA qui a fait ses preuves à très forte dose, et le candésartan est actuellement le seul de sa bande à cet égard.»

Doses à visée antihypertensive et protéinurie

Au dire du Dr Paul René de Cotret, professeur agrégé de médecine, Université Laval, Québec, et membre du comité directeur de SMART, les spécialistes tiennent pour acquis depuis longtemps que les doses d’ARA ou d’inhibiteurs de l’ECA indiquées pour le traitement de l’hypertension suffisent à protéger le rein et à abaisser la protéinurie. «Il n’y a aucune explication logique à cette théorie, mais c’est toujours ce que nous avons supposé», indique-t-il. Si l’on en juge par les résultats de l’étude, il est évident que le blocage du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) par l’une ou l’autre classe thérapeutique administrée à des doses antihypertensives est loin d’être complet, car les agents de l’une ou l’autre classe administrés aux doses optimales, même en association, ne préviennent pas toujours la progression vers l’IR terminale. Dans les faits, d’enchaîner le Dr René de Cotret, le blocage intra-tissulaire du SRAA nécessite probablement une dose beaucoup plus forte d’ARA ou d’inhibiteur de l’ECA que la dose approuvée pour la baisse des chiffres tensionnels.

Cela est particulièrement vrai pour le rein, ajoute-t-il, car c’est un organe plus difficile à pénétrer pour un agent, sans compter que le taux d’angiotensine II est beaucoup plus élevé dans le rein que dans la circulation. Il se pourrait bien que le rein soit un «tissu prototype» et qu’il soit révélateur de la protection à laquelle on pourrait s’attendre dans d’autres organes cibles. «Il est du moins plausible que l’effet du candésartan à dose ultra-élevée sur le rein se reproduise dans le myocarde. Chose certaine, [l’étude SMART] remet en question la pertinence d’utiliser des doses antihypertensives à des fins de protection des organes cibles», précise-t-il.

Le Dr René de Cotret rappelle que les médecins ne doivent pas supposer d’emblée que les résultats de l’étude SMART s’appliquent à tous les ARA, car ils n’ont pas forcément été reproduits dans d’autres essais sur les ARA à dose très élevée ou ultra-élevée. Par exemple, Rossing et al. (Kidney Int 2005; 68:1190-8) ont administré 300 mg, 600 mg et 900 mg/jour d’irbesartan à des patients atteints d’un diabète de type 2 s’accompagnant de microalbuminurie. Chaque dose a réduit significativement l’albuminurie par rapport aux valeurs initiales, mais la dose ultra-élevée de 900 mg a abaissé l’albuminurie de seulement 15 % de plus que la dose de 300 mg, souligne le Dr René de Cotret. Néanmoins, insiste-t-il, les médecins doivent faire preuve de prudence avant de généraliser leur utilisation du candésartan à dose ultra-élevée et doivent l’éviter totalement chez les patients dont la kaliémie initiale excède 5 mmol/L. «Nous devons aussi augmenter la dose de candésartan de manière progressive, comme nous l’avons fait lors de l’étude SMART, c’est-à-dire toutes les deux semaines, et vérifier les taux sériques de créatinine et de potassium à mesure que l’on augmente la dose», ajoute-t-il.

Néanmoins, compte tenu de la diminution de la protéinurie que nous avons observée dans le groupe ayant reçu la dose ultra-élevée lors de l’étude SMART, «nous estimons que cette [approche] devrait atténuer l’atteinte rénale», conclut-il.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec Nathalie Francœur, B.Pharm., M.Sc., CHUQ-L’Hôtel-Dieu de Québec, Québec.

Q : Lorsqu’un patient vous arrive avec une ordonnance de candésartan à 128 mg, que lui conseillez-vous?

R : Mes conseils sont toujours adaptés aux particularités du patient. En centre hospitalier, on insiste sur la diète si le potassium sérique tend vers les limites supérieures ou s’il a tendance à s’élever. Il est certain qu’à une dose de 128 mg, il est important d’aviser le patient des effets secondaires potentiels. Mais il est encore plus important de s’assurer que la dose est augmentée graduellement, que le patient est suivi étroitement et que des formules sanguines complètes sont faites régulièrement.

Q : À votre avis, les résultats de l’étude SMART représentent-ils une percée dans la prévention éventuelle de l’IR terminale chez les patients atteints d’IR chronique?

R : Oui. Du point de vue pharmacologique, il est très intéressant de constater que des mécanismes complémentaires peuvent être impliqués lorsqu’on augmente les doses. La protéinurie est un facteur clinique important sur lequel nous travaillons en clinique de prévention de l’IR. Par contre, je demeure convaincue qu’en pratique, il est impossible d’administrer de telles doses à plusieurs de nos patients, [car] leur tableau clinique est complexe, ils sont souvent âgés et leur TFGe est faible (£30 mL/min).

Q : Croyez-vous que les pharmaciens donneront leur aval à l’utilisation de doses ultra-élevées de candésartan plutôt qu’à des doses antihypertensives pour retarder la progression de l’IR chronique?

R : Il est encore un peu tôt pour se prononcer sur la question. Il est certain que dans ce contexte, les pharmaciens devront exercer un suivi pharmacothérapeutique étroit.

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