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Le TDAH chez l’enfant : au-delà du milieu scolaire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (ACPEA) et American Academy of Child and Adolescent Psychiatry (AACAP)

Toronto, Ontario / 26-28 septembre 2010 et New York, New York / 26-31 octobre 2010

De plus en plus de données, dont les plus récentes ont été présentées aux congrès de l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (ACPEA) et de l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry (AACAP), montrent que le trouble Déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH) peut être maîtrisé efficacement chez la plupart des enfants et des adolescents. Certes, la prise en charge du TDAH au quotidien doit reposer sur une approche holistique, mais la pharmacothérapie est la clef de voûte. Divers stimulants dotés d’un mode d’action similaire se sont révélés efficaces, mais ces agents ne sont pas interchangeables pour autant. L’une des principales différences entre ces agents est la durée d’action, mais une piètre réponse à un agent n’exclut une bonne réponse à un autre agent. Qu’il s’agisse de choisir un agent de première intention ou de changer de traitement, l’essentiel est de reconnaître qu’un traitement d’efficacité optimale doit se définir non seulement par de meilleurs résultats scolaires, mais également par une amélioration de la capacité fonctionnelle globale.

«Il est crucial que le clinicien connaisse à fond les stimulants actuellement sur le marché et qu’il comprenne le rôle des agents de nouvelle génération», affirme le Dr Don Duncan, directeur clinique, British Columbia Interior ADHD Clinic, Kelowna, Colombie-Britannique. Les nouveaux agents à longue durée d’action ont beaucoup élargi l’éventail des options pour la maîtrise des symptômes. On ignore si certains agents sont systématiquement plus efficaces que d’autres dans le TDAH, mais la maîtrise des symptômes en dehors du milieu scolaire pourrait différer d’un agent à l’autre, et cette différence pourrait contribuer à la maîtrise des symptômes touchant davantage de comportements.

Nouveaux agents à action prolongée

Au chapitre du traitement médicamenteux du TDAH, le progrès récent le plus important a été la mise au point d’agents dotés d’une action prolongée. On supposait naguère qu’une durée d’action de 6 heures était suffisante, car le changement de comportement en classe était alors le seul objectif, mais les symptômes du TDAH sont en définitive source de morbidité pendant toutes les heures de veille. Il est fréquent que la famille s’inquiète d’abord et avant tout des résultats scolaires; or, l’effet négatif du TDAH sur les relations avec les pairs et la famille ainsi que sur les activités parascolaires est au moins aussi important, car ces relations et activités font naître un sentiment de bien-être qui contribue étroitement à la résolution globale des symptômes, y compris ceux qui nuisent à la réussite scolaire.

La mise au point des agents de nouvelle génération est axée sur la prolongation de la durée d’action, l’objectif ultime étant une maîtrise plus complète des symptômes. Divers mécanismes de contrôle de la libération de l’ingrédient actif ont été conçus pour prolonger l’activité stimulante. L’un des derniers venus sur le marché, la lisdexamfétamine (LDX), est un promédicament qui demeure actif pendant environ 13 heures. Comparativement aux mécanismes de contrôle de la libération selon lesquels la dissolution de la capsule dépend du temps de transit gastro-intestinal ou du pH gastrique, le promédicament demeure inactif jusqu’à sa biotransformation en d-amphétamine sous l’effet de peptidases, après avoir été absorbé. On évite ainsi les problèmes éventuellement associés aux stratégies de libération retardée sujettes à la variabilité interindividuelle des facteurs qui influent sur la dissolution du médicament.

Répercussions négatives de mauvaises relations sociales

Dans le TDAH, de solides arguments sous-tendent l’obtention de meilleurs résultats avec un agent à action prolongée, par opposition à un agent à courte durée d’action. À en juger par d’abondantes données, l’effet négatif du TDAH sur la qualité de vie et la satisfaction des patients tient en grande partie aux mauvaises relations sociales et familiales qui minent l’estime de soi. De nombreuses données indiquent également que ces médicaments ne sont pas interchangeables. Lors du dernier congrès de l’AACAP à New York, où l’on a présenté l’analyse groupée de deux études sur le TDAH lors desquelles on avait administré un deuxième agent après l’échec d’un premier agent, le deuxième médicament a été associé à des taux de réponse très robustes. D’autres études avant celle-là avaient déjà révélé qu’un patient dont les symptômes persistaient malgré le traitement pouvait mieux répondre à un autre médicament.

Lors de l’analyse présentée au congrès de l’AACAP, à laquelle a participé le Dr Duncan à titre d’auteur principal, un traitement par la LDX a été amorcé chez 150 enfants de 6 à 12 ans dont le TDAH n’était pas bien maîtrisé par un stimulant antérieur. Dans l’une ou l’autre étude, ou les deux, on a évalué la réponse à l’aide d’outils tels que les échelles ADHD-RS-IV (ADHD Rating Scale IV), SKAMP-d (Swanson, Kotkin, Agler, M-Flynn and Pelham Deportment), BRIEF (Behaviour Rating Inventory of Executive Function) et CGI-I (Clinical Global Impressions-Improvement). L’une des études (n=83) était ouverte, alors que la seconde (n=67) était une étude croisée à double insu avec placebo.

Dans l’étude ouverte, selon de multiples outils d’évaluation, la LDX a été associée à une réponse clinique chez près de 90 % des patients, dont un grand nombre avaient essuyé un échec avec le traitement antérieur par le méthylphénidate (MPH). L’étude croisée à double insu a quant à elle objectivé une différence entre le traitement actif et le placebo selon des évaluations réalisées 1,5 heure et 13 heures après la prise du médicament. Les évaluations par un observateur ont fait ressortir une amélioration selon plusieurs échelles validées d'évaluation du comportement, de l'attention portée à une tâche et de la capacité de s'acquitter de sa tâche. L’échelle BRIEF, qui était remplie par les parents, a également objectivé une amélioration des fonctions exécutives et une diminution des troubles comportementaux. Les effets indésirables associés à la LDX étaient semblables aux effets indésirables traditionnellement associés aux stimulants.

Sur l'échelle ADHD-RS-IV (Figure 1), le score initial moyen était d'environ 42 dans les deux études : les symptômes étaient donc de sévérité modérée, mais la borne supérieure des intervalles de confiance dénotait des symptômes sévères. Au terme de chaque étude, les scores moyens tombaient dans les limites de la normale pour l'âge, et la borne supérieure des intervalles de confiance n'allait pas au-delà d'une sévérité modérée des symptômes. Dans le groupe placebo de l'étude comparative, on a aussi enregistré une légère baisse du score moyen, mais la borne supérieure des IC dénotait des symptômes sévères. La diminution d'environ 25 points par rapport au score initial sur l'échelle ADHD-RS-IV a fait ressortir un bénéfice marqué malgré l'échec du traitement antérieur. Le Dr Rakesh Jain, R/D Clinical Research Inc., Lake Jackson, Texas, a également présenté des résultats similaires de cette étude au congrès de l'American Psychiatric Association qui a eu lieu plus tôt cette année.

Figure 1. Score ADHD-RS-IV total au sein de la population entière et du groupe antérieurement sous MPH


Le rôle des stimulants

Dans le traitement du TDAH, l’efficacité des stimulants est démontrée depuis 1937, mais les hypothèses plausibles quant au mode d’action se sont raffinées récemment grâce à l’avancement des méthodes d’imagerie cérébrale et d’évaluation de l’activité neurobiologique. La comparaison de sujets aux prises avec le TDAH et de témoins normaux a objectivé des différences dans le cortex préfrontal, zone du cerveau qui semble plus importante que toutes les autres au chapitre de la capacité d’attention. Bien que les systèmes soient complexes et qu’on ne les comprenne qu’en partie, la régulation positive de la dopamine – nécessaire à l’attention – semble irrégulière. Les stimulants sont connus pour exciter les voies de libération de dopamine et de noradrénaline, favorisant ainsi l'obtention d'un milieu neurochimique plus normal (Arnsten et al. CNS Drugs 2009;23[suppl 1]:33-41).

«Les études sur les familles, les jumeaux et la génétique moléculaire étayent toutes l’existence d’une composante héréditaire dans le risque de TDAH», fait remarquer la Dre Donna Antonucci, psychiatre spécialisée en neurodéveloppement, The Children’s Hospital of Philadelphia, Pennsylvanie. Il y a de solides données montrant que la physiopathologie du TDAH – le trouble psychiatrique le plus répandu chez les enfants – découle d’anomalies au niveau des neurotransmetteurs dans le cortex frontal, insiste-t-elle. Selon certaines études populationnelles, jusqu’à 12 % des garçons et 6 % des filles de 6 à 12 ans répondent aux critères diagnostiques du TDAH. La fréquence avec laquelle le TDAH observé durant l’enfance se maintient à l’adolescence et à l’âge adulte vient confirmer la théorie voulant que ce soit un trouble biologique fondamental.

Maîtrise des symptômes au quotidien

Les données montrant que le TDAH est un processus physiopathologique maîtrisable abondent, mais il est essentiel que les médecins assimilent cette théorie s’ils aspirent à bien traiter le TDAH. Certes, une thérapie comportementale aura probablement d’importants avantages complémentaires, surtout chez les pré-adolescents et les adolescents dont les symptômes persistants ont déjà miné la confiance en soi ou l’estime de soi, mais il est crucial que le TDAH soit d’abord et avant tout maîtrisé par un traitement médicamenteux afin que les mesures d’appoint, comme le tutorat scolaire ou les programmes de socialisation, soient efficaces. La pharmacothérapie ne suffit pas en général, mais elle est essentielle.

Ordinairement reconnus comme des traitements de première intention dans le TDAH, tous les agents à longue durée d’action, y compris la LDX, les préparations de MPH à longue durée d’action, l’atomoxétine et les amphétamines, s’administrent une fois par jour. Chez les enfants, le traitement en une prise quotidienne revêt une importance particulière en raison des difficultés que poseraient plusieurs prises par jour, notamment les éventuels préjugés des autres enfants à l’endroit d’un de leurs pairs qui doit prendre un médicament. Les traitements ayant une posologie monoquotidienne doivent toutefois demeurer actifs pendant la majeure partie, voire la totalité, des heures de veille de l’enfant pour que les bénéfices soient optimaux. Il est fréquent que les parents se décident à consulter en raison d’un piètre rendement scolaire ou de plaintes du personnel qui supervise l’enfant, mais les mauvaises relations avec les pairs ou la famille pourraient avoir des répercussions plus graves.

«Le traitement du TDAH est généralement motivé par les difficultés scolaires, mais les conséquences du TDAH sont en fait beaucoup plus vastes», souligne la Dre Antonucci, qui estime que cette prise de conscience a donné lieu à une importante réorientation de la prise en charge. Les enfants atteints du TDAH tirent leur sentiment d’identité d’un vaste éventail d’activités; or, les obstacles auxquels ils se heurtent dans les activités parascolaires, les difficultés qu’ils éprouvent à se faire des amis et à les garder de même que les conflits avec leurs frères et sœurs ont d’importantes répercussions sur leur confiance en soi.

Là encore, le traitement médicamenteux est la première étape vers la maîtrise des symptômes, et il pourrait être essentiel de fournir au patient et à sa famille un plan de traitement global qui comprend également une modification des comportements. Au dire de la Dre Antonucci, la prise en charge du TDAH «n’équivaut pas à un service d’exécution d’ordonnance à l’auto». Après avoir diagnostiqué un TDAH, elle essaie d’aider le patient et sa famille à voir le TDAH comme un trouble qui se traite et à établir les jalons d’un changement approprié du comportement.

«Je préfère rencontrer toute la famille au moins une fois. De cette façon, chaque membre de la famille peut dire ce qui le dérange le plus et participer [au plan de traitement]», explique la Dre Antonucci. Une fois amorcé le traitement qui cible les principaux symptômes du TDAH, on doit individualiser les objectifs quant aux tâches et aux interactions sociales à améliorer. Un outil d’évaluation objectif des comportements associés au TDAH permet souvent au patient et à sa famille de prendre conscience des problèmes et de quantifier les progrès.

Troubles psychiatriques concomitants : une étude de cas

L’évaluation initiale du patient est décisive. À l’aide d’un questionnaire exhaustif, le médecin doit s’enquérir des problèmes physiques et mentaux du patient. Fort de son expérience, le Dr Duncan conseille aux médecins de s’informer de la vulnérabilité du patient aux manifestations que l’on associe aux stimulants, comme les céphalées ou les troubles de l’appétit ou du sommeil, avant d’amorcer le traitement. «Si nous avons un maximum de renseignements au dossier avant de commencer le traitement, nous éviterons peut-être d’accuser les médicaments à tort», affirme le Dr Duncan.

En fait, le TDAH s’accompagne souvent d’autres troubles psychiatriques, surtout chez les pré-adolescents et les adolescents. Lors du congrès de l’ACPEA, le Dr Duncan a cité en exemple les difficultés inhérentes à une intervention efficace chez une jeune fille de 15 ans atteinte d’un TDAH jusque-là non traité qui s’accompagnait de divers troubles et de traits de caractère aggravants, notamment des sautes d’humeur, un léger abus d’alcool ou de drogues, et une attitude belliqueuse. De tels traits peuvent bien sûr être impossibles à différencier de la labilité émotionnelle normale d’un adolescent, mais la patiente répondait aux critères du TDAH selon plusieurs tests diagnostiques standardisés. Pour cette patiente en particulier, le traitement médicamenteux était une première étape essentielle. Se sont ensuite greffés un plan de traitement incluant une psychoéducation pour elle-même et sa famille, ainsi que la pose de jalons devant aider la patiente et sa famille à surveiller ses progrès, enchaîne le Dr Duncan.

Chez cette jeune fille, qui n’est pas un cas atypique, on a d’abord administré de la LDX à raison de 30 mg, puis de 50 mg par jour. On a progressivement observé une série d’améliorations, notamment la résolution des symptômes du TDAH selon des outils d’évaluation objectifs comme BRIEF. Les relations avec la famille et les professeurs se sont améliorées, quoique la patiente n’ait pas forcément attribué cette amélioration au médicament. En outre, ses résultats se sont améliorés à bien des égards et un grand nombre de troubles concomitants, y compris les sautes d’humeur, se sont estompés. Les résultats scolaires, source d’inquiétude au départ, se sont améliorés, mais les effets plus généraux du traitement étaient tout aussi importants aux yeux de la famille, qui avait été confrontée à une adolescente de plus en plus marginalisée.

Le TDAH a des effets complexes et insidieux sur le bien-être du patient. Les difficultés scolaires comptent parmi les manifestations les plus évidentes, mais elles ne doivent pas être le seul objectif du traitement. Les enfants qui ont du mal à tisser des liens avec leurs pairs ou leur famille à cause de leurs symptômes peuvent éprouver un mécontentement qui perturbe leur confiance en soi et qui peut avoir des conséquences des années durant, voire à vie. La mise au point d’agents à longue durée d’action qui maîtrisent les symptômes pendant la majeure partie des heures de veille représente un progrès important dans le traitement du TDAH.

Résumé

Dans le traitement du TDAH, les stimulants sont utilisés avec succès depuis plus de 60 ans déjà, mais d’autres éléments ont contribué à améliorer l’efficacité du traitement. D’une part, on reconnaît maintenant l’impact global du TDAH et, d’autre part, des progrès importants ont été réalisés dans notre compréhension des grands principes de la neurobiologie du TDAH. Le développement d’agents à longue durée d’action est l’un des progrès les plus importants. C’est ainsi qu’ont vu le jour divers mécanismes de libération prolongée et un promédicament qui évite la variabilité interindividuelle de la biotransformation et dont la durée d’action atteint près de 13 heures. En maîtrisant les symptômes plus longtemps, ces agents rendent le terrain propice à une modification du comportement et à un sentiment de bien-être pouvant améliorer plusieurs aspects de la vie, dont les résultats scolaires.

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