Comptes rendus

ENHANCE : le traitement hypolipidémiant, au-delà des statines
Maintien d’une charge virale indécelable : de nouveaux agents font la preuve de leur efficacité à long terme

Détermination du seuil de régression de l’athérosclérose par le taux de LDL et la coronarographie quantitative

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

57es Séances scientifiques annuelles de l’American College of Cardiology

Chicago, Illinois / 29 mars-1er avril 2008

De nouvelles données tirées de l’étude ASTEROID (A Study to Evaluate the Effect of Rosuvastatin on Intravascular Ultrasound-Derived Coronary Atheroma Burden Treatment) – dont les premiers résultats avaient déjà été publiés – confirment que l’abaissement du taux de LDL en deçà de 2,0 mmol/L fait régresser l’athérosclérose. Les nouvelles données obtenues par coronarographie quantitative (QCA), à l’instar de données antérieures obtenues par échographie endovasculaire (IVUS), confirment en effet que l’athérosclérose cesse de progresser lorsque le taux de LDL atteint environ 2,0 mmol/L et qu’elle se met à régresser en deçà de ce taux. L’étude satellite reposant sur la QCA, qui a été menée indépendamment de l’analyse préalable à l’aide de l’IVUS, établit sans équivoque qu’une baisse radicale du taux de LDL se traduit par une régression de la sténose et un agrandissement de la lumière coronarienne. Ces changements expliquent sans aucun doute pourquoi un taux inférieur à 2,0 mmol/L confère une protection supplémentaire contre les événements cliniques.

«Deux études d’imagerie portant sur des segments coronaires distincts concordent quant à la mise en évidence d’une régression et d’une stabilisation de l’athérosclérose sous l’effet du traitement par une statine à forte dose», souligne le Dr Christie Ballantyne, directeur, Center for Cardiovascular Disease Prevention, Baylor College of Medicine, Houston, Texas. «Une fois de plus, la stabilisation ou l’absence d’évolution de la sténose nécessitait un taux de LDL d’environ 80 mg/dL [2,0 mmol/L]; pour que l’on voie une régression, donc, le taux doit être inférieur à ce seuil.»

La théorie du taux de LDL veut qu’il soit souhaitable de toujours viser plus bas dans la mesure où le permet la puissance des traitements évalués à ce jour. Chaque réduction supplémentaire du taux de LDL est associée à une réduction supplémentaire du risque d’événements cliniques. Pour l’instant, on n’a pas encore atteint de valeur-seuil à laquelle le patient ne bénéficie d’aucune protection supplémentaire contre les événements cardiovasculaires. Les études d’imagerie nous permettent de mieux comprendre ce phénomène. L’étude REVERSAL (Reversal of Atherosclerosis with Aggressive Lipid Lowering) – lors de laquelle un traitement par l’atorvastatine à 80 mg a permis d’obtenir un taux de LDL moyen d’environ 1,8 mmol/L – a été la première à démontrer que la progression de l’athérosclérose pouvait être stoppée (Nissen et al. JAMA 2004;291:1071-80). L’étude ASTEROID – lors de laquelle la rosuvastatine à 40 mg a permis d’obtenir des taux moyens de LDL de 10 % à 15 % plus faibles que dans l’étude REVERSAL – a été la première à démontrer que la régression était possible (Nissen et al. JAMA 2006;295:1556-65).

Plan de l’étude ASTEROID

«La théorie se tient très bien», fait valoir le Dr Ballantyne, précisant que les résultats de l’étude FATS (Familial Atherosclerosis Treatment Study) étaient annonciateurs de l’issue du volet QCA de l’étude ASTEROID. En effet, l’étude FATS – qui a eu lieu il y a près de 20 ans – a été l’une des premières études de QCA à documenter l’évolution favorable des plaques d’athérosclérose sous l’effet du traitement par une statine (Brown et al. N Engl J Med 1990;323:1289-98). Les données qui se sont accumulées dans l’intérim sont on ne peut plus probantes. Comme il est possible d’arrêter le processus morbide, «tant les études d’imagerie que les études cliniques semblent indiquer qu’il est justifié d’administrer une statine à forte dose pour abaisser le taux de LDL chez les patients exposés à un risque élevé», poursuit-il.

Les premiers résultats publiés de l’étude ASTEROID portaient sur le suivi par IVUS de 349 patients répartis dans 53 établissements qui recevaient 40 mg de rosuvastatine. Au cours des deux années suivantes, on a noté une réduction moyenne de 52 % du taux de LDL, le taux moyen étant passé d’environ 3,35 mmol/L à 1,6 mmol/L (p<0,001). Au terme des deux années, les deux méthodes de mesure ont objectivé une régression significative de l’athérosclérose. La variation moyenne de la masse athéromateuse en pourcentage dans le vaisseau de référence était de -0,98 % (3,15 %), la médiane étant de -0,79 % (IC à 97,5 % : -1,21 % à -0,53 %; p<0,001 vs valeur initiale). De même, on a enregistré une baisse médiane de 12,5 mm3 (6,8 %) de la masse athéromateuse totale (IC à 95 % : -15,1 à -10,5 mm3; p<0,001 vs valeur initiale). En outre, la régression a été mise en évidence dans le sous-segment de 10 mm le plus sténosé (p<0,001 vs valeur initiale).

Rôle de la QCA

Dans le volet de l’étude ASTEROID qui vient d’être publié, la QCA a servi à évaluer la variation des lésions responsables d’une sténose de plus de 25 % au départ (Figure 1). La QCA, qui permettait de calculer à la fois la variation de la sténose et la variation du diamètre médian de la lumière, a donné des résultats étonnamment semblables aux résultats obtenus par IVUS et les a confirmés par le fait même. Le volet QCA – qui se limitait aux sténoses de plus de 25 % – regroupait 292 patients (dont 77 % avaient été suivis dans le volet IVUS). Une comparaison des sujets inclus dans l’analyse des données obtenues par QCA et des sujets exclus n’a montré aucune différence significative quant à la plupart des caractéristiques d’importance, comme l’âge (58 ans en moyenne), le sexe (hommes à 75 %) ou l’indice de masse corporelle (28). Tant les sujets ayant subi une QCA que les sujets n’en ayant pas subi recevaient un traitement énergique composé d’AAS (>80 % des sujets), d’un bêta-bloquant (>80 % des sujets) et d’un inhibiteur de l’ECA (>55 % des sujets). Comme on le sait déjà, l’administration de 40 mg de rosuvastatine une fois par jour a autorisé une baisse de 53,3 % du taux de LDL, une augmentation de 13,8 % du taux de HDL, une baisse de 12,3 % du taux de triglycérides et une baisse de 58,2 % du rapport LDL:HDL.

Pendant les deux années de l’étude, le traitement par la rosuvastatine a été associé à une régression de la sténose médiane de 1,3 % (p<0,001) et à une augmentation de 0,03 mm (p<0,001) du diamètre médian de la lumière dans les coronaires cibles. L’évaluation de la totalité des lésions a révélé une régression ou l’absence de changement dans près de 60 % des cas. Les résultats sont toutefois encore plus impressionnants pour les changements considérés comme cliniquement pertinents, c’est-à-dire une progression ou une régression de >10 %. Selon ce critère, 97 % des lésions ont régressé ou sont restées stables alors que seulement 3,1 % ont progressé pendant l’étude. Un constat similaire se dégage de l’analyse du diamètre médian de la lumière. Une variation cliniquement pertinente ayant été définie comme une augmentation ou une diminution de >0,2 mm, 94 % des segments évalués sont restés stables ou ont régressé alors que seulement 6 % ont progressé.

Figure 1. Variation de la sténose (%) en fonction du taux de LDL durant le traitement, lors d’études reposant sur la QCA


Établissement d’un lien entre le taux de LDL et la QCA

L’analyse des données du volet QCA de l’étude ASTEROID, comme celle des données du volet IVUS, confirme l’existence d’une corrélation directe entre la baisse du taux de LDL et la protection contre la progression de l’athérosclérose. Lorsque l’on reporte sur un graphique (Figure 2) diverses études reposant sur l’IVUS, l’évaluation de la variation de la masse athéromateuse en fonction de la baisse du taux de LDL montre que la médiane de chaque baisse différentielle supplémentaire du taux de LDL est associée à un ralentissement de la progression alors qu’à partir de REVERSAL, étude dans laquelle le taux médian de LDL était de presque 2,0 mmol/L, la progression est presque nulle. L’étude ASTEROID, lors de laquelle on a enregistré une baisse différentielle supplémentaire du taux de LDL, a autorisé une régression de l’athérosclérose.

Figure 2. Variation de la masse athéromateuse, en pourcentage, mesurée par IVUS, en fonction du tau
reposant sur l’IVUS

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Le volet QCA a donné un résultat identique, une stabilisation ayant été de nouveau observée lorsque le taux de LDL avoisinait 2,0 mmol/L. Là encore, ASTEROID, qui a objectivé une baisse différentielle supplémentaire du taux de LDL, est la première étude à démontrer une régression à la QCA. Certes, la variation du taux de HDL n’était pas au cœur des analyses des volets QCA et IVUS, mais il importe néanmoins de souligner que la rosuvastatine a augmenté le taux de HDL de près de 14 % en moyenne. Cela dit, précise le Dr Ballantyne, on a observé une corrélation entre la hausse du taux de HDL et l’évolution favorable de la sténose. Bien que les données sur le taux de HDL ne soient pas aussi concluantes qu’elles le sont pour le taux de LDL, le Dr Ballantyne fait état d’une valeur-seuil. Plus précisément, la probabilité de régression augmente lorsque le taux de HDL est supérieur à 1,2 mmol/L.

Un taux de LDL toujours plus faible : encore vrai

L’importance d’atteindre un taux de LDL permettant de faire régresser les plaques d’athérosclérose plutôt que de les stabiliser a été confirmée par des essais cliniques ayant systématiquement objectivé une diminution du risque parallèle à la baisse du taux de LDL, la baisse étant parfois d’une ampleur telle que l’on observe une régression des plaques, comme c’est le cas pour l’étude ASTEROID. Dans une série d’études de prévention primaire et secondaire, c’est dans le groupe qui bénéficiait de la baisse la plus marquée du taux de LDL que l’on observait la protection relative la plus marquée contre les événements cardiovasculaires. Lors de l’essai TNT (Treating to New Targets), qui compte parmi les essais les plus vastes et les plus récents à dénombrer les événements en fonction des baisses relatives du taux de LDL, le traitement le plus énergique – 80 mg d’atorvastatine – a été associé à une réduction relative de 22 % (p<0,001) du paramètre principal mixte (mort d’origine coronarienne, infarctus du myocarde, arrêt cardiaque ayant répondu à la réanimation ou AVC) par comparaison à 10 mg d’atorvastatine (LaRosa et al. N Engl J Med 2005; 352:1425-35). La dose de 80 mg a permis d’atteindre un taux médian de LDL de 2,0 mmol/L, taux que l’on associe maintenant à la stabilisation des plaques, mais la stratification des taux d’événements en fonction du taux de LDL a démontré que la diminution était encore plus marquée lorsque le taux de LDL était inférieur à 1,8 mmol/L.

D’autres questions demeurent

Les résultats de l’étude ASTEROID confirment en toute objectivité qu’un taux de LDL toujours plus faible influe favorablement sur la physiopathologie de l’athérosclérose. Il s’agit là d’une observation clé quant aux objectifs du traitement et ce, d’autant plus que le taux de LDL est un important facteur de risque de survenue d’un événement. Cela dit, la définition d’une prise en charge optimale du risque, notamment par les statines et les traitements hypolipidémiants d’appoint, demeure incomplète. D’une part, il nous reste à cerner la contribution relative d’une augmentation du taux de HDL pour maximiser les bienfaits d’une diminution optimale des LDL. D’autre part, la protéine C-réactive (CRP) suscite de plus en plus d’intérêt en tant que facteur de risque sur lequel on peut agir. Ce marqueur de l’inflammation – qui est annonciateur du risque d’événements – peut être abaissé sous l’effet d’une statine. Certes, les statines ne sont pas toutes aussi efficaces les unes que les autres pour abaisser le taux de CRP, lequel est faiblement corrélé avec le taux de LDL, mais un essai sur la rosuvastatine, laquelle abaisse considérablement le taux de CRP, a dû prendre fin prématurément en raison d’un bénéfice plus marqué dans le groupe de traitement actif à ce chapitre.

Le point sur JUPITER

«Nous avons su ce matin que le comité de surveillance de l’innocuité avait décidé de mettre fin prématurément à l’essai JUPITER parce que les résultats partiels favorisaient la rosuvastatine. Cela devrait nous en dire beaucoup plus long sur la réduction du risque», souligne le Dr Ballantyne.

Dans le cadre de l’essai JUPITER (Justification for the Use of Statins in Primary Prevention: an Intervention Trial Evaluating Rosuvastatin), 15 000 patients qui avaient un taux de C-LDL <130 mg/dL (<3,36 mmol/L) et qui n’avaient pas d’antécédents de maladie cardiovasculaire ont été recrutés parce qu’ils présentaient un taux élevé de CRP. Après randomisation, ils recevaient de la rosuvastatine ou un placebo. On a mis fin à l’essai prématurément parce que les données montraient sans équivoque une réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire dans le groupe de traitement actif.

Lorsqu’on lui a demandé de commenter ces développements, le Dr Subodh Verma, titulaire de la chaire canadienne de recherche sur l’athérosclérose, St. Michael’s Hospital, Toronto, Ontario, a qualifié ASTEROID d’«essai phare, car il est le premier à montrer [à l’aide de l’IVUS et de la QCA] que la régression de l’athérosclérose est un objectif réaliste». Cependant, si importantes soient les données de l’essai ASTEROID, «la nouvelle la plus fascinante est sans doute l’arrêt prématuré de l’essai JUPITER en raison d’une diminution évidente de la morbi-mortalité cardiovasculaire sous l’effet de la rosuvastatine», a-t-il ajouté Comme bien d’autres, il attend la publication des données pour mieux comprendre les résultats et leurs retombées sur la prise en charge du patient.

Dans son commentaire, le Dr Jean-Claude Tardif, directeur de la recherche clinique, Institut de cardiologie de Montréal, et professeur titulaire de médecine, Université de Montréal, Québec, faisait remarquer que la régression de l’athérosclérose observée dans l’essai ASTEROID, qui est maintenant confirmée par deux modalités d’imagerie, s’accompagnait non seulement d’un taux moyen de LDL de 1,57 mmol/L, mais aussi d’une augmentation de 14 % du taux de HDL; or, ces deux facteurs pourraient avoir contribué de manière appréciable au résultat définitif. Au dire du Dr Jacques Genest, directeur, division de cardiologie, Centre universitaire de santé McGill, Montréal, les données obtenues par QCA «confirment en grande partie les données obtenues par IVUS» qui avaient déjà été rapportées dans le cadre de l’essai ASTEROID. Bien que ces données ne changent aucunement les perceptions quant à l’importance d’un traitement hypolipidémiant à forte dose, elles confirment son effet sur les lésions cibles.

Résumé

Les nouvelles données de l’essai ASTEROID obtenues par QCA ont confirmé qu’une baisse énergique du taux de LDL sous l’effet de la rosuvastatine permet aux lésions d’athérosclérose de régresser. Si des études préalables semblaient indiquer que les plaques se stabilisaient quand le taux de LDL atteignait environ 2,0 mmol/L, nous savons maintenant qu’une baisse plus marquée du taux de LDL fait régresser la masse athéromateuse, ce qui expliquerait qu’un taux de LDL inférieur à 2,0 mmol/L soit associé à une meilleure protection contre les événements cardiovasculaires, par comparaison à un taux plus élevé. Bien que nous n’ayons toujours pas atteint le taux de LDL auquel on n’obtient plus de protection supplémentaire contre les événements cardiovasculaires, les résultats de l’essai clé ASTEROID confirment de nouveau la théorie voulant qu’une baisse énergique du taux de LDL soit essentielle à l’optimisation de la protection contre la survenue d’un événement.

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