Comptes rendus

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Inhibiteurs de la 5-alpha réductase pour la prévention du cancer de la prostate : l’essai PCPT revisité

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 63e Assemblée annuelle de l’Association des urologues du Canada

Edmonton, Alberta / 22-25 juin 2008

À l’égal des statines sur le front cardiovasculaire, les inhibiteurs de la 5-alpha réductase (I5AR) pourraient devenir les nouveaux agents de la prévention du cancer de la prostate du fait qu’ils offrent le même degré de protection que ces célèbres agents, indépendamment du risque initial de cancer de la prostate ou du taux initial d’antigène spécifique de la prostate (PSA).

Plusieurs problèmes ont joué contre une plus large acceptation du finastéride, un I5AR, après la publication de l’essai PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial) financé par le National Cancer Institute, au cours lequel il a été démontré que le risque de cancer de la prostate après ajustement de la densité d’échantillonnage biopsique était 35 % moins élevé chez les hommes ayant reçu du finastéride pendant sept ans que chez les témoins sous placebo. La raison pour laquelle les conclusions de cette étude indépendante de l’industrie ne se sont pas immédiatement traduites par une plus grande demande de l’I5AR résidait essentiellement dans un seul de ses résultats : le fait qu’au premier abord, il apparaissait qu’une très petite minorité d’hommes sous finastéride (6,4 %) étaient plus susceptibles de présenter une tumeur à forte malignité – c.-à-d. correspondant à un score de Gleason entre 7 et 10 – que leurs homologues du groupe placebo (5,1 %).

Cette seule observation a d’abord amené le Dr Peter Scardino, directeur, service de chirurgie, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, à signer un éditorial d’importance paru lors de la première publication de l’essai PCPT, dans lequel il déconseillait aux hommes en bonne santé de prendre du finastéride pour prévenir le cancer de la prostate. Non convaincus du rôle du finastéride dans cette majoration du risque de tumeur à forte malignité, les investigateurs du PCPT ont émis une autre hypothèse suivant laquelle, en réduisant le volume de la prostate, l’agent se trouvait à faciliter la détection de ces tumeurs sur les fragments biopsiques. Dans leurs analyses présentées au récent congrès de l’American Urological Association et dont ont discuté plusieurs conférenciers du présent congrès, les investigateurs du PCPT s’étaient proposé de répondre à deux questions clés : les tumeurs supprimées par les I5AR sont-elles cliniquement importantes? Y avait-il réellement une fréquence accrue de cancers de grade élevé dans le groupe finastéride?

Comme l’indique le Dr Neil Fleshner, professeur titulaire de chirurgie, University of Toronto, Ontario, les chercheurs du PCPT ont tout d’abord dû tenir compte de plusieurs biais inhérents à l’étude. En premier lieu, les taux de PSA des sujets du groupe I5AR avaient diminué d’environ 50 %, alors que ceux des sujets du groupe placebo reflétaient les «vrais» taux, de sorte qu’on a dû corriger les résultats pour tenir compte de l’augmentation de la sensibilité du dosage du PSA pour la détection du cancer dans le groupe traitement actif. Il en était de même pour l’examen par toucher rectal. Le volume de la prostate ayant diminué, les chances de détecter un cancer à la biopsie, en particulier de forte malignité, étaient plus fortes chez les hommes recevant l’I5AR, comme l’avaient supposé les investigateurs. Pour déterminer si les cancers évités grâce au finastéride étaient significatifs, ces derniers ont mené une évaluation centralisée de toutes les biopsies positives de l’étude afin d’examiner le degré de malignité et l’extension des tumeurs.

Selon la définition de l’absence de portée clinique utilisée (les chercheurs en ont retenu deux), la proportion de tumeurs non significatives s’élevait à 27,7 % et 30,5 % dans le groupe placebo et à 19,9 % et 21,4 % dans le groupe finastéride – en d’autres termes, environ 75 % des patients de l’étude PCPT avaient un cancer cliniquement significatif selon les critères standard. Ce résultat a clairement confirmé que le finastéride supprime les tumeurs de gravité semblable à celle de la majorité des cancers de la prostate qui sont aujourd’hui traités aux États-Unis. Le médicament a en outre exercé cet effet protecteur contre les cancers d’importance clinique sans égard au taux de PSA, même chez les hommes dont le taux de PSA se situait entre 0 et -1,0 ng/mL, groupe dans lequel presque la moitié des cancers détectés ont été jugés cliniquement importants.

Les investigateurs ont également dû tenir compte de différences relatives à la biopsie finale, étant donné que seulement quelque 60 % des participants y ont consenti. Il leur a donc fallu «estimer» la réduction relative du risque chez les sujets non évalués. Le taux observé de cancer de la prostate s’établissait globalement à 22,9 % dans le groupe placebo et à 16,6 % dans le groupe I5AR, comparativement à un taux estimé de 21,1 % et 14,7 %, respectivement.

Dans le cas des cancers de forte malignité, le taux observé était de 4,8 % dans le groupe placebo vs 5,8 % dans le groupe traitement actif, tandis que le taux estimé se chiffrait à 4,2 % et à 4,8 %, respectivement, et la différence entre les deux groupes n’était pas significative.

Cancer à forte malignité

En fait, une nouvelle analyse des taux estimatifs de cancers à forte malignité à partir des pièces de prostatectomie radicale a révélé que 8,7 % des sujets sous finastéride vs 12,9 % des témoins sous placebo ont présenté un cancer à faible malignité, chiffres qui, dans le cas des cancers à forte malignité, s’élevaient à 6,0 % et 8,2 %, respectivement. C’est donc dire que, loin d’avoir augmenté le risque de cancer à forte malignité lors de l’essai PCPT, l’I5AR l’a réduit, ce qui répond sans équivoque à la deuxième grande question suscitée par les différences observées entre le finastéride et le placebo lors de cet essai.

Qui plus est, rappelle le Dr Fleshner, les données de l’essai PCPT sur le profil d’effets indésirables favorisaient largement le finastéride, celui-ci ayant été associé à une réduction notable de l’incidence des infections urinaires, de la prostatite, de la rétention urinaire et de l’incontinence d’urgence, de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) symptomatique ainsi que des taux de résection transurétrale de la prostate (RTUP). En revanche, on a observé une prépondérance des dysfonctions sexuelles dans le groupe traitement actif, mais le risque de dysfonction sexuelle était considéré comme mineur.

«Il ne fait maintenant plus aucun doute, à la lumière des résultats de l’étude PCPT, que le traitement par un I5AR, en particulier le finastéride, peut prévenir le cancer de la prostate et que des cancers d’importance clinique sont évités, affirme le Dr Fleshner. Beaucoup d’entre nous utilisent depuis nombre d’années ces agents qui posent peu de problèmes; je les emploie notamment chez les patients très exposés au cancer de la prostate ou très inquiets de leur risque. Bien que certaines des controverses au sujet de ces agents aient à mon avis nui à leur adoption généralisée par les cliniciens, je crois que c’est une question de temps avant que tous ces doutes se dissipent.»

Audit de la pratique urologique dans le traitement de l’HBP au Canada

Comme le rapporte le Dr Curtis Nickel, professeur titulaire d’urologie, Queen’s University, Kingston, Ontario, l’HBP représente encore environ le cinquième des troubles traités par les urologues en ambulatoire, selon l’étude CanBAS (Canadian BPH Audit Study) menée en 2007. Les investigateurs ont suivi 5616 patients vus par 30 urologues durant un intervalle de deux semaines. Ayant un taux de PSA moyen de 3,9, les patients atteints d’HBP considérés dans cette enquête étaient représentatifs des hommes présentant des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) au Canada.

À la première visite, 45 % des hommes atteints d’HBP ont reçu un alpha-bloquant en monothérapie, 25 % ont reçu un I5AR, et 11 % ont reçu une association de ces agents. À la visite subséquente, la probabilité de traitement par une association alpha-bloquant/I5AR passait à 19 %, le taux de RTUP et d’autres interventions chirurgicales dans la pratique actuelle s’avérant très faible, tant lors de la première visite que des visites subséquentes. Au total, 41 % des hommes ayant une prostate de petit volume (<30 cm3) étaient traités par un alpha-bloquant, proportion qui se chiffrait à 37 % pour les prostates de volume moyen et à 24 % pour les prostates de >50 cm3. Quant au traitement d’association examiné selon les mêmes catégories volumétriques, on y a eu recours chez respectivement 10 %, 14 % et 31 % des sujets de l’étude.

Par ailleurs, de faire observer le Dr Nickel, les résultats à deux ans de l’étude CombAT (Combination of Avodart and Tamsulosin) menée actuellement chez des hommes présentant des SBAU modérés à sévères et une prostate hypertrophiée ont montré que le schéma dutastéride (I5AR) et tamsulosine (alpha-bloquant) procure un soulagement significativement plus marqué et plus durable des SBAU que l’un ou l’autre agent seul.

Fait à signaler, le même bénéfice avait déjà été démontré par l’étude MTOPS (Medical Therapy of Prostatic Symptoms) menée par les National Institutes of Health sur le finastéride et la doxazosine. Enfin, il ressort des récents résultats de l’étude PROACT (Proscar and Alpha-blocker Combination Followed by Discontinuation Trial) que, chez la plupart des patients qui répondaient bien au traitement associant le finastéride et un alpha-bloquant, on pouvait abandonner ce dernier après neuf mois de bithérapie, étant donné que les symptômes d’HBP continuaient d’être aussi bien maîtrisés sous l’effet du finastéride seul que lorsque les patients recevaient les deux agents. En outre, le retrait de l’alpha-bloquant n’a entraîné aucune conséquence défavorable chez la plupart des patients.

Considérant les données apportées par ces essais, les résultats de l’enquête CanBAS permettent de supposer que les urologues du Canada adoptent, pour la plupart, les stratégies fondées sur des données probantes dans la conduite du traitement de l’HBP, de conclure le Dr Nickel.

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