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L’hyponatrémie chez l’insuffisant cardiaque : sodium et symptômes sous la loupe

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Vasculaire 2013

Montréal, Québec / 16-20 octobre 2013

Montréal - Jusqu’à 30 % des patients atteints d’insuffisance cardiaque (IC) développent une hyponatrémie. Cette anomalie peut être chronique et elle est le plus souvent asymptomatique, mais elle peut s’aggraver durant les épisodes de décompensation aiguë. Les lourdes répercussions négatives d’une hyponatrémie pour le pronostic sont méconnues. Dans le cadre d’une revue des recommandations fondées sur les preuves, des experts du Canada en IC précisent que dans les cas d’IC congestive et d’hyponatrémie sévère où le traitement de référence est inapproprié, un traitement par le tolvaptan pourrait soulager rapidement les symptômes. La surveillance de la natrémie et la prise en charge de l’hyponatrémie doivent s’inscrire dans le cadre du suivi de routine.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’hyponatrémie se définit par un taux sérique de sodium <135 mmol/L, et un taux <130 mmol/L est considéré comme une hyponatrémie sévère. Chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque (IC), l’hyponatrémie découle d’un excès relatif d’eau corporelle totale par rapport à la concentration de sodium, mais les deux paramètres peuvent en fait être supérieurs à la normale. Une hyponatrémie hypervolémique peut aussi survenir en présence d’une cirrhose ou d’un syndrome néphrotique.

L’hyponatrémie, plus fréquente qu’on ne le croit généralement chez les patients atteints d’IC, a un impact défavorable sur le pronostic, note le Dr Gordon Moe, directeur du programme d’IC, St. Michael’s Hospital, Toronto. Il ressort de plusieurs études que la natrémie est faible chez 12 à 30 % des patients hospitalisés pour une IC en décompensation aiguë. Il est également assez fréquent qu’une hyponatrémie apparaisse durant l’hospitalisation pour une IC. Dans un cas comme dans l’autre, l’hyponatrémie prolonge le séjour à l’hôpital, augmente la mortalité durant l’hospitalisation et au cours des 30 jours suivant le congé et est associée à une incidence d’accrue de décès et de réhospitalisation (paramètre mixte) (Figure 1).

L’importance clinique de l’hyponatrémie est sous-estimée, ajoute le Dr Robert McKelvie, directeur médical du programme d’IC, Hamilton Health Sciences, Ontario. «Je vois souvent à l’hôpital des patients dont la natrémie oscille entre 120 et 127 [mmol/L], et on n’en fait pas grand cas. Il importe toutefois de comprendre que […] leur espérance de vie s’en trouve abrégée de manière significative et que le risque de survenue d’autres événements est plus élevé que si leur natrémie demeurait dans les limites de la normale.»

Une question d’intensité

L’hyponatrémie – parfois asymptomatique lorsque légère – peut générer toute une panoplie de symptômes, entre autres : nausées, vomissements, céphalées, fatigue, confusion, irritabilité, faiblesse musculaire, crampes ou spasmes, crises convulsives et coma. «Le pronostic est d’autant plus sombre que la natrémie est basse [et] si elle est symptomatique, il faut la traiter plus tôt et plus énergiquement», fait remarquer le Dr Serge Lepage, Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke, Québec.

En général, estime le Dr Lepage, la correction du taux de sodium devrait se faire à un rythme maximum de 8 à 10 mmol en 4 à 8 heures; un intervalle plus court – de 4 à 6 heures – est recommandé dans les cas d’hyponatrémie sévère (p. ex., les patients dont les symptômes témoignent d’une atteinte du système nerveux central). Dans les cas où l’hyponatrémie est plutôt chronique ou asymptomatique, l’objectif devrait être d’augmenter le taux de sodium de 12 mmol en 28 heures.

 

 

 

Nombreuses stratégies

Quelques options de traitement sont possibles chez les insuffisants cardiaques aux prises avec une hyponatrémie chronique ou asymptomatique, notamment une restriction hydrique, l’administration d’un supplément de sel ou l’administration de déméclocycline, agent qui bloque les effets de l’hormone antidiurétique, explique le Dr Lepage.

Dans ses recommandations de 2012 (Can J Cardiol 2013;29:168-81), la Société canadienne de cardiologie (SCC) préconise en première intention un diurétique par voie intraveineuse (i.v.) chez les patients qui présentent une IC congestive. Le diurétique peut être administré en bolus intermittents ou en perfusion continue. Fait important à souligner, l’administration par voie i.v. d’un diurétique de l’anse comme le furosémide est un couteau à deux tranchants, prévient le Dr Lepage. «Quand on administre [du furosémide par voie i.v.], il arrive que le rapport sodium-eau soit favorable, mais il peut aussi se détériorer.»

Si le traitement initial de l’IC aiguë ne suffit pas, on peut envisager un certain nombre de stratégies de diminution de la volémie. La restriction hydrique (500 mL à 1 L par jour) peut être efficace, mais l’observance de cette mesure est difficile pour les patients. De puissants diurétiques comme la métolazone et l’urée sont aussi possibles, mais ils comportent leur lot de difficultés : par exemple, l’urée est mal acceptée des patients en raison de son goût désagréable, alors que la métolazone peut contribuer à l’hyponatrémie et à l’hypokaliémie. D’autres mesures comme l’ultrafiltration peuvent aussi être envisagées. Lors de l’étude CARRESS-HF (N Engl J Med 2012;367:2296-304), par contre, l’ultrafiltration ne s’est pas révélée plus bénéfique que le traitement médicamenteux et a eu plus d’effets indésirables. À vrai dire, l’ultrafiltration sans administration concomitante de solution salée a entraîné une diminution statistiquement significative de la natrémie comparativement à la diurèse, précise le Dr Jonathan Howlett, directeur du programme d’IC, Libin Cardiovascular Institute, University of Calgary.

Des études récentes semblent indiquer qu’un supplément de sel peut être efficace, mais les patients atteints d’IC ne présentent pas de déplétion sodique en général. L’administration de comprimés de sel permet à la fois d’augmenter la natrémie et de favoriser l’élimination de liquide, affirme le Dr Lepage.

Amélioration rapide

Dans ses recommandations de 2012 sur l’IC, la SSC préconise un traitement par le tolvaptan chez les patients présentant à la fois une hyponatrémie symptomatique ou sévère et une IC congestive persistante malgré un traitement standard visant à élever la natrémie et à corriger les symptômes connexes. Les inhibiteurs de la vasopressine – tel le tolvaptan – n’ont pas été associés à une diminution de la mortalité ou des hospitalisations liées à l’IC, mais des essais cliniques ont montré qu’un traitement par cet agent (dose usuelle de 15 à 30 mg/jour) élevait la natrémie et permettait de la maintenir, favorisait la perte de poids par élimination liquidienne et atténuait des symptômes comme la dyspnée et l’œdème sans altérer la fréquence cardiaque, la tension artérielle ou la fonction rénale (N Engl J Med 2006;355:2099-12; JAMA. 2004;291:1963-71). Le tolvaptan est très efficace pour stabiliser la natrémie durant un traitement intensif de l’IC, précise le Dr McKelvie. «Il aide à maîtriser les symptômes, abaisse la natrémie et peut paver la voie à une utilisation plus efficace des autres traitements.»

Le tolvaptan est absorbé rapidement et agit rapidement, fait remarquer le Dr Howlett. Il augmente typiquement la natrémie de 7 à 8 mmol, comparativement à 3 à 4 mmol pour la restriction hydrique seule ou associée à de l’urée. La fatigue et la soif sont les principaux effets indésirables; fort heureusement, la restriction hydrique peut être moindre. La natrémie du patient doit être mesurée après 8 heures, car la réponse au traitement varie et peut influer sur les doses subséquentes. Une fois que la natrémie est revenue à au moins 130 mmol/L et que les symptômes ont été enrayés, généralement dans un délai de 5 jours, on peut fin au traitement et se contenter de surveiller le patient, au dire des conférenciers.

Reconnaissant le coût relativement élevé du tolvaptan, le Dr Howlett ajoute : «c’est principalement en milieu hospitalier qu’on l’utilise; personnellement, je l’utilise exclusivement chez les patients qui ne répondent pas au traitement initial.» Lors de l’essai EVEREST (JAMA 2007;297:1332-43), les patients atteints d’IC qui avaient reçu du tolvaptan ont reçu leur congé de l’hôpital environ 2 jours plus tôt que les patients qui avaient reçu un placebo. La durée abrégée du séjour à l’hôpital se traduit par certaines économies, fait-il valoir. «C’est un médicament qui permet de traiter l’hyponatrémie de manière plus énergique et qui, selon toutes probabilités, permettra au patient de rentrer plus tôt à la maison.»

Suivi

Le patient qui a eu un épisode d’IC aiguë doit idéalement voir un spécialiste en IC ou se rendre à une clinique spécialisée en IC peu de temps après avoir reçu son congé de l’hôpital afin de s’assurer que la diurèse est appropriée. «En milieu hospitalier, la diurèse se fait bien, mais au moment du congé, la dose de diurétique prescrite est invariablement plus faible. Si on ne voit pas le patient assez tôt, il revient très vite à l’hôpital», affirme le Dr Moe. Il est donc essentiel d’éduquer le patient et ses aidants pour souligner la nécessité de mesures comme la restriction hydrique et la surveillance du poids.

Les cliniciens doivent garder en tête la possibilité d’une hyponatrémie et les risques qui en découlent, de l’avis du Dr McKelvie. «L’hyponatrémie […], c’est une «catastrophe en puissance». [En général,] les patients atteints d’IC fonctionnent avec une natrémie très faible et nous ne faisons pas grand-chose pour y remédier. Nous devrions toutefois réfléchir à l’importance et aux conséquences de l’hyponatrémie chez les patients atteints d’IC et revisiter notre façon de faire.»  

 

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