Comptes rendus

Résultats des études de suivi sur le vaccin quadrivalent contre le virus du papillome humain : la protection persiste
Obtention d’une charge virale indécelable dans le traitement de l’infection à VIH

Le ciblage de multiples voies moléculaires : une nouvelle ère en oncologie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 14e Congrès européen d’oncologie (ECCO-14)

Barcelone, Espagne / 23-27 septembre 2007

Le sorafenib, inhibiteur de la Raf kinase et des récepteurs du VEGF et du PDGF qui cible les enzymes responsables de la prolifération et de l’angiogenèse, est le premier agent à autoriser une prolongation statistiquement significative de la survie globale chez les patients souffrant d’un carcinome hépatocellulaire (CHC) avancé, affirme le Dr Josep Llovet, professeur agrégé de médecine, et directeur de la recherche sur le cancer du foie, Mount Sinai School of Medicine, New York, New York.

L’étude SHARP

L’étude randomisée et à double insu SHARP (Sorafenib HCC Assessment Randomized Protocol) avait pour objectif d’évaluer de façon continue l’efficacité et l’innocuité du sorafenib à 400 mg 2 fois par jour (f.p.j.) par rapport à un placebo. Elle regroupait 602 patients européens et nord-américains (87 % d’hommes) dont l’âge médian était de 65 à 66 ans et qui souffraient d’un CHC avancé. Environ le cinquième des patients avait subi une intervention chirurgicale et 40 % avaient reçu un traitement locorégional, mais aucun n’avait jusque-là été exposé à un traitement systémique.

On a mis fin prématurément à l’étude, explique le Dr Llovet, parce qu’une analyse partielle prévue au protocole a mis en évidence une augmentation hautement significative sur le plan statistique (44 %) du paramètre principal dans le groupe de traitement actif. En effet, la médiane de survie globale a été plus longue de 2,8 mois chez les 297 patients sous traitement actif (survie de 10,7 mois) que chez les 302 témoins sous placebo (7,9 mois). L’insu a alors été levé, de sorte que les survivants sous placebo (n=125) ont pu passer au groupe de traitement actif (n=156). Le taux de risque (hazard ratio) en faveur du traitement actif était de 0,69 (p=0,00058). La médiane de l’intervalle sans progression a presque doublé (5,5 vs 2,8 mois [p=0,000007]), ce que le Dr Llovet a qualifié de «résultat remarquable».

Le taux d’effets indésirables graves survenus pendant le traitement était comparable dans les deux groupes : 52 % dans le groupe de traitement actif vs 54 % dans le groupe placebo. Les signes de toxicité de classe 3 ou 4 les plus courants étaient, respectivement, la diarrhée (11 % vs 2 %), le syndrome palmo-plantaire (8 % vs 1 %), la fatigue (10 % vs 15 %) et les saignements (6 % vs 9 %).

«L’étude SHARP montre clairement que l’effet du sorafenib est cliniquement important, souligne le Dr Llovet. C’est une percée dans la prise en charge du CHC, car c’est le premier traitement systémique efficace pour ce cancer très agressif qui vient au troisième rang des causes de mortalité par cancer à l’échelle mondiale. Après 30 ans de recherche et une centaine d’études comparatives randomisées, cependant, l’étude SHARP a établi le sorafenib comme traitement de première intention. Par ailleurs, comme il n’existe aucun traitement qui prolonge sensiblement la survie des milliers de personnes atteintes d’un cancer du foie, nous pouvons considérer cet agent comme le nouvel étalon de référence pour le traitement systémique de première intention du CHC. Qui plus est, les données semblent indiquer qu’il est bien toléré et que ses effets indésirables peuvent être traités.»

Réorientation de la recherche future sur le CHC

Le succès que nous avons connu avec le sorafenib dans l’étude SHARP n’était qu’un point de départ, précise le Dr Llovet. Cet agent doit aussi être étudié comme traitement adjuvant, pour réduire le risque de récidive après la résection/l’ablation ou la chimio-embolisation, et en association avec d’autres agents. Il pourrait aussi servir d’agent de comparaison dans les études futures sur d’autres nouveaux agents thérapeutiques.

Le Dr Jordi Bruix, consultant principal, unité d’hépatologie, Clinique de l’Hôpital de Barcelone, Espagne, est d’accord pour dire que les résultats de l’étude SHARP auront probablement une influence sur la mise au point de nouvelles modalités de traitement du CHC. «Les stratégies de traitement changeront pour les nombreux patients souffrant d’un CHC avancé et pour qui la seule intervention possible pour l’instant se limite aux meilleurs soins de soutien. Cela est essentiel. Le sorafenib aura probablement d’énormes retombées sur les progrès et les protocoles de recherche futurs.»

L’étude SHARP a confirmé que les traitements ciblés ont maintenant un rôle important à jouer. Elle a mis en lumière la nécessité d’évaluer d’autres agents qui bloquent différentes voies de signalisation, soit en association avec le sorafenib, soit seuls. «Des études d’envergure et de longue haleine s’imposeront, mais avec le temps, le bénéfice sera substantiel pour les nombreux patients atteints d’un CHC et l’effort en vaudra la peine», poursuit-il.

Il s’agit là d’une bonne nouvelle pour les patients atteints d’un CHC avancé, ajoute le Dr Bruix, mais l’avenir devrait aussi nous réserver des traitements ciblés pour les cas moins graves. Les chercheurs examinent aussi les agents ciblés qui pourraient atténuer ou retarder la récidive après un traitement efficace par le sorafenib en première intention. «Il va de soi que c’est un domaine que nous devons approfondir et développer. Il y a beaucoup de voies de signalisation à explorer.»

Traitement d’association dans le CHC

Les résultats préliminaires d’une étude de phase II à double insu sur l’association doxorubicine/sorafenib dans le traitement du CHC avancé ont été présentés au congrès. L’étude portait sur 96 patients ayant reçu aléatoirement soit de la doxorubicine à 60 mg/m² par voie intraveineuse tous les 21 jours pendant au plus 18 semaines plus du sorafenib à 400 mg 2 f.p.j. par voie orale (n=47), soit de la doxorubicine plus un placebo (n=49). La survie globale a atteint 13,7 mois dans le groupe de traitement actif vs 6,5 mois dans le groupe placebo, alors que la survie sans progression se chiffrait respectivement à 6,9 vs 2,8 mois. Selon l’investigateur, le Dr Ghassan Abou-Alfa, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, New York, ces résultats sont «encourageants» et concordent avec ceux de l’étude SHARP.

Traitement du mélanome

Bien que les études sur le sorafenib en monothérapie dans le mélanome n’aient pas été prometteuses à ce jour, des résultats encourageants se sont dégagés d’études de phase I/II préalables sur l’association dacarbazine/sorafenib. Le Dr David McDermott, Beth Israel Deaconess Medical Center, Boston, Massachusetts, a rapporté les résultats d’une étude de phase II multicentrique et randomisée avec placebo sur cette association vs l’association dacarbazine/placebo chez 101 patients porteurs d’un mélanome de stade III ou IV inopérable qui n’avaient pas reçu de chimiothérapie cytotoxique antérieurement. Les chercheurs ont conclu que le traitement d’association actif avait été bien toléré chez ces patients souffrant d’un mélanome avancé qui n’avaient jamais reçu de chimiothérapie et que les résultats dénotaient une forte tendance vers une efficacité plus marquée de cette association par rapport à l’association dacarbazine/placebo sur les plans de la survie sans progression, de la survie sans progression à six mois et du taux de réponse globale. Ces résultats justifient une évaluation plus approfondie de ce schéma dans le cadre d’études cliniques de plus grande envergure, de conclure les chercheurs.

Méthodologie des études cliniques à revoir

Bien que l’absence d’un agent actif ne fasse plus obstacle aux progrès du traitement dans le CHC, la méthodologie traditionnelle des études cliniques – qui est mal adaptée à l’évaluation des traitements éventuels contre le CHC – pourrait néanmoins entraver les progrès. Par exemple, l’étude SHARP a soulevé une question clé qui aura d’importantes répercussions sur les études futures : quels sont les paramètres d’évaluation maintenant les plus appropriés dans les études en oncologie? Dans certains cas, la réponse de la tumeur – le paramètre principal standard – pourrait ne pas refléter l’activité d’un agent ciblé avec autant d’exactitude que l’intervalle sans progression de la tumeur. «Ce n’est plus un critère valable», estime le Dr Bruix.

Comme la plupart des patients présentent une cirrhose ou une autre maladie hépatique chronique en plus d’un cancer, explique-t-il, il est difficile d’évaluer l’effet d’un nouvel agent éventuel sur la survie. En outre, et c’est là une autre crainte, l’évaluation traditionnelle de la réponse repose sur une diminution d’au moins 50 % du volume de la tumeur, mais un effet beaucoup moins marqué pourrait être cliniquement important. De plus, la réponse réelle de la tumeur peut être camouflée par la variabilité observée entre les patients porteurs d’un CHC en raison des multiples étiologies de la maladie. Tous ces facteurs font obstacle à une meilleure compréhension des principales altérations moléculaires qui se soldent par l’apparition d’un CHC.

Au dire du Dr Bruix, les paramètres d’évaluation actuels doivent faire place à des paramètres plus réalistes comme une survie plus longue, le soulagement des symptômes et l’amélioration ou le maintien de la qualité de vie. Les protocoles d’étude devraient inclure une stratification des patients en fonction d’un score pronostique clinique, comme la classification de l’insuffisance hépatique de Child-Pugh, et de l’étiologie de la maladie, comme le virus de l’hépatite B ou C. Il serait alors plus facile de reconnaître les patients qui pourraient bénéficier d’un traitement systémique, conclut-il.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.