Comptes rendus

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Enjeux du traitement de l’asthme chez l’enfant

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

7e Congrès international de pneumologie pédiatrique

Montréal, Québec / 8-11 juillet 2006

Asthme induit par l’exercice

«L’asthme déclenché par l’activité est très courant chez les enfants, et environ 80 % de mes jeunes patients asthmatiques souffrent d’asthme induit par l’exercice [AIE]», dit le Dr Soo-Jong Hong, département de pédiatrie, Centre médical Asan, École de médecine, Université Ulsan, Séoul, Corée.

Le mécanisme qui sous-tend la pathogenèse de l’AIE chez les enfants n’a pas encore été élucidé, estime le Dr Hong. Il a toutefois été établi que les antagonistes des récepteurs des leucotriènes (ARL) peuvent atténuer la sévérité de l’AIE chez les enfants (Carraro et al. J Allergy Clin Immunol 2005;115[4]:764-70). Le Dr Hong et ses collaborateurs ont publié des données montrant que le montélukast, un ARL, joue un rôle protecteur dans la bronchoconstriction induite par l’exercice et qu’il pourrait offrir une protection prolongée pouvant durer jusqu’à deux mois (Kim et al. Pediatr Pulmonol 2005;39[2]:162-6; Li et al. J Allergy Clin Immunol 2006;117[1]:119-26).

Les chercheurs ont noté que la réponse au traitement variait énormément d’un patient à l’autre, ce qui les a incités à faire des études de génétique. Ils ont constaté que le gène A444C (transversion du gène codant pour le promoteur de la LTC4) pourrait être associé à la sévérité de l’AIE chez les enfants coréens. «De tous les médiateurs de l’inflammation qui prédominent dans l’asthme déclenché par l’activité chez les enfants, je crois que les leucotriènes sont les plus importants, indique le Dr Hong. Ils sont dix mille fois plus puissants que les histamines. Notre recherche donne aussi à penser que les éosinophiles pourraient contribuer au déclenchement de l’asthme.»

Les médecins doivent apprendre à leurs patients comment mieux traiter leur asthme, dit-il. L’information destinée aux patients doit préciser par exemple qu’il est important pour les enfants de s’échauffer lentement avant un exercice vigoureux et que certains sports, comme la natation, pourraient être plus appropriés que d’autres, comme le patinage sur glace. La pharmacothérapie consiste en l’administration quotidienne d’un médicament de fond de façon progressive, la première étape étant l’albutérol ou un autre agoniste des récepteurs bêta2-adrénergiques à action rapide.

Asthme d’origine virale

Au-delà de l’AIE, l’asthme déclenché par le rhume banal est courant chez les enfants, souligne le Dr Hans Bisgaard, professeur titulaire de pédiatrie, Hôpital universitaire de Copenhague, Danemark. Selon une étude antérieure, l’exposition à un virus représenterait 80 % des crises d’asthme chez les enfants d’âge scolaire (Johnston et al. BMJ 1995;310[6989]:1225-9).

Une autre étude réalisée par Lemanske et ses collaborateurs a démontré qu’un virus avait pu être identifié chez 66 % des enfants qui présentaient les symptômes d’une respiration sifflante sévère. Le rhinovirus était de loin le virus le plus fréquent chez les enfants asthmatiques symptomatiques. Venaient ensuite le virus respiratoire syncytial – aussi à l’origine d’un pourcentage élevé de cas – et le coronavirus, puis les autres virus.

Le Dr Bisgaard et ses collaborateurs ont obtenu des résultats semblables lorsqu’ils ont étudié 1700 épisodes de respiration sifflante chez 411 nourrissons de mères asthmatiques (N Engl J Med 2006;354[19]:1998-2005). «La majorité des enfants dont la respiration était sifflante avaient une infection virale», note-t-il.

Cette étude a d’importantes implications cliniques. Pendant de nombreuses décennies, la provocation par un allergène était le modèle étudié chez l’animal. On sait maintenant, d’après des études menées chez des enfants d’âge préscolaire, que la provocation par un virus est un élément clé de l’asthme, rapporte le Dr Bisgaard.

Selon une étude regroupant 294 nourrissons qui recevaient le budésonide ou un placebo dès l’apparition d’une respiration sifflante qui durait trois jours consécutifs, l’administration intermittente du stéroïde n’a été aucunement bénéfique. «Nous ne pouvons pas traiter ces patients. La bonne nouvelle est que l’absence d’un bienfait, tant à court qu’à long terme, ne laisse planer aucun doute», ajoute le Dr Bisgaard. Il ressort d’autres données que les stéroïdes ont peu d’effet sur l’asthme épisodique d’origine virale.

Dans une étude qui portait sur 217 enfants asthmatiques de un à cinq ans, les résultats ont indiqué que le traitement par la prednisolone à 20 mg (vs un placebo) n’a pas semblé exercer d’effet bénéfique évident (Oommen et al. Lancet 2003;362[9394]:1433-8).

Par contre, nous avons des données montrant que le traitement par un ARL est associé à des effets bénéfiques. L’étude PREVIA (Preventing Episodic Viral-Induced Asthma) a montré une diminution des exacerbations de l’asthme après un an de traitement par un ARL chez des enfants (Bisgaard et al. Am J Respir Crit Care Med 2005;171[4]:315-22). Cette vaste étude à double insu – qui regroupait 522 patients de deux à cinq ans ayant des antécédents d’asthme intermittent – a mis en évidence une diminution de 31,9 % du taux d’exacerbation. «La bonne nouvelle est que le traitement est efficace; ce n’est [toutefois] pas la panacée, car il ne vient pas à bout des deux tiers des exacerbations. Mais c’est le seul traitement pour lequel nous avons des données probantes», poursuit le Dr Bisgaard.

Dans le cadre d’une étude pilote, le Dr Malcolm Sears, professeur titulaire de médecine, McMaster University, et directeur de la recherche, Firestone Institute for Respiratory Health, St. Joseph’s Healthcare, Hamilton, Ontario, et ses collaborateurs ont examiné des enfants de deux à cinq ans souffrant d’asthme diagnostiqué par un médecin et recevant une dose de 4 mg d’un ARL et des enfants de plus de cinq ans recevant une dose de 5 mg. Ils ont constaté un nombre significativement moins élevé de jours où des symptômes d’aggravation de l’asthme étaient présents chez les enfants qui recevaient un ARL que chez ceux qui recevaient un placebo (130 jours vs 200 jours, p<0,05). Les données d’un suivi plus vaste sont actuellement à l’étude aux fins de publication.

La réponse importante que voient les médecins tient probablement au fait que les leucotriènes comptent parmi les nombreux médiateurs de la cascade inflammatoire, conclut le Dr Bisgaard.

Bêta-agonistes à longue durée d’action chez les enfants

Comme l’explique le Dr Fernando Martinez, directeur, Arizona Respiratory Center, et professeur titulaire de pédiatrie, University of Arizona, Tucson, nous avons très peu de données à l’appui de l’utilisation des bêta-agonistes à longue durée d’action (BALA) chez les enfants asthmatiques. «La plupart des données publiées sur les BALA, comme c’est le cas pour la plupart des médicaments utilisés dans le traitement de nombreuses maladies de l’enfance, sont des extrapolations de ce qui a été constaté chez des enfants plus âgés et des adultes [c’est-à-dire, des patients de plus de 12 ans], poursuit-il. La théorie veut que l’étiologie et le fondement de ces manifestations d’une obstruction récurrente des voies aériennes soient les mêmes chez les enfants que chez les adultes; or, ce n’est pas toujours vrai. Malgré l’absence complète de données, le traitement par un BALA est très répandu chez les enfants. Nous devons réfléchir à la façon dont ils doivent être utilisés chez les enfants.»

Un article récent a remis en question la pertinence de lignes directrices pour le traitement de l’asthme chez l’enfant fondées sur l’extrapolation de données tirées d’études chez l’adulte (Bisgaard H, Szefler S. Lancet 2006;367[9507]:286-8). Les auteurs notent qu’au Danemark, entre 2000 et 2004, l’utilisation de la fluticasone et du salmétérol avait augmenté de façon constante, au point où, en 2004, plus d’enfants recevaient ce traitement d’association que la fluticasone seule, malgré l’absence de données pour étayer ce traitement chez les enfants.

Le Dr Martinez a ensuite souligné les vices de méthodologie inhérents à des essais sur le salmétérol qui ont été réalisés au Royaume-Uni et aux États-Unis. L’étude Salmeterol Nationwide Surveillance réalisée au Royaume-Uni était une étude de 16 semaines randomisée selon un ratio 2:1 à laquelle participaient environ 16 000 patients randomisés dans le groupe salmétérol et environ 8000 patients randomisés dans le groupe salbutérol. Environ 80 % des participants de l’étude prenaient des corticostéroïdes en inhalation (CSI) en concomitance. La mortalité liée à l’asthme était numériquement, mais pas statistiquement plus élevée lorsque le salmétérol, vs le salbutamol, était ajouté au traitement usuel (12 vs deux décès). L’étude n’avait pas la puissance statistique nécessaire pour faire ressortir une signification statistique; il aurait fallu un effectif de 60 000 patients pour que le résultat atteigne le seuil de signification statistique.

L’étude SMART (Salmeterol Multicenter Asthma Research Trial) réalisée aux États-Unis était conçue de la même façon, c’est-à-dire que le salmétérol ou un placebo était ajouté au traitement que les participants recevaient déjà. Cela a créé un problème vers la fin de l’étude, car à ce moment-là, la quasi-totalité des nouveaux patients éventuels prenaient un BALA et n’étaient donc pas admissibles. L’étude visait un effectif de 30 000 patients prenant le salmétérol vs 30 000 patients prenant un placebo, mais seulement un peu plus de 26 000 patients ont été recrutés. L’étude n’avait pas la puissance statistique nécessaire et, de l’avis du Dr Martinez, le traitement aurait dû être administré de la façon dont les médecins se servent généralement du salmétérol, c’est-à-dire en association avec un CSI chez chaque patient. Le taux d’utilisation des CSI était de 47 %. On a observé un risque accru d’événement asthmatique mortel par rapport au placebo (13 vs trois décès), ce qui a donné lieu à des abandons prématurés. Le taux de mortalité était plus élevé chez les Afro-Américains, mais le risque relatif de mortalité était similaire chez les sujets de race blanche et les sujets de race noire.

Résumé

«Sur le plan du traitement de l’asthme, les enfants sont bien différents des adultes, de dire le Dr Bisgaard pour résumer la question. L’asthme touche un adulte sur 20, un enfant d’âge scolaire sur 10 et un enfant d’âge préscolaire sur cinq. C’est une maladie totalement différente qui affecte beaucoup plus d’enfants d’âge préscolaire et d’enfants que d’adultes, de sorte qu’on ne peut pas comparer les adultes et les enfants.»

Outre cette différence, chaque jeune enfant asthmatique est unique, souligne le Dr Martinez. «Au bout du compte, chaque enfant est différent et répond différemment au traitement. Le meilleur traitement varie aussi d’un enfant à l’autre et, parfois, on doit essayer différents médicaments avant de trouver le meilleur.»

Questions et réponses

La présente section est fondée sur des discussions qui ont eu lieu durant les séances scientifiques avec le Dr Soo-Jong Hong, département de pédiatrie, Centre médical Asan, École de médecine, Université Ulsan, Séoul, Corée; le Dr Hans Bisgaard, professeur titulaire de pédiatrie, Hôpital universitaire de Copenhague, Danemark; le Dr Fernando Martinez, directeur, Arizona Respiratory Center, et professeur titulaire de pédiatrie, University of Arizona, Tucson; et le Dr Malcolm Sears, professeur titulaire de médecine, McMaster University, et directeur de la recherche, Firestone Institute for Respiratory Health, St. Joseph’s Healthcare, Hamilton, Ontario.

Q : Quelle a été l’observation principale qui s’est dégagée de votre étude sur le traitement de l’AIE par le montélukast chez les enfants?

Dr Hong : Le montélukast a eu un effet immédiat et prolongé. Nous ne connaissons pas encore le mécanisme sous-jacent, mais le même effet protecteur était toujours là deux mois plus tard.

Q : En quoi ce résultat est-il pertinent pour les médecins qui traitent les enfants?

Dr Hong : C’est un enjeu important. La prévention de l’AIE est très difficile chez les enfants, parce que la situation est [imprévisible]. L’observance est un aspect crucial. En donnant du montélukast à mes patients, je peux contrôler certains aspects de l’AIE.

Q : En quoi les résultats de l’étude PREVIA sont-ils pertinents pour les médecins qui traitent les enfants?

Dr Bisgaard : L’étude PREVIA a mis en évidence une diminution des exacerbations de l’asthme chez les enfants après un an de traitement par un ARL. Les résultats sont pertinents dans la mesure où ce sont les seules données probantes que nous avons sur les crises d’asthme d’origine virale chez les enfants.

Q : Que devraient recommander les lignes directrices de pédiatrie quant à la prévention des exacerbations de l’asthme déclenché par le rhume banal?

Dr Bisgaard : Chez les patients qui souffrent d’asthme intermittent, seuls les ARL sont étayés par des données factuelles. Les lignes directrices devraient en faire mention.

Q : Y a-t-il des données à l’appui de l’utilisation des BALA chez les enfants?

Dr Martinez : C’est justement l’un des problèmes. Il y a très peu de données. Des études spécifiques sur l’utilisation des BALA chez les enfants devront être faites.

Q : À votre avis, quelle devrait être la position des lignes directrices sur le traitement de l’asthme par les BALA chez l’enfant?

Dr Martinez : Elles devraient préciser que nous n’avons pas de données fondées sur des études qui s’appliquent directement aux enfants. Là encore, nous devons [traiter les jeunes enfants] à la lumière de données recueillies chez des enfants plus vieux et des adultes. Compte tenu de cette information et compte tenu de la qualité des traitements de première intention à notre disposition, je crois que les BALA devraient être utilisés en deuxième intention.

Q : Qu’est-ce que le «pic de septembre»?

Dr Sears : Dans l’hémisphère nord, la fréquence des visites d’enfants au service des urgences motivées par l’asthme triple ou quadruple environ deux ou trois semaines après le retour à l’école, ce qui est énorme. Ce phénomène, que l’on appelle le «pic de septembre», se produit chaque année et dans chaque pays que nous avons étudié. Le phénomène est systématiquement relié au retour à l’école et est associé en grande partie à l’infection par le rhinovirus.

Q : À votre avis, quelle devrait être la position des lignes directrices de pédiatrie au sujet de la prévention des exacerbations de l’asthme causées par le rhume banal?

Dr Sears : Nous avons des données montrant que les CSI ne sont pas très efficaces pour traiter les exacerbations liées au rhume banal. Certains critiquent cette observation en affirmant que les patients avaient des symptômes tellement bénins que l’effet n’aurait pu être perceptible. Chose certaine, nous disposons de données montrant que le montélukast atténue la respiration sifflante associée au rhume. Les données proviennent de l’étude du Dr Bisgaard, dans le cadre de laquelle on a administré du montélukast pendant un an [...], et de notre étude, dans le cadre de laquelle nous avons administré cet agent pendant un mois, plus précisément pendant la période très risquée du retour à l’école. De plus en plus de données prouvent l’existence d’un effet bénéfique. Il est beaucoup plus facile de prendre un comprimé par jour que d’inhaler des stéroïdes. De plus, nous savons que l’utilisation de CSI correspond, au mieux, au tiers de ce qui est prescrit. La prise de comprimés n’est pas encore la solution parfaite, mais elle facilite la tâche.

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