Comptes rendus

Essai ATAC : analyse à 10 ans
Antagonistes de la GnRH et cancer de la prostate : la suppression androgénique évolue

Le point sur l’optimisation des traitements ciblés dans la maîtrise à long terme des GIST

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

MEDICAL FRONTIERS - 46e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Chicago, Illinois / June 4-8, 2010

Les nouvelles données contribuent à l’évolution rapide de la définition du traitement optimal d’une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST). L’étude de phase III qui a conféré à l’imatinib – inhibiteur micromoléculaire devenu le traitement de référence d’une GIST non résécable ou métastatique – l’indication du traitement adjuvant continue de générer des données sur ce traitement. Lors de cette étude, intitulée ACOSOG Z9001, l’imatinib a amélioré la survie sans récidive (SSR) lorsqu’il était administré après la résection d’une GIST primitive KIT-positive localisée. De nouvelles données de cette étude ont révélé que l’imatinib était hautement efficace par rapport au placebo, en particulier contre les GIST avec mutations du gène KIT dans l’exon 11 et du gène codant pour le récepteur alpha du facteur de croissance d’origine plaquettaire (PDGFRA). Il semble aussi qu’il ait modifié le risque accru de récidive associé à l’index mitotique, à la taille et à la localisation de la tumeur.

Pronostic après la résection chirurgicale

«Plusieurs caractéristiques pathologiques et mutations ont une valeur pronostique et permettent de prédire la SSR après la résection chirurgicale d’une GIST primitive. Il pourrait donc être utile de les connaître pour prendre des décisions quant à la séquence des traitements», souligne le Dr Christopher Corless, chef de la pathologie chirurgicale, Oregon Health & Science University, Portland. L’effet de l’imatinib sur l’index mitotique et la taille de la tumeur n’a rien d’étonnant si l’on en juge par les données antérieures. En effet, l’imatinib a systématiquement modifié l’influence de ces facteurs et s’est révélé plus efficace qu’un placebo en présence des mutations les plus fréquentes, souligne le Dr Corless. Ainsi, en présence de mutations dans l’exon 11, qui étaient les plus fréquentes (68 % des cas), le taux de SSR à deux ans se chiffrait à 91 % sous imatinib vs 65 % sous placebo (p<0,001).

«Ces données – qui proviennent de la plus vaste cohorte de patients atteints d’une GIST recevant un traitement adjuvant quelconque – confirment que l’imatinib retarde significativement la progression de toutes les GIST et en particulier de plusieurs types de GIST stratifiés par mutation», poursuit le Dr Corless. Dans le cas des GIST avec mutations du PDGFRA, on a aussi enregistré un taux plus élevé de SSR à deux ans dans le groupe imatinib que dans le groupe placebo (100 % vs 76 %; p<0,01). Dans le cas des GIST ayant un génotype de type sauvage, l’avantage de l’imatinib par rapport au placebo n’était pas significatif. Si un effet protecteur a été associé à la présence d’une mutation dans l’exon 9 lors du suivi initial de la population entière, l’avantage relatif n’a pas pu être évalué lors de la dernière analyse, car l’effectif de ce sous-groupe (n=35) était trop petit (Figure 1).


L’analyse plus récente et plus détaillée de l’étude Z9001 – qui avait pour objectif d’analyser les facteurs pronostiques à plus long terme – portait sur 513 des 713 patients inclus dans l’analyse initiale (DeMatteo et al. Lancet 2009;373:1097-104). Ce groupe de 513 patients était divisé assez également entre l’imatinib (n=252) et le placebo (n=261), même lorsque les sujets étaient stratifiés en fonction de la taille de la tumeur et de l’index mitotique. La taille de la tumeur était <5 cm (et >3 cm, qui était un critère d’admissibilité) chez 40,7 % des sujets, 5 à 10 cm chez 33,5 % des sujets, et >10 cm chez 25,7 % des sujets. Lorsque les sujets étaient stratifiés en fonction de l’index mitotique, le seuil étant 5 mitoses pour 50 champs à fort grossissement (CFG), l’index mitotique était faible chez 61 % des sujets et élevé chez 39 % des sujets.

Prévention de la récidive

Selon l’analyse multivariée qui visait à évaluer séparément les facteurs pronostiques dans les deux groupes, un index mitotique élevé était le prédicteur le plus important de la récidive. Dans le groupe placebo, un index mitotique élevé était associé à un risque relatif (HR) de récidive de 17,1 (p<0,0001); venaient ensuite la localisation dans l’intestin grêle (HR de 2,1 vs l’estomac; p<0,05), la taille de la tumeur (HR de 1,7 pour les tumeurs de >5 cm vs <5 cm; p<0,01), et la localisation dans le rectum (HR de 1,3 vs l’estomac; p<0,05).

La même analyse multivariée a révélé que les facteurs pronostiques étaient similaires dans le groupe imatinib. En effet, le prédicteur le plus important de la récidive, quoique moins important que dans le groupe placebo, était un index mitotique >5 pour 50 CFG vs <5 pour 50 CFG (HR de 7,4; p<0,001); venaient ensuite la localisation dans le rectum (HR de 5,4 vs l’estomac; p<0,05), la localisation dans l’intestin grêle (HR de 3,1 vs l’estomac; p<0,05), et la taille de la tumeur (HR de 2,9 pour les tumeurs de >5 cm vs <5 cm; p<0,01).

L’index mitotique était corrélé avec la taille de la tumeur, mais pas avec la localisation de la tumeur, fait remarquer le Dr Corless, ajoutant que le seuil de 5 mitoses pour 50 CFG semble demeurer valable malgré le fait que les microscopes actuels assurent un champ visuel au moins deux fois plus large que les microscopes qui existaient lorsque ce seuil a été établi (11,87 vs 5,3 mm2). Lorsque les chercheurs ont combiné l’index mitotique calculé à l’aide d’un microscope moderne avec la taille et la localisation de la tumeur pour déterminer si la GIST était associée à un risque faible, modéré ou élevé de récidive, ils ont observé une forte corrélation avec le risque de récidive. Après un suivi d’une durée médiane de 19,7 mois, une récidive était survenue chez 2 % des sujets du groupe à faible risque, 24 % des sujets du groupe à risque modéré et 59 % des sujets du groupe à risque élevé.

Si ces nouvelles données renforcent et amplifient les bénéfices importants d’un traitement adjuvant par l’imatinib pour la prévention la récidive de tumeurs localisées réséquées, de nouvelles analyses d’une autre vaste base de données sur les GIST semblent indiquer que les résultats de l’étude de phase III sont déjà en grande partie intégrés dans la pratique clinique. Ainsi, une étude coopérative en cours intitulée reGISTry – à laquelle sont déjà inscrits 1053 patients suivis dans une centaine de centres – a révélé que près de 90 % des patients dont la tumeur a été réséquée reçoivent de l’imatinib en adjuvant. Comme dans l’étude de phase III, la dose initiale d’imatinib est le plus souvent de 400 mg et la durée du traitement, généralement de 12 mois; cela dit, les auteurs ont constaté que la durée du traitement ne semblait pas corrélée étroitement avec la taille, la localisation et l’index mitotique de la tumeur. En fait, les critères d’admissibilité de la base de données diffèrent légèrement de ceux de l’étude de phase III.

«La taille, l’index mitotique et la localisation de la tumeur semblent tous jouer un rôle important quand il est question de sélectionner les patients qui peuvent recevoir le traitement et de prédire l’issue, mais ces facteurs ne sont pas tous mesurés chez tous les patients ni ne semblent influer systématiquement sur la prise de décisions», affirme le Dr Jonathan C. Trent, Service d’oncologie médicale – sarcomes, M.D. Anderson Cancer Center, Houston, Texas. Par exemple, précise-t-il, certains patients ont reçu de l’imatinib en adjuvant sans que l’index mitotique ait d’abord été déterminé, mais «cela pourrait s’expliquer par des facteurs prépondérants comme la localisation ou la taille de la tumeur».

Résultats de registres internationaux

Bien que la base de données reGISTry soit considérée comme un moyen de recueillir des données sur le traitement des GIST, le Dr Trent estime qu’elle pourrait aussi servir de mécanisme pour la dissémination d’information aux cliniciens sur le rôle de l’évaluation du risque dans l’élaboration d’une stratégie de traitement. En fait, une autre analyse des données de reGISTry qui avait pour objectif d’évaluer les posologies inhabituelles a confirmé l’existence d’écarts importants par rapport à la médecine factuelle. Ces posologies inhabituelles, le plus souvent des doses inférieures à 400 mg/jour, étaient particulièrement fréquentes en milieu communautaire, par rapport au milieu universitaire. Les auteurs de cette étude, sous la direction du Dr Peter W. T. Pisters, Service d’oncologie chirurgicale, M.D. Anderson Cancer Center, ont dit craindre un risque de creux plasmatiques sous-optimaux.

«Le maintien de doses optimales d’imatinib pourrait améliorer les résultats cliniques à long terme, car des creux plasmatiques d’imatinib <1100 ng/mL (C<sub>min</sub>) sont associés à une diminution de l’intervalle sans progression et du bénéfice clinique», explique le Dr Pisters. Ce dernier fait d’ailleurs remarquer qu’à en juger par les données de reGISTry, un nombre substantiel de patients dont la GIST a progressé pendant qu’ils recevaient 400 mg d’imatinib ou qui étaient porteurs d’une mutation confirmée dans l’exon 9 ne reçoivent pas la dose de 800 mg, dont l’effet bénéfique a été confirmé par plusieurs études.

Un registre connexe intitulé GOLD (Global Observational registry collecting Longitudinal Data on patients with advanced GIST) a soulevé des craintes très semblables concernant l’adhésion aux recommandations pour la prise en charge des GIST métastatiques. Alors que la base de données reGISTry regroupe principalement des patients traités pour une GIST dans des établissements communautaires et universitaires aux États-Unis, le registre GOLD regroupe des patients souffrant d’une GIST localement avancée, métastatique ou récidivante qui sont traités à l’extérieur des États-Unis. L’analyse la plus récente portait sur 1065 patients suivis dans 156 établissements de 34 pays (Canada, Europe de l’Ouest et de l’Est, Asie, Amérique latine et Moyen-Orient).

Les patients n’ont pas tous été soumis à une analyse mutationnelle au moment du diagnostic, et il semble qu’un traitement médicamenteux approprié n’ait pas été offert à tous les patients admissibles, affirme le Dr Matias Chacon, Service d’oncologie médicale, Instituto Alexander Fleming, Buenos Aires, Argentine. En fait, 309 patients (29 %) ont plutôt subi une intervention chirurgicale – résection complète ou partielle de la tumeur primitive ou d’une métastase – malgré une faible probabilité de bénéfice durable. En outre, un grand nombre de patients opérés n’ont pas reçu le traitement médicamenteux de référence actuel, dont l’intérêt a été confirmé par des essais cliniques.

Plaidoyer pour un traitement continu

Dans les GIST avancées et métastatiques, le traitement de référence fondé sur des preuves est l’imatinib à 400 mg, bien qu’une dose de 800 mg soit indiquée en présence d’une mutation dans l’exon 9. Ce traitement n’est pas curatif, mais la réponse est souvent durable, au point où certains patients peuvent maintenir pendant une période indéfinie une qualité de vie acceptable sans symptôme de la maladie. Cela dit, de nouvelles données à long terme sont venues renforcer des données antérieures selon lesquelles le traitement par l’imatinib ne devrait jamais être arrêté chez un répondeur. Lors d’un essai de phase III prospectif avec randomisation intitulé BFR 14 dont l’objectif était de comparer l’interruption et la poursuite du traitement par l’imatinib après cinq ans chez des patients dont le cancer n’avait pas récidivé, le taux de récidive chez les 13 patients qui avaient interrompu leur traitement a atteint plus de 50 % (sept patients) alors qu’aucune récidive n’a été signalée chez les 12 patients qui l’ont poursuivi (p=0,0317).

«Chez les patients qui répondent toujours à l’imatinib, le traitement doit se poursuivre sans interruption. Bien que la maladie ait été maîtrisée pendant cinq ans, le taux de progression était nettement plus élevé lorsque le traitement était arrêté», souligne la Dre Isabelle Ray-Coquard, Service d’oncologie médicale, Centre Léon-Bérard, Lyon, France. Ces résultats très récents confirment et amplifient ceux des études comparatives antérieures sur l’interruption et la poursuite du traitement chez des patients qui n’avaient pas récidivé après un et trois ans
matinib (Figure 2).

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Reprendre le dessus sur la maladie

Lorsque la maladie progresse pendant le traitement à la dose usuelle de 400 mg une fois par jour, le passage à la dose de 800 mg/jour d’imatinib permet souvent de maîtriser la maladie à nouveau. Pour les patients dont la maladie progresse malgré le traitement à forte dose, on évalue actuellement d’autres agents ciblés en deuxième et en troisième intention, notamment le nilotinib et le sunitinib, qui s’apparentent à l’imatinib mais qui ciblent d’autres voies moléculaires. De plus en plus d’études montrent que ces agents permettent de reprendre le dessus sur la maladie après l’échec d’un traitement ciblé. Par exemple, lors d’une étude de phase II sur le nilotinib réalisée chez 35 patients dont la tumeur était devenue résistante à l’imatinib et au sunitinib, ou qui ne toléraient plus ces agents, la maladie était de nouveau maîtrisée chez 28,6 % des sujets au terme de l’étude de 24 semaines, et la médiane de survie sans progression était de 113 jours. Il s’agit là d’un résultat particulièrement encourageant pour ces patients qui ont de moins en moins d’options, d’autant plus que le nilotinib a été bien toléré.

«Environ 25 % des patients ont eu des nausées et des vomissements, tous grades confondus, mais les événements de grade 3 ou 4 ont été peu fréquents, et aucun patient n’a manifesté de signe d’hématotoxicité de grade 3 ou 4», souligne le Dr Toshiru Nishida, Département de chirurgie, École de médecine de l’Université d’Osaka, Japon.

Les résultats préliminaires d’une étude de phase III beaucoup plus vaste – ENEST g3 – sont similaires. Cette étude regroupait 248 patients porteurs d’une GIST métastatique avancée chez qui le traitement par l’imatinib ou le sunitinib avait échoué. Les patients ont reçu en mode ouvert, selon un ratio 2:1, 400 mg de nilotinib deux fois par jour ou un autre plan de traitement déterminé par le médecin traitant. La plupart des sujets ont reçu les meilleurs soins de soutien possible couplés à un traitement par l’imatinib ou le sunitinib, mais un certain pourcentage de patients n’a reçu que les meilleurs soins de soutien possible. Parmi les 197 patients ayant reçu un «véritable» schéma de troisième intention parce que l’imatinib et le sunitinib avaient échoué tous les deux, la médiane de survie globale a atteint 405 jours
280 jours (p=0,03) pour l’autre plan de traitement (Figure 3).

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«Compte tenu de l’avantage de près de quatre mois chez les patients ayant reçu un véritable traitement de troisième intention, il apparaît justifié de pousser l’étude de l’activité du nilotinib chez des porteurs d’une GIST bien définis», affirme l’auteur principal, le Dr Peter Reichardt, chef, Service d’hématooncologie, HELIOS Klinikum Bad Saarow, Allemagne.

Le Dr Reichardt est toutefois de ceux qui estiment que d’autres études s’imposent pour que l’on puisse évaluer l’individualisation du traitement, y compris des agents administrés d’emblée comme le nilotinib et le sunitinib chez des patients porteurs d’une GIST avancée dont le statut mutationnel n’annonce pas une bonne réponse à l’imatinib. Plusieurs études déjà en cours ou prévues auront pour objectif d’améliorer le choix d’un traitement rationnel. Il est donc à prévoir que la prise en charge des GIST continuera d’évoluer, tant au début qu’à la fin du processus morbide.

Résumé

La réduction considérable du risque de récidive après la résection d’une GIST primitive grâce au traitement adjuvant par l’imatinib est le plus important de tous les progrès que nous ayons accomplis au chapitre de l’utilisation des agents ciblés dans cette maladie. Dans les GIST avancées, l’imatinib demeure le traitement de référence, mais la collecte d’autres données sur la réponse relative en présence de mutations pourrait modifier la séquence des stratégies de deuxième et de troisième intention, voire modifier le traitement ciblé en première intention en présence de certaines mutations. Toujours au chapitre des GIST avancées, nous avons maintenant de solides données montrant que le traitement par l’imatinib doit se poursuivre indéfiniment. Peut-être cette stratégie sera-t-elle explorée également pour le traitement adjuvant d’une GIST à risque modéré ou élevé de récidive.

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