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La grippe chez le sujet âgé : en quête de stratégies vaccinales plus efficaces

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 11e Conférence canadienne sur l’immunisation

Ottawa, Ontario / 2-4 décembre 2014

Ottawa - Les patients âgés sont très vulnérables à la grippe et à ses complications, dont une plus grande fragilité après l’hospitalisation. La vaccination est essentielle au sein de cette population même si l’on sait que l’immunosénescence diminue l’efficacité des vaccins. En raison du nombre croissant de Canadiens de plus de 65 ans, de nouvelles préparations et stratégies vaccinales s’imposeront. À en juger par les résultats d’un essai clinique récent avec randomisation, un vaccin antigrippal à forte dose offre une meilleure protection aux sujets âgés comparativement à un vaccin à dose standard.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Des données recueillies dans une trentaine d’hôpitaux au cours de quatre saisons grippales ont confirmé la lourdeur systématique du fardeau de morbidité associé à la grippe chez les Canadiens âgés. Parmi les plus de 4000 cas évalués depuis 2009 par le réseau SOS (Serious Outcomes Surveillance), les deux tiers avaient plus de 65 ans et environ la moitié, plus de 75 ans. Le taux de mortalité durant l’hospitalisation ou dans les 30 jours suivants se situait entre 8 et 11 %. La grippe B – généralement considérée comme moins fréquente et moins sévère chez les patients âgés que chez les plus jeunes – est à peu près aussi susceptible que la grippe A de mener à l’hospitalisation du sujet âgé, à son admission dans une unité de soins intensifs ou à son décès, affirme la Dre Shelly McNeil, professeure titulaire de médecine, Dalhousie University, et consultante en infectiologie, Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, Halifax.

Grippe, hospitalisation et fragilité

Les données du réseau SOS montrent que la fragilité est à la fois un facteur de risque de grippe et une complication potentiellement persistante de la grippe. Chez le sujet âgé, on entend par «fragilité» une santé vulnérable à tout élément perturbateur ou une capacité moindre à tolérer de tels éléments perturbateurs, explique la Dre Melissa Andrew, professeure adjointe de gériatrie, Dalhousie University, Halifax. Le concept de fragilité tient compte de nombreux facteurs, dont la condition physique, la morbidité, la mobilité, l’appétit, la capacité fonctionnelle de base au quotidien, la cognition et l’humeur. Comparativement à l’âge, un score élevé de fragilité est un meilleur prédicteur d’une issue défavorable, comme le décès, l’hospitalisation, l’admission dans un centre de soins prolongés et l’apparition d’une démence.

L’hospitalisation pour cause de grippe est souvent à l’origine de l’apparition ou de l’exacerbation d’une fragilité en raison de déficits fonctionnels ou d’affections concomitantes qui s’ajoutent. Dans certains cas, l’exacerbation de la fragilité ou la diminution de la capacité fonctionnelle peuvent mener à une incapacité catastrophique. «Le plus grand facteur de risque d’incapacité de ce type est un séjour à l’hôpital, et la pneumonie et la grippe figurent parmi les principales [causes]», insiste la Dre Andrew. «Nous considérons ces maladies comme étant de courte durée : on contracte la grippe, on est sur le carreau pendant une semaine ou deux, puis on retrouve la forme […] Chez le sujet âgé, le risque de déficit résiduel est particulièrement élevé […] Il est fréquent de voir des personnes âgées, pourtant ambulatoires à leur arrivée, avoir besoin d’assistance après leur sortie de l’hôpital.»

L’exercice, l’intégration sociale et les soins de prévention contribuent étroitement à éviter la fragilité, indique la Dre Andrew. Une plus vaste couverture de la population âgée par la vaccination antigrippale et antipneumococcique peut freiner la cascade de morbidité conduisant à l’incapacité et à la mort. «Il est dans l’intérêt des personnes âgées que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour que leur santé évolue normalement en fonction de leur âge, voire qu’elle demeure plus robuste», fait-elle valoir. Selon les données du réseau SOS, la vaccination antigrippale prévient de 30 à 50 % environ des hospitalisations, précise la Dre McNeil, ajoutant que «selon d’autres données, les personnes vaccinées risquent moins de voir leur fragilité s’accentuer lorsqu’elles sont hospitalisées».

Il faut tenir compte des répercussions de la fragilité lorsqu’on évalue l’efficacité d’un vaccin, quel qu’il soit, insistent les Dres McNeil et Andrew. Les personnes fragiles sont plus susceptibles de recevoir un vaccin antigrippal, d’où un biais d’indication. «Bref, si l’on ne prend pas la fragilité en considération […], on risque fort de sous-estimer l’efficacité du vaccin», poursuit la Dre Andrew. Inversement, la prise en compte de la fragilité augmente d’environ 5 % l’estimation ponctuelle de l’efficacité du vaccin, ajoute la Dre McNeil.

Vieillissement du système immunitaire

L’immunosénescence – c’est-à-dire l’affaiblissement des défenses de l’hôte ainsi que de l’immunité cellulaire et humorale – explique le risque élevé de grippe et la réponse plutôt médiocre aux vaccins actuels chez le sujet âgé, rappelle la Dre Andrew. Le concept que les anglophones appellent inflammaging y est aussi pour quelque chose. Le vieillissement est souvent associé à un état pro-inflammatoire systémique «à bas bruit et asymptomatique qui influe sur la réponse de l’individu à d’autres stresseurs», explique-t-elle. Avec l’âge, l’être humain dépend davantage de son système immunitaire inné que de son système immunitaire adaptatif, [comme les nourrissons], ajoute-t-elle. «Tôt dans la vie, l’être humain a tout intérêt à être exposé à un nombre élevé d’agents pro-inflammatoires, ces derniers pouvant contribuer à une longue survie. Par contre, [si cet état pro-inflammatoire systémique se poursuit à un âge avancé], il peut être à l’origine du paradigme de l’inflammaging, à savoir qu’il entraîne une détérioration de la santé [et] une sensibilité accrue aux maladies infectieuses.» De même, puisque les vaccins agissent principalement en stimulant le système immunitaire adaptatif et la réponse des cellules Th1, «les personnes âgées manquent de ce dont les vaccins ont besoin pour agir», conclut-elle.

Vaccins avec adjuvant

Les vaccins trivalents inactivés (VTI) contre la grippe standards sont efficaces à environ 60 % pour prévenir une grippe confirmée en laboratoire, note la Dre Allison McGeer, professeure titulaire de médecine de laboratoire, de biopathologie et de sciences de la santé publique, University of Toronto. Bien que leur efficacité diminue avec l’âge, les vaccins préviennent chaque année beaucoup de mortalité et de morbidité, sans compter qu’ils sont efficients; bref, leur très grande utilité ne fait aucun doute», affirme-t-elle.

Il existe de nouvelles préparations vaccinales conçues pour déjouer l’immunosénescence, indique-t-elle. Lors d’un essai clinique comparatif avec randomisation (McElhaney JE et al. Lancet Infect Dis 2013), le risque de contracter la grippe était 12 % plus faible chez les patients âgés ambulatoires qui avaient reçu le vaccin additionné de l’adjuvant ASO3 plutôt qu’un VTI, mais l’écart n’a pas atteint le seuil de significativité statistique. Un vaccin additionné de l’adjuvant MF59 a été évalué uniquement dans le cadre d’études d’observation. Dans une étude canadienne où l’on a comparé le vaccin avec adjuvant à un VTI, le risque relatif approché d’apparition d’une grippe confirmée en laboratoire s’élevait à 0,37 (Van Buynder PG et al. Vaccine 2013). De même, des chercheurs italiens qui ont évalué les répercussions du vaccin sur les hospitalisations ont déterminé qu’il avait donné de meilleurs résultats qu’un VTI lorsque les données étaient ajustées pour l’âge, la morbidité sous-jacente et l’indice fonctionnel (Mannino S et al. Am J Epidemiol 2012).

Vaccin à forte dose

Dans le cadre d’un essai clinique mené à double insu avec randomisation qui regroupait plus de 30 000 adultes âgés (DiazGranados C et al. N Engl J Med 2014), un vaccin trivalent à forte dose (60 μg d’hémagglutinine par souche comparativement à la norme de 15 μg) a permis une diminution significative de 24 % des cas de grippe selon les critères de l’étude (incidence de 1,9 % chez les sujets ayant reçu la dose standard vs 1,4 % chez ceux ayant reçu une forte dose). La douleur au point d’injection était légèrement plus fréquente chez les sujets qui recevaient le vaccin à forte dose; l’écart – 36 % vs 24 % – était principalement imputable à la présence d’une douleur mineure. L’érythème et le gonflement étaient aussi un peu plus fréquents dans le groupe ayant reçu le vaccin à forte dose. Les réactions systémiques ne différaient pas de manière significative d’un groupe à l’autre. Dans l’ensemble, ces différences n’ont pas compromis l’acceptation du vaccin, fait remarquer la Dre McGeer.

Selon une étude menée récemment aux États-Unis, le coût du vaccin à forte dose que l’on donnerait à des personnes âgées serait plus élevé à l›achat que celui d’un VTI et semblable à celui d’un vaccin quadrivalent. Comparativement à ces vaccins, l’option à forte dose préviendrait près de 196 000 et 170 000 cas de grippe de plus, respectivement. En outre, il préviendrait environ 22 000 hospitalisations de plus et 5000 décès de plus comparativement à ces vaccins traditionnels (Chit et al. Vaccine 2014). L’efficience est probablement proportionnelle au Canada, mais aucune étude similaire n’a encore été réalisée, précise la Dre McGeer.

Vaccination des personnes âgées

Vu la vulnérabilité des personnes âgées à la grippe et à ses complications, dont la fragilité et l’incapacité, il est important de continuer à vacciner les personnes âgées contre la grippe. Le taux de vaccination dans cette population ne s’élève encore qu’à 50 %, ce qui donne à penser que l’on peut obtenir de meilleurs résultats, tant avec les vaccins existants qu’avec les nouvelles préparations. Le développement de vaccins totalement novateurs devrait aussi être favorisé, estime la Dre McGeer.

 

Tableau 1. Efficacité du vaccin antigrippal à forte dose, comparativement au vaccin antigrippal à dose standard, chez 31 989 adultes de 65 ans ou plus 

 

 

 

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