Comptes rendus

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Efficacité et constance des antimuscariniques dans l’hyperactivité vésicale

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - l’International Continence Society et de l’International Urogynecological Association (ICS/IUGA)

Toronto, Ontario / 23-27 août 2010

Comme l’expliquait au congrès la Dre Pamela Ellsworth, professeure agrégée d’urologie et de chirurgie, Brown University, Providence, Rhode Island, les symptômes de l’hyperactivité vésicale (HV) perturbent la vie quotidienne du patient du lever au coucher, puis durant la nuit. «Les symptômes de l’HV limitent les activités physiques et le travail, et il ne fait aucun doute qu’ils diminuent la productivité et contribuent à l’absentéisme», ajoute-t-elle.

Une fréquence mictionnelle accrue durant la nuit est associée à un sommeil de piètre qualité, et les symptômes de l’HV ont aussi été liés à la dépression. Lors d’un sondage, les deux tiers des patients aux prises avec une HV ont effectivement affirmé que leurs symptômes avaient un impact négatif sur leur qualité de vie liée à la santé, notamment sur leur mobilité et leur hygiène personnelle. «Il est évident que cette affection a d’importantes répercussions non seulement sur le patient lui-même, mais aussi sur le couple et la famille immédiate», poursuit la Dre Ellsworth.

Regard sur le lien persévérance/efficacité

Certes, des essais cliniques ont démontré que les antimuscariniques (AM) étaient raisonnablement efficaces, sûrs et bien tolérés, mais l’expérience clinique au jour le jour semble indiquer que les patients sont souvent insatisfaits de leur traitement et que le changement d’AM est monnaie courante.

Lors d’une étude réalisée par le Dr Ramandeep Basra, Guy’s and St. Thomas’ NHS Foundation Trust, Londres, Royaume-Uni, et ses collaborateurs, le taux de persévérance diminuait chaque fois que les patients essayaient un nouvel AM. À en juger par les données recueillies chez 133 patients après 1 an et 68 patients après 2 ans, la durée du traitement par les agents de première, deuxième et troisième intention se chiffrait respectivement à 17,2, 13,2 et 7,6 semaines.

Les agents de première intention utilisés dans les deux centres qui participaient à l’étude étaient la solifénacine et la toltérodine à libération prolongée (ER). Les agents de rechange possibles étaient la toltérodine à libération immédiate (IR), l’oxybutynine transdermique IR et ER, et la darifénacine. «Les effets indésirables liés aux médicaments ont motivé moins de 50 % des abandons de l’agent de première intention, souligne le Dr Basra; en changeant de traitement, les patients finissent peut-être par perdre confiance en l’utilité du traitement, par ne plus vouloir essayer un autre traitement et par devenir insatisfaits du traitement dans son ensemble. [Comme] la plupart des sujets [de cette étude] ont reçu un seul agent pour l’HV, il se pourrait que le premier médicament soit le plus important en termes d’adhésion au traitement médicamenteux dans l’HV.»

L’efficacité étant influencée par la persévérance, le Dr David Castro-Díaz, Hospital Universitario de Canarias, Santa Cruz de Ténérife, Espagne, et son équipe multicentrique ont tenté de cerner les raisons motivant le changement de traitement. Ils ont sondé quelque 2038 patients dont le score au questionnaire validé explorant les symptômes de l’HV en 8 items était =8 et qui avaient changé de traitement dans les 3 ou 4 mois précédant leur admission à l’étude. Les raisons invoquées pour le dernier changement étaient le manque d’efficacité (60 %); les effets indésirables (24 %); le souhait du patient (8 %); une adhésion insuffisante (6 %); et d’autres facteurs (2 %). Le changement de traitement était généralement une décision du médecin (69 % des cas), un spécialiste le plus souvent (96 %), le traitement ayant été changé à la demande du patient dans 31 % des cas.

Le Dr Scott MacDiarmid, directeur, Bladder Control and Pelvic Pain Center, Wake Forest University, Winston-Salem, Caroline du Nord, estime que ces résultats sont représentatifs : «le manque d’efficacité est la raison première pour laquelle les patients arrêtent de prendre un AM.» Lors d’un sondage réalisé auprès de patients aux prises avec une HV (Figure 1), par exemple, près de la moitié (46 %) des patients ont affirmé qu’ils avaient mis fin à leur traitement parce que leur médicament n’était pas à la hauteur des attentes. Il semble toutefois que les médecins ne traitent pas l’HV assez énergiquement. «Prenons les patients qui reçoivent actuellement un médicament pour l’HV, en particulier ceux dont la situation ne s›est pas améliorée à 100 %. Eh bien, si on leur prescrivait un nouveau médicament, qu’on augmentait la dose du traitement en cours ou qu’on les invitait à suivre également une thérapie comportementale, ils iraient mieux, mais nous ne faisons rien de tout cela», ajoute le Dr MacDiarmid. Précisant que l’efficacité est l’attribut le plus important de tout AM, l’efficacité étant ce qui importe le plus aux patients, une stratégie thérapeutique plus efficace pourrait représenter un progrès important dans le traitement de l’HV.

Figure 1. Motifs de l’abandon du traitement de l’HV


Efficacité, posologie et présentation

Dans la pratique clinique, il peut être difficile de déterminer et de prescrire la dose optimale pour soulager les symptômes de l’HV. Certes, l’augmentation progressive de la dose pourrait être la meilleure stratégie dans un grand nombre de cas, mais le délai nécessaire à l’obtention d’une réponse significative, laquelle peut survenir parallèlement à l’apparition d’effets indésirables, pourrait nuire à l’adhésion au traitement lorsque le patient s’attend à un traitement efficace qui agit rapidement.

Une analyse rétrospective qui regroupait 1059 patients aux prises avec des symptômes d’HV depuis =6 mois a démontré que le traitement par la darifénacine à 7,5 mg ou à 15 mg avait atténué les symptômes incommodants de l’HV dès la 2e semaine. L’amélioration était toutefois plus marquée chez les patients recevant la dose plus forte. Du 6e au 8e jour, par exemple, la différence médiane absolue en termes d’épisodes d’incontinence, de mictions/jour et d’épisodes d’urgence/jour se chiffrait à -0,5, -0,5 et -0,9 pour la forte dose vs -0,2, -0,3 et -0,5 pour la faible dose (résumé 620). À en juger par cette étude, la posologie initiale pourrait influer sur le nombre de symptômes traités et le degré d’efficacité.

La toltérodine, offerte en préparations IR (1 et 2 mg) et ER (2 et 4 mg), est un autre AM qui a fait la preuve de son efficacité dans l’HV. La préparation ER est généralement mieux tolérée. Dans leur analyse d’un plan régional de soins intégrés, D’Souza et al. ont démontré que l’adhésion au traitement était significativement meilleure dans le cas des préparations ER que des préparations IR (J Manag Care Pharm 2008;14[3]:291-301). En contexte réel, Peeker et al. ont rapporté pour leur part que la toltérodine ER avait permis une amélioration cliniquement importante des symptômes de l’HV et de la qualité de vie liée à la santé autoévaluée durant les 6 mois de leur étude d’observation (Scand J Urol Nephrol 2010;44[3]:138-46).

Tirer profit de la constance de l’effet

La toltérodine est un AM bien étudié et largement utilisé. Lorsqu’il est administré par voie orale, il est converti en un métabolite 5-hydroxyméthylé (5-HMT), principalement par l’isoenzyme 2D6 du cytochrome P450 (CYP). Une fraction importante du médicament non métabolisé se trouve dans le plasma, si bien que le ratio toltérodine:métabolite 5-HMT varie selon que la biotransformation par l’enzyme CYP 2D6 – génétiquement prédéterminée – est rapide ou lente. La toltérodine et son métabolite 5-HMT exercent tous deux une puissante activité AM.

Une nouvelle option pourrait voir le jour dans le traitement de l’HV. La fésotérodine, précurseur du métabolite 5-HMT, subit une transformation simple et étendue en son métabolite actif. Après son administration par voie orale, ce promédicament n’est pas décelable dans le plasma, ce qui dénote une totale biotransformation en son métabolite 5-HMT et rend ses profils pharmacocinétique et pharmacodynamique hautement prévisibles. D’un point de vue clinique, estiment les conférenciers, il en résulte une efficacité plus constante chez les patients aux prises avec une HV. Présentée en préparation à 4 mg et à 8 mg à libération modifiée, la fésotérodine a fait l’objet d’une étude de phase III menée à double insu avec randomisation et placebo, et elle a été comparée à la toltérodine ER à 4 mg dans le cadre de deux autres essais.

Tour d’horizon des résultats

Le Dr MacDiarmid a rappelé à l’auditoire que le paramètre principal de l’étude de Chapple et al. (Eur Urol 2007;52:1204-12) qui a mené à l’homologation de la fésotérodine en Europe était la diminution des épisodes d’incontinence urinaire d’urgence (IUU). Les préparations actives, dosées à 4 mg et à 8 mg, étaient comparées à un placebo. Le nombre initial d’épisodes d’IUU/jour était de 4 en moyenne.

Après 12 semaines, la réduction médiane des épisodes d’IUU se chiffrait à 87,5 % dans le groupe 8 mg, à 80 % dans le groupe 4 mg et à 50 % dans le groupe placebo (Figure 2). «Les résultats étaient statistiquement meilleurs dans les groupes 4 mg et 8 mg que dans le groupe placebo après 2, 8 et 12 semaines de même qu’à chacune des autres évaluations», souligne le Dr MacDiarmid. Les données de l’essai américain «étaient essentiellement superposables à celles de l’essai européen, la réduction médiane des épisodes d’IUU ayant atteint 82 % dans le groupe 8 mg de l’essai américain».

Comme on pouvait s’y attendre avec un AM, l’analyse groupée des études de phase III a révélé que la sécheresse buccale était plus fréquente dans le groupe 8 mg (35 %) que dans le groupe 4 mg (19 %). Les taux de constipation, en revanche, n’étaient pas beaucoup plus élevés : 6 % pour le groupe 8 mg, 4 % pour le groupe 4 mg et 2 % pour le groupe placebo. Aucun effet indésirable sur le système nerveux central (SNC) n’a été observé dans l’une ou l’autre de ces études.

Tous les patients qui ont participé aux essais de phase III jusqu›à la fin ont été invités à participer à une phase ouverte de prolongation, pendant laquelle ils recevaient uniquement la dose de 8 mg. Après une durée moyenne de 23 mois, «71 % des patients qui avaient amorcé le traitement à 8 mg recevaient toujours 8 mg, souligne le Dr MacDiarmid, et [...] ils ne faisaient pas exception à la règle du point de vue de la tolérabilité ou de l’innocuité». Figure 2. Essai pivot international : diminutio
paramètre principal)

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Deux études comparatives ont ensuite été entreprises. La fésotérodine, dont la dose initiale de 4 mg était portée à 8 mg après 1 semaine, a été comparée à la toltérodine ER à 4 mg pendant 12 semaines. Le paramètre principal était la variation, après 12 semaines, du nombre d’épisodes d’IUU par rapport au nombre initial; la comparaison a porté également sur d’autres paramètres.

Dans les deux études, la fésotérodine à 8 mg était significativement plus efficace que la toltérodine ER à 4 mg. Toujours dans les deux études, environ les deux tiers des patients sous fésotérodine ont indiqué dans leur journal qu’ils n’avaient eu aucun épisode d’incontinence sur une période de 3 jours (Figure 3). «L’absence totale d’épisodes d’incontinence chez 63 % des patients qui, je précise, avaient deux épisodes par jour au départ, c’est très bon à mon avis», soutient le Dr MacDiarmid.

Le tour d’horizon de toutes les variables consignées dans le journal vésical des sujets des deux études a également fait ressortir une plus grande efficacité selon la majorité des paramètres, dont la qualité de vie fondée sur les scores aux questionnaires sur l’HV. Dans les deux études, les taux de sécheresse buccale étaient plus faibles sous toltérodine que sous fésotérodine (environ 15 % vs environ 27 %), mais les taux de sécheresse buccale sévère étaient similaires (de 0,1 à 1 % vs 1 à 2 %, respectivement).

«À mon avis, l’efficacité de la fésotérodine est très robuste, surtout à la dose de 8 mg, et ces données nous permettront de mieux individualiser le traitement en tenant compte de la sensibilité du patient au médicament», conclut le Dr MacD
Taux d’absence totale d’incontinence selon le journal (3 jours)

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Résumé

Chez la plupart des patients, les symptômes de l’HV sont source d’anxiété et nuisent à la qualité de vie, mais il est fréquent que les patients mettent tout de même fin à leur traitement par un AM, pierre angulaire de la pharmacothérapie de l’HV, en raison d’un manque d’efficacité ou d’effets indésirables. Le choix de l’AM le plus susceptible de soulager les symptômes dès la première tentative est une composante clé de la stratégie thérapeutique dans l’HV, la probabilité de persévérance étant alors plus élevée. La toltérodine ER est un traitement efficace bien établi dans l’HV, et la fésotérodine, un promédicament, est dotée de propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques très constantes, sans compter que la dose de 8 mg est reconnue comme plus efficace. Pour toutes ces raisons, ce nouveau venu est un bon complément qui permettra de mieux individualiser le traitement et d›optimiser la probabilité d’une issue favorable.

Questions et réponses

La section qui suit est fondée sur des entretiens au congrès avec la Dre Pamela Ellsworth, professeure agrégée d’urologie et de chirurgie, Brown University, Providence, Rhode Island, ainsi qu’avec le Pr Martin Michel, professeur titulaire de pharmacologie et de pharmacothérapie, Université d’Amsterdam, Pays-Bas.

Q : Dans les études sur la fésotérodine à doses variables, comment se comparaient les résultats chez les patients dont la dose a été portée à 8 mg et ceux qui ont continué de recevoir 4 mg?

Dre Ellsworth : Par rapport aux patients qui ont décidé de continuer de recevoir 4 mg, ceux qui ont décidé de passer à 8 mg après 1 semaine avaient une réponse moins marquée la 2e semaine, mais après 12 semaines, nous avons vu une énorme amélioration dans le groupe 8 mg, au point où les résultats étaient comparables dans les deux groupes. C’est donc dire que la population est diversifiée et que certains patients ont vraiment besoin d’une dose plus forte.

Q : Pourquoi ne pas commencer d’emblée par une dose plus forte pour ensuite la diminuer?

Pr Michel : Tout d’abord, on n’expose pas un patient n’ayant pas besoin d’une dose plus forte à des effets indésirables inutiles. En outre, l’organisme est étonnamment capable de s’adapter au traitement médicamenteux, ce qui veut dire que si l’on amorce le traitement à une dose plus faible, ces mécanismes d’adaptation seront peut-être déclenchés, et la dose plus forte pourrait [ultérieurement] être mieux tolérée que si l’on administrait la forte dose d’emblée.

Q : Quel est l’impact de la fésotérodine sur la fonction cognitive, surtout chez les patients âgés qui doivent recevoir le traitement à long terme?

Dre Ellsworth : Nous n’avons aucune donnée sur la fonction cognitive et les effets sur le SNC, mais aucun problème n’a été soulevé à cet égard avec ce médicament, comparativement au placebo.

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