Comptes rendus

Hypertension pulmonaire : De nouveaux traitements pour l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique et l’hypertension artérielle pulmonaire
Vascularites à ANCA : le nombre croissant d’options thérapeutiques favorise la personnalisation du traitement

Hypertension artérielle pulmonaire : de nouvelles options montrent que le traitement devrait désormais viser plus qu’un simple soulagement des symptômes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Congrès annuel 2013 de la European Respiratory Society (ERS)

Barcelone, Espagne / 7-11 septembre 2013

Barcelone - De nouvelles données issues d’essais publiés quelques semaines avant le congrès 2013 de l’ERS – dont il a d’ailleurs été question au congrès – ont confirmé l’existence d’un nouveau schème de référence dans le traitement de l’hypertension pulmonaire. Dans l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP), l’avantage d’un nouveau traitement s’est mesuré en termes d’incidence d’événements plutôt que de capacité d’exercice. C’était la première fois qu’un essai de phase III objectivait un effet favorable du traitement sur la morbi-mortalité associée à l’HTAP. Les résultats plaident en faveur de nouveaux objectifs thérapeutiques. En parallèle, un essai distinct a révélé qu’un autre agent était bénéfique dans le traitement de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HPTEC). Là aussi, il s’agissait d’un précédent, car c’était la première fois qu’un essai de phase III confirmait une amélioration cliniquement significative – quel que soit le paramètre évalué – sous l’effet d’un traitement médicamenteux dans l’HPTEC. Isolément et collectivement, ces études font état de progrès importants dans le traitement d’un groupe de maladies évolutives et incurables.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Chez les patients atteints d’hypertension pulmonaire (HP), la diminution des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) donne lieu à une capacité d’exercice plus marquée et, par conséquent, à une diminution des symptômes. Il est toutefois récent qu’un essai de phase III ait montré que ce mécanisme contribue à la diminution du risque de morbi-mortalité associé à l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). De nouvelles données présentées au congrès de l’ERS et issues de cet essai – intitulé SERAPHIN – qui portait sur le macitentan, antagoniste des récepteurs de l’endothéline (ARE) innovant (Pulido et al. N Engl J Med 2013;369:809-18), étayent l’utilité de paramètres majeurs dans l’évaluation de nouveaux traitements pour l’HTAP.

SERAPHIN, un essai axé sur des paramètres majeurs

«Parmi les essais sur l’HTAP, l’essai SERAPHIN a créé un précédent du fait de sa longue durée et de son paramètre principal unique qui reflète avec justesse la progression réelle de l’HTAP», souligne le Dr Hossein-Ardeschir Ghofrani, Hôpital universitaire, Giessen, Allemagne. Sur la foi des résultats de cet essai et d’un autre essai de phase III publié récemment, CHEST-1, sur le riociguat, premier représentant de sa classe, dans le traitement de l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HPTEC), le Dr Ghofrani croit que la séquence des traitements dans l’HP changera une fois que ces agents auront été homologués.

Dans l’essai SERAPHIN, dont les résultats ont été mis à jour au congrès de l’ERS (Ghofrani et al. ERS 2013, résumé 1786), 742 patients atteints d’HTAP ont été randomisés de façon à recevoir 1 fois/jour 3 mg de macitentan, 10 mg de macitentan ou un placebo. Après un traitement d’une durée moyenne de près de 2 ans, la dose de 10 mg de macitentan a été associée, par rapport au placebo, à une diminution de 45 % (HR 0,55; IC à 97,5 % : 0,39-0,76; p<0,001) du risque relatif de survenue de l’un des événements compris dans le paramètre mixte, c’est-à-dire : décès, septostomie auriculaire, transplantation pulmonaire, mise en route d’un traitement par un prostanoïde par voie intraveineuse ou sous-cutanée, ou aggravation de l’HTAP.

La dose de 3 mg a pour sa part été associée à une diminution significative de 30 % du risque de survenue des événements compris dans le même paramètre mixte par rapport au placebo (HR 0,70; IC à 97,5 % : 0,52-0,96; p=0,01), mais comme la dose de 10 mg a été aussi bien tolérée, elle est cliniquement plus utile. Le seul désavantage possible de la dose plus forte est un risque accru d’anémie (Hg ≤ 8 g/dL), mais les cas d’anémie ont été peu fréquents dans un groupe comme dans l’autre (4,3 % vs 1,7 %). Le macitentan a été généralement bien toléré. Comparativement au placebo, les différences les plus marquées entre les deux doses de macitentan quant aux effets indésirables concernaient les céphalées (~14 % vs 9 %, respectivement) et la rhinopharyngite (~15 % vs 10 %, respectivement).

Outre son effet sur l’incidence des événements compris dans le paramètre principal, le macitentan a été associé à une diminution de 50 % des événements compris dans le paramètre secondaire mixte (hospitalisations pour cause d’HTAP et décès causés par l’HTAP) (p<0,001) lorsqu’il était administré à raison de 10 mg et de 33 % (p=0,0146) lorsqu’il était administré à raison de 3 mg (Figure 1). Comme le souligne le Dr Ghofrani, l’avantage relatif du macitentan demeurait constant, quel qu’ait été le traitement de fond de l’HTAP, un inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (PDE-5) dans la plupart des cas.

Figure 1. Paramètre secondaire mixte : décès causé par l’HTAP ou hospitalisation pour cause d’HTAP, selon la première éventualité

 

Tous les agents les plus actifs dans le traitement de l’HTAP – c’est-à-dire les inhibiteurs de la PDE-5, la prostacycline et ses analogues, et les ARE – atténuent les symptômes en diminuant les RVP. Avant l’essai SERAPHIN, on établissait l’utilité clinique d’un produit en prouvant qu’il augmentait la distance parcourue au test de marche de 6 minutes (TM6M) par rapport au placebo. À la lumière de données montrant que la distance parcourue au TM6M n’est pas un prédicteur sensible des résultats cliniques, un groupe d’experts a recommandé à l’unanimité que des paramètres majeurs – mortalité et morbidité – soient désormais utilisés dans les essais visant à évaluer l’efficacité d’un agent (McLaughlin et al. J Am Coll Cardiol 2009;54[suppl]:S97-107). SERAPHIN est le premier essai à appliquer cette recommandation.

«SERAPHIN montre qu’une étude d’envergure évaluant l’effet du traitement sur la morbi-mortalité dans l’HTAP est possible, et je pense qu’en conséquence, nous devons maintenant nous concentrer sur les résultats à long terme plutôt que sur un simple soulagement des symptômes», fait valoir le Dr Ghofrani.

Il n’est pas clair que les traitements actuels dans l’HTAP soient tous aussi bénéfiques. Comparativement aux autres ARE, le macitentan se caractérise par une liaison plus solide et plus durable aux récepteurs et à une plus grande pénétration tissulaire. Dans les modèles expérimentaux, par exemple, la durée d’occupation des récepteurs a été 15 fois plus longue avec le macitentan qu’avec le bosentan, ce qui a donné lieu à une diminution des résistances vasculaires, même en présence de très fortes concentrations d’endothéline (Garfield et al. PLoS One 2012;7:e47662). La double inhibition des récepteurs de l’endothéline (ETA et ETB) pourrait contribuer à l’innocuité du produit.

Double inhibition

«Les essais cliniques montrent que, du fait qu’il inhibe les deux récepteurs de l’endothéline, le macitentan pourrait – comparativement aux autres ARE – réduire le risque de formation d’un œdème, l’apparition d’un œdème semblant découler de l’activation de la vasopressine plasmatique, elle-même associée à la stimulation secondaire du récepteur ETB non inhibé», affirme le Dr Sean Gaine, Mater Misericordiae University Hospital, Dublin, Irlande. Le Dr Gaine a présenté des données d’innocuité au congrès de l’ERS (Gaine, ERS 2013, résumé 1700).

Les évaluations hémodynamiques réalisées dans le cadre de l’essai SERAPHIN et présentées au congrès de l’ERS montrent que cet agent agit sur la physiopathologie de l’HTAP (Sitbon et al. ERS 2013, résumé 4060). Comparativement aux valeurs initiales, le macitentan – après soustraction de l’effet placebo – avait exercé à 6 mois un effet statistiquement significatif sur la pression artérielle pulmonaire moyenne, l’index cardiaque et les RVP. Les améliorations sous macitentan à 10 mg, comparativement au placebo, étaient significatives, indépendamment de la classe fonctionnelle ou de l’utilisation d’un autre traitement pour l’HTAP en début d’essai (Figure 2).

Au-delà de l’agent innovant sur lequel il portait, SERAPHIN est considéré comme un essai phare dans le contexte des efforts que l’on déploie pour infléchir le cours naturel de cette maladie évolutive et incurable qu’est l’HTAP. Comparativement au placebo, le macitentan à 10 mg a été associé à une augmentation significative de la capacité d’exercice telle que mesurée par la distance parcourue au TM6M à 6 mois (p=0,008) et à une diminution des symptômes évalués par la classe fonctionnelle de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) (p=0,006), mais il a aussi été associé à une incidence moindre d’événements cliniques clés, ce qui confirme la possibilité d’infléchir l’évolution de l’HTAP. Il s’en est fallu de peu pour que la baisse de la mortalité sous macitentan à 10 mg atteigne le seuil de significativité clinique (p=0,07).

Figure 2. Variation des RVP par rapport aux valeurs initiales, selon les classes fonctionnelles de l’OMS

 

 

Si les résultats de l’essai SERAPHIN ont redéfini les objectifs du traitement de l’HTAP, un autre essai qui a aussi été publié juste avant le congrès de l’ERS semble marquer un progrès clinique important dans l’HPTEC. Lors de l’essai CHEST-1, le riociguat, premier représentant de la classe des stimulateurs de la guanylate cyclase soluble (GCs), a été associé à une augmentation de la capacité d’exercice chez des sujets atteints d’HPTEC; il s’agissait là d’une première, car un traitement médicamenteux n’avait encore jamais été associé à un bénéfice dans le cadre d’un essai de phase III (Ghofrani et al. N Engl J Med 2013;369:319-29).

«L’amélioration de la capacité d’exercice à 16 semaines a été étayée par une diminution significative des RVP», souligne le Dr Eckhard Mayer, Centre de cardiologie et de pneumologie Kerckhoff, Bad Nauheim, Allemagne. Dans sa présentation au congrès d’une analyse de l’effet relatif du riociguat sur l’HPTEC chez des patients inopérables et des patients opérés dans le cadre de l’essai CHEST-1 (Mayer et al. ERS 2013, résumé 1781), le Dr Mayer a précisé qu’un bénéfice significatif avait été enregistré dans les deux groupes.

Dans l’essai CHEST-1, contrairement à l’essai SERAPHIN, le paramètre principal était la capacité d’exercice telle que mesurée par la distance parcourue au TM6M à 16 semaines. Parmi les 261 patients randomisés, 189 présentaient un thrombus inopérable et 72, une HP persistante ou récurrente après l’endartériectomie. À 16 semaines, la distance parcourue au TM6M avait augmenté de 39 mètres dans le groupe riociguat alors qu’elle avait diminué de 6 mètres dans le groupe placebo (p<0,001). Bien que l’écart par rapport au placebo ait été plus marqué dans le groupe de patients inopérables (54 vs 26 mètres), le Dr Mayer a rapporté que ce changement favorable s’était accompagné d’une amélioration des paramètres hémodynamiques dans les deux groupes.

Selon des données distinctes de l’étude de prolongation ouverte CHEST-2, le bénéfice se maintenait à 1 an, et le profil d’effets indésirables demeurait favorable (Simmoneau et al. ERS 2013, résumé 1785). Dans le cadre de l’essai CHEST-1, les effets indésirables plus fréquents sous traitement actif que sous placebo étaient les suivants : céphalées (25 % vs 14 %), étourdissements (23 % vs 12 %), dyspepsie (18 % vs 8 %), rhinopharyngite (15 % vs 9 %) et troubles digestifs tels que vomissements (10 % vs 3 %) et constipation (6 % vs 1 %).

Résultats également favorables d’un troisième essai de phase III

De nouvelles données d’un autre essai sur le riociguat intitulé PATENT-1 ont aussi été présentées au congrès de l’ERS. Les résultats de cet essai, tout comme ceux de SERAPHIN et de CHEST-1, ont été publiés juste avant le congrès de l’ERS (Ghofrani et al. N Engl J Med 2013;369:330-40), mais leur apport aux progrès du traitement de l’HP est moins évident à court terme que ceux de SERAPHIN ou de CHEST-1. Lors de l’essai PATENT-1, des patients atteints d’HTAP ont été randomisés de façon à recevoir du riociguat ou un placebo, mais le paramètre principal était la distance parcourue au TM6M plutôt que la survenue d’événements cliniques. Bien que la distance ait augmenté significativement sous riociguat par rapport au placebo (p<0,001), l’augmentation n’est pas forcément prédictive d’un bénéfice à long terme. Fait digne de mention, les nouvelles données de PATENT-1 présentées au congrès ont mis en évidence une faible corrélation entre la variation de la distance parcourue au TM6M et la variation des paramètres hémodynamiques (Galiè et al. ERS 2013, résumé 1784).

«La corrélation entre la distance parcourue au TM6M et les paramètres hémodynamiques était significative, mais faible. C’est donc dire qu’il faut évaluer plusieurs paramètres pour cerner l’effet thérapeutique global des agents administrés à un patient atteint d’HTAP», explique le Dr Nazzareno Galiè, Département de médecine expérimentale, diagnostique et spécialisée, Università di Bologna, Italie.

L’étude de prolongation ouverte PATENT-2 (sujets de PATENT-1) a fait ressortir un gain supplémentaire au chapitre de la distance parcourue au TM6M après un suivi d’une durée médiane de 441 jours, mais l’essai SERAPHIN pave la voie à une évaluation plus rigoureuse des nouveaux agents qui sera axée sur la survenue d’événements. Il n’est pas moins essentiel d’objectiver une amélioration de la capacité d’exercice ou, fait peut-être encore plus important, une amélioration de la qualité de vie liée à la santé (QdVs), mais force nous est de constater que nous devons nous concentrer sur les améliorations à long terme.

Parmi les paramètres secondaires de l’essai SERAPHIN figuraient la capacité d’exercice et le changement de classe fonctionnelle. La QdVs – qui reflète l’efficacité du traitement et l’absence d’effets indésirables – a été évaluée à 6 mois dans l’essai SERAPHIN à l’aide du questionnaire SF-36. Ces données – qui avaient été divulguées au congrès de l’American Thoracic Society (ATS) – ont été actualisées au congrès de l’ERS (Jansa et al. ERS 2013, résumé 1702) (Figure 3). Un avantage a été observé dans 7 des 8 domaines, entre autres le fonctionnement physique, la santé mentale et les douleurs physiques. Seule la perception de la santé générale faisait exception : le macitentan était tout de même plus avantageux que le placebo, mais l’écart n’était pas statistiquement significatif.

«Il importe d’analyser la QdVs dans les essais sur l’HTAP afin de confirmer que le traitement est avantageux aux yeux du patient», précise le Dr Pavel Jana, Université Charles, Prague, République tchèque. «Même si la QdVs était un paramètre exploratoire dans l’essai SERAPHIN, l’amélioration confirme les retombées positives du traitement.»

 

Figure 3. Amélioration de la plupart des aspects de la QdV

 

 

Conclusion

Si l’on en juge par les résultats d’essais de phase III d’envergure présentés au congrès de l’ERS, la façon d’évaluer l’efficacité d’un traitement dans l’HP changera radicalement. Plus précisément, l’essai SERAPHIN – qui portait sur un ARE innovant – a montré qu’un traitement efficace pouvait améliorer l’issue clinique et la capacité d’exercice chez des patients atteints d’HTAP. Dans l’HPTEC, les résultats de CHEST-1 ont montré que le premier représentant de la classe des GCs était avantageux uniquement sur le plan de la capacité d’exercice, mais il importe ici de souligner que cet essai de phase III a été le premier à associer un traitement médicamenteux à un avantage quelconque dans ce type d’HP. Les deux études pourraient être des études phares dans le contexte des efforts que l’on déploie pour améliorer le traitement de plusieurs maladies toujours incurables.   

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