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L’inhibition du complément par un traitement ciblé pour prévenir des thromboses potentiellement mortelles

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 53e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

San Diego, Californie / 10-13 décembre 2011

San Diego - L'hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) et le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa), deux maladies où le système du complément joue un rôle important, répondent à un anticorps monoclonal (AcM) qui se lie à la protéine C5 du complément humain et inhibe l'activation de la voie terminale du complément. L’efficacité du traitement ciblé – qui valide les mécanismes biochimiques sous-jacents aux deux pathologies – nous aide à comprendre le rôle du complément dans les processus morbides secondaires à des anomalies dans la régulation du système immunitaire et les mécanismes de défense. Que l’on soit en présence d’HPN ou de SHUa, la prévention de l’expression du complément atténue les symptômes et les complications, y compris les thromboses potentiellement mortelles. L'éculizumab, un AcM, inhibe l'activation de la voie terminale du complément, et on a démontré que chez des patients atteints d'HPN, le traitement avait eu pour effet de normaliser le taux de mortalité par comparaison à des témoins appariés. Selon des données présentées au congrès, l’AcM semble offrir le même avantage relatif aux patients atteints d’un SHUa puisqu’il offre une maîtrise continue des symptômes et prévient la progression des lésions des organes.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

L’hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN) et le syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa) sont des maladies rares, mais potentiellement mortelles. On estime que 35 % des patients atteints d’HPN meurent au cours des 5 années suivant le diagnostic et que >50 % des patients atteints d’un SHUa meurent, vont en dialyse ou présentent des lésions rénales permanentes moins de
1 an après le diagnostic, même s’ils sont traités au moyen d’échanges plasmatiques.

Blocage de l’activation du complément

La mise au point d’un anticorps monoclonal (AcM) ciblant une étape précise de l’activation du complément a permis d’améliorer le pronostic de manière substantielle. En bloquant une protéine clé de la cascade d’activation du complément, l’éculizumab peut offrir une protection continue. «Certains de nos patients sont traités depuis >2 ans, et l’effet du traitement ne s’est aucunement émoussé. C’est très rassurant, car le pronostic de ces patients est autrement bien sombre», souligne la Dre Ulrike M. Reiss, St. Jude Children’s Research Hospital, Memphis, Tennessee.

Selon les données d’une étude multicentrique sur l’HPN chez des enfants et des adolescents qu’elle a présentées au congrès, le traitement par l’éculizumab – initialement homologué pour le traitement de l’HPN en 2007 – a permis de prévenir les complications les plus graves, à savoir la thrombose, l’hypertension artérielle pulmonaire, la maladie rénale chronique et la mort.

À l’instar de nombreuses cellules synthétisées dans la moelle osseuse, les hématies sont protégées du complément, à savoir le système enzymatique qui lyse les corps étrangers, par les protéines régulatrices ancrées à leurs membranes cellulaires par le glycosylphosphatidylinositol (GPI). Dans l’HPN, qui se caractérise par une anomalie isolée des hématies ou d’autres anomalies de la moelle osseuse, le déficit de production de GPI et l’absence de protéines de surface rendent les hématies vulnérables au complément, ce qui entraîne une anémie et, en cas d’anomalie plaquettaire connexe, une thrombose. Dans le SHUa, qui peut être acquis ou familial, le mécanisme sous-jacent est une activation incontrôlée du système du complément dont les conséquences, semblables à celles de l’HPN, sont une anémie, des thromboses majeures et une microangiopathie thrombotique (MAT) qui altèrent le rein, le foie et d’autres organes clés.

Au cours des étapes d’activation et de lyse enzymatique responsables des effets lytiques du complément, l’éculizumab, un anticorps humanisé recombinant de type IgG, se fixe sélectivement à la fraction C5 du complément, bloquant ainsi le clivage nécessaire à la formation du complexe d’attaque membranaire. En prévenant la formation du complexe d’attaque, on évite les conséquences de la vulnérabilité des hématies, à savoir l’hémolyse dans l’HPN, et l’activation incontrôlée du complément dans le SHUa.

Maintien de l’effet protecteur

Il est essentiel de comprendre ces mécanismes si l’on aspire à savoir pourquoi l’éculizumab est bénéfique et pourquoi son effet protecteur est susceptible de se maintenir tant que le patient poursuit son traitement. Les données récentes montrant son efficacité et son innocuité chez les enfants sont précieuses, car environ les deux tiers des cas de SHUa apparaissent au cours de l’enfance. L’HPN frappe à la fois les enfants et les adultes. Cela dit, les deux maladies sont difficiles à diagnostiquer peu importe l’âge de survenue en raison de leurs signes et symptômes non spécifiques, telles l’anémie et la fatigue. Des signes d’hémolyse, un taux élevé de lacticodéshydrogénase (LDH) par exemple, devraient faire suspecter une HPN ou un SHUa.

On a commencé à évaluer l’éculizumab chez des enfants atteints d’HPN en 2009. Pour ce faire, on a opté pour une analyse de l’efficacité et de l’innocuité en mode ouvert sur une période de 12 semaines, mais le suivi se poursuit toujours du fait que le traitement doit être chronique. Dans le cadre de cette étude qui réunissait 7 patients de 11 à 17 ans, l’AcM a été administré à une dose qui était fonction du poids, celle-ci variant entre 300 et 900 mg par voie intraveineuse tous les 7 à 14 jours.

Compte tenu du taux élevé de mortalité dans l’HPN, les données à l’appui de la normalisation de la survie chez des adultes atteints d’HPN par rapport à des témoins appariés pour l’âge étayent la pertinence du traitement. La Dre Reiss a souligné que les enfants n’avaient pas fait l’objet d’une évaluation systémique. Cela dit, les résultats des essais sur l’HPN ont montré que l’hémolyse intravasculaire était moins marquée chez les enfants traités et que le traitement était bien toléré à court terme. «Tant chez les enfants que chez les adultes, les perfusions d’éculizumab ont maîtrisé l’hémolyse intravasculaire comme l’ont montré une inhibition rapide et durable de la voie terminale du complément évaluée et une diminution du taux de LDH», dit-elle. De même, on a observé une étroite corrélation inverse entre la concentration sérique d’éculizumab et l’hémolyse. L’hémolyse – qui excédait 90 % chez tous les patients avant le traitement – a été totalement inhibée lorsqu’on a atteint des concentrations thérapeutiques. En outre, aucune hémolyse n’est survenue sous traitement continu.

L’innocuité du traitement – tout comme l’efficacité – était comparable chez les enfants et les adultes. Au cours de l’étude, on a conclu à un lien possible avec le traitement dans deux cas de céphalées et un cas de fièvre et à un lien probable dans un cas de douleur abdominale haute, mais tous ces effets indésirables étaient bénins. Diverses manifestations indésirables graves – p. ex., sinusite aiguë, anémie, thrombopénie, otite moyenne aiguë et ménorragie – ont été signalées chez deux patients, mais aucune tendance ne s'est dégagée. Le traitement a été bien toléré durant l’étude de même que pendant le suivi, précise la Dre Reiss.

«Compte tenu du risque de complications potentiellement mortelles, ce traitement est utile du fait qu’il permet aux enfants de mener une vie relativement normale», affirme la Dre Reiss, ajoutant que l’état des enfants demeurés sous traitement avait peu changé au fil du temps. La dose jugée efficace durant l’étude a été maintenue, et on n’a observé ni perte apparente d’efficacité ni problème de tolérabilité.

On a obtenu des résultats positifs comparables dans une série de 20 patients atteints d’un SHUa, des adultes pour la plupart. Même si les patients étaient admissibles à l’étude à partir de l’âge de 12 ans, l’âge médian était de 28 ans. Au moment de leur admission, tous les patients étaient traités au moyen d’échanges ou de perfusions plasmatiques (EP/PP) chroniques. Après une période d’observation, les patients ont d’abord reçu 800 mg/semaine d’éculizumab, puis la dose est passée à 1200 mg après 5 semaines, mais elle était alors administrée toutes les 2 semaines. L’objectif principal était l’absence d’événements, que l’on définissait par un nombre stable de plaquettes, l’absence d’EP ou de PP, et l’absence de dialyse pendant au moins 12 semaines. La fonction rénale et l’innocuité faisaient partie des paramètres secondaires.

À 26 semaines, 16 des 20 patients répondaient à l’objectif principal. Parmi les patients suivis pendant 60 semaines, 17 y
répondaient, explique le Dr Christoph Licht, Hospital for Sick Children, Toronto, Ontario. Selon l’analyse initiale à
26 semaines et l’analyse à 60 semaines, aucun patient n’a eu besoin d’une intervention pour cause de MAT. En outre, on a noté une amélioration constante de la fonction rénale au fil du traitement de même qu’à 26 et à 60 semaines. Sept patients ont eu des manifestations indésirables possiblement ou probablement liées au traitement par l’éculizumab, mais on estime à ce jour que le traitement offre une tolérabilité et une innocuité acceptables.

«Le passage au traitement chronique par l’éculizumab a changé notablement l’évolution de la maladie chez des patients qui présentaient une insuffisance rénale sévère de longue date en permettant une maîtrise continue de la  MAT», souligne le Dr Licht, qui a qualifié l’éculizumab de «nouveau traitement de référence dans le SHUa». Bien que l’éculizumab soit bien toléré à long terme, l’inhibition du complément peut augmenter le risque de certaines infections, prévient-il. Les patients doivent par exemple recevoir le vaccin antiméningococcique avant le début du traitement. On s’attend à d’autres études sur l’utilisation de cet agent dans d’autres maladies liées au complément.

Résumé

L’éculizumab a métamorphosé le pronostic de l’HPN et du SHUa. L’AcM ne guérit pas ces deux maladies liées au complément, mais il peut en maîtriser les symptômes indéfiniment et semble prévenir les lésions progressives associées à ces malades de mauvais pronostic à long terme. L’arrivée d’un traitement efficace pour ces maladies, dont on ne traitait auparavant que les symptômes, amplifie les avantages d’un diagnostic précoce, car il est maintenant possible de prévenir les lésions des organes cibles et la mort secondaires à la MAT.

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