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Le point sur le vaccin anti-VPH 9-valent : la prévention monte d’un cran

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 13e Conférence annuelle Primary Care Today

Toronto, Ontario / 6-9 mai 2015

Toronto - Santé Canada a récemment homologué un nouveau vaccin 9-valent contre le virus du papillome humain (VPH). Ce vaccin – dont les 5 antigènes vaccinaux du VPH hautement oncogènes s’ajoutent aux antigènes du vaccin anti-VPH quadrivalent – est indiqué chez les jeunes filles et les femmes de 9 à 45 ans ainsi que chez les garçons et les jeunes hommes de 9 à 26 ans. Ce vaccin anti-VPH 9-valent promet de faire monter la prévention d’un cran du fait qu’il protège contre les lésions causées par ces types de VPH hautement oncogènes additionnels, notamment les cancers du col utérin et de l’anus, les dysplasies ou lésions précancéreuses, et les verrues génitales. Sur le plan clinique, cette protection supplémentaire contre les lésions découlant du VPH est fort pertinente; les professionnels de première ligne doivent l’offrir aux bons candidats et discuter de son potentiel avec chaque patient, tant de sexe masculin que de sexe féminin. Une experte en immunisation nous fait part de son point de vue à plusieurs égards.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Juste comme les professionnels de la santé de première ligne pensaient qu’ils savaient tout de la prévention des lésions causées par le virus du papillome humain (VPH), voilà que Santé Canada homologue un nouveau vaccin anti-VPH qu’ils doivent maintenant intégrer dans leur pratique.

Le nouveau vaccin anti-VPH «plus complet» cible cinq types de VPH oncogènes de risque élevé en plus des quatre antigènes ciblés par le vaccin anti-VPH quadrivalent. Ainsi, si les deux vaccins ciblent les types 6 et 11 responsables des verrues génitales (VG) ainsi que les types 16 et 18 – les deux principaux types de VPH oncogènes de risque élevé –, le nouveau vaccin 9-valent (GARDASIL® 9) cible aussi les types 31, 33, 45, 52 et 58 et offre une protection contre les cancers du col, de la vulve, du vagin et de l’anus ainsi que contre les lésions précancéreuses associées à ces cinq types de VPH additionnels. Cela dit, que représente cette protection supplémentaire qu’offre le vaccin 9-valent ou nonavalent comparativement au vaccin quadrivalent? À quoi les médecins peuvent-ils s’attendre?

«Dans l’ensemble, le nouveau vaccin devrait couvrir 10 à 20 % de cancers de plus, puisque c’est le pourcentage de cancers dont sont responsables ces sous-types plus rares», affirmait la Dre Vivien Brown, professeure adjointe de médecine familiale et communautaire, University of Toronto, lors d’une interview. La Dre Brown a parlé de prévention de l’infection à VPH lors d’un symposium qui a eu lieu avant la conférence «pri-med», auparavant intitulée Primary Care Today. Cette protection additionnelle de 10 à 20 % représente un nombre impressionnant de cas comparativement au vaccin quadrivalent.

Par exemple, le vaccin plus complet devrait prévenir de 90 à 95 % de tous les cancers du col de l’utérus comparativement à 70 à 75 % pour le vaccin quadrivalent. On s’attend aussi à ce qu’il prévienne 75 à 80 % de toutes les dysplasies cervicales (CIN) de grade 2 et 3 et 50 à 60 % de toutes les CIN de grade 1 comparativement à environ 50 % et 30 à 35 %, respectivement, pour le vaccin quadrivalent. Les cinq antigènes hautement oncogènes additionnels devraient aussi prévenir plus de 70 % des cancers du vagin, plus de 75 % des dysplasies vaginales (VaIN) de grade 3, 65 % des cancers de la vulve et plus de 91 % des dysplasies vulvaires (VIN) de grade 3.

«Ce vaccin est hautement efficace, fait valoir la Dre Brown. Les statistiques sont solides, et le vaccin donne lieu à une excellente réponse [immunitaire]»; cette affirmation vaut autant pour les hommes que pour les femmes, ajoute-t-elle. De plus, la protection contre l’infection à VPH semble durable. Dix années se sont écoulées depuis que les jeunes filles de la cohorte initiale ont reçu le vaccin quadrivalent, et la protection ne montre encore aucun signe d’essoufflement, enchaîne la Dre Brown. De même, aucune des agences de réglementation surveillant l’innocuité des vaccins n’a signalé de problèmes d’innocuité liés au vaccin quadrivalent ou au vaccin nonavalent.

«Qu’il s’agisse de l’Organisation mondiale de la Santé, de la Food and Drug Administration aux États-Unis ou des agences européennes, aucune de celles qui ont analysé le risque d’effets indésirables associés au vaccin quadrivalent n’a fait état d’un risque à long terme significatif parmi les plus de 40 000 millions de doses du vaccin administrées à l’échelle de la planète», insiste la Dre Brown.

Diminution des lésions causées par le VPH

«Nous pouvons aussi affirmer avec assurance que le vaccin réduit le risque de lésions associées au VPH», poursuit la Dre Brown. La baisse remarquable de l’incidence des VG observée en Australie en témoigne avec éloquence. En 2007, l’Australie a lancé une campagne nationale de vaccination contre le VPH, et la couverture a atteint plus de 85 % des jeunes femmes. Cinq ans plus tard, les Australiens font état d’une diminution de plus de 72 % des VG chez les femmes de 21 à 30 ans et d’une diminution de plus de 92 % des VG chez les jeunes femmes de moins de 21 ans, comparativement à la période qui a précédé la vaccination.

Pendant la même période de 5 ans, l’incidence des VG a aussi diminué chez les hommes hétérosexuels, mais il n’y a eu aucun effet sur l’incidence des VG chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes (HARSAH) ou chez les hommes bisexuels.

«Si nous axons nos efforts sur la prévention, nous n’avons pas à dépenser pour le traitement de ces lésions. Les Australiens prêchent par l’exemple», conclut la Dre Brown.

Modalités d’utilisation du vaccin 9-valent

Les modalités d’utilisation du vaccin anti-VPH 9-valent soulèvent encore des doutes. Pour l’instant, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) n’a encore formulé aucune recommandation concernant son utilisation chez la femme ou chez l’homme. Lorsque les recommandations du CCNI seront publiées, les médecins devront les appliquer. D’ici là, de l’avis de la Dre Brown, le médecin devrait opter pour le vaccin 9-valent chez le (la) patient(e) qui n’a encore jamais été vacciné(e) contre le VPH, car il offre une protection significativement plus marquée contre le fardeau des lésions liées au VPH.

Si le (la) patient(e) a déjà reçu une ou deux doses du vaccin quadrivalent, la Dre Brown préconise personnellement de terminer le schéma posologique avec le vaccin 9-valent, Aucune recommandation n’a toutefois encore été publiée concernant l’utilisation du vaccin 9-valent chez les patients n’ayant pas reçu les trois doses du vaccin quadrivalent. Parmi les patients pour lesquels nous n’avons aucune donnée figurent les patients qui ont reçu les trois doses du vaccin quadrivalent. La Dre Brown estime pour sa part que le bénéfice associé au vaccin 9-valent est «amplement suffisant» pour que les médecins offrent le vaccin 9-valent aux patients qui ont déjà reçu les trois doses du vaccin quadrivalent.

«L’administration du vaccin 9-valent après celle du vaccin quadrivalent n’est pas risquée», ajoute-t-elle. Il est précisé dans la monographie qu’il est sûr d’administrer trois doses du vaccin 9-valent après les trois doses du vaccin quadrivalent. Si un(e) patient(e) a déjà été exposé(e) à un type de VPH, aucun des deux vaccins ne le (la) protégera contre ce type de VPH en particulier – mais il contribuera à le (la) protéger contre les autres types de VPH. En outre, même les femmes qui ont développé des lésions liées au VPH cliniquement significatives ont intérêt à recevoir le vaccin anti-VPH après avoir été traitées.

Cela s’est vérifié dans un certain nombre de cohortes, mais dans une cohorte en particulier composée de femmes qui avaient été vaccinées après une excision électrochirurgicale à l’anse pour des CIN de grade 2 et 3 (Gynecol Oncol. 2013;130:264-8), le risque de récidive était près de 3 fois plus élevé chez celles qui n’avaient pas reçu le vaccin quadrivalent (7,2 %) comparativement à celles qui avaient été vaccinées (2,5 %) (p<0,01). Au sein d’une autre cohorte de patientes déjà traitées pour des lésions cervicales, le vaccin quadrivalent a été associé à une diminution de 79 % de l’incidence des nouvelles lésions causées par les types 6, 11, 16 ou 18 du VPH (Joura et al. Annual International Papillomavirus Conference and Clinical Workshops. 2010).

«Il n’est jamais trop tard pour administrer le vaccin», affirme la Dre Brown. Au Canada, l’incidence des infections à VPH est parmi les plus élevées chez les jeunes de moins de 20 ans, mais elle atteint un autre pic chez les plus de 60 ans. En l’absence de recommandations canadiennes, les professionnels de la santé de première ligne doivent discuter des avantages du nouveau vaccin avec chaque patient(e), et le (la) laisser déterminer ce qui lui convient le mieux.

Dernier point important : le paiement du vaccin administré hors du milieu scolaire. «Si le vaccin était si important, l’État le rembourserait, non?», se disent certains patients. Ce à quoi la Dre Brown répond simplement : «Lorsque vous sortez de l’hôpital avec un nouveau-né, vous ne pouvez pas quitter sans avoir un siège d’auto, mais personne ne vous en remet un : vous devez l’avoir acheté vous-même. Il y a beaucoup de mesures de protection recommandées qui ne sont pas remboursées par l’État, dit-elle. Si nous éliminons le VPH, nous préviendrons des cancers, et j’estime personnellement que c’est un grand pas en avant de pouvoir prévenir non seulement les lésions associées au VPH, mais les cancers qui en découlent. Je pense aussi que les femmes et les hommes qui optent pour la vaccination afin de se protéger et de protéger leur partenaire montrent par leur geste qu’ils agissent de façon très responsable. C’est ce qui compte, somme toute.»   

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