Comptes rendus

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L’inhibition de la 5-alpha réductase diminue le risque de cancer de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 64e Congrès annuel de l’Association canadienne d’urologie

Toronto, Ontario / 28 juin-1er juillet 2009

Comme l’ont souligné des chercheurs présents au congrès, les preuves à l’appui du rôle chimioprotecteur des inhibiteurs de la 5-alpha réductase (I5AR) continuent de s’accumuler. Lors de l’essai PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial), 18 882 hommes de 55 ans ou plus dont le taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) était <u><</u>3 ng/mL ont été randomisés de façon à recevoir 5 mg de finastéride ou un placebo pendant sept ans. Les hommes subissaient un examen par toucher rectal (ETR) une fois par année de même qu’une biopsie de la prostate au terme de l’étude s’ils n’avaient pas reçu de diagnostic de cancer de la prostate. Les résultats de l’étude dévoilés en 2003 ont révélé que cet agent réduisait de 24,8 % le risque relatif de survenue d’un cancer de la prostate. Les premiers résultats de cette même étude ont toutefois soulevé quelques inquiétudes en raison d’une incidence accrue de cancers de forte malignité (score de Gleason de 7 à 10) chez les hommes qui avaient reçu le traitement actif (6,4 % des hommes sous finastéride vs 5,1 % des témoins sous placebo).

Depuis, plusieurs chercheurs indépendants ont conclu, après avoir scruté ces données, que l’incidence accrue des cancers de grade élevé tenait en grande partie à la réduction de la taille de la glande. Comme la prostate des hommes sous finastéride était de plus petite taille, les tumeurs de grade élevé étaient en fait plus faciles à détecter à la biopsie.

Une comparaison des pièces de biopsie et de prostatectomie radicale provenant de l’étude PCPT a démontré de façon fort convaincante que l’I5AR facilitait la détection des cancers de la prostate de forte malignité (Lucia et al. J Natl Cancer Inst 2007;99[18]:1375-83). La différence entre les groupes finastéride et placebo quant à la proportion de cancers de grade élevé était moins marquée dans les pièces de prostatectomie (risque relatif [RR] de 1,20) que dans les pièces de biopsie (RR de 1,68).

Les chercheurs ont aussi constaté qu’une tumeur de grade élevé découverte dans une pièce de prostatectomie était plus susceptible d’avoir été découverte dans les pièces de biopsie chez les hommes sous traitement actif (70 % vs 50 % sous placebo, p=0,01). «Il s’agit là d’une amélioration de 40 %», fait remarquer l’investigateur principal, le Dr Ian M. Thompson, professeur titulaire et directeur, Département d’urologie, University of Texas at San Antonio. «Le finastéride améliore l’efficacité du PSA comme marqueur du cancer, surtout les cancers de grade élevé particulièrement agressifs; il augmente la fidélité et la sensibilité de l’ETR tout en augmentant la probabilité de détection d’un cancer au moyen d’une biopsie. Si un test sanguin ou urinaire permettait de faire tout cela, son fabricant serait milliardaire. Or, c’est précisément ce que font les I5AR.»

En fait, les données semblent maintenant indiquer que le finastéride pourrait être un agent chimioprotecteur encore meilleur qu’on le pensait, puisque la réduction du risque atteindrait 33 % pour les cancers de faible grade et 28 % pour les cancers de grade élevé, explique le Dr Thompson. À la lumière de ces données, estime le groupe d’experts de l’AUA-ASCO (American Urological Association-American Society of Clinical Oncology) chargé de formuler des recommandations consensuelles, on devrait informer un homme faisant régulièrement mesurer son taux de PSA qu’il peut réduire son risque de cancer de la prostate en prenant un I5AR.

Résultats de l’étude REDUCE

Un deuxième essai d’envergure est venu ajouter du poids au profil chimioprotecteur déjà démontré des I5AR. L’essai REDUCE (Reduction by Dutasteride of Prostate Cancer Events) regroupait 8000 hommes de 50 à 75 ans ayant un taux de PSA compris entre 2,5 et 10 ng/mL qui ont été randomisés de façon à recevoir 0,5 mg/jour de dutastéride (I5AR de type 1 et 2) ou un placebo pendant quatre ans. Les participants devaient aussi avoir eu une biopsie négative dans les six mois précédant leur admission à l’étude. Le protocole prévoyait des biopsies après deux et quatre ans ou à n’importe quel autre moment si l’investigateur le jugeait nécessaire.

Le risque de survenue d’un cancer de la prostate avait diminué de 22,5 % lors des premières biopsies (après deux ans) et de 23,5 % lors des deuxièmes (après quatre ans). «Je pense que ces données montrent de façon très éloquente que plus le traitement dure longtemps, plus cet agent supprime la croissance de la tumeur ou en réduit le volume», fait remarquer le Dr Gerald L. Andriole, chef de la chirurgie urologique, Washington University School of Medicine, St. Louis, Missouri.

Comme l’essai PCPT, l’essai REDUCE a montré que la réduction du risque était semblable, que les sujets aient été jeunes ou âgés, qu’ils aient eu ou non des antécédents familiaux de cancer de la prostate et qu’ils aient eu ou non des symptômes découlant de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), poursuit le Dr Andriole. De même, la taille de la prostate et le taux de PSA n’influaient pas sur l’efficacité.

Effets indésirables d’ordre sexuel

Certains patients craignent qu’un I5AR entraîne une dysfonction érectile (DE). Or, les données des deux essais d’envergure sur un I5AR n’étayent pas cette conclusion. Le Dr Andriole précise que très peu de sujets de l’essai REDUCE ont mis fin à leur traitement : environ 4,4 % des sujets sous dutastéride et 2,2 % des témoins sous placebo. Les dysfonctions sexuelles associées aux I5AR sont notamment une diminution de la libido, une diminution du volume de l’éjaculat et une gynécomastie, ajoute-t-il.

Par le passé, des essais d’envergure sur l’HBP qui visaient à comparer un placebo et un I5AR ont révélé que le taux de DE n’atteignait que 5 % alors qu’il pouvait atteindre 30 % sous placebo, enchaîne le Dr Neil E. Fleshner, chef de la Division d’urologie, Département de chirurgie oncologique, Princess Margaret Hospital, Toronto, Ontario. «Lorsqu’un patient se plaint de DE, le problème n’a rien à voir avec le médicament six fois sur sept», affirme-t-il.

Comparaison des caractéristiques des I5AR

Durant une présentation sur le traitement médicamenteux de l’HBP, le Dr Steven Kaplan, directeur, Institute for Bladder and Prostate Health, et professeur titulaire d’urologie, Weill Cornell Medical College, New York, New York, a fait un survol des études où l’on avait comparé les I5AR. Il a fait référence à l’essai EPIC (Enlarged Prostate International Comparator) qui avait fait ressortir des similitudes entre le finastéride et le dutastéride. Cette étude a notamment mis en évidence une diminution moyenne du volume de la prostate qui était presque identique dans les deux groupes (-26,7 pour le finastéride vs -26,3 pour le dutastéride à 12 mois; p=0,65).

La différence entre les deux agents était aussi comparable dans le cas de la variation de l’index des symptômes de l’AUA (variation moyenne ajustée après 12 mois de traitement, vs valeurs de départ : -5,5 pour le finastéride vs -5,8 pour le dutastéride) et de la fonction sexuelle (impuissance, 9 % vs 8 %; diminution de la libido, 6 % vs 5 %; et troubles de l’éjaculation, 2 % vs 2 %, pour le finastéride et le dutastéride, respectivement).

Cependant, souligne le Dr Kaplan, cette étude et d’autres études portaient sur des hommes dont le volume de la prostate était d’au moins 30 cm³, ce qui exclut presque la moitié des hommes. «Chez la moitié des patients, donc, on ne sait pas s’il est vraiment efficace et chez l’autre moitié, il n’y a pas de différence.»

Alimentation et autres habitudes de vie

Une étude récente a réfuté la théorie voulant que la vitamine E et le sélénium puissent prévenir le cancer de la prostate, contrairement à ce que les résultats prometteurs d’études chez l’animal et d’études épidémiologiques antérieures laissaient présager.

SELECT (Selenium and Vitamin E Cancer Prevention Trial) était un essai d’envergure dans lequel plus de 35 000 hommes avaient été randomisés de façon à recevoir soit un placebo, soit de la vitamine E ou du sélénium, soit l’association vitamine E + sélénium. Pour être admissibles, les patients devaient être âgés de plus de 55 ans (ou de plus de 50 ans s’ils étaient d’ascendance afro-américaine) et avoir un taux de PSA <4 ng/mL.

Après un suivi d’une durée médiane de 5,46 ans, le risque relatif de survenue d’un cancer de la prostate (hazard ratio [HR] avec intervalle de confiance [IC] de 99 %) se chiffrait à 1,13 (IC à 99 % : 0,95-1,35; n=473) pour la vitamine E, à 1,04 (IC à 99 % : 0,87-1,24; n=432) pour le sélénium et à 1,05 (IC à 99 % : 0,88-1,25; n=437) pour l’association sélénium + vitamine E vs 1,00 (n=416) pour le placebo (Lippman et al. JAMA 2009; 301[1]:39-51). «Bref, l’essai n’a pas donné les résultats escomptés, et il y a probablement lieu de conclure que ces agents n’exercent pas d’effet bénéfique», poursuit le Dr Fleshner.

Un autre essai avec placebo et randomisation visait à évaluer les effets salutaires d’un produit contenant 40 g de protéines de soya que l’on avait enrichi de 800 UI de vitamine E et de 200 µg de sélénium chez des hommes présentant une dysplasie prostatique (PIN) de grade élevé. Les hommes devaient subir une biopsie après 6, 12, 24 et 36 mois. Selon des données qui ne sont pas encore publiées, la PIN a évolué vers un cancer de la prostate invasif dans 26,4 % des cas. «Le risque relatif [HR] de cancer de la prostate associé au supplément nutritionnel était de 1,03, ce qui dénote l’absence d’effet», rapporte le Dr Fleshner.

Malgré ces résultats négatifs, il demeure important que le patient modifie ses habitudes de vie, souligne le Dr Fleshner. «Certes, la chimioprévention semble avoir la cote en ce moment, mais je pense que nous devons tout de même étudier les habitudes de vie afin de voir comment elles influent sur le continuum du cancer de la prostate.»

Entre autres, on s’intéresse de plus en plus à la théorie voulant que le lycopène, nutriment doté de fortes propriétés antioxydantes que l’on trouve dans la tomate et d’autres fruits rouges et légumes, puisse prévenir le cancer. Lors d’une étude présentée au congrès, les chercheurs ont administré des associations de micronutriments à des souris que l’on avait modifiées génétiquement de façon qu’une tumeur se développe en 24 à 30 semaines. L’association de la vitamine E, du sélénium et du lycopène a eu un effet «remarquable» sur le cancer alors que l’association sans lycopène a eu un effet beaucoup moins marqué, rapporte le Dr Fleshner. «En laboratoire, du moins, le lycopène semble avoir d’énormes retombées sur le développement et la progression du cancer de la prostate.» De même, des études chez l’humain commencent à montrer une inhibition marquée de la prolifération des cellules cancéreuses chez les hommes recevant divers suppléments contenant du lycopène, note-t-il.

Parallèlement à l’épidémie d’obésité qui balaye l’Amérique du Nord, on s’inquiète de plus en plus du lien entre un excédent de graisse corporelle et un risque accru de cancer de la prostate. Le diagnostic de ce cancer est plus difficile en présence d’une surcharge pondérale, notamment parce que, chez un tel patient, l’ETR est plus difficile à réaliser et que le taux de PSA est généralement plus faible. «La quasi-totalité des experts du domaine estiment que l’obésité est un facteur de risque, surtout des formes agressives de cancer de la prostate», confirme le Dr Laurence H. Klotz, chef de la Division d’urologie, Sunnybrook Health Sciences Centre, Toronto. «Si le poids baisse, le taux d’insuline baisse, le taux d’IGF-1 baisse et le stress oxydatif diminue, mais de là à prouver qu’il en résulte une diminution du risque de cancer, il y a loin de la coupe aux lèvres.»

Exposés de cas

On a demandé aux congressistes de déterminer le traitement approprié pour un Caucasien de 57 ans légèrement obèse qui aurait de légers symptômes du bas appareil urinaire (SBAU), qui n’aurait pas d’antécédents familiaux de cancer de la prostate, dont l’hypertrophie de la prostate (35 cm³) serait bénigne à la palpation et dont le taux de PSA serait de 2,1 ng/mL. Les options de traitement étaient les suivantes : aucune intervention; un I5AR; des micronutriments; assistance pour l’alimentation et la perte de poids; un I5AR et des micronutriments; ou toutes ces options.

Parmi les congressistes, 26 % ont dit qu’ils opteraient pour un I5AR, 33 %, pour des conseils sur l’alimentation et 30 %, pour toutes les stratégies. Bref, les deux tiers de l’auditoire auraient conseillé à cet homme en assez bonne santé et ne présentant aucun facteur de risque d’opter pour un I5AR.

Après une discussion sur les I5AR, on a posé la question suivante aux congressistes : et si le frère et le père de ce même patient avaient tous deux reçu un diagnostic de cancer de la prostate dans la soixantaine et que le père en était décédé à l’âge de 75 ans, que feriez-vous?

Pour ce patient exposé à un risque accru de cancer de la prostate, 40 % des congressistes auraient opté pour un I5AR alors que 10 % auraient choisi un I5AR et des micronutriments et que 45 % auraient choisi toutes les stratégies. C’est donc dire que 95 % des médecins présents auraient prescrit un I5AR à ce patient. «C’est la première fois au congrès de l’Association canadienne d’urologie que les participants s’entendent à l’unanimité pour dire, après un examen attentif des données, qu’ils prescriraient un I5AR pour réduire le risque de cancer de la prostate chez leurs patients», affirme le Dr Klotz.

Calculateur du risque de cancer de la prostate

Le calculateur du risque de cancer de la prostate, qui a été élaboré à partir des données de l’essai PCPT, détermine le risque de survenue d’un cancer de la prostate décelable par biopsie d’après la race du patient, son âge, son taux de PSA, ses antécédents familiaux de cancer de la prostate, l’ETR, les biopsies antérieures de la prostate et l’existence ou non d’un traitement par le finastéride (calculateur : http://deb.uthscsa.edu/URORiskCalc/Pages/uroriskcalc.jsp).

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont tirées de la discussion d’un groupe d’experts pendant le congrès et d’interviews subséquentes. Le modérateur était le Dr Laurence H. Klotz, et le groupe était formé des Drs Ian M. Thompson, Gerald L. Andriole, Neil E. Fleshner et Yves Fradet, professeur titulaire de chirurgie, Université Laval, Québec, Québec.

Q : Un traitement préventif a-t-il sa raison d’être chez un homme en bonne santé qui s’inquiète de son risque de cancer de la prostate? Dans l’affirmative, quelles stratégies seraient appropriées?

Dr Fradet : Il y a tout lieu de croire qu’une alimentation plus saine et de meilleures habitudes de vie ont un effet, mais j’estime que les I5AR viennent au premier plan. Ce type de médicament est la seule intervention qui se soit révélée capable de prévenir un diagnostic de cancer de la prostate lors de deux essais de très grande envergure de même que chez des hommes qui présentaient de légers SBAU et dont le taux de PSA était de 2,1, ce qui dénote probablement une légère hypertrophie de la prostate et un risque accru de complications de l’HBP. La chimioprotection réduit ce risque.

Dr Thompson : Chez tout homme exposé à un risque élevé, le risque a d’abord été faible. Or, c’est précisément quand le risque est faible qu’il est préférable d’intervenir. Si on essaie de prévenir le risque lorsqu’il est déjà assez élevé, il est trop tard. Q : À quel moment envisagez-vous une biopsie chez un patient sous I5AR dont le taux de PSA se met à monter?

Dr Andriole : Nous n’avons pas encore terminé l’analyse de la valeur prédictive positive d’une augmentation de 0,1, 0,2, 0,3 etc. après le début d’un traitement par le dutastéride. En présence d’une HBP, les I5AR sont tellement efficaces pour stabiliser la synthèse du PSA que toute augmentation confirmée, si minime soit-elle, du taux de PSA après la mise en route d’un traitement par un I5AR témoigne presque assurément d’un cancer.

Q : Les I5AR sont-ils efficaces pour prévenir les cancers de forte malignité?

Dr Andriole : Un I5AR peut tenir une tumeur de forte malignité en échec pendant un certain temps, mais pas indéfiniment. En fait, il n’y a rien qui puisse arrêter une tumeur de grade élevé indéfiniment. Je pense que nous n’arriverons jamais à éviter [des scores de Gleason] de 8, 9 et 10 dans la pratique clinique parce que nous n’avons rien pour traiter ces tumeurs. J’espère seulement que le taux de PSA deviendra un marqueur plus efficace qui m’amènera à demander une biopsie plus tôt afin pour que je découvre la tumeur à un moment où le volume à biopsier est moindre.

Q : Où en sommes-nous dans nos connaissances sur le lien entre les micronutriments et la réduction du risque?

Dr Fleshner : Pour l’instant du moins, la vitamine E et le sélénium – combinés ou seuls – n’ont essentiellement aucun rôle à jouer au chapitre de la prévention du cancer de la prostate. De même, je pense que le soya ne serait pas indiqué en présence d’une PIN de grade élevé. Les expériences sur le lycopène semblent prometteuses, mais nous devons poursuivre notre travail. Et nous devons continuer de réaliser des essais de phase III rigoureux chez les hommes aux prises avec cette maladie.

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