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L’utilité de l’analyse mutationnelle dans le traitement des GIST

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Symposium 2011 sur les cancers digestifs

San Francisco, Californie / 20-22 janvier 2011

Ce sont les mutations de KIT qui jouent le rôle le plus important dans les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), affirme le Dr Christopher Corless, Oregon Health and Science University, Portland. L’exon 11, où sont localisées environ les deux tiers des mutations de KIT, y est pour beaucoup; les autres mutations sont localisées dans l’exon 9 (environ 10 %) et, dans une moindre mesure, dans les exons 13 et 17. «Environ 75 % des GIST se caractérisent par des mutations de KIT, poursuit le Dr Corless. Ce sont essentiellement ces mutations qui régissent la maladie.»

Les GIST ne sont pas des tumeurs très fréquentes : on en dénombre annuellement environ 5000 aux États-Unis. Cela dit, au sein de la population générale, jusqu’à 30 % des adultes ont des micro-GIST dans l’estomac, soulignait le Dr Corless dans un symposium sur la recherche translationnelle. Ces micro-GIST (<2 cm) se caractérisent par des mutations de KIT semblables aux mutations associées aux GIST, mais l’index mitotique est plus faible et la morphologie est bénigne. La recherche des mutations associées à la conversion des micro-GIST en GIST est ainsi devenue une priorité des chercheurs.

En fréquence et en importance, les mutations du PDGFR-a viennent au deuxième rang dans le développement des GIST. Présentes dans environ 7,5 % des GIST, les mutations de PDGFR-a sont localisées dans les exons 18 (5,5 %), 12 (2 %) et 14 (rare). «Outre le fait qu’il représente la localisation la plus fréquente des mutations de PDGFR-a, l’exon 18 joue un rôle clé du fait qu’il héberge la mutation D842V qui confère la résistance à l’imatinib», explique le Dr Corless.

Impact des mutations sur l’issue clinique

Le Dr Corless a cité deux essais cliniques multicentriques illustrant l’impact des divers types de mutations sur l’issue clinique des GIST traitées par l’imatinib. L’un de ces deux essais, réalisé au Canada et aux États-Unis, a démontré que l’issue clinique était significativement meilleure chez les porteurs de mutations de l’exon 11 que chez les porteurs d’une tumeur de génotype sauvage (p=0,0002) ou de mutations de l’exon 9 (p=0,007) (Heinrich et al. J Clin Oncol 2008;26:5360-7) (Figure 1).

Figure 1. SWOG-NCIC : Survie sans progression en fonction du génotype


D’après Heinrich et al. J Clin Oncol 2008;26:5360-7.

Le deuxième essai multicentrique, mené en Europe, a donné des résultats similaires (Debiec-Rychter et al. Eur J Cancer 2006;42:1093-103). Les GIST associées à des mutations de l’exon 9 étaient celles qui conféraient le pire pronostic, notamment sur le plan du risque de progression et de la mortalité (p<0,0001 vs mutations de l’exon 11) (Figure 2). De même, les patients dont la tumeur n’était associée à aucune mutation de KIT et de PDGFR-a ont obtenu de moins bons résultats que les porteurs d’une GIST associée à une mutation de l’exon 11 (p<0,0001, p=0,028).

Figure 2. OERTC/ISG/AGITG : Survi
fonction du génotype

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D’après Debiec-Rychter et al. Eur J Cancer 2006;42:1093-103.

Une analyse groupée des deux essais a objectivé des différences liées à la dose entre les deux groupes quant à la survie sans progression (SSP) et la survie à 3 ans chez les patients porteurs de mutations de l’exon 9 (GIST Study Group. J Clin Oncol 2010;28:1247-53). Chez les patients qui recevaient 400 mg/jour d’imatinib, on a enregistré une médiane de SSP de 6 mois et une survie à 3 ans estimée à 5 %. Chez les patients qui recevaient 800 mg/jour, en revanche, on a obtenu une médiane de SSP de 19 mois et une survie à 3 ans estimée à 17 % (p=0,017).

«Nous avons constaté que la dose – 400 mg ou 800 mg – ne faisait aucune différence lorsque le patient était porteur d’une tumeur avec mutations de l’exon 11 ou d’une tumeur de génotype sauvage, fait remarquer le Dr Corless. Par contre, à notre grand étonnement, la dose faisait une différence lorsque des mutations étaient localisées dans l’exon 9» (Tableau 1).

La mutation D842V de PDGFR-a, localisée dans l’exon 18, s’observe dans environ 5 % de toutes les GIST. Il a toutefois été démontré que la mutation conférait une résistance in vitro à tous les inhibiteurs de l’activité tyrosine kinase (ITK). Les données de plusieurs petites séries cliniques n’ont mis en évidence aucune réponse objective à ces agents, et la maladie s’est stabilisée chez seulement quelques patients parmi les porteurs de la mu
au 1. Mécanismes de résistance primaire à l’imatinib dans les GIST

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Résistance secondaire

La plupart des GIST répondent à un ITK pendant un certain temps, puis elles se mettent à progresser, note le Dr Corless. Cette observation évoque l’existence de mutations secondaires ou acquises, que la recherche a confirmées.

«Les chercheurs ont repéré deux points chauds où surviennent de nouvelles mutations dans des lésions devenues complètement résistantes à l’imatinib, confirme le Dr Corless. Ces mutations sont regroupées dans les exons 13 et 14 de la poche de fixation de l’ATP, mais d’autres surviennent dans les exons 17 et 18, qui codent pour la boucle d’activation. Les mutations donnent lieu à une conformation plus ouverte qui ne favorise pas la liaison à l’ITK.»

Les mutations ont aussi un rôle clé à jouer dans le traitement de deuxième intention des GIST. Cependant, l’expérience avec l’imatinib ne s’applique pas directement aux autres ITK. Lors d’une étude sur le sunitinib chez des patients devenus résistants à l’imatinib, les porteurs d’une tumeur de génotype sauvage et les porteurs d’une GIST avec mutations de l’exon 9 sont ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats, alors que les mutations de l’exon 11 ont conféré le pire pronostic sous sunitinib (Heinrich et al. J Clin Oncol 2008;26:5352-9).

Plus récemment, le sorafenib s’et révélé actif contre les GIST associées à certaines mutations secondaires. Diverses données montrent que l’agent était plus actif contre les mutations des exons 13/14 que contre celles des exons 17/18. De nouvelles données présentées au congrès ont montré qu’une tumeur résistante au sunitinib sur trois répondait à un traitement de troisième intention par le sorafenib (Campbell et al. J Clin Oncol 2011;29[suppl 4]:résumé 4).

Analyse mutationnelle et pronostic

Le Dr Corless a cité une étude française récente illustrant l’importance de l’analyse mutationnelle pour la détermination du pronostic et le choix du traitement adjuvant. Les chercheurs ont recruté 115 patients porteurs d’une GIST, localisée dans 88 % des cas au moment du diagnostic (Cassier et al. Br J Cancer 2010;103:165-70). Une analyse plus approfondie selon les critères de l’Armed Forces Institute of Pathology (AFIP) a révélé que 36,5 % des tumeurs étaient à faible risque, 35,6 % à risque modéré et 27,7 %, à risque élevé.

«C’est la cohorte de patients pour qui nous devons envisager un traitement adjuvant par l’imatinib, affirme le Dr Corless. Selon la valeur-seuil de détermination du risque, quels qu’en soient les critères, il se pourrait que le traitement adjuvant soit une considération importante chez un nombre élevé de patients dont la GIST vient d’être diagnostiquée.»

À l’heure actuelle, le risque de récidive d’une GIST primitive est stratifié en fonction de trois facteurs : l’index mitotique, la taille et la localisation de la tumeur. Quoiqu’il soit plutôt rudimentaire, ce système permet de prédire le risque de récidive avec une assez bonne exactitude, fait remarquer le Dr Corless. L’ajout d’information sur le statut mutationnel pourrait améliorer la prédiction du pronostic.

Les mutations de KIT dans l’exon 11 peuvent prendre la forme de délétions, de mutations ponctuelles ou d’insertions. Les délétions sont de loin le type de mutation le plus fréquent et elles assombrissent le pronostic, ajoute le Dr Corless.

L’analyse récente d’un essai randomisé sur le traitement adjuvant des GIST a montré l’utilité de la prise en compte du statut mutationnel lorsqu’on détermine le pronostic (DeMatteo et al. Lancet 2009;373:1097-104). Le Dr Corless et son équipe – qui avaient en main les données sur le génotype de la tumeur chez 513 patients – ont examiné l’impact du génotype chez des patients ayant reçu un placebo après la résection chirurgicale.

L’analyse a révélé que les mutations par délétion touchant l’exon 11 conféraient le risque le plus élevé de récidive. La différence se maintenait par rapport aux insertions dans l’exon 11, aux mutations de PDGFR-a, aux mutations ponctuelles touchant l’exon 11, aux mutations de l’exon 9 et au génotype sauvage. Comment tirer avantage de cette information?, demande le Dr Corless. C’est ce que nous tentons de déterminer. Nous essayons de construire un nomogramme qui tient compte à la fois du génotype et des données de l’examen pathologique.»

Développements récents dans le traitement des GIST

Le génotypage pourrait aider les cliniciens à tirer profit des bénéfices du traitement adjuvant qui se sont dégagés de l’essai Z9001 de l’American College of Surgeons Oncology Group (ACOSOG), affirmait le Dr Ronald P. DeMatteo, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, lors d’une séance de formation tenue dans le cadre du symposium. La meilleure façon d’utiliser l’information reste toutefois à déterminer.

L’essai ACOSOG Z9001 avec placebo a objectivé une amélioration significative de la survie sans récidive chez les patients porteurs d’une GIST qui avaient subi une résection chirurgicale de la tumeur primitive et qui avaient ensuite été randomisés de façon à recevoir de l’imatinib. L’essai a pris fin prématurément lorsqu’une analyse partielle a montré une réduction de 65 % du risque de récidive chez les patients sous imatinib (HR 0,35, p<0,0001). Une analyse préliminaire de la survie globale (SG) donne à penser que l’imatinib pourrait être bénéfique. La différence n’a pas atteint le seuil de signification statistique (HR 0,66, p=0,47), mais «l’essai n’était pas doté d’une puissance statistique suffisante pour que l’on puisse analyser la SG», souligne le Dr DeMatteo. De nombreux experts estiment que la récidive devrait êtr
al des essais cliniques dans cette maladie» (Tableau 2).

Tableau 2. Résultats de l’essai ACOSOG Z9001 (n=713)

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À partir des données recueillies chez 127 patients traités à leur centre, le Dr DeMatteo et ses collaborateurs ont conçu un nomogramme de prédiction du risque de récidive d’une GIST. Ce nomogramme, qui tient compte de la taille de la tumeur, de sa localisation et de son index mitotique, a été mis à l’épreuve dans deux cohortes regroupant 360 patients au total. À en juger par les résultats, ce nomogramme est mieux calibré que les critères de l’AFIP pour prévoir la survie sans récidive. Contrairement à l’analyse qu’ont faite le Dr Corless et ses collaborateurs des données de l’essai ACOSOG Z9001, l’ajout du statut mutationnel n’a pas amélioré l’exactitude du nomogramme (Gold et al. Lancet Oncol 2009;10:1045-52).

Cela dit, le Dr DeMatteo était d’accord pour dire que les décisions quant au traitement, en particulier la décision de prescrire de l’imatinib, seraient plus faciles à prendre si l’on savait que le patient est porteur ou non de mutations de l’exon 11. Le génotype sauvage ne semble avoir aucune valeur pronostique, alors que la valeur pronostique des mutations de l’exon 9 et de PDGFR-a n’est pas encore claire.

Les connaissances cliniques sur les GIST métastatiques continuent d’évoluer. Le Dr DeMatteo a expliqué comment, selon les données actuelles, les patients porteurs d’une GIST métastatique pouvaient bénéficier d’un traitement par l’imatinib. Lors d’un essai multicentrique avec randomisation regroupant 746 patients porteurs d’une GIST avancée, l’imatinib à 400 et à 800 mg a été associé à une médiane de SSP de 18 et 20 mois de même qu’à une médiane de SG de 55 et 51 mois (Blanke et al. J Clin Oncol 2008;26[4]:626-32). Aucune de ces différences n’était statistiquement significative, ajoute le Dr DeMatteo. Parmi les patients qui ont reçu de l’imatinib à forte dose après la progression de la tumeur, environ le tiers ont eu une réponse objective ou une stabilisation de la maladie.

En revanche, une étude antérieure avait révélé que les deux doses d’imatinib étaient associées à des taux de réponse similaires chez des patients porteurs d’une GIST avancée. La forte dose avait néanmoins été associée à une légère amélioration de la SSP (Verweij et al. Lancet 2004;364:1127-34).

L’utilité de l’exérèse chirurgicale des métastases hépatiques ne fait pas encore consensus chez les cliniciens. «La chirurgie serait peut-être justifiée chez les patients dont la GIST a été stabilisée sous ITK, avance le Dr DeMatteo. L’exérèse des métastases pourrait retarder l’apparition d’une résistance à l’imatinib.»

Le Dr DeMatteo et ses collaborateurs se sont penchés sur la question chez 40 patients ayant reçu un ITK avant d’être opérés (DeMatteo et al. Ann Surg 2007;245:347-52). Avant la chirurgie, les patients ont été subdivisés en trois classes : maladie sensible à l’ITK, résistance focale (1 tumeur en progression) ou résistance multifocale (>1 tumeur en progression).

Au départ, en réponse à l’ITK, la maladie s’était au moins stabilisée chez tous les patients sauf un. Parmi les 20 patients dont la maladie était considérée comme sensible à l’ITK, la SSP à 2 ans était de 61 % et la SG à 2 ans, de 100 %. Chez les 13 patients qui présentaient une résistance focale, la maladie a progressé après une médiane de 12 mois, et la SG à 2 ans a atteint 36 %. Chez les 7 patients restants, qui présentaient une résistance multifocale, la maladie a progressé dans un délai médian de 3 mois, et la SG à 1 ans se chiffrait à 36 %.

Les investigateurs d’une autre étude se sont penchés sur l’issue clinique chez 69 patients porteurs d’une GIST qui ont été opérés alors qu’ils recevaient un ITK (Raut et al. J Clin Oncol 2006;24:2325-31). Après la chirurgie, aucune trace de maladie n’était décelable chez 78 % des patients dont la maladie s’était stabilisée sous ITK, chez 25 % de ceux dont la progression était limitée et chez 7 % de ceux dont la progression était généralisée. On a observé une tumeur résiduelle volumineuse chez 4 %, 16 % et 43 % des patients, respectivement.

Le taux de SSP à 12 mois a atteint 80 %, 33 % et 0 % selon que la maladie s’était stabilisée, que la progression était limitée ou que la progression était généralisée, respectivement. La SG à 12 mois se chiffrait quant à elle à 95 %, 86 % et 0 %.

Résumé

Résumant l’état actuel des connaissances sur le traitement des GIST, le Dr DeMatteo a déclaré : «Un an de traitement par l’imatinib prolonge la survie sans récidive. Le risque de récidive dépend de l’index mitotique. Les patients porteurs d’une tumeur à faible risque n’ont pas besoin d’imatinib. Le traitement adjuvant par un ITK est bénéfique en présence de mutations de l’exon 11, mais nous avons besoin de plus amples données sur les mutations de l’exon 9, le génotype sauvage et les mutations de PDGFR-a. En présence de métastases sensibles à l’ITK, la chirurgie semble bénéfique.»

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