Comptes rendus

Vaccins clés pour la prévention des maladies chez l’adulte
Volume prostatique et taux de PSA, deux prédicteurs de la progression de la maladie et de la réponse au traitement en présence de SBAU et d’HBP

Le rôle de mTOR dans le développement et le traitement de divers cancers

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

44e Assemblée annuelle de l’ American Society of Clinical Oncology(ASCO)

Chicago, Illinois / 30 mai - 3 juin 2008

commentaire éditorial :

Mary MacKenzie, MD, FRCPC Division d’oncologie médicale, London Health Sciences Centre, Professeure adjointe de médecine, University of Western Ontario, London, Ontario

L’activation de la voie de signalisation PI3/akt/mTOR ( mammalian target of rapamycin) – qui caractérise la majorité des cancers – contribue à la dérégulation de la prolifération, à la résistance à l’apoptose et aux anomalies métaboliques caractéristiques des cellules transformées. Après avoir étudié les voies où intervient mTOR, des chercheurs en sont venus à la conclusion que l’inhibition de mTOR pourrait être une nouvelle option prometteuse dans le traitement du cancer.

Les études ayant révélé qu‘un inhibiteur de mTOR en monothérapie ou en concomitance avec d’autres traitements ciblés exerce une activité considérable contre un certain nombre de cancers solides et d’hémopathies malignes avancés, récidivants ou métastatiques ont suscité beaucoup d’intérêt au congrès de l’ASCO de cette année.

Après lÊéchec du traitement de première intention du cancer du rein métastatique

À l’heure actuelle, le sunitinib et le sorafenib, deux inhibiteurs oraux de l’activité tyrosine kinase du récepteur du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (ITK VEGF) qui possèdent une action anti-angiogénique, sont souvent utilisés dans le traitement du cancer du rein métastatique. Le cancer finit toutefois par progresser chez la quasi-totalité des patients, et il n’y a actuellement aucun traitement de référence après l’échec du traitement de première intention par le sunitinib ou le sorafenib.

Dans le cadre d’une étude réalisée par le Dr Robert J. Motzer, Memorial-Sloan Kettering Cancer Center, New York, et ses collaborateurs, 272 patients atteints d’un cancer du rein métastatique – qui avait déjà été traité assez lourdement et qui avait progressé malgré un traitement par le sunitinib ou le sorafenib, ou les deux – ont reçu un inhibiteur de mTOR, l’évérolimus à 10 mg une fois par jour, jusqu’à la progression du cancer ou la survenue d’une toxicité inacceptable. Le paramètre principal de l’étude était la survie sans progression (SSP), laquelle était déterminée par un comité d’examen central indépendant. Pour des raisons humanitaires, les patients (n=138) randomisés dans le groupe placebo étaient autorisés à recevoir le traitement actif lorsque leur cancer progressait.

Les résultats ont objectivé une médiane de SSP de quatre mois dans le groupe inhibiteur de mTOR, comparativement à seulement 1,9 mois dans le groupe placebo, ce qui revient à une réduction de 70 % du risque de progression ou de décès (p<0,001). Après six mois, le cancer n’avait toujours pas progressé chez 26 % des patients sous traitement actif vs 2 % des patients sous placebo. L’évérolimus a été bénéfique dans tous les sous-groupes, peu importe leur risque; le traitement a été bien toléré dans la plupart des cas et n’a entraîné aucune détérioration de la qualité de vie par rapport au placebo.

Au chapitre de la toxicité, les chercheurs ont signalé une stomatite de classe 3 ou 4 (3 %) ainsi qu’une asthénie/fatigue (3 %), une pneumonite (3 %) et des infections (3 %), mais l’innocuité du traitement actif et les résultats subjectifs rapportés par les patients sous traitement actif ont été jugés comme acceptables. Les chercheurs en ont conclu que l’évérolimus est le premier et le seul agent à se traduire par un bénéfice clinique dans le traitement d’un cancer du rein qui progresse sous ITK VEGF et qu’il devrait donc devenir la norme dans ce contexte.

Les résultats d’un deuxième essai de phase II de plus petite envergure ont confirmé que l’inhibition de mTOR est une stratégie active et bien tolérée dans le traitement d’un cancer du rein métastatique après l’échec d’un traitement par ITK VEGF. En effet, dans un groupe de 26 patients souffrant d’un cancer du rein qui ont également reçu de l’évérolimus après l’échec du traitement par le sunitinib ou le sorafenib, le cancer s’est stabilisé pendant plus de trois mois chez près de 85 % des sujets du groupe, rapportent le Dr Jaroslaw Jac, Methodist Hospital, Houston, Texas, et son équipe. La médiane de SSP a été de 6,5 mois, alors que la médiane de survie globale (SG) a été de 16,3 mois.

D’autres données d’un vaste essai de phase III randomisé sur l’inhibiteur de mTOR, temsirolimus (vsun interféron vs le traitement d’association) – dont les résultats ont déjà été publiés – dans le traitement du cancer du rein métastatique de mauvais pronostic ont été présentées au congrès l’ASCO de 2008. En effet, une analyse secondaire de l’essai ARCC ( Advanced Renal Cell Carcinoma) a révélé que la néphrectomie ne semblait pas modifier la réponse au temsirolimus, la réponse des patients non néphrectomisés ayant été la même que celle de l’ensemble des patients, soulignent le Dr Theodore Logan, Indiana University Cancer Center, Indianapolis, et ses collaborateurs.

Lymphome du manteau récidivant ou réfractaire Il n’existe actuellement aucun traitement de référence accepté pour un lymphome du manteau récidivant ou réfractaire. Des études antérieures ayant objectivé l’activité antitumorale de l’inhibiteur de mTOR, le temsirolimus, dans ce contexte, le Dr Georg Hess, Université Johannes Gutenberg, Mayence, Allemagne, et ses collègues ont comparé deux schémas hebdomadaires différents à base de temsirolimus avec une monothérapie choisie par l’investigateur (MCI), généralement la gemcitabine ou la fludarabine.

Le traitement initial – 175 mg de temsirolimus par semaine pendant trois semaines – était suivi d’un traitement d’entretien administré à raison de 75 mg ou de 25 mg par semaine jusqu’à ce qu’il y ait progression. Les patients avaient déjà reçu de deux à sept traitements, dont une greffe de cellules souches, et le cancer était mesurable dans tous les cas. Au départ, le cancer était de stade IV chez environ la moitié des sujets du groupe temsirolimus vs44 % des sujets du groupe MCI. Chez les patients qui ont continué de recevoir le traitement fortement dosé (75 mg), les chercheurs ont noté un taux de réponse de 22 % (une réponse complète [RC] et 11 réponses partielles [RP]), par comparaison à un taux de rémission de 6 % dans le groupe 25 mg (RP dans tous les cas). La durée médiane de la réponse était de 7,1 mois dans le groupe 75 mg vs3,6 mois dans le groupe 25 mg.

Une seule RC a été enregistrée dans le groupe MCI, et ce patient avait reçu de la gemcitabine (p=0,0019 dans le groupe 75 mg vsle groupe MCI) (la durée de la réponse n’a pas encore été déterminée pour le groupe MCI). La médiane de SSP a été de 4,8, 3,4 et 1,9 mois dans les groupes 75 mg, 25 mg et MCI, respectivement (p=0,0009 pour le groupe 75 mg vsle groupe MCI). La médiane de SG a atteint 13,6 mois dans le groupe temsirolimus à 75 mg, 10 mois dans le groupe temsirolimus à 25 mg et 9,7 mois dans le groupe MCI, mais cet écart n’a pas atteint le seuil de signification statistique. La thrombopénie de classe 3 ou 4 a été la manifestation d‘hématotoxicité la plus courante (63 % des sujets du groupe 75 mg et 52 % des sujets du groupe 25 mg), tandis que l’asthénie de classe 3 ou 4 a été la manifestation de toxicité non hématologique la plus courante (13 % dans le groupe 75 mg et 19 % dans le groupe 25 mg). Dans l’ensemble, la toxicité du temsirolimus était bénigne et pouvait être traitée, contrairement à la toxicité de la MCI.

Les chercheurs en ont conclu que le temsirolimus représente une option intéressante dans le traitement du lymphome du manteau récidivant ou réfractaire, et qu’il serait certes très justifié de poursuivre l’évaluation de son activité à un stade moins avancé de la maladie.

De l’avis de la Dre Sonali Smith, University of Chicago, Illinois, et de ses collaborateurs, il ne fait aucun doute que les inhibiteurs de mTOR sont actifs dans d’autres types de lymphomes, notamment le lymphome folliculaire (LF). Dans le cadre d’une étude de phase II, le temsirolimus a été administré une fois par semaine en perfusion intraveineuse (i.v.) (25 mg, sur 30 minutes) à des patients ayant reçu un diagnostic de lymphome diffus à grandes cellules (LDGC), de LF transformé ou indolent, ou de leucémie lymphoïde chronique (LLC). Les chercheurs ont noté un taux de réponse globale de 49 % dans les cohortes de patients atteints d’un LDGC ou d’un LF, dont 20 % étaient des RC. Le traitement n’a toutefois exercé aucune activité dans le sous-groupe LLC.

La réponse a été de courte durée dans le sous-groupe LDGC (seulement 2,5 mois) comparativement à celle du sous-groupe LF (9,3 mois), ce qui donne à penser que le temsirolimus est actif contre divers types de lymphomes, et non seulement contre les lymphomes du manteau.

Exploration de lÊinhibition de mTOR dans dÊautres cancers avancés

Comme mTOR régule la synthèse protéique et, en définitive, la croissance cellulaire, la prolifération cellulaire et l’angiogenèse, l’activation anormale de mTOR pourrait jouer un rôle dans de nombreux cancers. Les données préliminaires de deux études distinctes ont objectivé la légère activité d’un traitement par un inhibiteur de mTOR dans le cancer avancé de l’endomètre réfractaire à la chimiothérapie de référence.

Dans le cadre d’une étude de l’Institut national du cancer du Canada (INCC) dirigée par le Dr Amit Oza, professeur titulaire de médecine, University of Toronto, Ontario, 27 patientes atteintes d’un cancer de l’endomètre récidivant ou métastatique ont reçu 25 mg de temsirolimus par semaine. Près de la moitié des sujets du groupe ont reçu plus de 90 % de la dose planifiée. Aucune RC n’a été observée, mais deux patientes (7 %) sont parvenues à une RP, et le cancer s’est stabilisé chez 12 autres (44 %). Les manifestations de toxicité auxquelles on s’attendait ont été signalées : fatigue, mucosite et pneumonite. Les résultats ont révélé que le temsirolimus avait exercé une légère activité chez les femmes souffrant d’un cancer de l’endomètre récidivant ou métastatique déjà traité, et que la majeure partie de cette activité s’était manifestée par une stabilisation du cancer.

Le Dr Brian Slomovitz, Weill Medical College of Cornell University, New York, et ses collaborateurs sont arrivés à des conclusions similaires après avoir administré de l’évérolimus à raison de 10 mg une fois par jour à 35 patientes souffrant d’un cancer de l’endomètre récidivant/métastatique. Après une moyenne de 4,6 cycles, ils ont observé un bénéfice clinique chez 43 % des patientes (12 patientes), mais quatre patientes ont été retirées de l’étude parce que leur cancer avait progressé. Le traitement a été bien toléré, puisque la fatigue et les nausées étaient les manifestations de classe 3 les plus courantes et que seules des stomatites/mucosites de classe 1 ou 2 ont été signalées.

D’autres chercheurs ont présenté au congrès 2008 de l’ASCO une étude sur l’association d’un inhibiteur de mTOR et d’un autre agent ciblé dans le traitement du cancer du poumon non à petites cellules (CPNPC) avancé et réfractaire. En tout, 92 patients souffrant d’un CPNPC avancé y ont participé; 72 patients ont reçu la dose quotidienne complète d’erlotinib et la dose quotidienne complète d’évérolimus, tandis que les 20 autres ont reçu un schéma hebdomadaire à base des mêmes agents (50 mg d’évérolimus plus 150 mg d’erlotinib une fois par jour). Chez les patients qui ont été traités au quotidien, on a enregistré une RC, 10 RP et 34 stabilisations du cancer, précisent la Dre Vassiliki Papadimitrakopoulou, M.D. Anderson Cancer Center, Houston, et ses collaborateurs. Le schéma quotidien a été considéré comme assez prometteur pour être soumis à une étude de phase II.

Enfin, le Dr John Hainsworth, Sarah Cannon Cancer Center, Nashville, Tennessee, et son équipe ont évalué l’association du bévacizumab (inhibiteur du VEGF injectable par voie i.v.) et de l’évérolimus chez des patients souffrant d’un cancer du rein à cellules claires de stade avancé. La moitié des 59 patients recevant ce traitement d’association avaient déjà reçu un ITK VEGF. Aucune RC n’a été rapportée, que les patients aient déjà été traités ou non; par contre, les chercheurs ont rapporté une RP chez 23 % et 17 % des patients jamais traités et traités, respectivement, et une stabilisation du cancer chez 53 % et 59 % des patients jamais traités et traités, respectivement. L’association bévacizumab/évérolimus a donné lieu à une médiane de SSP de 12 mois chez les patients jamais traités et de 11 mois chez les patients ayant déjà reçu un ITK VEGF, et à une médiane de SG de 17 mois et de 12 mois, respectivement.

Contrairement à de nombreux agents ciblés administrés en association, le bévacizumab et l’évérolimus ont pu être administrés à la dose complète chez la plupart des patients, ce qui est révélateur de la tolérabilité et de l’activité de cette association.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.