Comptes rendus

Traitements ciblés dans les GIST et les CCR métastatiques
L’épidémiologie changeante des infections invasives à méningocoque au Québec exige de nouvelles stratégies de vaccination contre les souches dominantes

Embellie sur la route des hommes aux prises avec un cancer de la prostate résistant à la castration et métastatique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - ECCO-17 – 38e Congrès multidisciplinaire de l’ESMO

Amsterdam, Pays-Bas / 27 septembre-1er octobre 2013

Amsterdam - Chez l’homme, le cancer de la prostate (CP) demeure le cancer le plus fréquent et il vient au deuxième rang des causes de mortalité. Les complications osseuses résultant de métastases constituent la plus grande source de morbidité dans le CP, et la quasi-totalité des hommes aux prises avec un cancer de la prostate résistant à la castration et métastatique (CPRCm) finiront par développer des métastases osseuses. La diminution des complications osseuses et la survenue différée des événements symptomatiques représentent donc des objectifs cliniques significatifs. À ce jour, aucun des traitements ciblant les os n’avait encore été associé à une prolongation de la survie. Or, selon de nouvelles données, non seulement un nouveau traitement radiopharmaceutique émettant des rayons alpha retarde-t-il l’apparition de complications osseuses symptomatiques, mais il prolonge aussi la survie globale dans le CPRCm. Couplée à de nouveaux traitements conçus expressément pour le CP résistant à la castration, ce traitement innovant pour les métastases osseuses pourrait prolonger la survie des hommes aux prises avec un CPRCm tout en préservant leur qualité de vie.

«Des métastases osseuses sont présentes chez plus de 90 % des hommes qui meurent d’un cancer de la prostate (CP)», explique le Dr Fred Saad, professeur titulaire et chef de l’urologie, Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Il s’agit d’un problème clinique distinct, mais le recours à un traitement hormonal aux premiers stades du CP, avant l’apparition de métastases, entraîne souvent une perte osseuse graduelle, plus sévère même que celle des femmes ménopausées. «Plus le traitement hormonal dure longtemps, plus le risque de fracture ostéoporotique est élevé», ajoute le Dr Saad.

À la lumière d’un suivi de 4 à 5 ans, Shahinian et al. (N Engl J Med 2005; 352:154-64) ont en effet constaté qu’une fracture était survenue chez 19,4 % des hommes sous hormonothérapie, comparativement à 12,6 % de ceux qui n’en recevaient pas. Si le traitement hormonal est amorcé avant l’apparition de métastases, «il dure souvent une dizaine d’années avant que la mort survienne», affirme le Dr Saad. De plus, la survenue d’une fracture de la hanche abrège la survie davantage chez l’homme que chez la femme, ce qui complique encore les choses.

Les fractures par tassement vertébral ont aussi des conséquences, leur survenue majorant le risque de mortalité avec le temps. «Un traitement visant à prévenir l’ostéoporose n’est pas nécessaire chez tous les patients qui développent un CP», note le Dr Saad. Un traitement devrait toutefois être envisagé en présence d’un risque de fracture de la hanche >10 % ou un risque d’autres fractures >20 % selon le score FRAX (Fracture Risk Assessment Tool) de l’OMS (https://riskcalculator.fore.org/default.aspx).

Prévention de la perte osseuse

D’usage courant pour le traitement de l’ostéoporose, les bisphosphonates ont fait la preuve il y a longtemps déjà qu’ils pouvaient prévenir la perte osseuse associée au traitement du CP. «La piètre observance est le plus gros problème que nous avons avec les bisphosphonates oraux», note le Dr Saad. Après environ 1 an, 70 % des hommes ne prennent plus le bisphosphonate qui leur a été prescrit, généralement à cause de troubles digestifs. Saad et al. (J Natl Cancer Inst 2002; 94:1458-68) ont été les premiers à montrer que l’acide zolédronique (AZ) – un nouveau bisphosphonate à l’époque – pouvait stopper la destruction osseuse chez les hommes traités pour ce qu’il était alors convenu d’appeler un cancer hormonorésistant et ayant des antécédents de métastases osseuses. L’étude a révélé que, par rapport au placebo, l’AZ réduisait le nombre de complications osseuses (CO) et prolongeait le délai d’apparition de la première CO, généralement de 5 mois environ chez les patients traités pour un CP métastatique. 

Plus récemment, Smith et al. (N Engl J Med 2009; 361:745-55) ont montré sur une période de 3 ans que chez des patients recevant une hormonothérapie pour un CP non métastatique, le denosumab avait amélioré significativement la densité minérale osseuse (DMO) à tous les points testés comparativement à un placebo. Le denosumab a également été associé à une diminution de 65 % des nouvelles fractures vertébrales durant la même période de 3 ans comparativement au placebo. Une comparaison directe de l’AZ et du denosumab (Fizazi et al. Lancet 2011; 377:813-22) a révélé que le denosumab était plus avantageux sur le plan de la charge totale des CO et du délai d’apparition de la première CO chez des hommes présentant des métastases osseuses consécutives à un cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC).

Cela dit, «il n’y avait dans cette étude aucune différence entre l’AZ et le denosumab quant à la survie. Je continue donc de penser que nous avons maintenant à notre disposition deux agents actifs similaires pour retarder ou prévenir les CO en pareille situation, si ce n’est que le denosumab a l’avantage de ne pas exiger d’ajustement de la dose en présence d’une détérioration de la fonction rénale.» L’ostéonécrose de la mâchoire (ONM) est un problème préoccupant qui a fait son apparition avec l’utilisation à long terme de l’un ou l’autre agent, le risque d’ONM étant d’environ 1,3 % par année d’exposition à l’AZ et d’environ 2 % par année d’exposition au denosumab.

Les facteurs de risque d’ONM sont notamment une mauvaise hygiène buccale et l’extraction de dents. Une meilleure santé buccale couplée à la prise de suppléments de calcium devrait aider à prévenir l’ONM chez les patients recevant un traitement ciblant les os. «Le CP est l’un des rares cancers où, au stade métastatique, le patient peut souffrir d’hypocalcémie avant même d’amorcer un traitement; c’est la composante ostéoblastique qui est en cause, affirme le Dr Saad. Avant d’amorcer un traitement par l’AZ ou le denosumab, il est crucial de s’assurer que le patient prend des suppléments de calcium [et de vitamine D].»  L’administration d’une dose quotidienne de 1000 mg de calcium et de 1000 unités de vitamine D devrait contribuer à l’homéostasie calcique.

Gain de survie supplémentaire

Le radium 223, radionucléide qui cible les métastases osseuses, vient tout juste d’être associé à un gain de survie supplémentaire. Lors de l’essai pivot ALSYMPCA (N Engl J Med 2013; 369:213-23) mené chez des hommes atteints d’un CPRC avec métastases osseuses symptomatiques, Parker et al. ont constaté que le délai médian d’apparition de la première complication osseuse symptomatique (COS) était de 15,6 mois dans le groupe radium 223, vs 9,8 mois dans le groupe placebo (p<0,001). Administré à raison de 50 kBq/kg, le traitement consistait en 6 injections données à intervalles de 4 semaines.

La médiane de survie globale (SG) a aussi augmenté de 30 % : 14,9 mois sous traitement vs 11,3 mois sous placebo (p<0,001). Au congrès, les chercheurs de l’essai ALSYMPCA ont souligné que l’agent émetteur de rayons alpha prolongeait le délai d’apparition de la première COS, indépendamment d’un traitement en cours par un bisphosphonate, d’un traitement antérieur par le docetaxel ou du taux initial de phosphatases alcalines (<220 ou ≥220 U/L) (résumé 2.876). «C’est au niveau des os que les métastases du CPRC causent le plus de morbidité», explique le Dr Joseph O’Sullivan, professeur titulaire de radio-oncologie, Queens University Cancer Centre, Belfast, Irlande du Nord.

«Contrairement à d’autres agents, le radium 223 prolonge la survie; c’est donc dire qu’il infléchit le cours de la maladie. Du fait qu’ils reprennent le dessus sur leur maladie, les patients vivent plus longtemps, et le traitement semble soulager la douleur beaucoup plus efficacement.» La façon dont l’agent émetteur de rayons alpha prolonge la SG n’a pas été élucidée, mais selon une théorie, la courte pénétration du rayon radioactif du radium y serait pour quelque chose.

Dès qu’il entre en contact avec le tissu osseux (quelques secondes après le début de la perfusion), ses particules alpha détruisent les cellules tumorales disséminées sans pour autant affecter la moelle osseuse. «Une cellule tumorale peut devenir résistante à la castration chimique comme celle qui résulte de l’abiratérone ou de l’enzalutamide, mais elle ne peut vraiment pas devenir résistante à cet agent, fait remarquer le Dr O’Sullivan. «Si l’on réussit à délivrer l’agent à proximité de la cellule tumorale, il la détruira.»  Ce mode d’action explique probablement la faible hématotoxicité de ce produit radiopharmaceutique, ajoute-t-il (résumé 2.877). 

Contrairement aux chimiothérapies cytotoxiques et à d’autres radio-isotopes comme les agents émetteurs de rayons bêta, cet agent exerce un certain effet sur les polynucléaires neutrophiles et les plaquettes, mais les signes d’hématotoxicité de grade 3 ou 4 ont été plutôt rares dans le cadre de l’essai clinique. «À en juger par mon expérience personnelle, je dirais que l’hématotoxicité est très acceptable», poursuit le Dr O’Sullivan. En outre, «ce traitement ciblant les os est le premier à améliorer la qualité de vie», enchaîne le Dr Chris Parker, Royal Marsden NHS Foundation, Londres, Royaume-Uni.  Au chapitre des diverses dimensions de la qualité de vie chez les sujets de l’essai ALSYMPCA (résumé 2.878), la différence la plus importante entre le produit radiopharmaceutique et le placebo a été le soulagement de la douleur.

Les sous-scores du bien-être physique, émotionnel et fonctionnel ont également objectivé des bénéfices significatifs. Avec le temps,  la qualité de vie s’est détériorée dans les deux groupes – ce qui n’a rien d’étonnant, car ces hommes en étaient à leur dernière ou leurs deux dernières années de vie, et la qualité de vie se détériore toujours en fin de vie, précise le Dr Parker. La qualité de vie est toutefois restée meilleure plus longtemps chez les sujets du groupe radium 223 que chez les sujets sous placebo», ce qui est peut-être encore plus important, car il est fréquent que les hommes atteints d’un CPRCm ne soient pas en assez bonne forme pour tolérer la toxicité assez lourde associée à plusieurs cycles de chimiothérapie par le docetaxel. 

L’abiratérone et l’enzalutamide repoussent déjà le spectre de la chimiothérapie. De l’avis du Dr O’Sullivan, il en sera probablement de même pour le nouvel agent émetteur de rayons alpha, premièrement parce que les patients n’ont pas besoin d’être si en forme pour le recevoir puisqu’il est bien toléré et deuxièmement parce qu’à partir du moment où le CPRC devient métastatique, il est clair que des symptômes liées à la présence de métastases osseuses feront leur apparition, et l’essai ALSYMPCA l’a clairement montré :les patients atteints d’un CPRC qui présentent des COS bénéficient de cet agent.

Résumé

Au cours des dernières années, une panoplie d’agents innovants ont vu le jour pour le traitement du CPRCm et des métastases qui en découlent. L’arrivée sur le marché de ces agents a permis de prolonger significativement la vie de ces hommes, au point où de nombreuses années peuvent maintenant s’écouler avant que le cancer progresse et qu’il entraîne la mort. Avec le temps, la quasi-totalité des hommes développent des métastases osseuses et, pour eux, l’une de ces nouvelles approches thérapeutiques apporte un soulagement efficace de la douleur osseuse, améliore la qualité de vie et prolonge la vie.                                                  

Nota : Au moment de la mise sous presse, le radium 223 n’était pas homologué au Canada.

 

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