Comptes rendus

Traiter les patients à risque cardiovasculaire modéré

Le traitement de référence du myélome multiple est en plein essor

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

EN DIRECT - Hémato-oncologie

Juin 2010

Sous la direction de :

Richard LeBlanc, MD, CSPQ, FRCPC

Service d’hémato-oncologie, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Professeur adjoint de clinique en médecine, Université de Montréal, Montréal, Québec

Kevin W. Song, MD, FRCPC

Programme de leucémies/greffes de moelle osseuse de la Colombie-Britannique, Vancouver General Hospital, Professeur adjoint de clinique en médecine, University of British Columbia, Vancouver, Colombie-Britannique

D’après des communications présentées aux congrès des sociétés suivantes :

American Society of Clinical Oncology (ASCO) 4-8 juin 2010 / Chicago, Illinois

European Hematology Association (EHA) 10-13 juin 2010 / Barcelone, Espagne

Introduction

De l’avis d’experts du monde entier, on peut d’ores et déjà mettre en pratique les conclusions qui découlent des résultats présentés aux assemblées annuelles de 2010 de l’ASCO et de l’EHA sur le traitement du myélome multiple (MM), tant chez les candidats que chez les non-candidats à la greffe. Trois essais cliniques de phase III d’envergure ont généré des données à l’appui de l’utilisation du lénalidomide en traitement continu dans ces deux populations de patients. Deux de ces essais pivots, l’essai 2005-02 de l’Intergroupe Francophone du Myélome (IFM) et l’essai 100104 du Cancer and Leukemia Group B (CALGB), ont clairement démontré que le traitement d’entretien par le lénalidomide après une autogreffe de cellules souches (AGCS) avait retardé significativement la progression du MM comparativement à un placebo. Ce bénéfice important associé au traitement post-greffe, lequel s’attaque à la maladie résiduelle minimale chez le patient atteint de MM, est d’ailleurs ce qui a motivé l’ASCO à choisir l’essai IFM 2005-02 comme l’une des six communications clés de son congrès de 2010.

Par ailleurs, on a présenté au congrès de l’EHA de nouvelles données de l’essai de phase III MM-015 réalisé chez des non-candidats à une AGCS. À titre de traitement de première intention, puis de traitement d’entretien, le lénalidomide a une fois de plus retardé significativement la progression de la maladie chez des patients dont le MM venait d’être diagnostiqué.

Qu’ils soient considérés individuellement ou collectivement, les résultats de ces essais, en particulier ceux des essais IFM 2005-02 et CALGB 100104, devraient contribuer à façonner de nouvelles normes qui amélioreront les résultats cliniques dans le traitement du MM.

Contexte

Au Canada, chaque année, plus de 2000 patients, principalement des personnes âgées, reçoivent un diagnostic de MM1. Au moment du diagnostic, l’âge médian est d’environ 65 ans; il est inférieur à 40 ans dans seulement 2 % des cas2.

Durant de nombreuses décennies, le traitement de référence du MM reposait sur l’association du melphalan et de la prednisone (MP). Ce traitement n’est peut-être pas curatif, mais il peut prolonger la survie sans progression (SSP) par comparaison à l’absence de traitement3. À l’ère du schéma MP, la médiane de survie après le diagnostic du MM était d’environ 3 ans. Grâce aux nouvelles modalités de traitement, l’AGCS4,5 en particulier, et à des agents innovants comme le lénalidomide, la thalidomide et le bortézomib, le pronostic s’est toutefois amélioré de façon significative6-9.

L’AGCS est une intervention efficace, mais très intensive, et elle peut être source de complications et de morbidité. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreux établissements la réservent aux patients de moins de 65 ans.

Que le patient soit admissible ou non à l’AGCS, le lénalidomide, un immunomodulateur, et le bortézomib, un inhibiteur du protéasome, sont deux agents innovants actuellement homologués pour le traitement du MM au Canada. Compte tenu des améliorations significatives enregistrées lors d’essais récents, on considère que ces agents marquent un tournant dans la pratique comparativement aux agents cytotoxiques moins récents.

Nouvelles données sur les patients aptes à recevoir une greffe

L’IFM 2005-02 est un essai de phase III avec placebo et randomisation qui a été réalisé en Europe sous la direction du groupe français IFM10. En tout, 614 patients ayant reçu en première intention une AGCS au cours des 6 mois précédents ont été randomisés de façon à recevoir soit deux cycles d’un traitement de consolidation par le lénalidomide à raison de 25 mg/jour 21 jours sur 28, puis un traitement d’entretien à raison de 10 à 15 mg/jour, soit le même traitement de consolidation suivi d’un placebo. Le traitement se poursuivait jusqu’à la survenue d’une rechute (Figure 1). Le paramètre principal était la SSP.

Figure 1. Plan de l’essai IFM 2005-02


Le Dr Michel Attal a présenté les données de l’IFM 2005-02 recueillies 36 mois après la randomisation. Bien qu’il s’agisse de résultats partiels, ils montrent clairement un bénéfice plus marqué sous lénalidomide que sous placebo, bénéfice que le Dr Attal qualifie de «sans précédent». Le traitement par le lénalomide administré après la greffe a donné lieu à une réduction de 54 % du risque relatif de progression du MM (HR de 0,46; p
au 1).

Tableau 1.

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Il importe ici de souligner que les réponses étaient indépendantes du taux de ß<sub>2</sub>-microglobuline, du profil cytogénétique, du schéma d’induction ou, ce qui est encore plus important, de l’ampleur de la réponse obtenue avant le traitement de consolidation (Tableau 2). À cet égard, l’essai IFM 2005-02 tranche avec l’essai IFM 99-02, le bénéfice du traitement d’entretien par la thalidomide s’étant limité surtout aux patients qui n’avaient pas obtenu au moins une trè
lle (TBRP) après la greffe11.

Tableau 2.

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Les effets indésirables de grade 3 ou 4 ont été peu fréquents, tant dans le groupe lénalidomide que dans le groupe placebo, et les taux d’abandon pour cause d’effets indésirables (6 % vs 4 %) ne différaient pas significativement. Seule la neutropénie de grade 3 ou 4 a fait exception : 31 % des sujets sous lénalidomide vs 6 % des témoins sous placebo; et une neutropénie de grade 4 a été observée chez 7 % et 1 % des sujets, respectivement. Cela dit, la neutropénie n’a pas été associée à un risque accru de neutropénie fébrile (0,1 % pour le traitement d’entretien par le lénalidomide vs 0 % pour le placebo), mais les infections ont été plus nombreuses sous lénalidomide (8 % vs 4 % sous placebo). Le taux de thrombose veineuse profonde (TVP) de grade 3
et de neuropathie périphérique (0,4 % vs 0,3 %) de grade 3 ou 4 étaient semblables (Tableau 3).

Tableau 3.

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Le CALGB 100104 est un essai de phase III multicentrique à double insu qui a été mené aux États- Unis sous la direction d’un groupe de collaborateurs12. En tout, 568 patients ayant reçu une AGCS et dont la maladie n’avait pas progressé 3 mois après la greffe ont été r
ecevoir un traitement d’entretien par le lénalidomide (d’abord à raison de 10 mg/jour, puis de 15 mg/jour à 3 mois) ou un placebo (Figure 2).

Figure 2.

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Le paramètre principal était l’intervalle sans progression (ISP). Voici quelques différences importantes entre les essais CALGB 100104 et IFM 2005-02 :

• l’essai du CALGB portait sur des patients de <70 ans; • le paramètre principal de l’essai du CALGB était l’ISP plutôt que la SSP; • l’essai du CALGB ne comportait pas de phase de consolidation; • les témoins sous placebo étaient autorisés à passer au traitement actif dans l’essai du CALGB.

Après un suivi d’un
mois dans le cadre de l’essai CALGB 100104, la médiane de l’ISP était de 25,5 mois dans le groupe placebo alors qu’elle n’a pas encore été atteinte dans le groupe lénalidomide (Figure 3).

Figure 3.

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Comme le soulignait le Dr Philip L. McCarthy dans sa présentation des résultats au nom du groupe de chercheurs du CALGB, le traitement post-greffe par le lénalidomide a été associé à une réduction de 58 % du risque relatif de progression de la maladie (HR de 0,42; p<0,0001). Les patients étaient par ailleurs stratifiés en fonction de leur
332" /></sub>-microglobuline et de leur exposition antérieure à la thalidomide ou au lénalidomide. Le traitement post-greffe par le lénalidomide, par rapport au placebo, a prolongé l’ISP dans chaque strate de patients (Figur
4.

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Figure 5.

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Le taux d’abandon était faible dans le groupe lénalidomide (Tableau 4). Les neutropénies (42 %), les thrombopénies (12 %), les anémies (6 %) et les infections confirmées (7 %) ont été significativement plus fréquentes sous lénalidomide que sous placebo.

Tableau 4.

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Pertinence des essais IFM 2005-02 et CALGB 100104 : l’opinion d’un expert

Les essais IFM 2005-02 et CALGB 100104 sur le traitement d’entretien ont été présentés l’un derrière l’autre au congrès de l’ASCO. Le Dr Sergio Giralt – qui avait été invité à présenter le point de vue impartial d’un expert indépendant sur les essais IFM 2005-02 et CALGB 100104 – les a décrits tous les deux comme des essais phares qui ont à jamais modifié le traitement du MM au cours des dernières années13. À son avis, les résultats peuvent déjà être mis en pratique au quotidien dans le traitement du MM chez les patients aptes à recevoir une AGCS, en particulier parce qu’un bénéfice a été observé sans égard au taux de ß<sub>2</sub>-microglobuline, au profil cytogénétique, au type d’induction ni à la réponse au traitement initial.

Vu la similitude de leurs plans et de leurs résultats, ces deux essais se renforcent l’un l’autre. Les résultats confirment que le traitement post-greffe par le lénalidomide est une stratégie clé qui améliore la probabilité de rémission à long terme après une AGCS dans le MM. En s’attaquant à la maladie résiduelle, il peut également améliorer la qualité de la réponse et contribuer au maintien de cette réponse au fil du temps. La plupart des stratégies d’entretien mises à l’essai précédemment, dont les corticostéroïdes, la chimiothérapie et l’interféron, avaient déjà montré un bénéfice concluant. Parmi les six essais qui ont porté sur le traitement d’entretien par la thalidomide chez des patients ayant reçu une AGCS, en revanche, seulement deux ont fait ressortir un gain de SG. Dans l’un de ces deux essais, l’IFM 99-02, le traitement post-greffe par la thalidomide a été associé à une amélioration de la survie sans événement et de la SG (quoique pas chez les patients présentant une délétion du chromosome 13 ni chez les patients ayant obtenu au moins une TBRP après la greffe), mais il s’accompagnait d’une neurotoxicité substantielle. L’impact sur la qualité de vie qui en découle compromet donc l’utilité de la thalidomide en traitement d’entretien.

À l’instar de la thalidomide, le lénalidomide s’administre par voie orale, mais contrairement à la thalidomide, c’est un choix séduisant pour le traitement d’entretien, car il est bien toléré et entraîne très peu de complications neurologiques. Il a même fait la preuve de son activité après l’échec d’un traitement fortement dosé par d’autres agents, et il est à la fois efficace et sûr lorsqu’il est administré indéfiniment, explique le Dr Attal. En fait, il a été très bien toléré dans les deux essais de phase III; les faibles taux d’abandon pour cause d’effets indésirables prouvent en fait que la majorité des sujets des deux essais l’ont toléré de façon satisfaisante.

Qu’ils soient considérés individuellement ou collectivement, les essais IFM 2005-02 et CALGB 100104 ont montré que le traitement d’entretien par le lénalidomide améliorait les résultats de manière significative après la greffe. Bien que d’autres questions cliniques demeurent sans réponse, notamment la définition d’un traitement de consolidation optimal et les indications d’une AGCS simple ou double, le rôle nouvellement établi du traitement post-greffe par le lénalidomide donne le coup d’envoi à une nouvelle série de progrès. Vu la courte durée du suivi de ces deux essais d’envergure menés par des groupes de chercheurs distincts, aucun gain de SG n’a encore été mis en évidence. Cela dit, comme chacun montre à lui seul un avantage significatif associé au traitement d’entretien par le lénalidomide, les deux essais pris ensemble renforcent la conclusion selon laquelle il devrait dorénavant être considéré comme une nouvelle norme.

Remise en question de la pertinence d’une AGCS chez les candidats à une greffe

Les premiers résultats d’un essai de phase III avec randomisation ont soulevé la possibilité que le lénalidomide élimine la nécessité d’une AGCS initiale chez les patients atteints d’un MM. Lors de cette étude multinationale sur la pertinence d’une AGSC, à laquelle participait le Gruppo Italiano por lo Studio del Mieloma Multiplo, tous les sujets ont reçu quatr
induction à base de lénalidomide et de dexaméthasone avant d’être randomisés de façon à recevoir une AGCS double traditionnelle ou six cycles d’une trithérapie à base de MP et de lénalidomide (MPR) (Figure 6)14. Le paramètre principal était la SSP et, à ce jour, le schéma médicamenteux semble aussi efficace que l’AGCS, mais il est mieux toléré.

Figure 6.

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Pour l’instant, la durée médiane du suivi ne se chiffre qu’à 14 mois, et aucune différence significative n’a été mise en évidence entre les deux groupes. On a estimé à 91 % le taux de SSP à un an, que les patients aient reçu une greffe ou le traitement médicamenteux seulement (p=0,77). La SG à un an était de 97 % dans le groupe MPR vs 98 % dans le groupe AGCS, et l’écart n’était pas significatif (p=0,27), explique le Dr Antonio Palumbo. Les taux de réponse étaient aussi presque identiques dans les
plus précisément, le taux de réponse complète (RC) a atteint 13 % vs 16 % (p=0,82) et le taux de =TBRP, 55 % vs 53 % (p=0,63) (Tableau 5). Certes, ces résultats ne sont pas définitifs vu la courte durée du suivi, prévient le Dr Palumbo, mais ils indiquent clairement que l’association avec le nouvel agent amoindrit la différence entre le traitement médicamenteux seul et l’autogreffe.

Tableau 5.

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Si, avec le temps, le suivi confirme un bénéfice similaire pour le schéma MPR et l’AGCS chez les patients à risque modéré, il y a fort à parier que la pratique favorisera le schéma MPR, principalement en raison de sa meilleure tolérabilité.

Nouvelles stratégies d’induction chez les candidats à une greffe

Le bortézomib fait partie des agents que l’on évalue pour le traitement d’induction chez les candidats à une AGCS. Lors d’un essai avec randomisation dont les résultats sont encore préliminaires15, 205 patients de <66 ans atteints d’un MM tout juste diagnostiqué ont été randomisés de façon à recevoir quatre cycles de 21 jours du schéma bortézomib à faible dose + thalidomide + dexaméthasone (vTD) ou du schéma bortézomib à la dose usuelle + dexaméthasone (VD). Le schéma vTD s’étant révélé plus actif que le schéma VD, les auteurs ont qualifié le schéma vTD de «nouvelle solution de rechange».

Lors de cette étude (IFM 2007-02), le schéma vTD a été associé à un meilleur taux de =TBRP que le schéma VD, tant après l’induction qu’après une AGCS, bien que les sujets du groupe vTD aient été plus nombreux à présenter un profil cytogénétique à risque é
cellules souches a été moins bonne sous vTD, préviennent les auteurs, mais il suffirait, pour surmonter cet obstacle, d’ajouter du cyclophosphamide, qui est d’ailleurs utilisé régulièrement avec le facteur de croissance G-CSF au Canada. Fait peut-être encore plus important, insiste le Dr Philippe Moreau, le schéma vTD a été associé à un faible taux d’effets toxiques de grade 3 ou 4, surtout un faible taux de neuropathie périphérique.

Tableau 6.

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Nouvelles données chez les non-candidats à l’AGCS

L’avantage d’utiliser un traitement continu par le lénalidomide pour prolonger la rémission a également été démontré lors d’un autre essai de phase III réalisé chez des non-candidats à une AGCS dont le diagnostic de MM était récent. Le Dr Palumbo a présenté les résultats de la deuxième analyse intermédiaire, prévue au protocole lorsque le seuil de 70 % des événements projetés serait atteint, ce qui a été le cas après 2 ans16.

Dans le cadre de cette étude, 459 patients dont le MM venait d’être diagnostiqué ont été randomisés dans l’un des trois groupes de traitement : schéma MPR suivi d’un traitement d’entretien par le lénalidomide (MPR-R); schéma MPR suivi d’un pl
uivi d’un placebo. Du 1er au 9e cycle, tous les patients recevaient 0,18 mg/kg de melphalan des jours 1 à 4 et 2 mg/kg de prednisone des jours 1 à 4, et les patients des deux premiers groupes recevaient en plus 10 mg/jour de lénalidomide des jours 1 à 21. À partir du 10e cycle, les sujets du premier groupe recevaient en trai
mg/jour de lénalidomide des jours 1 à 21 jusqu’à ce que la maladie progresse (Figure 7).

Figure 7.

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La comparaison des meilleures réponses obtenues a révélé un taux de RC de 16 % dans le groupe MPR-R, de 11 % dans le groupe MPR et de 4 % dans le groupe MP (p<0,001). De même, le taux de TBRP a presque triplé : 12 % dans le g
le groupe MPR-R et 33 % dans le groupe MPR. Le taux de RP se chiffrait à 45 % dans le groupe MPR-R, à 35 % dans le groupe MPR et à 38 % dans le groupe MP (Tableau 7).

Tableau 7.

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La médiane de SSP a atteint respectivement 13 et 14,1 mois dans les groupes MP et MPR, qui ne recevaient pas de lénalid
’entretien. Dans le groupe recevant un traitement d’entretien par le lénalidomide, par contre, elle n’a pas encore été atteinte, ce qui représente déjà une réduction de 58 % du risque relatif de progression (HR de 0,42; p<0,001) (Figure 8).

Figure 8.

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Les effets indésirables de grade 3 et 4 étaient principalement de nature hématologique. Une neutropénie de grade 4 est survenue chez 36 % des sujets du groupe MPR-R vs 8 % des témoins sous MP (Tableau 8). L’incidence des infections de grade 3 était cependant très faible dans le groupe MPR-R (10 % vs 8 % chez les sujets sous MP), ce qui est rassurant.

Tableau 8.

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L’innocuité du traitement continu par le lénalidomide est aussi encourageante, car même chez les patients de plus de 65 ans, l’hématotoxicité était très faible. Ainsi, l’incidence des thrombopénies n’a été que de 3 % et celle des neutropénies, que de 2 %, fait remarquer le Dr Palumbo. Ces pourcentages soulignent la tolérabilité favorable d’une dose de 10 mg de lénalidomide.

Sur la foi de ces données, le Dr Palumbo a qualifié le schéma MPR-R de nouveau traitement de référence éventuel pour les patients atteints d’un MM qui ne peuvent pas recevoir d’AGCS.

Les résultats de l’essai MM-015, à l’instar des essais IFM 2005-02 et CALGB 100104 réalisés chez des sujets ayant reçu une AGCS, marquent un tournant dans la pratique.

Autres options pour les non-candidats à une AGCS dont le MM est nouvellement diagnostiqué

Depuis l’avènement de solutions de rechange plus efficaces au schéma MP chez les non-candidats à une AGCS, plusieurs nouvelles stratégies peuvent être envisagées. L’ajout d’un agent innovant au schéma MP (MPT, VMP ou MPR-R) est bénéfique. Certains chercheurs se sont aussi penchés sur l’ajout d’un deuxième agent innovant au schéma MP. Les données récentes d’un essai de phase III italien ont montré que le schéma d’induction bortézomib + thalidomide (VT) en association avec le schéma MP (VMPT), suivi d’un traitement d’entretien par le schéma VT17, était un autre traitement de référence éventuel. Cette étude est une variante du schéma d’induction VMP ayant fait l’objet de l’essai VISTA18 et du schéma d’entretien VT évalué dans l’essai de Mateos et al. sur le VMP présenté au congrès de 2009 de l’American Society of Hematology (ASH).

Lors de l’essai it
P, 511 patients de 65 ans ou plus qui n’étaient pas aptes à recevoir une AGCS et dont le diagnostic de MM était récent ont été randomisés de façon à recevoir le schéma VMP ou le schéma VMPT. Le schéma VMPT a été suivi du schéma VT en traitement d’entretien (Figure 9). Sous VMPT, le taux de CR a atteint 38 %, vs 24 % sous VMP (p=0,0008), alors que le taux de SSP à 3 ans a atteint 54 %, vs 40 % (p=0,006). À ce jour, explique le Dr Palumbo, le schéma VMPT est le seul à s’être révélé supérieur au schéma VMP en termes de SSP, quoique le traitement d’entretien ait pu améliorer les résultats dans le cas du VMPT, précise le Dr Palumbo.

Figure 9.

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Dans le cadre d’un essai de phase I/II relativement petit présenté au congrès de l’ASCO qui a démontré l’efficacité du schéma RVD (bortézomib + lénalidomide + dexaméthasone) dans le MM récidivant ou réfractaire, on a observé un taux très élevé d’activité et un profil d’effets indésirables plutôt favorable19. Présentée par le Dr Kenneth C. Anderson, cette étude portait sur 35 patients atteints d’un MM nouvellement diagnostiqué. L’âge moyen des sujets n’était que de 58 ans, et près de la moitié avaient reçu une AGCS. Les patients ont reçu une médiane de 10 cycles de RVD; 74 % d’entre eux ont eu au moins une TBRP et 100 %, au moins une RP. Le profil de cytogénétique, même défavorable, n’a eu aucune influence sur le taux de réponse ou la SSP. De plus, la SSP était comparable, que les patients aient reçu ou non une AGCS.

La tolérabilité du schéma RVD a été excellente. On a rapporté des neuropathies de grade 3 chez 2 % des patients et une fatigue de grade 3 chez 3 % des patients. Les signes d’hématotoxicité de grade 3 ou 4 étaient notamment une lymphopénie chez 14 % des sujets, une neutropénie chez 9 % des sujets et une thrombopénie chez 6 % des sujets. Aucun décès n’a été relié au traitement.

Les résultats plaident en faveur de la tenue d’études de plus grande envergure, l’objectif ultime étant de repérer la meilleure association possible d’agents innovants, tant sur le plan de l’innocuité que de l’efficacité, estime le Dr Anderson.

Plusieurs schémas sont maintenant considérés comme des options raisonnables, tant chez les sujets dont le MM nouvellement diagnostiqué ne se prête pas à une AGCS que chez les patients dont le MM est récidivant ou réfractaire. Les nombreuses études d’envergure en cours devraient toutefois finir par permettre d’établir une séquence plus précise d’utilisation des agents de première, deuxième et troisième intention. De toute évidence, l’efficacité et l’innocuité auront toutes deux une influence sur cette séquence. Comme il est impensable de prolonger la survie sans offrir une qualité de vie acceptable au patient, plusieurs études sont maintenant axées sur la tolérabilité.

Nouveaux agents dans le traitement du MM réfractaire/résistant

Les nouveaux schémas comportant des agents innovants, comme le lénalidomide, le bortézomib et la thalidomide, ont donné lieu à des changements remarquables dans le pronostic du MM, tant chez les candidats à l’AGCS que chez les non-candidats, mais d’autres agents innovants actuellement à l’étude en deuxième et en troisième intention laissent entrevoir de nouvelles possibilités. Parmi les nouveaux agents pour lesquels nous avons des données cliniques récentes, le pomalidomide, le panobinostat et le carfilzomib suscitent de l’intérêt en raison de leur activité dans le MM réfractaire et résistant.

Pomalidomide

Le pomalidomide, immunomodulateur dont la structure chimique s’apparente à celle du lénalidomide et de la thalidomide, a fait la preuve de son activité dans le MM réfractaire/résistant au lénalidomide dans le cadre d’une étude d’innocuité regroupant 35 patients dont le MM était réfractaire/résistant à la fois au bortézomib et au lénalidomide20. Ces sujets avaient déjà reçu six schémas (médiane), et 81 % en avaient reçu au moins cinq. Malgré cela, 46 % des patients ont obtenu une réponse objective au duo pomalidomide + dexaméthasone.

L’étude a confirmé que le duo pomalidomide + dexaméthasone était associé à un bénéfice thérapeutique chez les patients dont le MM récidivait après avoir été traité par d’autres agents innovants, indique la co-investigatrice, la Dre Martha Q. Lacy, Division d’hématologie, Mayo Clinic, Rochester, Minnesota. Bien que la durée du suivi ne soit que de 3 mois (médiane), le MM n’a toujours pas progressé chez près de 80 % des patients.

Les taux de réponse objective étaient les suivants : 9 % de TBRP, 23 % de RP et 14 % de réponses mineures. Bien qu’une neutropénie de grade 3 ou 4 ait été signalée chez 29 % des patients, le taux d’anémie de grade 3 ou 4 était de seulement 10 % et le taux de thrombopénie de grade 3 ou 4, de seulement 3 %. Au nombre des effets indésirables non hématologiques de grade 3 ou 4 figuraient la pneumonite, l’hyperglycémie, l’insuffisance rénale, la fatigue et la thrombose (3 % dans tous les cas). Bien que 6 % des patients aient signalé une neuropathie, aucune n’était de grade 3 ou 4.

La Dre Lacy conclut de ces résultats que le duo pomalidomide + dexaméthasone semble actif et bien toléré chez des patients dont le MM, réfractaire à la fois au bortézomib et au lénalidomide, a déjà été lourdement traité. À son avis, des études de plus grande envergure s’imposent si l’on aspire à confirmer l’innocuité et l’efficacité de cet agent innovant de même qu’à le faire homologuer.

Carfilzomib

Le carfilzomib, inhibiteur sélectif du protéasome, a fait la preuve de son efficacité lorsqu’il était administré seul dans le traitement d’un MM récidivant et/ ou réfractaire. Dans le cadre d’une petite étude, on a observé des réponses encourageantes, même en présence d’une insuffisance rénale marquée. Aucun ajustement posologique n’a été nécessaire, et la toxicité a été considérée comme légère et traitable21.

Panobinostat

De même, dans le traitement du MM réfractaire, le panobinostat s’est révélé très prometteur en association avec le lénalidomide et la dexaméthasone dans le cadre d’une étude dont l’objectif était d’en déterminer la posologie22. Bien qu’environ 25 % des patients évaluables aient reçu 5 mg, la dose la plus faible – d’ailleurs considérablement inférieure à la dose de 20 mg qui semble offrir le meilleur ratio efficacité:innocuité –, 17 (57 %) des 30 patients évaluables ont eu une réponse objective alors que le MM s’est stabilisé chez sept patients et qu’il a progressé chez six patients seulement. L’auteure principale de l’étude, la Dre Maria-Victoria Mateos, Hospital Universitario de Salamanca, Espagne, a qualifié ces données d’efficacité préliminaires de très encourageantes.

Parmi les 46 patients évaluables sur le plan de l’innocuité, 44 % ont eu une thrombopénie de grade 3 ou 4 et 37 %, une neutropénie de grade 3 ou 4. Troubles digestifs, fatigue, manque d’appétit, insomnie et faiblesse musculaire étaient au nombre des autres effets indésirables. Une seule TVP a été rapportée, mais on ignore si elle était liée au traitement. Quelques-uns des effets indésirables ont été observés à la dose la plus forte, qui n’est d’ailleurs peut-être pas d’une absolue nécessité pour l’obtention d’une efficacité suffisante.

En fait, bien qu’il y ait quelques problèmes potentiels au chapitre de l’innocuité, le taux élevé d’activité est encourageant, car un certain nombre de stratégies pourraient améliorer la tolérabilité tout en préservant l’efficacité antitumorale. La Dre Mateos a précisé que les études futures porteraient sur une dose plus faible de dexaméthasone et sur l’administration non continue du panobinostat.

Résumé

Les données présentées aux congrès annuels de 2010 de l’ASCO et de l’EHA sur le MM ont déjà une portée pratique, que les patients soient candidats ou non à une AGCS. Le bénéfice important associé au traitement post-greffe par le lénalidomide, qui vise à éliminer la maladie résiduelle minime dans le MM, est la plus importante des données présentées au congrès 2010 de l’ASCO. Au dire du Dr Giralt, les résultats du traitement post-greffe par le lénalidomide ont métamorphosé la pratique.

Au congrès de l’EHA, sur la foi de la mise à jour des données de l’essai MM-015, le Dr Palumbo a qualifié le traitement précoce et continu par le lénalidomide de nouveau traitement de référence du MM nouvellement diagnostiqué chez les non-candidats à une AGCS.

Bien que de nombreuses questions cliniques demeurent sans réponse, le rôle récemment établi du traitement continu par le lénalidomide donne le coup d’envoi à une nouvelle série de progrès.

Références

1. Société canadienne du cancer. Statistiques canadiennes sur le cancer de 2008, à : http://www.cancer.ca/Canada-wide/About% 20cancer/Cancer%20statistics/Canadian%20Cancer%20 Statistics.aspx?sc_lang=fr-ca.

2. Cancer Reference Information. What are the risk factors for multiple myeloma? Dernière mise à jour : 08/04/2006. American Cancer Society. Adresse : http://www.cancer.org/docroot/CRI/ content, site consulté le 29 juin 2010.

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