Comptes rendus

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Efficacité optimale et toxicité acceptable du traitement dans le cancer du sein métastatique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 33e Congrès de l’ESMO (European Society for Medical Oncology)

Stockholm, Suède / 12-16 septembre 2008

Bien qu’on ait fait beaucoup de progrès en matière de diagnostic précoce et de traitement du cancer localisé, de nombreuses femmes développent un cancer du sein métastatique de mauvais pronostic. Chez ces patientes, le bénéfice le plus probable d’un traitement énergique est une prolongation appréciable de l’intervalle sans progression (ISP) et de la survie plutôt que la guérison. La difficulté réside dans le choix d’un schéma thérapeutique qui autorisera une prolongation de l’ISP et de la survie qui en vaille la peine pour la patiente. De nouvelles données issues d’un essai de phase III sur le cancer du sein avancé montrent que la doxorubicine, une anthracycline certes efficace mais toxique dans sa présentation originale, est à la fois très efficace et bien tolérée lorsqu’elle est administrée en liposomes péguylés. Les résultats de cet essai ont permis de définir un schéma que l’on peut utiliser dès maintenant dans le traitement du cancer métastatique.

«La principale observation qui se dégage de l’étude est la faible toxicité de la doxorubicine en liposomes péguylés (DLP) administrée à raison de 40 mg/m². Cette dose n’a entraîné aucun effet toxique gastro-intestinal de grade 3 ou 4 et aucune alopécie de grade 4. Les taux d’effets indésirables de grade 4 comme la mucite ou le syndrome palmo-plantaire étaient inférieurs à 5 %. Le traitement n’a pas entraîné non plus de cardiotoxicité cliniquement pertinente», rapporte le Dr Emilio Alba, chef du Service d’oncologie médicale, Hospital Universitario Vírgen de la Victoria, Málaga, Espagne.

Lors de cette étude multicentrique, les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique et dont les fonctions cardiaque, rénale et hépatique étaient acceptables ont d’abord reçu un traitement d’induction qui consistait en trois cycles (21 jours) de doxorubicine traditionnelle, puis en trois cycles de docetaxel. Les femmes chez qui on a noté une réponse complète (RC), une réponse partielle (RP) ou une stabilisation du cancer (SC) pouvaient être randomisées de façon à recevoir de la DLP à raison de 40 mg/m² une fois par cycle de 28 jours pendant six cycles ou à être surveillées sans être traitées. Le paramètre principal était l’ISP. Les paramètres secondaires étaient la toxicité et le taux de survie globale (SG) à un an.

Résultats de l’étude

L’âge médian des 155 patientes randomisées s’établissait à 57 ans (de 30 à 74 ans). Trente pour cent des patientes du groupe DLP et 35 % de celles du groupe observation avaient déjà reçu une anthracycline. Au moment où les patientes ont été randomisées, les groupes se répartissaient comme suit sur le plan des réponses au traitement d’induction : 4 % de RC dans le groupe DLP vs 9 % dans le groupe observation; 49 % de RP vs 61 %, respectivement; et 47 % de SC vs 31 %, respectivement. Les écarts entre les groupes n’étaient pas significatifs (p=0,077).

L’ISP médian calculé à partir du moment de la randomisation était de 8,32 mois dans le groupe DLP vs 4,93 mois dans le groupe observation (p=0,0008). Lorsqu’il était calculé à partir du début du traitement d’induction, il était de 13,18 mois vs 10,06 mois, respectivement (p=0,0005). Le taux de survie à 12 mois se chiffrait à 81 % dans le groupe DLP vs 66 % (p=0,04) dans le groupe observation. La médiane de SG ne différait pas de manière significative d’un groupe à l’autre, mais elle favorisait la DLP.

Les résultats associés à la DLP ont été qualifiés d’importants, car le taux et la sévérité des effets indésirables étaient modestes. Parmi les 78 patientes du groupe DLP, seulement cinq présentaient une baisse de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) de plus de 10 % et seulement deux avaient une FEVG inférieure à 50 %. On n’a signalé aucun cas d’insuffisance cardiaque symptomatique. En outre, le syndrome palmo-plantaire de grade 3 ou 4, effet toxique de la DLP qui en limite la dose, a été peu fréquent dans l’étude. Seules trois patientes (4 %) ont développé un syndrome palmo-plantaire de grade 3 et aucun cas de grade 4 n’a été signalé. Les autres effets toxiques de grade 3 ou 4 observés dans les deux groupes n’avaient rien de particulier.

Toxicité moindre de la préparation modifiée

Le faible risque d’effets indésirables de la DLP, que d’autres essais avaient déjà confirmé, est attribué à l’encapsulation de la doxorubicine dans des liposomes dotés d’une enveloppe extérieure en polyéthylène glycol (PEG). L’encapsulation de l’ingrédient actif dans des liposomes de PEG augmente la proportion de l’ingrédient actif acheminé à la tumeur plutôt qu’aux tissus sains. On évite ainsi un grand nombre des effets toxiques des chimiothérapies traditionnelles que les patientes redoutent le plus.

«De nombreux schémas de chimiothérapie prolongent l’ISP dans le cancer du sein métastatique, mais la toxicité est toujours un obstacle, confirme le Dr Alba. Dans cette étude, nous avons obtenu un bon rapport bénéfice:risque. La DLP augmente la survie des patientes atteintes d’un cancer avancé tout en étant doté d’un bon profil de toxicité.»

Il importe ici de souligner que la prolongation de l’ISP obtenue dans cette étude se compare à la prolongation associée aux nouveaux agents ciblés, comme le trastuzumab ou le lapatinib, au sein de populations similaires. Le Dr Alba, qui a qualifié l’augmentation de trois mois de l’ISP de seuil important, fait remarquer que la plupart des oncologues interrogés considéraient cette augmentation comme cliniquement significative.

La comparaison de la DLP et des agents ciblés est pertinente. Les agents ciblés, on le sait, ne sont pas sans effets indésirables. En effet, les éruptions cutanées et l’hypertension sont assez fréquentes, tandis que le syndrome palmo-plantaire, la mucite et l’hypothyroïdie, quoique plus rares, sont parfois signalés. Cela dit, on considère généralement qu’ils sont mieux tolérés que les agents cytotoxiques, en particulier les anthracyclines.

Cancer triplement négatif

Les anthracyclines sont toutefois très efficaces dans un vaste éventail de cancers du sein, y compris ceux qui ne répondent pas bien aux traitements ciblés. Cette question prend de l’importance vu l’intérêt croissant que suscitent les cancers du sein «triplement négatifs», c’est-à-dire les cancers qui n’expriment ni récepteurs aux oestrogènes, ni récepteurs à la progestérone, ni récepteurs HER2 (récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain).

«Chez les patientes dont la tumeur n’exprime aucun de ces trois récepteurs, nous devrons repérer d’autres types de cibles, et plusieurs s’annoncent déjà prometteuses. Il est important de reconnaître que certains cancers du sein répondent aux chimiothérapies, et nous disposons de données montrant que ces patientes se portent très bien», déclare le Dr Andrew Tutt, oncologue clinicien consultant, Guy’s and St. Thomas Hospital, Londres, Royaume-Uni.

Pour étayer sa conclusion, le Dr Tutt a cité plusieurs données, notamment une analyse récente du M.D. Anderson Cancer Center, à Houston, au Texas, dont l’objectif était de comparer les résultats d’une chimiothérapie néoadjuvante chez 255 patientes porteuses d’une tumeur mammaire triplement négative et chez 863 patientes porteuses d’une tumeur exprimant au moins un type de récepteurs (Liedtke et al. J Clin Oncol 2008; 26:1275-81). Après trois ans de suivi, le taux de survie était moins élevé chez les femmes porteuses d’une tumeur résiduelle triplement négative que chez les femmes porteuses d’une tumeur résiduelle exprimant des récepteurs (68 % vs 88 %; p=0,0001); par contre, toujours après trois ans de suivi, les taux de survie étaient comparables chez les femmes qui étaient parvenues à une RC histopathologique sous chimiothérapie (94 % vs 98 %; p=0,24).

Parmi les femmes porteuses d’une tumeur résiduelle, il n’a pas été déterminé si celles dont la tumeur n’exprimait aucun récepteur avaient reçu un traitement optimal pendant la période de collecte des données (1985 à 2004). Certes, les agents ciblés n’étaient pas monnaie courante les premières années, mais les patientes atteintes d’un cancer avancé sont tout de même nombreuses à avoir reçu des agents ciblés dans le cadre d’études cliniques, sans égard au statut des récepteurs. Bien que la tendance actuelle soit de confirmer la présence de cibles pertinentes avant d’amorcer un traitement ciblé, il n’existe pas encore de recommandations formelles quant à l’utilisation des agents chimiothérapeutiques, comme les anthracyclines, dans le traitement d’un cancer triplement négatif même si ces agents sont très actifs, quel que soit le sous-type de la tumeur.

«Le traitement d’entretien est une bonne option pour la quasi-totalité des patientes pour autant que les traitements efficaces soient dotés d’un profil de toxicité acceptable», conclut le Dr Alba, dont les remarques valent pour tous les cancers avancés, sans égard à la présence ou à l’absence des trois types de récepteurs. «J’estime que la DLP répond à ces critères.»

Résumé

Une étude de phase III a révélé que l’administration de six cycles de DLP comme traitement d’entretien prolonge significativement l’ISP et qu’elle se traduit par un gain de survie chez les femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique qui ont déjà reçu une anthracycline et un taxane. Le syndrome palmo-plantaire (incidence de 4 %) est le seul signe de toxicité de grade 3 digne de mention qu’on a observé plus souvent dans le groupe DLP. L’activité et la tolérabilité de la DLP sont rassurantes quand on souhaite prolonger la survie d’une patiente atteinte d’un cancer du sein métastatique, mais elles le sont probablement tout autant pour les patientes atteintes d’autres types de cancer du sein qui ne répondent qu’aux chimiothérapies, comme les cancers triplement négatifs.

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