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Immunothérapie en comprimé sublingual : regard sur la situation actuelle et perspectives d’avenir

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès de la European Academy of Allergy and Clinical Immunology (EAACI)

Barcelone, Espagne / 6-10 juin 2015

Barcelone - Peu à peu, l'immunothérapie sublinguale (ITSL) se fraye un chemin dans les cliniques d'allergologie, deux comprimés d'immunothérapie pour la voie orale ayant été homologués au Canada pour le traitement de la rhinite allergique causée par des pollens de graminées1. Offert en Europe depuis 2005, ce type de traitement a récemment été homologué aux États-Unis (20142). L'ITSL consiste en l'administration, sous la langue, de faibles doses d'un allergène, l'objectif étant de désensibiliser le système immunitaire avec le temps. Le pollen est l'une des causes les plus fréquentes de la rhinite allergique à l'échelle mondiale3 et, depuis 1998, l'ITSL est l'une des options de traitement que l'Organisation mondiale de la Santé recommande en pareil cas. Pour l'instant, les deux comprimés d'extraits de pollens de graminées sont indiqués chez les patients de 5 ans ou plus présentant des signes et des symptômes de rhinite causée par une allergie aux pollens de graminées. D'autres études – y compris de nouvelles études d'innocuité – sur des comprimés oraux pour le traitement des allergies aux graminées à l'origine d'une rhinite ont aussi généré de bons résultats. Par ailleurs, des études en cours portent sur des comprimés d'ITSL pour le traitement des allergies aux acariens, autre allergène répandu dans le monde entier. Enfin, de récentes études de phase III visaient à évaluer l'ITSL dans l'asthme allergique et, comme on l'a souligné au congrès 2015 de l'EAACI, les perspectives sont bonnes, l'ITSL étant associée à un profil d'innocuité favorable.

 

Au cours des 50 dernières années, les allergies ont pris des proportions épidémiques partout dans le monde, et le nombre d’hospitalisations pour cause de crise allergique sévère5 – les pollens de graminées et les acariens comptant parmi les allergènes le plus souvent en cause – a augmenté de façon substantielle. L’immunothérapie allergénique modifie le cours de la maladie parce qu’elle traite la cause de l’allergie : l’administration de faibles doses croissantes d’un allergène de qualité standardisée (QS) rend le système immunitaire de plus en plus tolérant et permet d’atténuer les symptômes d’allergie avec le temps6. L’immunothérapie allergénique – qui se résumait jadis à des injections sous-cutanées (immunothérapie sous-cutanée [ITSC]) – est une option de traitement efficace pour la rhinite et l’asthme allergiques, mais l’homologation de préparations sublinguales facilite l’acceptation du traitement et son emploi dans la pratique clinique. L’Organisation mondiale de la Santé avalise l’immunothérapie sublinguale (ITSL) comme possible solution de rechange à l’ITSC7. Fait digne de mention, ce type de traitement est le premier à stopper la progression des symptômes; en outre, il semble que le recours précoce au traitement puisse prévenir d’autres sensibilités ou arrêter la progression de l’asthme8. Pour l’instant, Santé Canada a homologué deux préparations en comprimé pour le traitement de la rhinite allergique causée par des pollens de graminées. Divers comprimés sublinguaux d’extraits d’allergènes sont à l’étude, mais à ce jour seuls des produits contenant des extraits de pollens de graminées ont été homologués; une troisième préparation en comprimé homologuée contient un extrait d’herbe à poux. Plusieurs études de phase III sont en cours pour l’évaluation de comprimés sublinguaux d’extraits d’acariens.

Efficacité

À ce jour, l’ITSL a fait l’objet de 77 essais cliniques avec randomisation (ECR), 39 portant sur des extraits de graminées et 5, sur des extraits d’acariens9. La plupart des essais ont objectivé l’efficacité clinique du traitement9, seulement 5 des 77 essais n’ayant pas donné de bons résultats. De nouveaux essais ont été présentés à Barcelone.

Dans le cadre d’une étude sur l’innocuité d’un comprimé d’ITSL renfermant 5 extraits de pollens de graminées, une proportion appréciable des 327 patients souffrant d’une rhinoconjonctivite allergique ont déclaré avoir pu mettre fin à leur traitement pour leurs symptômes de rhume des foins (Hadler M et al. EAACI 2015 : résumé 116). «Plus de 40 % des sujets de notre étude ont pu cesser de prendre des traitements pour soulager leurs symptômes», affirme la Dre Meike Hadler. Aucun des sujets n’a eu besoin d’une corticothérapie orale pendant l’ITSL, et seulement cinq patients ont eu besoin de corticostéroïdes administrés par voie nasale, poursuit-elle.

Dans une autre étude, des chercheurs ont évalué un comprimé d’ITSL d’extrait de fléole des prés chez 181 patients qui recevaient d’autres immunothérapies (ITSL ou ITSC) ciblant des pollens d’arbres ou d’acariens (Wolf H et al. EAACI 2015 : résumé 1608). Le Dr Hendrik Wolf et ses collaborateurs soulignent que, dans cette étude, les effets indésirables (EI) n’ont pas été plus fréquents que dans les études antérieures et que le comprimé d’ITSL d’extrait de graminée de QS a continué d’être bien toléré lorsqu’il était administré en concomitance avec d’autres immunothérapies allergéniques.

Profil d’innocuité

Dans les années 1980, la survenue de quelques décès associés à l’ITSC a remis en question l’innocuité de l’immunothérapie allergénique10. Depuis, cependant, de vastes essais rigoureux menés en Amérique du Nord et en Europe ont montré que les comprimés sublinguaux d’extraits de pollens de graminées étaient sûrs et que les EI étaient rares2. En fait, plusieurs essais cliniques ont prouvé que l’ITSL en comprimé était plus sûre que l’ITSC2. Sur une période de plus de 20 ans, seulement 6 cas d’anaphylaxie ont été associés à l’ITSL dans la pratique clinique ou lors d’essais cliniques; dans tous les cas, les comprimés contenaient des extraits de plusieurs allergènes, et les extraits n’étaient pas standardisés10. Seulement deux patients ont eu une réaction sévère après l’administration du premier comprimé d’extraits de graminées10.

D’autres études post-commercialisation (n=170 000) sur l’innocuité du comprimé sublingual d’extraits de pollens de cinq graminées déjà homologué ont montré que ce dernier était sûr et bien toléré (Didier A et al. EAACI 2015 : résumé 522). «La plupart des EI ont été des réactions locales comme un œdème buccal ou une irritation de la gorge. L’anaphylaxie a été très rare», précise le Dr Alain Didier, Hôpital Larrey, Toulouse, France.

Autres allergènes

Les extraits d’acariens n’ont pas fait l’objet d’autant d’ECR, mais des résultats favorables ont été présentés à Barcelone.

Des données ont montré qu’un comprimé d’ITSL d’extraits d’acariens de QS avait été bien toléré chez des adultes, tant dans la rhinite que dans l’asthme allergiques (Emminger W et al. EAACI 2015; résumé 1558). Quatre ECR de phase II et de phase III menés à double insu (n=2500) ont montré que les EI les plus fréquents avaient été de légères réactions allergiques locales dose-dépendantes. Aucun cas d’anaphylaxie n’a été signalé. Le premier jour, les chercheurs ont injecté de l’adrénaline à un seul patient pour une réaction locale légère à 12 extraits d’acariens de QS; le patient a poursuivi son traitement et a pu participer à l’étude jusqu’à la fin malgré un léger prurit buccal. «La majorité des EI sont apparus au plus 5 minutes après l’ingestion du comprimé le premier ou le deuxième jour du traitement et n’ont duré que quelques minutes. Avec le temps, le nombre d’EI a diminué. Ainsi, seulement 10 % des sujets étaient toujours aux prises avec des EI après 3 mois», précisent les chercheurs. Ces derniers n’ont constaté aucun signe d’augmentation du risque d’EI chez les 232 sujets de l’essai dont l’asthme n’était pas maîtrisé. Voyant les résultats d’un bon œil, ils disent «espérer la commercialisation prochaine
[de comprimés d’ITSL d’extraits d’acariens]».

Autres indications et sélection des patients

La Dre Glenis Scadding, Royal National Throat, Nose and Ear Hospital, Londres, Royaume-Uni, a présenté les données de trois essais avec placebo montrant que des comprimés d’ITSL renfermant 6 ou 12 extraits d’acariens de QS avaient été efficaces chez des patients atteints de rhinite ou d’asthme allergiques, et même chez les patients aux prises avec les deux manifestations (Scadding G et al. EAACI 2015 : résumé 977). «Les données groupées ont montré que le bénéfice avait été maximal chez les patients dont la rhinite ou l’asthme allergiques n’étai(en)t pas bien maîtrisé(s) sous pharmacothérapie», ajoute la Dre Scadding.

Nombre d’experts réunis à Barcelone estiment que rhinite allergique et asthme allergique vont de pair et que le traitement devrait faire l’objet d’une démarche clinique intégrée. «La rhinite et l’asthme allergiques sont depuis longtemps considérés comme des entités distinctes», affirme le Dr Santiago Quirce, Département d’allergologie, Instituto de Salud Carlos III, Madrid. Or, ce sont souvent des maladies concomitantes, et peut-être qu’il vaudrait mieux les prendre en charge de manière intégrée, enchaîne-t-il.

La Dre Scadding abonde dans le même sens : «Je n’ai pas besoin d’insister auprès de cet auditoire sur l’importance de considérer les voies aériennes comme un tout. Vous savez tous très bien, je crois, qu’environ 50 % des patients sensibles aux acariens peuvent présenter une rhinite allergique et les autres, à la fois une rhinite et un asthme allergiques.»

Par le passé, on s’est demandé dans quelle mesure l’immunothérapie était efficace en présence d’asthme4,8. De nouvelles données présentées à Barcelone montrent que des comprimés d’ITSL renfermant des allergènes d’acariens sont hautement efficaces contre l’asthme allergique (Cardona V et al. EAACI 2015 : résumé 980). Dans le cadre d’un vaste essai mené à double insu avec randomisation qui regroupait 834 patients atteints d’asthme allergique imputable aux acariens, l’ITSL a été bien tolérée chez des patients dont l’asthme n’était pas maîtrisé, et aucun problème d’innocuité n’a soulevé d’inquiétude sur le plan clinique. «Cet essai a été le premier à montrer une diminution cliniquement pertinente du risque d’exacerbation de l’asthme sous l’effet d’un comprimé d’ITSL d’extraits d’acariens de QS», ajoute le Dr Frank Smeenk, Département de pneumologie, Hôpital Catharina, Eindhoven, Pays-Bas.

La Dre Scadding insiste sur l’importance de bien choisir les patients pour ce type de traitement. «L’ITSL ciblant les acariens n’est pas forcément justifiée parce que le patient souffre de rhinite et que son test cutané est positif. Il faut s’assurer que ses symptômes sont bel et bien imputables aux acariens. Si vous n’en avez pas la certitude, je pense qu’[un test de] provocation nasale avec des extraits d’acariens s’impose», conclut-elle.

 

Références :                                           

1. http://www.newswire.ca/fr/story/1298937/grastektm-an-allergy-immunotherapy-tablet-for-the-treatment-of-signs-and-symptoms-of-grass-allergy-is-now-available-in-canada
2. http://www.uptodate.com/contents/sublingual-immunotherapy-for-allergic-rhinoconjunctivitis-and-asthma
3. http://www.niaid.nih.gov/topics/allergicdiseases/documents/pollenallergyfactsheet.pdf
4. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed?term=9802362
5. http://www.waojournal.org/content/7/1/6#B143
6. http://www.ctajournal.com/content/5/1/18
7. http://www.hopkinsmedicine.org/otolaryngology/specialty_areas/sinus_center/sublingual_immunotherapy.html
8. http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(05)78425-7/fulltext?version=printerFriendly
9. http://www.annallergy.org/article/S1081-1206(11)00506-0/abstract?cc=y=
10. http://www.waojournal.org/content/pdf/1939-4551-2-11-233.pdf

 

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