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Gains à l’échelle mondiale dans la lutte contre l’épidémie du VIH : intensification et simplification des schémas de traitement

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 23e Congrès annuel canadien de recherche sur le VIH/SIDA (CAHR)

St. John’s, Terre-Neuve-et-Labrador / 1er-4 mai 2014

St. John’s - Depuis le milieu des années 1990, le nombre d’antirétroviraux (ART) novateurs ciblant la réplication du VIH par l’intermédiaire de diverses voies a augmenté de façon fulgurante. Il en est résulté de nouvelles associations d’ART très actives capables d’abaisser le taux d’ARN du VIH comme jamais auparavant. La quasi-totalité des patients jamais traités et la majorité des patients au lourd passé thérapeutique peuvent maintenant atteindre des taux «indétectables». Malgré des gains appréciables dans la lutte mondiale contre le VIH, on essaie toujours de simplifier les schémas de traitement afin d’en augmenter la tolérabilité et d’améliorer l’observance. Cela dit, la simplification du traitement ne convient pas à tous les patients; un schéma intensif devrait effectivement être maintenu en présence d’une forte charge virale et d’un faible nombre de cellules CD4+.

Rédactrice médicale en chef : DreLéna Coïc, Montréal, Québec

Les schémas anti-VIH ont eu d’énormes retombées sur l’épidémie mondiale de l’infection à VIH. Depuis 2001, l’incidence de l’infection à VIH a chuté de 33 %. «La mortalité liée au SIDA a diminué de 30 % après avoir atteint un sommet en 2005», affirme la Dre Catherine Hankins, directrice scientifique suppléante, Amsterdam Institute for Global Health and Development, Pays-Bas. Ces gains tiennent en partie à une plus grande utilisation des schémas antirétroviraux (ART) àl’échelle de la planète.

La prise en charge toujours plus éclairée de l’infection à VIH a également exercé une influence majeure sur la transmission virale. Nous traitons les patients précocement, avant que le nombre de cellules CD4+ diminue au point d’atteindre les critères d’admissibilité actuels; nous traitons tout patient séropositif plutôt que d’attendre qu’il revienne (ce qui, souvent, ne se matérialise pas); et nous optons pour une prophylaxie pré-exposition chez tout patient séronégatif à risque élevé d’infection par le VIH du fait de son partenaire séropositif ou dans toute autre situation à risque élevé, y compris chez les travailleurs du sexe.

Diminution des doses d’ART

La suppression durable de la charge virale (CV) est maintenant possible, mais elle repose encore sur les épaulesdu patient qui doit poursuivre son traitement ART jusqu’à la fin de ses jours. Pour améliorer l’observance, les chercheurs explorent un certain nombre d’options, l’une d’elles étant de réduire les doses standard d’ART. Au sein de la cohorte d’ENCORE 1 (Lancet 2014; 383:1474-82), les chercheurs ont voulu déterminer si une dose moindre d’éfavirenz (EFV), 400 mg, était non inférieureàla dosestandard de 600 mg lorsque l’EFV était associéauténofovir (TDF) et à l’emtricitabine (FTC) chez des patients jamais traités auparavant dont la CV était >1000 copies/mL àleur admissionàl’étude.

L’analyse en intention de traiter (IT) a révélé qu’à 48 semaines, 94,1 % des patients recevant la dose moindre d’EFV vs 92,2 % des patients recevant la dose standard d’EFV avaient atteint le paramètre principal, soit une CV <200 copies/mL. «Ces données montrent de façon assez convaincante que l’EFVest aussi efficace àraison de seulement400 mg qu’à raison de 600 mg», affirme le Dr Jean Michel Molina, professeur titulaire d’infectiologie, UniversitéParis Diderot (Paris-VII), Paris. Par contre, l’amélioration de la tolérabilité du schéma à faible dose a été «négligeable», précise-t-il.

Le seul autre agent à avoir été testé à une dose moindre est le darunavir potentialisé par le ritonovir (DRV/r). Dans l’essai ODIN (AIDS 2011;25:929-39), les chercheurs ont comparé une dose moindre administrée en une seule prise par jour de cet inhibiteur de la protéase (IP) àladose habituelle administrée 2 fois/jour chez des patients dont le traitement en cours était en perte d’efficacité. Fait digne de mention, ces patients n’étaient au départ porteurs d’aucune mutation conférant la résistance au DRV. À 48 semaines, quelque 72 % des patients recevant l’IP potentialisé 1 fois/jour (800/100 mg) avaient atteint le paramètre principal à, savoir une CV<50 copies/mL (analyse en IT), comparativement à environ 71 % de ceux qui recevaient la posologie standard 2 fois/jour (600/100 mg). 

Une amélioration cliniquement pertinente du bilan lipidique a aussi été observée chez des patients recevant l’IP 1 fois/jour, ajoute le Dr Molina.

IP en monothérapie

«Depuis quelques années, nous nous penchons aussi surl’utilisation des IP en monothérapie», poursuit le Dr Molina. Lors de l’étude MONOI, par exemple, les patients qui avaient reçu une association d’ART pendant au moins 18 mois et dont la CV était indétectable (<400 copies/mL) ont été randomisés de façon à recevoir un IP potentialisé en monothérapie ou un IP potentialisé en association avec deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI).

À 48 semaines, 99 % des patients de la population per protocol qui avaient reçu le schéma DRV/r + 2 INTI avaient atteint le paramètre principal (CV <50 copies/mL) sans modification du schéma, comparativement à environ 94 % des patients qui avaient reçu un IP potentialisé en monothérapie. L’analyse à 96 semaines des données de la même cohorte a montré que le DRV/r en monothérapie étaitun schéma efficace àlong terme (J Antimicrob Chemother 2012;67:691-5); par contre, un suivi plus long a révélé que la proportion de patients présentant une virémie intermittente était de 12 % dans le groupe IP en monothérapie, comparativement à seulement 2 % dans le groupe trithérapie.

Les études sur les IP en monothérapien’ont pas toutes donné de bons résultats. Dans l’essai PIVOT de Paton et al., par exemple, des patients dont l’infection à VIH était bien maîtriséeont été randomisés de façon à continuer de recevoir leur trithérapie ou à passer à un IP en monothérapie, le DRV potentialisé le plus souvent. Comme on l’a souligné à la Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI) de 2014, près du tiers des patients sous IP potentialisé en monothérapie ont eu un rebond virologique après 3 ans de suivi, comparativement à environ 3 % seulement des patients sous trithérapie. En termes absolus, peu de patients des deux groupes ont été privés d’options de traitement subséquentes – le paramètre principal de l’étude –, mais le pourcentage de patients ayant perdu des options de traitement était significativement plus élevé dans le groupe IP en monothérapie que dans le groupe trithérapie.

Schémas sans INTI

En quête de schémas ART mieux tolérés, des chercheurs ont comparé un certain nombre de schémas sans INTI à des schémas ART standard. Dans l’étude NEAT, par exemple, des patients jamais traités auparavant ont été randomisés de façon à recevoir un schéma à base de DRV/r (800/100 mg 1 fois/jour) en association avec le raltégravir (inhibiteur de l’intégrase) à raison de 400 mg 2 fois/jour ou avec la bithérapie standard TDF/FTC 1 fois/jour. Fait digne de mention, les patients n’étaient au départ porteurs d’aucune mutation conférant une résistance àl’un des agentsàl’étude.

À 96 semaines, 93 % des patients du groupe recevant les INTI avaient atteint une CV <50 copies/mL, comparativement à 89 % des patients recevant un schéma sans INTI; «nous pourrions alléguer que la bithérapie est non inférieure à la trithérapie, enchaîne le Dr Molina. La suppression de la réplication virale ne doit pas être compromise, prévient-il, mais il y a maintenant de nombreuses options qui permettent de simplifier le traitement; il faut en soupeser les avantages et les risques, puis en discuter avec le patient, la décision devant être individualisée.»

Forte charge virale

La stratégie de simplification pourrait être moins efficace chez lespatients dont la CV initiale est élevée et chez ceux dont le nombre initial de cellules CD4+ est faible (<200 mm3). Dans la méta-analyse regroupant 21 essais cliniques sur des schémas anti-VIH de première intention (HIV Med 2013.14:284-92) àlaquelle faisait référencele Dr Colin Kovacs, professeur adjoint de médecine, University of Toronto, le pourcentage moyen de patients atteignant une CV <50 copies/mL à 48 semaines se chiffrait à environ 81 % en présence d’un taux initial d’ARN du VIH <100 000 copies/mL, comparativement à environ 73 % en présence d’un taux initial d’ARN du VIH >100 000 copies/mL (p<0,001).

La différence d’efficacité était constante dans tous les essais portant sur diverses classes d’agents et diverses bithérapies d’INTI, précise le Dr Kovacs. La probabilité de suppression durable à long terme de la CV était d’autant plus faible que le délai d’obtention d’un taux indétectable était long. Dans l’essai MONET – où un IP potentialisé en monothérapie était comparé au même IP potentialisé + 2 INTI –, les chercheurs ont observé des taux d’ARN du VIH plus élevés chez les patients dont le nombre de cellules CD4+était <200 mm3 et chez ceux dont le taux plasmatique d’ARN du VIH était détectable, explique le Dr Kovacs.

Lors de l’essai NEAT, un échec a été observé en présence d’une CV >100 000 copies/mL chez 36 % des sujets sous bithérapie et 27 % des sujets sous trithérapie, et l’écart n’a pas atteint le seuil de significativité statistique. Par ailleurs, le taux d’échecs chez les patients dont le nombre de cellules CD4+était <200 mm3 a atteint 39 % et 21 % dans chacun des deux groupes de traitement, respectivement; l’écart était alors statistiquement significatif. «Dans tous les essais de simplification que nous avons étudiés, les échecs virologiques survenaient chez une minorité de patients, et les taux d’échecs ne semblent pas atteindre un plateau, affirme le Dr Kovacs. Bref, la simplification convient à un certain groupe de patients, mais nous n’avons aucun outil pour différencier les patients qui y répondront bien et ceux qui n’y répondront pas; si nous allons de l’avant et simplifions le traitement de façon aléatoire, nous devrons suivre les patients de plus près, faute de quoi nous pourrions rater les premiers signes de l’échec thérapeutique et ne repérer le rebond virologique que tardivement.»

Résumé

La simplification des schémas ART est une stratégie séduisante pour les patients dont l’infection à VIH est bien maîtrisée par un traitement d’entretien et qui ne sont pas porteurs de mutations au départ. L’efficacité du schéma simplifié dépend tout de même de l’activité de l’IP potentialisé; le choix de l’IP revêt donc une importance critique, de toute évidence. En revanche, une forte CV et un faible nombre de cellules CD4+ pourraient être des contre-indications relatives à la simplification. Dans les cas où un schéma plus intense s’impose, le profil d’effets indésirables à long terme du schéma sélectionné devrait guider les décisions thérapeutiques.

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