Comptes rendus

Prise en charge de l’hémophilie : Évaluation de la méthode RICE et du traitement substitutif par des facteurs dotés d’une demi-vie plus longue
Le récepteur des androgènes ciblé dans le cancer de la prostate résistant à la castration : un pas en avant

Le point sur la médecine familiale : anticoagulants oraux, prise en charge d’un AVC et cancer de l’ovaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 63e Cours de recyclage annuel de McGill pour les médecins de famille

Montréal, Québec / 26-28 novembre 2012

Montréal - Cette année, le cours de recyclage de McGill a porté notamment sur des stratégies de prise en charge d’affections courantes qui pourraient métamorphoser la pratique clinique. Lors d’une séance plénière, on a comparé l’utilisation du dabigatran, du rivaroxaban et de l’apixaban à celle de la warfarine dans la prévention de l’AVC. Dans un atelier connexe, il a été question de la sélection du traitement approprié pour chaque patient. Dans le cadre d’une autre séance plénière, le conférencier a présenté une nouvelle liste de contrôle post-AVC. Enfin, lors d’une troisième séance plénière, une experte a déboulonné les mythes actuels sur le dépistage du cancer de l’ovaire.

Dans le cadre d’une séance plénière sur les nouveaux anticoagulants, la Dre Vicky Tagalakis, professeure agrégée de médecine, Université McGill, a discuté de l’utilisation de ces agents pour la prévention de l’AVC chez les patients atteints de fibrillation auriculaire (FA) non valvulaire. Le dabigatran et le rivaroxaban sont déjà homologués, et l’on s’attend à ce que l’apixaban soit homologué avec cette indication dans un avenir proche. Le rivaroxaban s’administre 1 fois/jour alors que le dabigatran et l’apixaban doivent se prendre 2 fois/jour.

Prévention de l’AVC chez le patient atteint de FA

La Dre Tagalakis a présenté trois essais multicentriques publiés – chacun regroupant plus de 14 000 patients – où l’on a comparé les nouveaux anticoagulants oraux à la warfarine : RE-LY sur le dabigatran (Randomized Evaluation of Long-Term Anticoagulation Therapy) (N Engl J Med 2009;361:1139-51), ROCKET-AF sur le rivaroxaban (Rivaroxaban Once Daily Oral Direct Factor Xa Inhibitor Compared with Vitamin K Antagonism for Prevention of Stroke and Embolism Trial in Atrial Fibrillation) (N Engl J Med 2011;365:883-91) et ARISTOTLE sur l’apixaban (Apixaban for Reduction in Stroke and Other Thromboembolic Events in Atrial Fibrillation) (N Engl J Med 2011; 365:981-92). Comparativement à la warfarine, les trois agents se sont révélés supérieurs (dabigatran à 150 mg 2 fois/jour, apixaban à 5 mg 2 fois/jour) ou non inférieurs (dabigatran à 110 mg 2 fois/jour; rivaroxaban à 20 mg 1 fois/jour) pour la prévention de l’AVC, et moins d’hémorragies intracrâniennes ont été signalées. Il y a eu globalement moins de saignements sous apixaban que sous warfarine, mais les saignements digestifs étaient plus nombreux sous dabigatran que sous warfarine.

Au Canada, le dabigatran est approuvé à raison de 150 mg 2 fois/jour et de 110 mg 2 fois/jour pour la prévention des AVC et des embolies systémiques chez les patients atteints de FA non valvulaire. La dose la plus faible des deux est recommandée pour les patients de plus de 75 ans ou les patients plus à risque d’hémorragie. En 2010, the Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a approuvé le dabigatran en tant que médicament d’exception pour la prévention des AVC chez certains patients atteints de FA non valvulaire. Le dabigatran n’est pas recommandé chez les patients dont la clairance de la créatinine est inférieure à 30 mL/min. Il est impératif de surveiller la fonction rénale à intervalles réguliers chez les patients qui reçoivent ce médicament, car 80 % de la dose est excrétée par les reins (comme ce que l’on observe avec le rivaroxaban, 67 % de la dose étant excrétée par les reins). Le médecin peut prescrire la dose de 110 mg après l’âge de 75 ans ou en présence d’une clairance de la créatinine de 30 à 50 mL/min, pour autant que la fonction rénale soit surveillée étroitement. Lors de l’essai RE-LY, l’intervalle de temps dans la marge thérapeutique (ITMT) a atteint 64 % sous warfarine. Lors d’une autre étude, les patients sous warfarine qui pouvaient maintenir un ITMT plus élevé (>72,6 %) n’ont peut-être vu que peu ou pas d’avantages associés aux nouveaux anticoagulants oraux (Lancet 2010;376:975-83.)

Le rivaroxaban a été homologué pour la prévention de l’AVC aux États-Unis en octobre 2011 et au Canada le mois d’après. Comme il s’administre 1 fois/jour et qu’il est doté d’une courte demi-vie (8 à 9 heures vs 12 à 17 pour le dabigatran), le risque d’AVC est une source d’inquiétude lorsque le patient passe du rivaroxaban à un autre anticoagulant ou qu’il oublie une dose. En mai 2012, la RAMQ a homologué le rivaroxaban en tant que médicament d’exception – comme le dabigatran – à raison de 20 mg/jour pour les patients dont la clairance de la créatinine était supérieure à 50 mL/min et à 15 mg/jour pour les patients dont la clairance de la créatinine était comprise entre 30 et 50 mL/min.

Contrairement à la warfarine, les nouveaux anticoagulants oraux sont simples à administrer, n’interagissent pas avec les aliments et ne nécessitent pas de surveillance des concentrations sanguines. Les médecins doivent toutefois apprendre aux patients qu’il est essentiel de suivre le traitement à la lettre. Ces nouveaux agents ont une demi-vie plus courte que celle de la warfarine, et leur effet anticoagulant diminue rapidement s’ils ratent une dose. Le médecin doit aussi faire preuve de prudence lorsqu’il prescrit ces médicaments à des patients plus âgés qui pourraient développer une insuffisance rénale. Contrairement à la warfarine, dont l’effet peut être neutralisé par un concentré de complexe prothrombique (Octaplex), il n’y a pas d’antidote contre les nouveaux agents.

«L’anticoagulant idéal n’a pas encore été vu le jour», déclarait la Dre Tagalakis dans un atelier. À en juger par la plus récente version des recommandations de la Société canadienne de cardiologie pour la prévention de l’AVC chez le patient atteint de FA, «la plupart des patients devraient recevoir du dabigatran, du rivaroxaban ou de l’apixaban plutôt que de la warfarine» (Can J Cardiol 2012;28:125-36). Chez certains patients, par contre, la prévention de l’AVC par la warfarine est plus appropriée. Ces patients sont ceux dont l’INR est bien maîtrisé, qui souffrent d’insuffisance rénale, qui portent des valves cardiaques mécaniques, qui souffrent de dyspepsie, qui ont des antécédents d’hémorragie digestive ou qui ne suivent pas leur traitement à la lettre.

Les nouveaux anticoagulants oraux conviennent particulièrement aux situations suivantes : inefficacité du traitement par la warfarine sans raison apparente; accès limité à un laboratoire où l’on peut mesurer la coagulation; interactions médicamenteuses inévitables; antécédents d’hémorragie intracrânienne; nouveaux patients sur le point de recevoir un anticoagulant pour une FA non valvulaire. En cas de «zone grise» – âge supérieur à 75 ans et clairance de la créatinine de 30 à 49 mL/min –, la warfarine est probablement l’option la plus sûre. Dans la monographie du rivaroxaban, on trouve une mise en garde encadrée dans laquelle il est précisé que l’abandon du traitement augmente le risque d’événement thrombotique; et l’on sait à la lumière d’une méta-analyse que le risque d’infarctus du myocarde était plus élevé chez les patients sous dabigatran que chez les témoins. Il est essentiel de suivre de près les patients qui reçoivent ces nouveaux agents afin d’évaluer leur observance du traitement et la survenue de tout effet indésirable. «La fonction rénale doit être surveillée tous les 3 mois», souligne la Dre Tagalakis. Si le patient doit subir une intervention associée à un faible risque hémorragique (p. ex., exérèse d’une cataracte), il n’est pas nécessaire d’arrêter le traitement. Si le risque hémorragique est plus élevé, par contre, on doit arrêter l’administration de l’agent de 1 à 6 jours plus tôt, selon la fonction rénale du patient.

Liste de contrôle post-AVC

Dans le cadre d’une autre séance plénière, le Dr Theodore Wein, professeur adjoint de neurologie et de neurochirurgie, Université McGill, a discuté de la prise en charge à court et à long terme d’un AVC et des 11 questions que l’on devrait toujours poser à un patient qui a subi un AVC. «À mon sens, la survenue d’un accident ischémique transitoire (AIT) commande l’évaluation urgente du patient», affirme-t-il. Selon les «Recommandations canadiennes pour les pratiques optimales de soins de l’AVC», que l’on trouve sur le site http://www.strokebestpractices.ca/?lang=fr, on doit évaluer sans délai la nécessité du traitement d’un AVC chez le patient qui se présente au cabinet d’un médecin de famille moins de 1 semaine après un AIT suspecté. Un antiplaquettaire – AAS, AAS + dipyridamole ou clopidogrel – doit être prescrit en prévention secondaire. La plupart des patients à risque élevé d’événement cardiovasculaire ont besoin d’une statine. De plus, un antihypertenseur s›impose pour que la tension artérielle soit systématiquement inférieure à 140/90 mmHg. Dans les cas de sténose carotidienne >50 % symptomatique, une endartériectomie carotidienne peut être envisagée, idéalement dans un délai de 14 jours. Enfin, le patient atteint de FA chez qui survient un AIT devrait commencer à recevoir l’un des nouveaux anticoagulants oraux ou de la warfarine dès qu’un examen d’imagerie cérébrale a exclu la possibilité d›une hémorragie cérébrale ou d’un infarcissement étendu.

Lors d’un sondage mené auprès de survivants d’un AVC au Royaume-Uni, 33 % ne se sentaient pas prêts à gérer leurs problèmes à la sortie de l’hôpital (Br J Gen Pract 2003;53:137-42). Pour aider les médecins à mieux prendre en charge leurs patients ayant survécu à un AVC, un groupe international d’experts – le Global Stroke Community Advisory Panel, dont le Dr Wein fait partie – a élaboré une liste de contrôle post-AVC. Cette liste comporte 11 questions – concernant la prévention secondaire de l’AVC, les activités de la vie quotidienne, la mobilité, la spasticité, la douleur, l’incontinence, la communication, l’humeur, les fonctions cognitives, la vie après un AVC et les relations familiales – que le clinicien doit poser au patient. Un article sur cette liste de contrôle a été accepté pour publication.

Le cancer de l’ovaire revisité

Dans le cadre d’une séance plénière, la Dre Lucy Gilbert, professeure titulaire d’oncologie et d’obstétrique-gynécologie, Université McGill, s’est penchée sur la faisabilité d’un diagnostic précoce du cancer de l’ovaire, qui vient actuellement au premier rang des causes de décès par cancer gynécologique. Les taux de guérison associés à ce cancer n’ont augmenté que d’environ 2 % depuis 30 ans, précise-t-elle. Le taux de mortalité est élevé parce que 70 % de ces cancers sont détectés au stade 3 ou 4. À en juger par trois essais sur le dépistage du cancer de l’ovaire qui regroupaient environ 340 000 femmes au Japon (Int J Gynecol Cancer 2008;18:414-20), au Royaume-Uni (Lancet Oncol 2009;10:327-40) et aux États-Unis (JAMA 2011;305:2295-303), le dosage de l’antigène CA125 ou le recours à l’échographie transvaginale n’a pas permis de diagnostiquer le cancer de l’ovaire plus tôt ni d’abaisser le taux de mortalité; en fait, on a même observé un nombre élevé de faux négatifs et de faux positifs. Cela dit, l’étude DOvE (Diagnosing Ovarian Cancer Early) – réalisée par son équipe de recherche – a constaté qu’un dépistage réalisé chez des femmes qui présentaient les symptômes vagues du cancer de l’ovaire – ballonnements, distension abdominale, sensation de plénitude après un léger repas, pollakiurie et inconfort abdominal ou pelvien – permettait de détecter 10 fois plus de cancers qu’un dépistage au sein de la population générale. À en juger par la phase pilote de l’étude – dont les résultats viennent d’être publiés (Lancet Oncol 2012;13:285-91) –, les cancers de l’ovaire provenaient pour la plupart de l’extérieur des ovaires. «Tout ce que nous pensions savoir sur le cancer de l’ovaire est probablement faux – depuis sa désignation et son origine jusqu’à la classification des stades et aux tests de dépistage», poursuit la Dre Gilbert. Bref, conclut-elle : «Oubliez le dépistage, mais prêtez attention aux symptômes vagues».

Résumé

Le cours de recyclage de cette année – qui comportait 23 séances plénières et 70 ateliers – réunissait des conférenciers d’envergure qui y ont présenté des données pouvant transformer la pratique, affirme le Dr Ivan Rohan, vice-doyen, Formation continue des professionnels de la santé, et professeur adjoint, Département de médecine familiale, Université McGill. Trois séances figuraient au nombre des faits saillants du congrès : tour d’horizon fort opportun des nouveaux anticoagulants oraux; présentation d’une nouvelle liste de contrôle pour la prise en charge des victimes d’un AVC; et allocution qui est venue modifier notre vision du cancer de l’ovaire.



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