Comptes rendus

Traitement de première intention de l’aspergillose invasive en présence d’une hémopathie maligne
Prévention des maladies cardiovasculaires et du diabète : le potentiel de l’inhibition et de la modulation de la CETP

Le traitement des infections à Gram positif dans la pratique clinique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 22e Congrès européen de microbiologie clinique et d’infectiologie (ECCMID)

Londres, Royaume-Uni / 31 mars – 3 avril 2012

Londres -  On a présenté au congrès plusieurs nouvelles séries de données qui ont éclairé les congressistes quant à l’efficacité de quelques antibiotiques parmi les plus actifs pour le traitement des infections à Gram positif graves. L’une de ces séries de données provenait du registre européen EU-CORE, dans lequel on continue de consigner des données sur le profil des patients ayant reçu le tout premier lipopeptide cyclique de même que sur leurs infections et les agents pathogènes en cause, les effets indésirables et l’issue clinique. Une autre série de données provenait de TEST, initiative mondiale qui vise à surveiller la sensibilité d’isolats à la toute première glycylcycline dans 25 pays européens. Chacune de ces études en cours a associé ces antibiotiques de nouvelle génération à des taux d’efficacité élevés et homogènes dans le traitement d’infections difficiles à traiter.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Les données d’études de surveillance à l’appui de l’efficacité des premiers représentants de nouvelles classes d’antibiotiques contre les infections à Gram positif graves sont particulièrement encourageantes au vu des problèmes grandissants auxquels on se heurte avec la vancomycine, antibiotique injectable par voie intraveineuse d’usage courant contre ces agents pathogènes. L’usage répandu de la vancomycine a donné lieu à l’émergence d’un nombre croissant de souches d’entérocoques et de Staphylococcus aureus résistantes et, par voie de conséquence, à un intérêt grandissant pour des solutions de rechange efficaces.

L’analyse du registre EU-CORE (European Cubicin Outcomes Registry and Experience) est probablement la plus importante des deux études, car elle a généré des données sur l’issue clinique, mais les données de TEST (Tigecycline Evaluation and Surveillance Trial), étude de surveillance in vitro des souches à Gram positif provenant de 271 établissements dans 25 pays, ont aussi leur utilité. Les données de TEST – présentées par le Dr Samuel K. Bouchillon, International Health Management Associates, Schaumberg, Illinois – ont démontré que la tigécycline, une glycylcycline, continue d’exercer une activité à large spectre dans tous les pays d’Europe si l’on en juge par les concentrations minimales inhibitrices (CMI) et les taux de sensibilité.

«La tigéclycline a été associée à une CMI90 de 1 mg/L contre les entérobactéries dans la moitié des pays et de 2 mg/L dans l’autre moitié», affirme le Dr Bouchillon, qui précise que ces données témoignent du maintien de l’efficacité. Ces données proviennent d’évaluations in vitro de 15 304 souches.

EU-CORE

Le registre EU-CORE – dont l’objectif est de nous aider à décortiquer la réalité clinique – regroupe de plus en plus de données sur le profil et les résultats cliniques de patients qui ont reçu de la daptomycine, un lipopeptide, en Europe, en Russie, en Inde et en Amérique latine. Ces données démographiques, thérapeutiques, microbiologiques et cliniques proviennent des dossiers médicaux d’une centaine d’établissements. Le registre EU-CORE regroupe maintenant plus de 4000 patients, affirme le Dr Armando González-Ruiz, microbiologiste-conseil, Darent Valley Hospital, Dartford, Kent, Royaume-Uni. L’établissement du Dr González-Ruiz est, au Royaume-Uni, celui qui verse le plus de données au registre EU-CORE. «Les essais cliniques aux critères d’inclusion et d’exclusion rigoureux pourraient ne pas être un juste reflet de l’expérience clinique réelle. C’est uniquement quand un antibiotique commence à être utilisé dans la pratique clinique que l’on commence à connaître son innocuité, son utilisation clinique et les populations qui le reçoivent», explique le Dr González-Ruiz. Les analyses présentées au congrès qui découlent du registre EU-CORE reposaient sur des données recueillies entre janvier 2006 et juin 2011.

L’analyse des résultats cliniques consignés dans le registre EU-CORE a révélé que la daptomycine était associée à une activité bactéricide rapide et concentration-dépendante contre un large spectre de bactéries à Gram positif aérobies, dont S. aureus résistant à la méthicilline (SARM) et les entérocoques résistants à la vancomycine. Elle est homologuée en Amérique du Nord et en Europe pour le traitement chez l’adulte des infections de la peau et des tissus mous (IPTM) compliquées causées par des bactéries à Gram positif (4 mg/kg, 1 fois/jour) et des bactériémies, y compris l’endocardite droite, imputables à S. aureus (6 mg/kg, 1 fois/jour), dont le SARM. Un ajustement posologique s’impose en présence d’une insuffisance rénale sévère.

Innocuité du traitement à forte dose

L’activité bactéricide de la daptomycine étant dose-dépendante, on envisage parfois une forte dose dans les infections difficiles à traiter. Dans les guides de pratique américains et européens, la daptomycine à raison de 8-10 mg/kg, 1 fois/jour, est une option de traitement recommandée en cas d’infection difficile à traiter, telle une bactériémie à SARM persistante, ou d’échec du traitement par la vancomycine. Bien qu’aucun problème d’innocuité inattendu n’ait été associé au traitement à forte dose, une surveillance régulière s’impose, en particulier du taux de créatine phosphokinase (CPK).

Parmi les 4592 sujets du registre EU-CORE, 234 (5,1 %) ont reçu une forte dose (≥8 mg/kg/jour) pendant ≥14 jours. Un bon profil d’innocuité s’est dégagé chez ces patients, semblable à ce que l’on observe avec les doses approuvées, précise le Pr Riccardo Utili, Seconda Università degli studi di Napoli, Italie. Dans l’ensemble, on n’a signalé aucun effet cliniquement significatif sur l’appareil locomoteur et le tissu conjonctif. Parmi les patients ayant reçu une dose ≥8 mg/kg/jour pendant ≥14 jours, 3,8 % ont présenté une élévation du taux de CPK et 0,4 %, des effets indésirables musculosquelettiques. Le traitement à forte dose a été utilisé le plus souvent dans les endocardites (30,3 %), les infections sur corps étranger/prothèse (19,7 %), les ostéomyélites (17,1 %), les IPTM (15,8 %) et les bactériémies (12,0 %). Des effets indésirables ont été signalés chez 15,8 % des patients ayant reçu une dose ≥8 mg/kg/
jour pendant ≥14 jours, ce qui se compare au pourcentage de patients ayant reçu la même dose pendant <14 jours (16,6 %) et au pourcentage de patients ayant reçu une dose approuvée (4-6 mg/kg/jour; 13,2 %). Le taux d’effets indésirables graves était similaire chez les patients ayant reçu une dose moindre et approuvée.

Le pourcentage de patients dont la clairance de la créatinine était <30 mL/min est passé de 9,9 à 10,0 % entre le début et la fin du traitement à forte dose, respectivement; cette variation se compare à ce que l’on a observé chez les patients ayant reçu
≥8 mg/kg/jour pendant <14 jours (10,8 % et 8,1 %, respectivement). Les taux d’abandons motivés par un effet indésirable étaient similaires dans tous les groupes de traitement. «La daptomycine peut être administrée à une dose pouvant atteindre 10 mg/kg. Le traitement à forte dose, que l’on utilise actuellement, est très bien toléré; les données du registre EU-CORE ont également montré que l’on obtenait de meilleurs résultats à forte dose qu’à moindre dose», poursuit le Pr Utili. Le taux global de réussite clinique s’élevait à 88 % avec la dose de ≥8 mg/kg/jour pendant ≥14 jours, comparativement à 80,2 % au sein de la population totale du registre EU-CORE (Figure 1). Le Pr Utili et ses collaborateurs ont fait remarquer que, chez les sujets du registre EU-CORE, le taux de traitement à forte dose était passé de 3 % en 2006 à 18 % en 2011.

Figure 1. EU-CORE : Résultats par type d’infection 

Utilisation dans le sepsis et les hémopathies malignes

Un sepsis a été diagnostiqué comme infection principale chez 302 sujets (6,6 %) du registre EU-CORE. La plupart de ces patients avaient essuyé un échec clinique avec d’autres antibiotiques avant de recevoir de la daptomycine. Les doses les plus utilisées étaient 6 mg/kg (53 %), 4 mg/kg (17 %) et ≥8 mg/kg (14 %). Parmi les patients infectés par S. epidermidis et S. aureus, on a enregistré un taux de réussite de 85 % et de 72 %, respectivement, et le taux ne variait pas suivant la sensibilité à la méthicilline. Une élévation du taux de CPK a été rapportée chez 3 % des patients. On a noté un lien possible entre l’effet indésirable et l’agent administré chez 6 (2 %)
patients et des effets indésirables graves chez 4 (1 %) patients. «Dans l’établissement où je travaille, nous prescrivons maintenant la daptomycine pour le traitement de première intention du sepsis, parce que nous avons compris que c’est une bien meilleure option qu’un glycopeptide comme la téïcoplanine et que c’est une option beaucoup plus sûre que la vancomycine», affirme le Dr González-Ruiz. C’est un choix intéressant pour le traitement du sepsis, car elle n’entraîne pas de lyse cellulaire, fait-il remarquer.

Parmi tous les sujets du registre EU-CORE, 83 présentaient une hémopathie maligne et une infection à Gram positif, principalement une bactériémie (40 %) ou une IPTM (21 %). La dose initiale était le plus souvent 6 mg/kg (40 %), et la durée médiane du traitement était de 10 jours. On a obtenu un taux élevé de réussite clinique en première intention – 80 % – et des taux similaires dans les sous-groupes de patients présentant une neutropénie, peu importe sa sévérité. Des effets indésirables ont été signalés chez 3 (3,6 %) patients et ont motivé l’abandon du traitement chez 2 patients (2 %). Les données cliniques sur le traitement de première intention demeurent limitées chez les patients aux prises avec une hémopathie maligne et une infection à Gram positif, déplore le Dr González-Ruiz. 

Résumé

Les données de l’initiative TEST et du registre EU-CORE s’ajoutent aux données actuelles pour montrer que les premiers antibiotiques de deux nouvelles classes sont associés à des taux élevés d’efficacité dans les infections à Gram positif difficiles à traiter et qu’ils viennent même à bout de ces infections chez des patients qui d’emblée auraient été exclus d’essais cliniques comparatifs à cause d’affections préexistantes, une insuffisance rénale sévère par exemple. Les résultats de ces études sont encourageants au vu de l’efficacité décroissante de la vancomycine. De plus, les taux relativement faibles d’effets indésirables et les taux élevés de maîtrise de l’infection pour toutes les souches et les populations étudiées dans TEST et EU-CORE justifient l’essai éventuel de ces agents dans le cadre d’un traitement de plus longue durée d’infections compliquées et chroniques, comme les infections ostéoarticulaires ou endovasculaires. 




















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