Comptes rendus

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L’hyponatrémie chez le patient hospitalisé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Critical Care Canada Forum 2011

Toronto, Ontario / 13-16 novembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’hyponatrémie est un déséquilibre électrolytique que l’on définit souvent par un taux sérique de sodium <136 mmol/L, et c’est l’un des plus fréquents dans la pratique clinique. Sa fréquence dépend largement des circonstances cliniques, mais on estime qu’elle survient chez environ 15 à 30 % des patients hospitalisés à court ou à long terme (Upadhyay et al. Am J Med 2006;119[7 Suppl 1]:S30-S35). De plus, le risque relatif approché (OR, pour odds ratio) d’apparition d’une hyponatrémie augmente avec l’âge chez le patient hospitalisé.

Morbidité et mortalité

Lors d’une étude de surveillance récente qui a ciblé plus de 53 000 patients sur une période de 8 ans, la mortalité intrahospitalière était d’autant plus élevée que la natrémie était inférieure au seuil de 136 mmol/L, explique le Dr Sean Bagshaw, professeur adjoint, Division des soins critiques, University of Alberta, Calgary. Sur le plan de la morbidité, le Dr Bagshaw a fait part à l’auditoire des résultats d’une étude simple et efficace qui consistait à faire passer un test de marche dynamique à des patients dont la natrémie était en baisse. On a ainsi démontré que le manque de coordination des patients était d’autant plus marqué que leur natrémie était basse, au point où leur risque de chute quadruplait, tout comme leur temps de réponse aux tests neuropsychiatriques et leur taux d’erreurs. On a même avancé que leur manque de coordination s’apparentait à celui d’un individu dont l’alcoolémie est de 60 mg/dL. La coordination s’est toutefois améliorée sous l’effet d’un traitement qui visait à corriger la natrémie.

Le Dr Bagshaw a en outre cité une étude cas-témoins de Gankam Kengne et al. (Q J M 2008;101[7]:583-8). Chez des patients âgés (>65 ans) appariés selon l’âge et le sexe, l’hyponatrémie a été associée, après ajustement, à un risque relatif approché (OR) significatif de fracture osseuse de 4,16. Par ailleurs, des chercheurs ont observé dans un modèle d’hypersécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (SIADH) chez le rat que l’hyponatrémie s’accompagnait d’une diminution d’environ 30 % de la densité minérale osseuse. De plus, l’enquête NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) III aux États-Unis a établi un lien entre une légère hyponatrémie et un risque relatif approché (OR) d’ostéoporose de 2,85 après ajustement.

Facteurs de risque d’hyponatrémie

Dans l’étude de Gankam Kengne, la cause de l’hyponatrémie était la prise de diurétiques chez 35 % des patients, un SIADH idiopathique chez 35 % des patients et la prise d’un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine (ISRS) chez 16 % des patients. «De plus en plus de données semblent indiquer que les patients hyponatrémiques sont souvent plus âgés, souvent diabétiques et présentent plusieurs affections concomitantes; ils sont exposés à un risque accru de chute de même qu’à un risque accru de fracture indépendant de ces critères», souligne le Dr Bagshaw.

Selon d’autres données tirées d’une étude américaine qui regroupait trois hôpitaux et plus de 98 000 patients hospitalisés, les patients hyponatrémiques étaient plus âgés, avaient plus d’affections concomitantes (insuffisance cardiaque congestive et cancer) et avaient subi une intervention orthopédique, autant de facteurs qui ont augmenté la mortalité intrahospitalière. Il ressort de données provenant des Pays-Bas (Hoorn et al. Nephrol Dial Transplant 2006; 21[1]:70-6) qu’environ le tiers seulement des patients hospitalisés qui développent une hyponatrémie sévère (natrémie <125 mmol/L) durant leur séjour à l’hôpital présentent des symptômes, et qu’environ le quart seulement reçoivent un traitement visant à corriger l’hyponatrémie. Fait peut-être encore plus étonnant, l’intervalle précédant le diagnostic d’hyponatrémie était de 10 jours en moyenne. Lors de cette étude, les principaux facteurs à l’origine d’une hyponatrémie sévère étaient la prise de diurétiques (22 %), une intervention chirurgicale (28 %), l’administration de liquides hypotoniques par voie intraveineuse (22 %) et la prise de médicaments stimulant l’hormone antidiurétique (22 %).

À en juger par les résultats d’une analyse secondaire de l’essai ESCAPE qui regroupait des patients atteints d’insuffisance cardiaque, poursuit le Dr Bagshaw, «environ 24 % des patients avaient une natrémie <134 mmol/L et, chez environ 70 % d’entre eux, l’hyponatrémie a persisté durant l’hospitalisation; de plus, l’hyponatrémie était en soi associée à un risque plus élevé de décès comparativement aux patients qui ne présentaient pas d’hyponatrémie.»

Classification et prise en charge de l’hyponatrémie

Comme l’expliquait le Dr Daniel Bichet, professeur titulaire de médecine et de physiologie, Division de néphrologie, Université de Montréal, Québec, l’hyponatrémie pourrait être classée selon qu’elle résulte d’une dilution ou d’une déplétion. Dans l’hyponatrémie de dilution, la quantité totale de sodium dans l’organisme est normale, voire élevée, mais la teneur en eau se trouve augmentée. Cette forme d’hyponatrémie pourrait même être subdivisée en deux catégories selon qu’elle est hypervolémique ou euvolémique. Dans l’hyponatrémie de déplétion, en revanche, on observe une hypovolémie accompagnée d’une perte de sodium et d’une diminution de la quantité totale d’eau corporelle. L’hyponatrémie de déplétion est plus facile à reconnaître, ajoute le Dr Bichet, car elle est associée à des diarrhées, des vomissements, des brûlures et des traumas, et on peut souvent la traiter à l’aide d’une solution saline isotonique.

Le Dr Bichet a fait part à l’auditoire de quelques principes généraux dans le traitement de l’hyponatrémie de dilution. Que l’on traite le patient trop vite ou, au contraire, pas assez vite, il y aura des conséquences neurologiques, et c’est la présence ou l’absence de signes et de symptômes neurologiques qui devrait guider le traitement. Au nombre des symptômes généralement aigus, potentiellement mortels, on compte la stupeur/le coma, les convulsions et l’arrêt respiratoire et au nombre des symptômes généralement chroniques et moins sévères, les céphalées, l’irritabilité, les nausées et les vomissements, le ralentissement mental, la confusion/le delirium et la désorientation.

Le traitement à court terme repose sur trois modalités : perfusion d’une solution saline isotonique; perfusion d’une solution saline hypertonique; et utilisation de l’un des antagonistes du récepteur V<sub>2</sub> de la vasopressine (vaptans). Le traitement à long terme repose quant à lui sur la restriction hydrique et sur l’administration de déméclocycline, de furosémide + chlorure de sodium, de minéralocorticoïdes, d’urée ou de tolvaptan (antagoniste du récepteur V<sub>2</sub>). Dans le cas de l’hyponatrémie euvolémique, l’un des algorithmes de traitement fondés sur la sévérité des symptômes prévoit les mesures suivantes : en présence de symptômes légers ou en l’absence de symptômes ? restriction hydrique ou utilisation d’un vaptan dans certaines circonstances; en présence de symptômes modérés ? utilisation d’un vaptan ou d’une solution saline hypertonique, puis restriction hydrique; en présence de symptômes sévères ? perfusion de solution saline hypertonique, puis restriction hydrique et utilisation d’un vaptan. Le Dr Bichet a souligné l’importance de protéger le patient au maximum et de viser des objectifs plus modestes dans l’hyponatrémie chronique que dans l’hyponatrémie aiguë (variation de 6 à 8 mmol/L sur 24 heures et de 14 à 16 mmol/L sur 72 heures).

Physiologie de la vasopressine

Les vaptans sont les agents les plus récents dont on dispose pour traiter l’hyponatrémie. Dans le cadre d’un survol de la physiologie de la vasopressine, le Dr Bichet a rappelé à l’auditoire qu’une baisse de la pression artérielle moyenne ou de l’osmolalité plasmatique pouvait stimuler la sécrétion de cette hormone. Il existe trois sous-types de récepteurs de la vasopressine : V<sub>1a</sub> – que l’on trouve principalement sur les cellules des muscles lisses vasculaires – dont la stimulation entraîne une vasoconstriction et une hypertrophie du myocarde; V<sub>1b</sub> – que l’on trouve principalement sur l’antéhypophyse – dont la stimulation régule la libération d’ACTH; et V<sub>2</sub> – que l’on trouve principalement dans les tubes collecteurs du rein – dont la stimulation régule la réabsorption de l’eau libre.

Le tolvaptan a fait l’objet d’une étude de Schrier et al. (N Engl J Med 2006;355[20]:2099-112) chez des patients atteints d’hyponatrémie euvolémique ou hypervolémique associée à une insuffisance cardiaque, à une cirrhose ou à un SIADH (SALT-1 et SALT-2). L’analyse groupée de ces deux études a révélé qu’après 4 jours de traitement par le vaptan, le taux sérique de sodium avait augmenté de 4,8 mmol/L chez les patients atteints de SIADH, de 3,5 mmol/L chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque et de 3,5 mmol/L chez les patients atteints de cirrhose. Chez les témoins sous placebo, l’augmentation était de 0,2, 0,5 et 0,4 mmol/L, respectivement. À 30 jours, par rapport aux valeurs de départ, le tolvaptan avait augmenté la natrémie de 7,4 mmol/L chez les patients atteints de SIADH, de 6,6 mmol/L chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque et de 4,2 mmol/L chez les patients atteints de cirrhose; les augmentations correspondantes dans le groupe placebo étaient respectivement de 1,5, 2,4 et 1,5 mmol/L. Le Dr Bichet a précisé par ailleurs que le tolvaptan n’avait pas eu d’effet sur l’apport hydrique, ce qui a permis l’obtention d’un bilan hydrique négatif. Les effets indésirables signalés étaient typiques d’une perte hydrique : sécheresse buccale, constipation, soif, faiblesse, hyperglycémie légère/cliniquement non significative, et exacerbation de la pollakiurie. «On ne doit pas prescrire de tolvaptan à un patient atteint d’hyponatrémie de déplétion, car en présence d’une hypovolémie, on doit augmenter l’apport de sodium et d’eau au tubule distal à l’aide d’une perfusion de solution saline. Par contre, dans l’hyponatrémie de dilution, qu’elle soit hypervolémique ou euvolémique, il est bénéfique», conclut le Dr Bichet.

Résumé

L’hyponatrémie est un déséquilibre électrolytique très répandu chez les patients hospitalisés. Elle doit être traitée, faute de quoi elle peut devenir sévère et aiguë et entraîner une morbidité (chutes, fractures, confusion mentale) et une mortalité substantielles. Un âge avancé, la présence de diverses maladies comme le diabète, l’insuffisance cardiaque, un cancer, une cirrhose ou le SIADH, et la prise de divers médicaments (ISRS, diurétiques) peuvent occasionner une hyponatrémie chez les bénéficiaires de soins critiques en milieu hospitalier. La démarche thérapeutique diffère selon que l’on se trouve en présence d’une hyponatrémie de déplétion ou de dilution. Les antagonistes du récepteur V<sub>2</sub> représentent une nouvelle modalité de traitement qui cible les tubes collecteurs du rein et l’élimination de l’eau libre chez le patient atteint d’hyponatrémie de dilution.

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