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IMPROVE-IT : l’hypothèse des lipides réaffirmée par un agent autre qu’une statine – l’ézétimibe – dans une population à risque élevé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE - Point de vue sur des communications présentées aux Séances scientifiques 2014 de l’American Heart Association (AHA)

Chicago, Illinois / 15-19 novembre 2014

Sous la direction de :

Paul W. Armstrong, MD, FCAHS, FRSC
Professeur universitaire distingué
Mazankowski Alberta Heart Institute
University of Alberta
Edmonton (Alberta)

Le Dr Armstrong était membre du comité directeur de l’essai IMPROVE-IT et a été l’un des trois chercheurs principaux d’IMPROVE-IT au Canada.

 

Introduction

L’essai IMPROVE-IT – qui vient de se terminer – a montré que l’ajout de l’ézétimibe à la simvastatine chez des patients à risque élevé ayant des antécédents récents d’événement coronarien aigu avait réduit significativement le risque d’événement cardiovasculaire (CV) comparativement à la simvastastine seule. C’est la première fois qu’il ressort d’un essai sur la prise en charge d’une dyslipidémie que l’ajout à une statine d’un agent autre qu’une statine donne lieu à une réduction additionnelle du risque CV. Les chercheurs ont observé une amélioration de l’issue même si les patients sous statine avaient déjà atteint le taux cible actuellement recommandé. Ces données renforcent la prémisse de l’hypothèse des lipides, à savoir que la diminution du taux de C-LDL est proportionnelle à la protection contre les événements CV chez les patients à risque élevé. En outre, elles montrent que l’obtention d’un taux de C-LDL en deçà du seuil actuellement recommandé peut diminuer le risque CV davantage. Ces résultats nous permettent de mieux comprendre le lien entre le C-LDL et le risque CV, sans oublier qu’ils influent sur la pratique clinique.

 

Les données de l’essai IMPROVE-IT (IMProved Reduction of Outcomes: Vytorin Efficacy International Trial) objectivent l’utilité d’ajouter l’ézétimibe à une statine dans l’optique de réduire le risque CV. Dans les guides de pratique actuels, dont les recommandations de la Société canadienne de cardiologie (SCC) (Anderson TJ et al. Can J Cardiol 2013;29:151-67), il est précisé que l’ajout d’un agent à une statine n’a jamais été associé à une réduction significative des événements CV. Cette affirmation doit maintenant être revisitée à la lumière des résultats d’IMPROVE-IT prouvant que la baisse du C-LDL sous ézétimibe dans une population à risque élevé est associée à une diminution supplémentaire du risque proportionnelle à la baisse du taux de C-LDL. Le long suivi des sujets d’IMPROVE-IT a aussi montré que l’ézétimibe était à la fois sûr et bien toléré.

Au total, 18 144 patients ont été admis à l’essai à double insu IMPROVE-IT dans les 10 jours suivant une hospitalisation pour un syndrome coronarien aigu (SCA) (Figure 1). Répartis dans 39 pays, dont le Canada, et 1158 centres, ils ont été randomisés de façon à recevoir soit 40 mg de simvastatine, soit 40 mg de simvastatine plus 10 mg d’ézétimibe. Les chercheurs étaient autorisés à augmenter la dose de la statine. Le taux de C-LDL visé était £1,8 mmol/L. Le paramètre principal était une diminution relative des décès de cause CV, des infarctus du myocarde (IM), des AVC ou des hospitalisations pour un angor instable ou une intervention de revascularisation coronarienne (réalisée au moins 30 jours après l’admission).

Taux de C-LDL plus faible = Risque CV plus faible

L’analyse en intention de traiter (IT) du paramètre principal a révélé que le taux de risque (HR) était de 0,936 (IC à 95 % : 0,887 – 0,988; p=0,016) en faveur de l’association ézétimibe + simvastatine (EZ/S) après un suivi d’une durée médiane d’environ 6 ans (Figure 2). À en juger par l’analyse des trois paramètres secondaires prévus au protocole – divers groupes d’événements inclus dans le paramètre principal –, la protection relative était similaire et statistiquement significative. Le bénéfice variait entre une diminution d’environ 5 % du risque de décès CV, d’IM, d’angor instable, d’intervention de revascularisation (tous types) ou d’AVC et une diminution de près de 9 % du risque de décès CV, d’IM ou d’intervention de revascularisation coronarienne urgente. Pour le paramètre qui regroupait les décès CV, les IM et les AVC non mortels, le taux d’événement a été de 20,4 % sous EZ/S vs 22,2 % sous simvastatine seule – soit une diminution du risque de 10 % (HR 0,90; IC à 95 % : 0,84-0,97; p=0,003) –, et le nombre de patients à traiter se chiffrait à 56.

 

Figure 1.  Plan de l’étude

 

 

Ces réductions du risque semblent modestes, certes, mais elles sont cliniquement pertinentes dans le contexte de l’étude, compte tenu du fait que l’hyperlipidémie était rigoureusement maîtrisée chez les patients sous simvastatine seule. Comme il était permis d’augmenter la dose, le taux médian de C-LDL se chiffrait à environ 1,8 mmol/L dans le groupe simvastatine après 1 et 5 ans de suivi. Chez les patients randomisés dans le groupe EZ/S, le taux médian de C-LDL était encore plus faible : 1,389 mmol/L (Figure 3). Cette réduction relative supplémentaire de 20 % du taux de C-LDL s’est traduite par une diminution supplémentaire du risque d’événement CV d’ampleur comparable à ce que prévoyait la Collaboration CTT (Cholesterol Treatment Trialists) à la lumière des essais sur les statines (Lancet 2010;376:1670-81) (Figure 4). La validation de la réduction proportionnelle du risque par un agent autre qu’une statine donne du poids à l’utilité de ce traitement lorsqu’une statine seule ne permet pas d’atteindre le taux cible. Elle souligne aussi la nécessité d’un suivi à long terme dans le cadre de telles études. Comme l’effet sur le taux d’événement s’est manifesté après seulement 1 an et qu’il a ensuite continué de s’accentuer, il a fallu du temps pour que le bénéfice se concrétise.

L’essai IMPROVE-IT a également généré de nombreuses données permettant de valider l’innocuité de l’ézétimibe (Tableau 1). À en juger par les données de l’analyse en IT –  plus de 80 000 années-patients de suivi pour l’analyse du paramètre principal – et par celles des analyses sous traitement exploratoires et prévues au protocole – plus de 60 000 années-patients de suivi –, aucun problème d’innocuité n’a été signalé, pas même parmi les effets indésirables d’intérêt comme les événements liés à la vésicule biliaire, les myopathies, la fonction hépatique ou le cancer. Ces données indiquent que la réduction supplémentaire du risque CV découlant de l’ajout de l’ézétimibe à une statine peut s’obtenir sans compromis au niveau de l’innocuité.

Tableau 1. Analyse en IT : Effets indésirables graves comparables


Analyse sous traitement : effet plus marqué

L’analyse sous traitement prévue au protocole avait pour objectif de déterminer si la survenue d’un événement au décours du traitement pouvait diluer la capacité d’IMPROVE-IT de refléter avec exactitude l’efficacité et l’innocuité de l’association EZ/S comparativement à la simvastatine. Dans cette analyse, les données ont été censurées à partir de 30 jours après la dernière dose ou de la dernière évaluation complète des événements cliniques. Des 17 706 patients qui ont reçu au moins une dose de traitement après la randomisation, 10 573 ont été suivis pendant une moyenne de 4,4 ans alors qu’ils recevaient toujours le traitement leur ayant été attribué et 7133 ont été suivis après la fin du traitement leur ayant été attribué dans l’essai.

Cette analyse sous traitement a révélé que les diminutions du taux de C-LDL et du risque CV dans les deux groupes de l’étude étaient légèrement plus marquées que les diminutions observées dans l’analyse en IT. Dans le groupe EZ/S, la diminution relative du taux de C-LDL à 1 an est passée à 0,44 mmol/L, ce qui a ramené le taux médian de C-LDL à <1,3 mmol/L. Compatible avec la corrélation escomptée entre la baisse du taux de C-LDL et la diminution de l’incidence des événements, l’obtention d’un taux de C-LDL légèrement plus faible dans le groupe EZ/S – par rapport à la simvastatine seule – s’est traduite par une diminution légèrement plus marquée des événements compris dans le paramètre principal (HR 0,924; IC à 95 % : 0,863-0,983; p=0,012) et de ceux compris dans les paramètres secondaires prévus au protocole.

Pour abaisser le taux de C-LDL, l’ézétimibe diminue l’absorption du cholestérol dans le tube digestif en inhibant la protéine NPC1L1 (Niemann-Pick C1-like 1), laquelle est un médiateur de cette absorption. Les diminutions du taux de C-LDL obtenues sous ézétimibe selon les analyses en IT et sous traitement de l’essai IMPROVE-IT viennent confirmer les observations de nombreuses études antérieures sur ce traitement. L’ézétimibe est approuvé depuis longtemps pour le traitement d’appoint à une statine ou en tant que substitut d’une statine chez les patients n’atteignant pas le taux cible de C-LDL, mais l’essai IMPROVE-IT est le premier à confirmer qu’il en résulte une diminution supplémentaire du risque.

Figure 2.  Bénéfice constant selon l’analyse du paramètre principal

Hypothèse des lipides renforcée

Les données renforcent aussi l’hypothèse des lipides, formulée avant l’arrivée des statines. Les données selon lesquelles le C-LDL est un facteur de risque que l’on peut traiter remontent à 1984, lorsque les chercheurs de l’essai LRC-CPPT (Lipid Research Clinics Coronary Primary Prevention) ont attribué la diminution du risque CV à une baisse du taux de C-LDL sous l’effet de la cholestyramine, un chélateur des acides biliaires (LRC-CPPT Investigators. JAMA 1984;251:351-64). Comme l’ézétimibe, la cholestyramine, moins bien tolérée, abaisse le taux de C-LDL d’environ 20 %. L’ère moderne des recommandations sur le traitement hypolipidémiant a commencé dans les années 1990, lorsque les premières statines ont été commercialisées. Dans une série d’essais de prévention secondaire et primaire, les diminutions supplémentaires du taux de C-LDL ont été associées à des diminutions supplémentaires du risque. Les taux cibles actuels reposent sur les données de ces essais sur les statines.

Figure 3. Variation du C-LDL et d’autres lipides

 

Avant l’essai IMPROVE-IT, on avait émis l’hypothèse – sans toutefois la confirmer – que des hypolipidémiants autres que les statines pouvaient donner lieu à des diminutions similaires du risque CV. Depuis la planification de l’essai IMPROVE-IT – qui a débuté il y a 9 ans –, la quête de preuves n’a fait que s’intensifier. Des doutes subsistaient, notamment en raison des actions pléiotropes des statines, comme leurs effets anti-inflammatoires dont ne sont pas dotés les autres agents qui abaissent le C-LDL. Les résultats négatifs d’une série d’essais sur des agents augmentant efficacement le C-HDL ont aussi soulevé des doutes quant à certaines hypothèses sur la biologie du cholestérol. En outre, le paramètre principal n’a pas été atteint lors de deux essais antérieurs sur l’ézétimibe. Dans l’essai ENHANCE, la diminution de l’épaisseur de l’intima-média carotidienne (critère de substitution) sous ézétimibe – comparativement au groupe témoin – chez des patients atteints d’hypercholestérolémie familiale n’a pas atteint le seuil de significativité statistique (Kastelein et al. N Engl J Med 2008; 358:1431-43). Lors de l’essai SEAS, l’association ézétemibe + simvastatine n’a pas réduit l’incidence d’événements ischémiques chez des patients porteurs d’une sténose aortique (Rossebo et al. N Engl J Med 2008;359:1343-56). Aucun des deux essais n’excluait la possibilité que l’ézétimibe réduise le risque CV en diminuant les taux lipidiques chez les patients à risque élevé, mais les données d’IMPROVE-IT ne laissent plus planer de doute et nous rassurent quant à la validité de l’hypothèse de l’étude.

Un taux de C-LDL encore plus faible, c’est encore mieux

Parmi les données de l’essai IMPROVE-IT, celles qui montrent l’utilité d’abaisser le taux de C-LDL en deçà des taux actuellement recommandés par la SCC sont peut-être les plus importantes. Elles confirment qu’il est possible d’obtenir une protection supplémentaire contre les événements CV en toute sécurité grâce à l’obtention d’un taux de C-LDL d’au plus 1,4 mmol/L (moyenne) dans le groupe EZ/S. Cette observation est compatible avec les analyses post hoc de plusieurs essais majeurs sur les statines, comme TNT, PROVE-IT, et JUPITER. Les analyses post hoc réalisées chez des patients qui ont atteint de très faibles taux de C-LDL dans ces études n’ont toujours pas permis de déterminer un seuil en deçà duquel le risque CV ne continue pas de diminuer ou un taux auquel surviennent des problèmes d’innocuité.

IMPROVE-IT n’établit pas le taux optimal de C-LDL chez les patients à risque élevé. Il se pourrait que des taux encore plus faibles que les taux obtenus en moyenne dans le groupe EZ/S soient encore plus bénéfiques. Cependant, comme la diminution supplémentaire du risque associée à une baisse plus marquée du C-LDL dans le groupe expérimental n’a pas eu pour corollaire une augmentation du risque d’effet indésirable, une nouvelle norme a été établie. IMPROVE-IT a permis à la fois de réaffirmer et d’élargir l’hypothèse des lipides en objectivant un bénéfice supplémentaire découlant d’une diminution du taux de C-LDL en deçà des taux cibles actuels. Plus précisément, IMPROVE-IT montre que l’ajout de l’ézétimibe à une statine est associé à une diminution du risque CV proportionnelle à la capacité de l’ézétimibe d’abaisser le taux de C-LDL.

Figure 4.   La réduction du risque observée dans IMPROVE-IT avec l’ézétimibe se compare aux réductions obtenues dans les essais sur les statines

Conclusion

L’essai IMPROVE-IT marque un jalon dans notre quête incessante d’une réduction du risque d’événement CV. Comme il a été prouvé que la diminution supplémentaire du taux de C-LDL obtenue grâce à l’ajout d’ézétimibe – par rapport à une statine seule – se traduisait par une réduction supplémentaire du risque CV, une nouvelle option de traitement s’en trouve étayée. Premier essai à montrer un tel effet à l’aide d’un agent autre qu’une statine, IMPROVE-IT donne aussi beaucoup de poids à l’hypothèse des lipides. Les données de cet essai ont redéfini la maîtrise optimale du C-LDL dans les populations à risque très élevé et nous incitent à explorer plus à fond la possibilité que des taux de C-LDL encore plus faibles confèrent une protection encore plus marquée contre le risque CV. IMPROVE-IT établit la prochaine étape, mais probablement pas la dernière avancée, dans notre quête d’une réduction optimale du risque CV grâce au traitement hypolipidémiant.   

 

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