Comptes rendus

Inflammation : le lien scientifique et clinique entre l’asthme et la rhinite allergique
Rétablir la qualité de vie des patients atteints de maladie pulmonaire obstructive chronique

Douleur et troubles du sommeil associés à la douleur : optimisation de l’issue du traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 5e Congrès de la European Federation of IASP Chapters

Istanbul, Turquie / 13-16 septembre 2006

Chez les personnes âgées, on observe à la fois une diminution de la sensibilité à la douleur et une tolérance moindre à la douleur sévère, fait remarquer le Dr Stephen Gibson, directeur de la recherche, Caulfield Pain Management and Research Centre, Victoria, Australie. Selon la plupart des lignes directrices nationales sur la prise en charge de ces patients, l’efficacité de la pharmacothérapie est maximale lorsque celle-ci est combinée avec des méthodes non pharmacologiques, entre autres la neurostimulation transcutanée, la psychothérapie et, en présence de diabète, un contrôle strict de la glycémie.

Mécanismes de la douleur chronique

De l’avis du Dr Anthony Dickenson, professeur titulaire de pharmacologie, University College, Londres, Royaume-Uni, il est essentiel, pour comprendre la douleur neuropathique et la douleur inflammatoire, de bien cerner le mécanisme par lequel la douleur chronique résulte d’une potentialisation des effets de l’atteinte des tissus et/ou des nerfs périphériques, non seulement au siège de la douleur, mais aussi au niveau central. «Dans la moelle épinière, ces changements sous-tendent la sensibilisation centrale, et la réponse à un influx donné est alors stimulée par des mécanismes spinaux centraux, explique-t-il. L’une des premières étapes de ce processus semble faire intervenir les canaux calciques qui sont essentiels à la libération de transmetteurs dans les neurones spinaux, et des agents comme la prégabaline pourraient agir sur ces canaux altérés.»

Bien que le mode d’action de la prégabaline ne soit pas clair, on sait que cette dernière a une grande affinité pour une sous-unité (protéine alpha2-delta) des canaux calciques voltage-dépendants et qu’elle pourrait moduler la libération présynaptique de neurotransmetteurs comme le glutamate et la noradrénaline.

Traiter la douleur d’abord : données cliniques à l’appui

Plusieurs études ont révélé que cet agent soulage efficacement la douleur secondaire aux neuropathies périphériques diabétiques (NPD), aux névralgies postzostériennes (NPZ) et à d’autres syndromes douloureux chroniques.

Les résultats d’une analyse des données colligées de sept essais comparatifs et randomisés sur la prégabaline dans le traitement des NPZ et des NPD douloureuses – qui était dirigée par le Dr Russell K. Portenoy, service de la médecine de la douleur et des soins palliatifs, Beth Israel Medical Center, New York, New York – ont objectivé une diminution significative des scores de la douleur dès le deuxième jour de traitement par cet agent. Selon quatre études à long terme réalisées en ouvert dont la durée a été prolongée à deux ans et qui ont fait l’objet d’une analyse par le même groupe, aucune tolérance acquise n’a été observée, ce qui dénote un effet thérapeutique durable, la posologie moyenne n’ayant pas varié de façon cliniquement importante pendant la phase de prolongation.

À l’aide d’un nouveau logiciel (activity region finder), la Dre Tanya Murphy, département de psychiatrie, University of Florida, Gainesville, et ses collaborateurs ont identifié les patients dont les NPZ répondaient à la prégabaline après avoir analysé cinq essais comparatifs et randomisés. Dans l’ensemble, 37 % des patients (n=995) ont répondu au traitement, mais le taux de réponse atteignait 51 % chez les patients qui recevaient 300 ou 600 mg/jour de prégabaline.

Selon des données récentes qui ont été passées en revue au congrès, cet agent affiche un profil pharmacocinétique linéaire et peut être administré deux ou trois fois par jour. De plus, il est possible de repérer la dose optimale rapidement, généralement de trois à sept jours après la dose initiale.

Après une analyse plus poussée de ces données, les chercheurs ont mis en évidence une amélioration rapide et significative du sommeil chez ces patients, dont plus de la moitié souffraient d’insomnie causée par la douleur.

Troubles du sommeil liés à la douleur

Selon le Dr Robert van Seventer, département d’anesthésiologie, Amphia Ziekenhuis, Breda, Pays-Bas, et ses collaborateurs, les personnes aux prises avec des douleurs neuropathiques passent plus de temps au stade du sommeil léger (stade I) qu’aux stades du sommeil plus profond (stades II à IV et sommeil paradoxal [REM]) et sont sujettes aux réveils nocturnes. Des chercheurs ont présenté les données colligées de 13 essais cliniques randomisés portant sur des patients souffrant de syndromes douloureux chroniques, notamment les NPD, les NPZ, la fibromyalgie, les blessures à la moelle épinière et l’arthrose, et d’un essai mené chez des volontaires sains.

L’analyse a révélé que les trois doses de prégabaline évaluées (150, 300 et 600 mg/jour) étaient efficaces pour soulager la douleur et les perturbations du sommeil associées à toutes les affections (p<0,001), sauf l’arthrose. Dans une revue de l’étude sur cette affection, le soulagement de la douleur n’a pas atteint le seuil de signification statistique; par contre, le traitement a permis d’améliorer le sommeil de manière significative.

Les perturbations du sommeil étaient évaluées à l’aide d’un journal de sommeil que tenaient les patients et de l’échelle du sommeil à sept items de l’étude MOS (Medical Outcomes Study). Le traitement a autorisé une amélioration significative de trois items de l’échelle.

Les investigateurs ont rapporté que les résultats de chaque étude étaient compatibles avec ceux des analyses colligées. Un effet significatif est apparu dès la première semaine, c’est-à-dire dès la première évaluation, et s’est maintenu dans toutes les études. Sur le plan de l’amélioration du sommeil, les chercheurs n’ont observé aucune différence significative entre les patients chez qui le traitement entraînait de la somnolence (effet indésirable) et les patients chez qui il n’en entraînait pas.

Selon un enregistrement polysomnographique effectué chez des volontaires sains, la prégabaline a eu pour effet de prolonger significativement la durée du sommeil aux stades III et IV et de diminuer les réveils nocturnes.

Les résultats ont confirmé que cet agent atténue de manière significative les perturbations du sommeil secondaires à la douleur et qu’il améliore de multiples paramètres de la qualité du sommeil. Il semble que les effets bénéfiques de l’agent sur le sommeil soient en partie indépendants du soulagement de la douleur.

Traitements d’association et sommeil

Les antidépresseurs tricycliques (ATC), les opioïdes à libération contrôlée, la lignocaïne topique et les analogues du GABA (acide gamma-aminobutyrique) comptent parmi les traitements pharmacologiques établis pour les NPZ et les NPD.

Selon une nouvelle étude réalisée par le Dr Philip J. Siddall, Pain Management Research Institute, University of Sydney at Royal North Shore Hospital, Australie, et ses collaborateurs, l’efficacité de la prégabaline pour soulager la douleur et améliorer le sommeil chez les patients ayant subi des blessures traumatiques et non évolutives à la moelle épinière n’est pas altérée par les médicaments souvent prescrits en concomitance. Les chercheurs ont noté que l’utilisation de la prégabaline était associée à une amélioration rapide (dès la première semaine) de la douleur neuropathique centrale et des perturbations du sommeil connexes, laquelle amélioration a persisté jusqu’au terme de l’étude sans égard à l’utilisation concomitante d’ATC, d’opioïdes, de myorelaxants ou de benzodiazépines.

Chez les participants qui recevaient un placebo plus un ATC ou un opioïde, les chercheurs ont observé une aggravation de la douleur et du comportement pendant le sommeil, alors que chez ceux qui recevaient un placebo plus un myorelaxant ou une benzodiazépine, ils ont observé une amélioration qui n’était pas plus marquée que dans le groupe placebo. Chez les patients qui recevaient en concomitance la prégabaline et un autre antiépileptique, les chercheurs ont observé une amélioration à la fois de la douleur et du sommeil, mais ces améliorations n’étaient pas statistiquement significatives. Dans le cadre de l’étude, les patients recevaient aléatoirement un placebo (n=67) ou le traitement actif dont la dose pouvait varier entre 150 et 600 mg/jour (n=70), et le suivi durait 12 semaines.

Dans la fibromyalgie, qui est une affection difficile à traiter, l’ajout de la prégabaline à la quétiapine, antipsychotique atypique, a également amélioré le soulagement de la douleur et la qualité de vie, si l’on en juge par les résultats d’un essai de petite envergure (n=19) présentés par le Dr Rodriguez-Lopez, Instituto de Neurociencias, Universidad de Granada, Espagne.

L’anxiété généralisée accompagne souvent les blessures à la moelle épinière. En se servant de la même cohorte de patients du Pain Management Research Institute de Sydney dont il est fait mention plus haut, la Dre Teresa Griesing et ses collaborateurs, New York, ont démontré que la prégabaline traitait efficacement la douleur neuropathique centrale associée aux blessures à la moelle épinière, sans égard à la présence de symptômes anxieux. Le traitement actif a permis une diminution significative du sous-score anxiété sur l’échelle Hospital Anxiety and Depression Scale entre le début et la fin de l’étude, ce qui dénote une diminution de l’anxiété associée aux blessures à la moelle épinière.

Résumé

Grâce à la dimension fonctionnelle de techniques diagnostiques comme la résonance magnétique nucléaire, la tomographie par émission de positons et l’électro-encéphalographie, on n’a jamais eu autant d’information sur les effets des agents administrés sur le cerveau et le système nerveux, de sorte que cette réponse sensorielle complexe qu’est la douleur peut maintenant être disséquée en ses composantes au moyen de tests sensoriels quantitatifs. Nombreux sont les cliniciens qui estiment que tous ces progrès réunis contribuent au développement de nouveaux agents et qu’ils pourraient se traduire dans l’avenir par un soulagement plus efficace de la douleur neuropathique grâce à l’individualisation du traitement.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.