Comptes rendus

Nutrition Pédiatrique
Antagonistes du corécepteur CCR5 : un profil de tolérabilité encourageant se dégage des données à long terme

L’évaluation du risque en contexte : AINS sélectifs vs non sélectifs - Revues de la littérature

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

OPTIONS MÉDICALES - Prise en charge de la douleur

Septembre 2009

CHOIX D’UN AINS DANS LE TRAITEMENT DE L’ARTHROSE : UNE APPROCHE PRATIQUE

Commentaire éditorial :

Algis V. Jovaisas, MD, FRCPC

Professeur adjoint de médecine, Division de rhumatologie, Université d’Ottawa, Ottawa (Ontario)

De nombreux facteurs concourent à souligner la nécessité d’une démarche rationnelle dans le traitement de l’arthrose. Bien que la prise en charge doive toujours s’appuyer sur des mesures non pharmacologiques de modification des habitudes de vie, il est probable que l’objectif de soulagement de la douleur dans les formes modérées et sévères nécessite la prescription d’un antiinflammatoire non stéroïdien (AINS). Les AINS sont efficaces mais majorent le risque d’effets indésirables gastrointestinaux (GI) et cardiovasculaires (CV), surtout chez les patients âgés. Fait important, la vulnérabilité individuelle relative influe grandement sur ces risques. Il est donc crucial d’évaluer les déterminants des risques GI et CV quand vient le temps de choisir entre un AINS non sélectif classique, un AINS qui inhibe sélectivement la cyclo-oxygénase 2 (COX-2), un traitement associant un agent gastroprotecteur à un AINS classique ou carrément un type d’analgésique autre qu’un AINS. Grâce à une meilleure quantification du risque relatif, nous sommes maintenant davantage en mesure de faire des choix cliniques appropriés.

Accroissement des risques liés à l’âge

On peut raisonnablement qualifier l’arthrose de maladie du vieillissement. Même si elle peut survenir à un âge relativement jeune, on constate une augmentation linéaire de sa prévalence qui s’amorce vers 50 ans et se poursuit jusqu’à au moins 80 ans1. À 70 ans, environ le tiers des hommes et 40 % des femmes souffrent d’arthrose (Figure 1). L’accroissement parallèle, toujours en fonction de l’âge, du risque d’hémorragie digestive et du risque de maladie CV a des retombées sur la prise en charge de l’arthrose, puisque le pivot du traitement — les AINS — influe sur ces deux risques. Le risque d’hémorragie digestive, complication qui peut être mortelle chez le sujet âgé (73 % des décès attribuables à une hémorragie digestive haute surviennent chez des sujets de plus de 60 ans2), est multiplié par plus de quatre sous AINS non sélectif comparativement à un placebo3. On observe une relation plus variable entre le risque d’événement CV, qui augmente également de façon linéaire en fonction de l’âge4, et la prise d’AINS, qu’ils inhibent sélectivement ou non la COX-2; néanmoins, le risque CV est maintenant reconnu dans la monographie de tous les AINS, et les guides de pratique clinique recommandent d’en tenir compte dans la prise en charge de l’arthrose5.

Figure 1. Taux croissant d’arthrose selon l’âge


Dans le traitement de l’arthrose, les AINS prédominent, mais il est important de reconnaître que la stratégie de première intention doit être la modification des habitudes de vie, en particulier dans les formes légères. Souvent oublié, l’exercice physique a pourtant été associé à une atténuation des symptômes de l’arthrose dans de multiples études, dont deux méta-analyses6,7. Des données similaires, provenant notamment d’une méta-analyse, attestent les bienfaits d’une perte pondérale modérée en présence d’un surpoids (Tableau 1)8. La sensibilisation des patients à leur maladie et aux bienfaits d’une hausse de l’activité physique et d’une réduction du poids, même modérées, est un pas important vers une meilleure prise en charge de l’arthrose, y compris chez les patients qui ont besoin d’un traitement pharmacologique.

Tableau 1. Vers u
charge de l’arthrose

<img3464|center>

Prise en charge du risque GI

Dans le contexte de l’arthrose, les objectifs du traitement sont le soulagement de la douleur et l’amélioration de la capacité fonctionnelle, l’un et l’autre étant essentiels à une qualité de vie suffisante. Lorsque l’arthrose est légère, un traitement par l’acétaminophène — qui s’est révélé plus efficace que le placebo pour le soulagement de la douleur dans de nombreuses études9 — peut être suffisant pour atteindre ces objectifs. Même si le risque de toxicité notable de l’acétaminophène est faible, on doit respecter les schémas thérapeutiques classiques en raison du risque de lésion rénale lié à la dose10.

Lorsque l’arthrose n’est pas maîtrisée sous acétaminophène, les AINS sont plus efficaces que ce dernier et un placebo11. Lors d’une étude avec placebo au cours de laquelle on a directement comparé le célécoxib à l’acétaminophène chez des patients atteints d’arthrose de la hanche ou du genou, l’acétaminophène s’est révélé statistiquement supérieur au placebo pour le soulagement de la douleur, mais le célécoxib l’a emporté sur l’acétaminophène par un écart significatif à en juger par les scores de symptômes ou les préférences des patients (Figure 2)12.


: score WOMAC et préférences pour le célécoxib vs l’acétaminophène

<img3465|center>

Le choix entre un AINS classique et un AINS sélectif est dicté par le risque relatif plutôt que par l’efficacité relative. Bien que l’on ait abondamment comparé les AINS non sélectifs et les AINS sélectifs sur le critère de l’efficacité, des études d’envergure explorant aussi leur innocuité GI relative chez des sujets atteints d’arthrose ou de polyarthrite rhumatoïde — telles que CLASS13, VIGOR14 et SUCCESS15 — ont mis en évidence, outre une efficacité similaire contre les symptômes articulaires, une réduction du risque de toxicité GI en faveur des inhibiteurs sélectifs de la COX-2.

Malgré le retrait du marché de plusieurs inhibiteurs sélectifs de la COX-2, le risque relatif de toxicité GI était et demeure le principal critère distinctif entre les AINS non sélectifs et le célécoxib, seul inhibiteur sélectif de la COX-2 actuellement offert au Canada. Rappelons que les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 ont été mis au point précisément dans le but d’atténuer l’inhibition de la COX-1, enzyme clé dans la synthèse de prostaglandines gastroprotectrices16, une stratégie dont l’efficacité mérite d’être soulignée. Lors de l’étude SUCCESS-1, par exemple, le risque de complications digestives hautes était 86 % moins élevé dans le groupe célécoxib que dans les groupes naproxen ou diclofénac. Selon l’étude VIGOR sur le rofécoxib, ultérieurement retiré du marché en raison du risque CV accru auquel il a été associé, l’AINS sélectif diminuait cette fois ce risque de 54 % par rapport au naproxen.

Choix de traitement en présence d’un risque CV élevé

La survenue inattendue d’événements CV a conduit au retrait de plusieurs inhibiteurs sélectifs de la COX-2, comme le rofécoxib, mais il n’a pas été prouvé que le risque CV était spécifique de ces agents. En fait, les études comparant les AINS actuellement offerts, y compris les agents non sélectifs et le célécoxib, du point de vue du risque d’événement CV tel que l’infarctus du myocarde n’ont encore mis au jour aucun schéma de risque clair18. Par conséquent, tous les AINS, y compris le naproxen, le célécoxib et le diclofénac, font l’objet, dans leur monographie, d’une mise en garde similaire contre le risque CV19.

D’un point de vue pratique, pour les patients qui sont candidats au traitement par un AINS, il est donc approprié de tenir compte du risque CV chez tous les patients, mais de se concentrer sur le risque relatif de complications GI pour ce qui est du choix entre agents sélectifs et non sélectifs.

Les facteurs de risque d’une hémorragie digestive sont notamment un âge supérieur à 60 ans ainsi que des antécédents d’hémorragie digestive haute et d’ulcère gastroduodénal20. Le tabagisme, tout comme l’infection à Helicobacter pylori, augmente également la vulnérabilité aux hémorragies digestives. Le dépistage et l’éradication de l’infection à H. pylori sont particulièrement importants en présence de manifestations digestives hautes. Il importe en outre de vérifier si les médicaments concomitants comprennent des agents qui majorent le risque d’hémorragie digestive, comme des corticostéroïdes. Chez les patients sous AAS à faible dose, les AINS non sélectifs peuvent augmenter le risque hémorragique de plus du double.

Chez les patients à risque élevé d’hémorragie digestive, le schéma AINS non sélectif plus inhibiteur de la pompe à protons (IPP) et le schéma AINS sélectif en monothérapie ont tous deux été associés à une réduction du risque d’ulcère gastroduodénal symptomatique, qui est un critère de substitution probable du risque hémorragique22. Cela dit, le célécoxib représente une option de première intention raisonnable étant donné qu’il offre une protection relative de la muqueuse à la fois au niveau des voies digestives hautes et de l’intestin grêle, alors que les IPP n’agissent pas sur ce dernier segment. De plus, les IPP ont été associés à un risque accru de fracture ostéoporotique23, ce qui est une source de préoccupations chez les sujets âgés. Exception faite du pantoprazole, il existe également un risque d’interaction des IPP avec le clopidogrel24. Enfin, ces médicaments ont été associés à une incidence accrue de pneumonies et d’infections à Clostridium difficile nosocomiales25.

En présence d’un risque CV élevé, Santé Canada et la Food and Drug Administration des États-Unis estiment tous deux que les AINS non sélectifs et le célécoxib ne peuvent pas, pour l’instant, être différenciés quant à leur innocuité relative. Une analyse rétrospective dans laquelle on a comparé les taux relatifs d’incidence d’événements CV chez les patients sous AINS à risque particulièrement élevé (patients hospitalisés pour maladie coronarienne), le célécoxib et le naproxen ont été associés aux taux d’incidence les plus faibles, mais la plupart des différences entre les AINS sélectifs et les AINS non sélectifs n’ont pas atteint le seuil de significativité statistique19. La seule exception a été le diclofénac, qui a été associé à une augmentation significative du taux d’incidence par rapport aux nonutilisateurs d’AINS (Tableau 2). Il s’impose de comparer le célécoxib à des AINS traditionnels sur le plan des événements CV dans le cadre d’une étude prospective avec randomisation afin de recueillir des données de référence sur le risque relatif; une telle étude a d’ailleurs été entreprise. Cela dit, chez les patients à risque CV élevé qui ont besoin d’un AINS et qui reçoivent de l’AAS à faible dose, le célécoxib pourrait être un choix raisonnable. Contrairement à l’ibuprofène et au naproxen, le célécoxib ne semble pas annuler les effets antiplaquettaires de l’AAS26. On n’a pas étudié le risque d’interactions avec tous les AINS, mais d’autres AINS non sélectifs, comme le diclofénac, pourraient également préserver l’activité de l’AAS27.

Tableau 2. Ratios d’incidence de morbidité CV grave ou de morbidité CV grave et de
V après une hospitalisation pour maladie coronarienne grave chez des utilisateurs et des non-utilisateurs d’AINS

<img3466|center>

L’équilibre entre le traitement et les risques

Chez les patients à risque très élevé, tant sur le plan GI que sur le plan CV, un traitement alliant le célécoxib et un IPP pourrait être une option raisonnable. Bien que l’innocuité CV de ce schéma n’ait pas été démontrée dans le cadre d’une étude prospective avec randomisation, ce traitement a été associé à un faible risque de récidive d’hémorragie digestive haute comparativement à d’autres stratégies28. Chez tout patient à risque CV élevé, une prise en charge énergique des facteurs de risque modifiables doit systématiquement faire partie du plan de traitement.

Il est sans doute raisonnable d’employer les AINS à la dose efficace la plus faible possible en présence d’un risque CV élevé, néanmoins, il n’est pas certain que le risque CV soit fonction de la dose. Par ailleurs, la décision de renoncer complètement aux AINS en raison du risque CV pourrait être compliquée par le choix limité de solutions de rechange. On peut envisager une arthroplastie totale ou encore se tourner vers un narcotique à faible dose pour soulager la douleur, mais les analgésiques autres que les AINS suscitent souvent des préoccupations cliniques supplémentaires, surtout chez le sujet âgé, car il est déjà difficile de maintenir les bénéfices et les risques en balance. Par exemple, le tramadol, opioïde de synthèse, pourrait être bien toléré par certains patients, mais cet agent, comme tous les narcotiques, entraîne de la constipation. En raison de ses effets euphorisants, il comporte aussi un certain risque d’abus29.

Compte tenu du vieillissement de la population et de la constante progression de l’obésité, facteur de risque d’arthrose, on s’attend à une hausse brutale de la prévalence de l’arthrose dans les décennies à venir. Le corpus croissant de données objectives par lesquelles remplacer les consensus d’experts laisse espérer l’élaboration de guides de pratique clinique plus utiles à mesure que nous comprenons mieux comment équilibrer les risques GI et CV dans la prise en charge des douleurs articulaires. Cela dit, l’individualisation du traitement demeurera sans doute incontournable étant donné la variabilité du risque relatif de ces complications d’un patient à l’autre.

Résumé

Les stratégies pour le traitement de l’arthrose ont évolué et pourraient encore changer à la lumière des données nouvelles sur les risques et les bénéfices relatifs. Si le retrait de plusieurs inhibiteurs de la COX-2 a fait craindre un effet de classe quant au risque CV, les données recueillies depuis semblent indiquer que l’inhibiteur de la COX-2 actuellement sur le marché ne peut être différencié des AINS non sélectifs en matière de risque CV. Par conséquent, le principal critère qui doit guider le choix entre un AINS sélectif et un AINS non sélectif est plutôt le risque relatif de toxicité GI. Bien que le traitement doive être adapté en fonction des risques GI et CV, de nombreux patients atteints d’arthrose modérée ou sévère ont besoin d’un AINS lorsqu’un soulagement suffisant des symptômes est essentiel au maintien d’une qualité de vie adéquate.

Références

1. Kopec et al. Descriptive epidemiology of osteoarthritis in British Columbia, Canada. J Rheumatol 2007;34:386-93.

2. Yavorski RT, Wong RK, Maydonovitch C. Analysis of 3,294 cases of upper gastrointestinal bleeding in military medical facilities. Am J Gastroenterol 1995;90:568-73.

3. Offman et al. A meta-analysis of severe upper gastrointestinal complications of non-steroidal antiinflammatory drugs. J Rheumatol 2002;29:804-12.

4. Fondation des maladies du coeur du Canada. Statistiques. Site Web : www.fmcoeur.qc.ca /site/c. kpIQKVOxFoG/b.3669917/k.9F47/Statistiques. htm#deces. Consulté le 18 mai 2009.

5. American College of Rheumatology Ad Hoc Group on Use of selective and non-selective nonsteroidal antiinflammatory drugs. Arthritis Rheum 2008;59:1058-73.

6. Fransen M, McConnell S, Bell M. Therapeutic exercise for people with osteoarthritis of the hip or knee. A systematic review. J Rheumatol 2002;29:1737-45.

7. Pelland et al. Efficacy of strengthtening exercises for osteoarthritis (Part I): A meta-analysis. Phys Ther Rev 2004;9:77-108.

8. Christensen et al. Effect of weight reduction in obese patients diagnosed with knee osteoarthritis: a systematic review and meta-analysis. Ann Rheum Dis 2007;66:433-9.

9. Towheed et al. Acetaminophen for osteoarthritis. Cochrane Database Syst Rev 2006;1:CD004257.

10. Perneger TV, Whelton PK, Klag MJ. Risk of kidney failure associated with the use of acetaminophen, aspirin, and nonsteroidal anti-inflammatory drugs. N Engl J Med 1994;331:1675-9.

11. American College of Rheumatology Subcommittee on Osteoarthritis Guidelines. Recommendations for the medical management of osteoarthritis of the hip and knee: 2000 update. Arthritis Rheum 2000;43:1905-15.

12. Pincus et al. Patient preference for placebo, acetaminophen, (paracetamol), or celecoxib efficacy studies (PACES): two randomized, double blind, placebo controlled crossover clinical trials in patients with knee or hip osteoarthritis. Ann Rheum Dis 2004;63:931-9.

13. Silverstein et al. Gastrointestinal toxicity with celecoxib vs. nonsteroidal anti-inflammatory drugs for osteoarthritis and rheumatoid arthritis. The CLASS study: a randomized, controlled trial. JAMA 2000;284:1247-55.

14. Bombardier et al. Comparison of upper gastrointestinal toxicity of rofecoxib and naproxen in patients with rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2000;343:1520-8.

15. Singh et al. Celecoxib versus naproxen and diclofenac in osteoarthritis patients: SUCCESS-1 study. Am J Med 2006;119:255-66.

16. Vane JR, Bakhle YS, Botting RM. Cyclooxygenase 1 and 2. Annu Rev Pharmacol Toxicol 1998;38:97-120.

17. Dajani EZ, Islam K. Cardiovascular and gastrointestinal toxicity of selective cyclo-oxygenase-2 inhibitors in man. J Physiol Pharmacol 2008;59(suppl 2): 117-33.

18. Hernández-Díaz S, Varas-Lorenzo C, García Rodriguez LA. Non-steroidal antiinflammatory drugs and the risk of acute myocardial infarction. Basic Clin Pharmacol Toxicol 2006;98:266-74.

19. Ray et al. Cardiovascular risks of nonsteroidal ant i inf lammatory drugs in pat ient s af ter hospitalization for serious coronary heart disease. Circ Cardiovasc Qual Outcomes 2009;2:155-63.

20. Dincer et al. AINS-related upper gastrointestinal bleeding: are risk factors considered during prophylaxis? Int J Clin Pract 2006;60:546-8.

21. Lanas et al. Nitrovasodilators, low-dose aspirin, other nonsteroidal antiinflammatory drugs, and the risk of upper gastrointestinal bleeding. N Engl J Med 2000; 343:834-9.

22. Hooper et al. The effectiveness of five strategies for the prevention of gastrointestinal toxicity induced by non-steroidal anti-inflammatory drugs: a systematic review. BMJ 2004;329:948-53.

23. Targownik et al. Use of proton pump inhibitors and risk of osteoporosis-related fractures. CMAJ 2008;179:319-26.

24. Ho et al. Risk of adverse outcomes associated with concomitant use of clopidogrel and proton pump inhibitors following acute coronary syndrome. JAMA 2009;301:937-44.

25. Herzig et al. Acid-suppressive medication use and the risk for hospital-acquired pneumonia. JAMA 2009;301:2120-28.

26. Renda et al. Celecoxib, ibuprofen, and the antiplatelet effect of aspirin in patients with osteoarthritis and ischemic heart disease. Clin Pharmacol Ther 2006;80:264-74.

27. Bird et al. A study to determine the clinical relevance of the pharmacokinetic interaction between aspirin and diclofenac. Inflamm Res 1986;18:447-9.

28. Chan et al. Combination of a cyclo-oxygenase-2 inhibitor and a proton-pump inhibitor for prevention of recurrent ulcer bleeding in patients at high risk: a double-blind, randomized trial. Lancet 2007;369(9573):1621-6.

29. Adams et al. A comparison of the abuse liability of tramadol, NSAIDs, and hydrocodone in patients with chronic pain. J Pain Symptom Manage 2005;31: 465-76.

PRISE EN COMPTE DU RISQUE GASTRO-INTESTINAL LORS DE LA PRESCRIPTION D’AINS

Commentaire éditorial :

Richard Hunt, MD, FRCP, FRCPC, FACG, AGAF

Farncombe Family Digestive Disease Research Institute, McMaster University Health Science Centre, Professeur titulaire de médecine, Division de gastroentérologie, McMaster University, Hamilton (Ontario)

Si l’utilisation d’un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) est souvent limitée par les complications gastro-intestinales (GI) du traitement, diverses stratégies permettent d’atténuer le risque GI, notamment l’administration concomitante d’un agent gastroprotecteur comme un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) ou un antagoniste des récepteurs H<sub>2</sub>, ou la prescription d’un AINS qui inhibe sélectivement la cyclo-oxygénase 2 (COX-2) (coxib). Dans le contexte d’une population vieillissante, qui utilise les AINS de façon chronique et qui est particulièrement vulnérable au risque GI, le coxib et les AINS traditionnels (AINS-t) actuellement sur le marché exposent le patient à des risques cardiovasculaire (CV) et rénovasculaire comparables. Dans plusieurs situations particulières, par contre, l’administration d’un coxib serait préférable à celle d’un AINS-t en association avec un IPP1. Ce serait le cas, par exemple, du patient qui reçoit une faible dose d’acide acétylsalicylique (AAS) étant donné la protection supplémentaire que confère un coxib – et non un IPP – à l’intestin grêle.

Les AINS, dont un grand nombre sont offerts en vente libre, servent souvent au traitement de la douleur et de l’inflammation. Si le risque de complications GI graves associé au traitement par un AINS, même de courte durée, est assez faible chez un jeune patient généralement en bonne santé, il est beaucoup plus élevé chez les patients ayant des antécédents d’ulcère gastrique ou duodénal et surtout d’hémorragie digestive, chez les patients prenant des médicaments concomitants qui compromettent l’intégrité de la muqueuse gastrique et chez les patients âgés2. Les stratégies rationnelles visant à atténuer le risque GI se sont perfectionnées grâce au faisceau croissant de données à notre disposition et à notre meilleure compréhension des caractéristiques du risque GI, des répercussions CV des diverses options pour réduire le risque GI et de la définition d’un bénéfice en situation de risque.

Population vieillissante et complications GI

Les adultes d’un certain âge, qui sont particulièrement vulnérables aux complications GI graves, représentent une large part des utilisateurs d’AINS, principalement en raison de la prévalence élevée de l’arthrose, maladie du vieillissement évolutive et douloureuse que l’on peut déceler sur les radiographies chez la majorité des gens après l’âge de 55 ans3. La mortalité élevée par hémorragie digestive haute chez les patients âgés a été attribuée à l’utilisation chronique des AINS dans le traitement de l’arthrose, mais la théorie voulant qu’un traitement par un AINS de courte durée permette de contourner le risque de complications majeures n’est pas étayée par des données cliniques. Certaines études révèlent au contraire que la probabilité de complications pourrait atteindre un maximum au début de la période d’exposition4. Bien qu’il soit ressorti d’autres études que le risque est plutôt constant au fil du temps, la majeure partie des données ont confirmé qu’aucune période du traitement par un AINS ne peut être considérée comme sûre5.

Au chapitre de la diminution du risque GI, les coxibs – qui inhibent sélectivement la COX-2 plutôt que les deux isoenzymes COX-1 et COX-2 – ont d’abord été perçus comme une importante solution de rechange aux AINS-t. Vu leur plus grande affinité pour la COX-2, les coxibs sont associés aux mêmes effets anti-inflammatoires et analgésiques et aux mêmes bénéfices cliniques que les AINS-t, mais ils exposent le patient à un risque significativement moindre d’ulcère cliniquement significatif des voies digestives hautes et des complications qui en découlent. Les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 sont aussi associés à des taux plus faibles de dyspepsie4,6. Toujours en comparaison avec les AINS-t, les coxibs réduisent d’environ 50 % le risque d’événement GI grave7. Le lien que l’on a établi entre les coxibs et la majoration du risque d’événement CV, y compris l’infarctus du myocarde, a toutefois conduit au retrait de tous les coxibs sur le marché canadien, à une exception près. Ces retraits successifs ont bien sûr semé la confusion quant au ratio bénéfice/risque de ces agents par rapport aux autres options. Des données subséquentes ont toutefois révélé que les AINS-t exposaient aussi le patient à un risque d’effets indésirables CV, si bien que toutes les monographies d’anti-inflammatoires comportent maintenant des mises en garde similaires. Les données actuelles montrent que le seul coxib commercialisé au Canada, le célécoxib, ne diffère aucunement des AINS-t quant au risque CV, mais on a démontré fois après fois qu’il diminuait le risque relatif de lésions GI établi par la présence d’ulcères à l’endoscopie (Tableau 1)8. Ces observations constituent une bonne base
des options actuelles dans la prise en charge du risque GI9.

Tableau 1. Incidence des ulcères à l’endoscopie : célécoxib vs AINS-t

<img3467|center>

Gastroprotection concomitante

L’administration concomitante d’un agent gastroprotecteur est la principale solution de rechange à un coxib chez un patient qui a besoin d’un AINS pour soulager sa douleur. Cette stratégie, qui a vu le jour avant le développement des coxibs et qui se concrétise le plus souvent par l’administration d’un IPP, a supplanté les autres stratégies, comme l’administration du misoprostol (analogue des prostaglandines), en raison de son efficacité et de sa tolérabilité supérieures10. Du fait qu’ils diminuent l’acidité gastrique, facteur causal important des lésions gastroduodénales, les IPP atténuent les lésions imputables aux AINS dans les voies digestives hautes. Cependant, l’acidité ne contribue pas aux lésions imputables causées par les AINS dans les voies digestives basses, où l’on observe le tiers de toutes les complications GI associées aux AINS11. Cette restriction ne concerne pas les coxibs, ceux-ci étant associés à une probabili
comparativement aux AINS-t, de lésions dans l’intestin grêle ou le côlon1 (Figure 1).

Figure 1. Le tiers des lésions GI imputables aux AINS touchent les voies digestives basses

<img3468|center>

Ces différences relatives entre les deux principales stratégies de réduction du risque de complications GI associées aux AINS-t peuvent revêtir une grande importance pour plusieurs groupes de patients à risque, en particulier les patients qui prennent aussi une faible dose d’AAS à des fins de prophylaxie CV. Souvent prescrit aux adultes âgés, qui représentent la plus grande part de la population arthrosique, l’AAS à faible dose expose le patient à un risque d’atteinte des voies digestives, tant hautes que basses, qui se compare au risque des AINS-t, surtout au chapitre des hémorragies. L’administration concomitante de l’AAS et d’un AINS-t augmente substantiellement le taux de complications GI12, ce qui souligne l’importance d’une forme quelconque de prophylaxie. L’administration de l’AAS à faible dose et d’un coxib augmente aussi le risque de complications GI comparativement à celle d’un coxib seul, mais le risque est moindre que sous AAS plus AINS-t. Selon une méta-analyse explorant cette question, le risque relatif d’ulcère à l’endoscopie était 50 % plus faible sous célécoxib plus AAS que sous AINS-t plus AAS13.

Stratégies de diminution du risque de complications GI

L’élaboration de stratégies pratiques pour diminuer les complications GI d’un traitement de l’inflammation et de la douleur aiguë ou chronique chez un patient à risque élevé nécessite une analyse minutieuse des bénéfices et des risques. Si l’on part du principe qu’il faut courir un certain risque pour soulager la douleur, les AINS sont souvent le choix le plus approprié malgré leurs complications éventuelles. Parmi les analgésiques, l’acétaminophène est certes un bon choix en première intention puisqu’il expose à un faible risque GI, mais il offre un soulagement assez modeste de la douleur. De plus, vu son hépatotoxicité à une posologie de plus de 4 g par jour, on ne peut pas dire qu’il soit sans risque14,15. À l’autre extrémité du spectre des analgésiques, les opioïdes sont de puissants analgésiques, mais ils exercent un effet antiinflammatoire moindre et sont souvent peu pratiques, surtout pour les patients âgés, en raison de leurs nombreux effets indésirables, dont la constipation, les troubles cognitifs et d’autres effets sur le système nerveux central16.

Du point de vue de l’efficacité et de l’innocuité, les AINS sont souvent l’option la plus pratique et la plus accessible pour le soulagement de la douleur. Les données – sinon constantes, du moins abondantes – à l’appui des risques rénovasculaire et CV comparables du célécoxib et des AINS-t ont permis de ramener l’attention vers les complications GI des AINS utilisés comme antalgiques7. Chez tout patient qui présente de multiples problèmes de santé, ce qui est courant chez les patients âgés à qui les AINS sont surtout prescrits, le traitement doit être individualisé, mais plusieurs principes pratiques peuvent orienter le choix du traitement.

La prise en charge du risque GI est surtout axée sur la diminution du risque d’hémorragie digestive, ce qui est logique vu ses complications potentiellement mortelles, mais la dyspepsie n’est peut-être pas sans importance si l’on tient compte du fait que l’objectif du traitement est d’améliorer la qualité de vie. La dyspepsie est souvent une source d’inquiétude en raison de son rôle éventuel comme signe précoce d’une complication GI grave. Cela dit, ce symptôme est faiblement corrélé avec la présence d’érosions ou d’ulcérations17. L’importance clinique de la dyspepsie et d’autres symptômes touchant les voies digestives hautes, comme le pyrosis ou les ballonnements abdominaux, gravite plutôt autour de leurs répercussions négatives sur l’observance du traitement par un AINS et, par conséquent, sur la probabilité de consultations médicales plus fréquentes, et d’un effet négatif cumulatif sur le bienêtre du patient. Les coxibs n’éliminent pas le risque de dyspepsie, mais une métaanalyse les a associ
12 % du risque par comparaison aux AINS, avantage confirmé par le nombre moindre d’ordonnances d’IPP chez les patients prenant un coxib vs un AINS-t18.

Figure 2. Risque d’hémorragie imputable à un ulcère gastroduodénal

<img3469|center>

L’un des avantages du traitement par un coxib est de pouvoir éventuellement se passer d’un traitement gastroprotecteur concomitant comme un IPP, mais les avantages relatifs d’un coxib par rapport à un AINS-t peuvent être accentués par l’emploi concomitant d’un IPP chez les patients à risque élevé (Figure 2)19. Au nombre de ces avantages relatifs figure la réduction du risque d’effets indésirables graves, comme les hémorragies, et du risque de dyspepsie. Le désavantage le plus important de cette association, qui est bien tolérée et qui devrait théoriquement offrir une meilleure protection contre les effets indésirables sur les voies digestives hautes et basses qu’un coxib seul ou que l’association d’un AINS-t et d’un IPP, est le coût. Une analyse récente effectuée au Royaume-Uni a toutefois révélé que l’ajout d’un IPP à un traitement par un AINS-t ou par un coxib était efficient dans tous les groupes de patients considérés malgré une augmentation du coût de 1650 $US20.

Au moment de leur commercialisation, les coxibs ont été salués comme une solution de rechange sûre aux AINS-t. Si des études subséquentes ont révélé que leur innocuité était relative plutôt qu’absolue, ces agents font néanmoins partie de l’arsenal de stratégies thérapeutiques que nous pouvons individualiser pour maîtriser l’inflammation et soulager la douleur, y compris la douleur chronique, chez les patients ayant besoin d’un traitement par un AINS au long cours. Certes, on doit employer tous les AINS avec prudence et il est essentiel de bien comprendre les risques CV et GI relatifs en jeu, mais il reste que les coxibs offrent des avantages par rapport aux AINS-t dans certains groupes de patients ayant besoin d’un AINS pour jouir d’une qualité de vie acceptable.

Résumé

Les complications GI sont les effets indésirables graves les plus fréquents du traitement par un AINS. Bien que les AINS soient utiles pour soulager la douleur et maîtriser l’inflammation, surtout chez les patients arthrosiques âgés, il est crucial d’envisager des stratégies qui offrent un ratio bénéfice/risque optimal. Comme on le précise dans les recommandations de pratique clinique fondées sur les preuves au chapitre du choix du traitement1, les coxibs réduisent le risque de complications touchant les voies digestives hautes et basses par comparaison aux AINS-t et doivent être envisagés pour la prise en charge du risque GI associé aux AINS-t. Les données actuelles indiquent que les coxibs offrent une plus grande innocuité que les AINS-t pour l’appareil digestif sans pour autant majorer le risque de complications pour les systèmes d’organes autres que l’appareil digestif.

Références

1. Lanas A, Hunt R. Prevention of anti-inflammatory drug-induced gastrointestinal damage: benefits and risks of therapeutic strategies. Ann Med 2006;38: 415-28.

2. Wolfe et al. Gastrointestinal toxicity of nonsteroidal antiinflammatory drugs. N Engl J Med 1999;340: 1888-99.

3. van Saase et al. Epidemiology of osteoarthritis: Zoetermeer Survey. Comparison of radiological osteoarthritis in a Dutch population with that in 10 other populations. Ann Rheum Dis 1989;48:271-80.

4. Bombardier et al. Comparison of upper gastrointestinal toxicity of rofecoxib and naproxen in patients with rheumatoid arthritis. N Engl J Med 2000;343:1520-8.

5. MacDonald et al. Association of upper gastrointestinal toxicity of non-steroidal anti-inflammatory drugs with continued exposure: cohort study. BMJ 1997;315:1333-7.

6. Silverstein et al. Gastrointestinal toxicity with celecoxib vs. nonsteroidal antiinflammatory drugs for osteoarthritis and rheumatoid arthritis: the CLASS study: a randomized controlled trial. JAMA 2000;284:1247-55.

7. Moore et al. Non-steroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs), cyclooxygenase-2 selective inhibitors (coxibs) and gastrointestinal harm: review of clinical trials and clinical practice. BMC Musculoskelet Disord 2006;7:79-86.

8. Deeks et al. Efficacy, tolerability, and upper gastrointestinal safety of celecoxib for treatment of osteoarthritis and rheumatoid arthritis: systematic review of randomised controlled trials. BMJ 2002;325:619-26.

9. Hunt et al. Myths and facts in the use of antiinflammatory drugs. Ann Med 2009;41(6):423-37.

10. Hawkey et al. Omeprazole compared with misoprostol for ulcers associated with nonsteroidal antiinflammatory drugs. N Engl J Med 1998;338:727-34.

11. Laine et al. Systematic review: the lower gastrointestinal adverse effects of non-steroidal anti-inflammatory drugs. Aliment Pharmacol Ther 2006;24(5):751-67.

12. Sørensen et al. Risk of upper gastrointestinal bleeding associated with use of low-dose aspirin. Am J Gastroenterol 2000;95(9):2218-24.

13. Moore et al. Tolerability and adverse events in clinical trials of celecoxib in osteoarthritis and rheumatoid arthritis: systematic review and meta-analysis from company clinical trial reports. Arthritis Res Ther 2005;7(3):R644-65.

14. U.S. Food and Drug Administration. June 29-30, 2009: Joint Meeting of the Drug Safety and Risk Management Advisory Committee with the Anesthetic Life Support Drugs Advisory Committee and the Nonprescription Drugs Advisory Committee. Adresse du site : http:// www.fda.gov/AdvisoryCommittees/Calendar/ ucm143083.htm. Consulté le 20 août 2009.

15. Larson et al. Acetaminophen-induced acute liver failure: results of a United States, multicenter, prospective study. Hepatology 2005;42(6):1364-72. 16. Swegle JM, Logemann C. Management of common opioid-induced adverse effects. Am Fam Physician 2006;74:1347-54.

17. Scarpignato et al. Working team report: towards a GI safer antiinflammatory therapy. Gastroenterol Int 1999;53:185-97.

18. Spiegel et al. Comparing rates of dyspepsia with coxibs vs. NSAIDs+ PPI. A meta-analysis. Am J Med 2006;119(5):448e27-36.

19. Chan et al. Combination of a cyclo-oxygenase-2 inhibitor and a proton-pump inhibitor for prevention of recurrent ulcer bleeding in patients at very high risk: A double-blind, randomised trial. Lancet 2007;369(9573):1621-6.

20. Latimer et al. Cost effectiveness of COX2 selective inhibitors and traditional NSAIDs alone or in combination with a proton pump inhibitor for people with osteoarthritis. BMJ 2009;339:b2538.

PRISE EN COMPTE DU RISQUE CARDIOVASCULAIRE LORS DE LA PRESCRIPTION D’AINS

Commentaire éditorial:

George Honos, MD, FRCPC, CSPQ, FACC, ABIM

Directeur de la Division de cardiologie, Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Professeur agrégé de médecine, Université de Montréal, Montréal (Québec)

La sélectivité relative pour la cyclooxygénase 2 (COX-2) ne permet pas de différencier les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sur le plan du risque cardiovasculaire (CV) qui leur est associé aux doses usuelles. Les études rétrospectives d’après lesquelles on a estimé ce risque montrent des disparités, tant parmi les AINS non sélectifs que parmi les AINS sélectifs à l’égard de la COX-2 (coxibs); cependant, au vu des données existantes, le taux de risque (HR, pour hazard ratio) d’événement CV n’est pas plus élevé pour le coxib actuellement sur le marché que pour les AINS non sélectifs. D’un point de vue purement pratique, le risque CV initial du patient peut influer sur la décision de prescrire un AINS, mais il demeure essentiel de considérer en parallèle les risques et les bénéfices de l’AINS envisagé chez chaque patient. Par exemple, les patients rendus plus actifs grâce au soulagement de leurs symptômes articulaires par un AINS pourraient gagner au change en modifiant un facteur de risque CV. Il n’existe sans doute pas de formules simples généralisables, en particulier chez les sujets âgés aux prises avec de multiples problèmes médicaux dont la qualité de vie peut être notablement améliorée par la maîtrise efficace des états inflammatoires.

Continuum de la sélectivité pour la COX

Les effets anti-inflammatoires des AINS dépendent de la capacité de ces derniers à inhiber la COX dont il existe au moins deux isoformes. Ayant constaté que l’inhibition de la COX-1, l’une de ces deux isoenzymes, était en grande partie responsable de la gastrite associée aux AINS, on s’est employé à mettre au point des inhibiteurs plus sélectifs de la COX-2, véritable médiatrice de l’effet antiinflammatoire1. Néanmoins, la sélectivité de ces deux types d’AINS est relative. L’inhibition de la COX-1 et de la COX-2 par des AINS de ces deux classes peut être mesurée sur un continuum. Ainsi, la sélectivité des coxibs pour la COX-2 est plus marquée mais elle n’est pas absolue, si bien que les coxibs exposent tout de même le patient à un certain risque de gastrite liée à l’inhibition de la COX-1.

La première association établie entre les AINS et un risque CV a découlé d’essais randomisés sur le rofécoxib, un inhibiteur de la COX-2 que l’on a finalement retiré du marché pour cette raison2. On ne s’attendait pas à observer la même association avec les AINS non sélectifs puisqu’on ne connaissait pas de précédent. Les associations subséquentes concernant plusieurs autres coxibs ont donné l’impression qu’il s’agissait d’un risque exclusif aux inhibiteurs sélectifs de la COX-23. Or, lorsque des analyses similaires ont été faites sur les AINS non sélectifs, il est devenu évident que la sélectivité pour la COX-2 n’était pas une caractéristique essentielle de l’accroissement du risque CV4. En fait, les données rétrospectives cumulatives ont plutôt fait ressortir un risque variable dans les deux classes d’AINS.

Cette découverte d’un effet CV peut-être commun à tous les AINS est à l’origine de l’ajout d’une mise en garde similaire dans les monographies des agents sélectifs comme non sélectifs, malgré l’importante hétérogénéité du risque au sein des deux classes. Par exemple, selon les données regroupées d’études indépendantes, l’HR estimé en comparaison du risque observé en l’absence d’exposition aux AINS est plus élevé pour le diclofénac (HR : 1,40; IC [intervalle de confiance] à 95 % : 1,16-1,70) que pour l’ibuprofène (HR : 1,07; IC à 95 % : 0,97-1,18), même si les IC à 95 % se chevauchent5. Le risque estimé pour le rofécoxib (HR : 1,35; IC à 95 % : 1,35-1,59) est plus faible que pour le diclofénac, bien que, là encore, les IC se chevauchent. Le risqu
b (HR : 1,06; IC à 95 % : 0,91-1,23) se compare au risque calculé pour l’ibuprofène et est donc inférieur au risque attribué au rofécoxib, sans compter que, dans ce cas-ci, les IC ne se chevauchent pas (Tableau 1).

Tableau 1. Risque CV associé à des inhibiteurs de la COX-1 et de la COX-2

<img3470|center>

Exploration du risque relatif

Néanmoins, un important biais de sélection affaiblit la portée de ce type d’analyses rétrospectives, qui regroupent des données d’études dont le protocole, les critères d’admission et les périodes d’exposition diffèrent. Par exemple, les études sur les coxibs pourraient avoir porté en plus grand nombre sur des sujets âgés exposés à un risque élevé d’événement gastro-intestinal (GI). Il est également probable que cette sélection circonscrive une population à risque élevé d’événement CV. Dans l’ensemble, ces données se prêtent mal à l’exploration du risque relatif, même si elles mettent en évidence un risque CV modeste commun aux AINS sélectifs et non sélectifs.

Le principal mécanisme par lequel les AINS augmentent le risque CV reste incertain. Bien que tous les AINS élèvent la tension artérielle lorsqu’ils sont administrés à des doses suffisantes, le célécoxib n’expose pas le patient à un risque égal à celui du rofécoxib aux doses habituellement employées. Lors d’une étude à double insu qui visait à comparer ces deux médicaments chez des patients arthrosiques âgés de 65 ans ou plus, seulement 6,9 % des patients sous célécoxib — comparativement à 14,9 % des patients sous rofécoxib (p<0,01) — ont subi une augmentation de 20 mmHg ou plus de leur tension systolique à un moment donné de l’étude de six semaines6 (Figure 1). De façon similaire, dans une comparaison qui comprenait le diclofénac, l’ibuprofène a été associé à un risque significativement plus important d’élévation de la tension systolique de plus de 20 mmHg que le célécoxib7. On a également avancé l’hypothèse voulant que les AINS majorent le risque thrombotique en modifiant l’activité plaquettaire8. Cette hypothèse paraissait particulièrement plausible lorsqu’on croyait que l’accroissement du risque CV était essentiellement l’apanage des coxibs, étant donné le rôle majeur de la COX-2 dans la synthèse de la prostacycline, vasodilatateur qui régule à la baisse l’agrégabilité des plaquettes. L’importance de ce mécanisme est moins claire depuis que l’on sait que certains AINS non sélectifs pourraient accroître davantage le risque CV que certains coxibs. Il apparaît maintenant possible que l’association entre les AINS et le ris
d’un mécanisme. Les différences significatives qui pourraient exister entre les AINS sur le plan de la fonction rénale, qui influe elle aussi sur le risque CV, sont un autre axe de recherche pour l’exploration du risque relatif associé à ces agents9.

Figure 1. Incidence de l’élévation de la tension systolique

<img3471|center>

Peu de traitements pharmacologiques peuvent être qualifiés de sûrs dans l’absolu. En général, il faut mettre en balance un ensemble de risques éventuels et un ensemble de bénéfices escomptés. Bien que le risque CV associé aux AINS soit négligeable chez les sujets généralement en bonne santé sans facteurs de risque CV, en particulier si le traitement est de courte durée, on doit quand même tenir compte de ce risque lorsqu’on envisage de prescrire un AINS à titre d’antiarthritique chez les sujets âgés qui ont généralement besoin d’un traitement chronique pour obtenir une analgésie adéquate. Il faut donc considérer le risque CV initial du patient en fonction de ses autres problèmes de santé, notamment en tenant compte de la nécessité relative du traitement par un AINS et du risque d’effet indésirable GI. S’il est important de reconnaître qu’on doit prendre garde au risque d’événement CV chez tous les patients de plus de 60 ans, dont un grand nombre meurent d’un événement CV en l’absence de tout facteur de risque connu notable autre que l’âge, il demeure que la contribution des AINS à ce risque est modeste comparativement aux facteurs de risque modifiables comme le tabagisme, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie.

Évaluation du ratio bénéfice/risque

Il est probable que les patients à risque CV élevé fassent déjà l’objet d’une prise en charge énergique, qui comprend généralement la prise d’AAS à faible dose. Chez ces patients, il est raisonnable d’envisager d’abord un traitement de 10 jours par l’acétaminophène pour soulager les arthralgies. Bien qu’une amélioration de la qualité de vie puisse être le bénéfice qui importe le plus au patient, un gain fonctionnel chez le patient que les douleurs articulaires immobilisaient devrait également retenir l’attention du médecin en raison des effets salutaires attendus de cette modification. Lorsque l’acétaminophène ne suffit pas à soulager les symptômes, il convient de prescrire un AINS à la plus faible dose possible et pour la plus courte durée nécessaire afin que la douleur soit soulagée et que la capacité de vaquer aux activités de la vie quotidienne soit améliorée. L’utilisation concomitante d’ASA à faible dose et d’un AINS accroît le risque GI10, y compris le risque de symptômes GI et d’hémorragie digestive. Il pourrait en ce cas être approprié d’utiliser un coxib à la fois pour supprimer les symptômes susceptibles de nuire à l’observance du traitement par un AINS et pour réduire le risque d’hémorragie digestive. Rien n’indique que le coxib actuellement sur le marché augmente le risque CV par rapport aux AINS non sélectifs. Pr
ts, le coxib pourrait offrir un ratio bénéfice/risque plus intéressant qu’un autre AINS si l’on tient compte à la fois des symptômes GI et du risque CV (Tableau 2).

Tableau 2. Association — déterminée au moyen du modèle de régression de Cox — entre l’exposition aux coxibs/AINS et le risque d’hospitalisation pour cause d’infarctus du myocarde (IM) ou d’hémorragie digestive (GI)

<img3472|center>

Une vaste étude prospective en cours intitulée PRECISION permettra une fois pour toutes de confirmer les données rétrospectives selon lesquelles le célécoxib présente une innocuité CV comparable à celle des AINS non sélectifs. Dans le cadre de cette étude qui devrait s’achever en 2011 et dont le paramètre d’évaluation principal est le risque d’événement CV, environ 20 000 patients sont randomisés en vue de recevoir le célécoxib, l’ibuprofène ou le naproxen. Même si cette étude parvient à résoudre les questions actuelles concernant le risque relatif d’événement CV associé à ces trois agents, l’individualisation du traitement restera essentielle. En présence de multiples problèmes médicaux, il est particulièrement important de considérer les risques relatifs du traitement en tenant compte de toutes les affections concomitantes. Il convient également de garder à l’esprit la variabilité interindividuelle notable de la réponse et de la tolérance à un quelconque traitement. Ainsi, pour trouver un traitement qui offre un ratio bénéfice/risque acceptable, on doit parfois opter pour une démarche empirique, c’est-à-dire essayer quelques traitements au risque d’essuyer quelques échecs.

Peut-être que le retrait du marché pharmaceutique de plusieurs coxibs largement prescrits était une réponse inévitable aux craintes soulevées dans les essais cliniques quant à l’innocuité de ces agents, mais il est important de reconnaître que, pour les patients arthritiques exposés à un risque GI élevé, il n’existe peut-être pas d’option aussi sûre qu’un coxib. Le célécoxib, seul coxib commercialisé, réduit le risque GI tout en présentant un profil d’innocuité CV comparable à celui des AINS non sélectifs les moins défavorables sous ce rapport. Il importe de comprendre ces risques relatifs dans le contexte de chaque patient afin d’individualiser la stratégie thérapeutique.

Résumé

Les données actuelles ne corroborent pas l’existence d’une association entre la spécificité de l’inhibition de la COX et l’accroissement du risque CV. Selon les données rétrospectives ayant servi au calcul du risque CV relatif attribué aux coxibs et aux AINS non sélectifs, des agents des deux classes ont été associés à un risque CV élevé, mais on observe des disparités considérables au sein de ces deux classes. Bien que des données définitives soient attendues d’une étude prospective en cours, les données rétrospectives indiquent que le célécoxib, seul AINS spécifique de la COX-2 actuellement offert au Canada, est au moins aussi sûr que les AINS non sélectifs sur le plan CV. Chez de nombreux patients âgés, en particulier s’ils sont exposés à un risque GI élevé, un coxib pourrait être le choix analgésique le plus raisonnable.

Références

1. Fitzgerald et al. The coxibs, selective inhibitors of cyclooxygenase- 2. N Engl J Med 2001;345:433-42.

2. Topol EJ. Failing the public health, rofecoxib, Merck, and the FDA. N Engl J Med 2004;351:1707-9.

3. Nussmeier et al. Complications of the COX-2 inhibitors parecoxib and valdecoxib after cardiac surgery. N Engl J Med 2005;352:1081-91.

4. McGettigan et al. Cardiovascular risk and inhibition of cyclooxygenase: a systematic review of the observational studies of selective and nonselective inhibitors of cyclooxygenase-2. JAMA 2006:296:1633-44.

5. Rahme et al. Risks and benefits of COX-2 inhibitors vs. non-selective NSAIDS: does their cardiovascular risk exceed their gastrointestinal benefits? A retrospective cohort study. Rheumatology 2007;46:435-8.

6. Whelton et al. Effect of celecoxib and rofecoxib on blood pressure and edema in patients older or equal to 65 years of age with systemic hypertension and osteoarthritis. Am J Cardiol 2002;90:959-63.

7. Whelton et al. Cardiorenal effects of celecoxib as compared with the non-steroidal anti-inflammatory drugs diclofenac and ibuprofen. Kidney Int 2006;70:1495-502.

8. Joshi et al. Cardiovascular thromboembolic adverse effects associated with cyclooxygenase selective inhibitors and non-selective anti-inflammatory drugs. Anesth Analog 2007;105:1793-804.

9. Dajani et al. Cardiovascular and gastrointestinal toxicity of selective cyclooxygenase-2 inhibitors in man. J Physiol Pharmacol 2008;59(suppl 1):117-33.

10. Laine L. Gastrointestinal bleeding with low-dose ASA, what’s the risk? Aliment Pharmacol Ther 2006;24: 897-908.

EXPLIQUER AUX PATIENTS LE RATIO BENEFICE/RISQUE DES AINS

Commentaire éditorial :

Andrew E. Thompson, MD, FRCPC

Directeur des études postdoctorales, Professeur adjoint de médecine, Division de rhumatologie, Département de médecine, Schulich School of Medicine, University of Western Ontario, London (Ontario)

En médecine, les attributs comme «sûr» ou «efficace» doivent toujours être caractérisés, car il est peu de stratégies thérapeutiques qui sont dénuées de risques ou dont les bénéfices peuvent être garantis. Savoir communiquer le concept de risque relatif au patient qui doit jauger différentes options est une aptitude clinique importante qui n’est généralement pas enseignée aux médecins. Il convient de présenter les risques et les bénéfices selon un ordre rationnel et dans un contexte utile, en différenciant les événements fréquents de ceux qui sont rares. Se livrer à l’exercice de soupeser les risques et les bénéfices relatifs des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sélectifs et non sélectifs de la cyclo-oxygénase 2 (COX-2) met en lumière les enjeux de communication et l’importance d’évaluer le risque en fonction de l’individu. Les bénéfices et les risques de ces agents dans le soulagement des symptômes de l’arthrose sont toujours relatifs et en partie imprévisibles. Pour éclairer le patient, il est important d’évaluer son niveau de compréhension des rapports entourant le risque relatif et son désir d’exercer un contrôle sur la décision clinique.

Les monographies des médicaments fournissent une liste exhaustive des risques éventuels d’après les associations potentielles observées dans les essais cliniques. Étant donné l’absence de contexte et les distinctions insuffisantes entre un lien causal possible et probable, ces listes ne peuvent pratiquement pas être interprétées par les patients et les médecins. Le plus difficile lorsqu’on conseille le patient, c’est de faire du concept de risque relatif une information utile dans la pratique. Lorsqu’on compare une stratégie à une autre, un risque plus élevé ou plus faible peut être contrebalancé par une efficacité accrue. En outre, même lorsque le risque absolu diffère, le risque peut tout de même être très faible pour les deux stratégies, de sorte qu’une posologie plus commode ou d’autres avantages mineurs deviennent pertinents.

Les risques relatifs sont généralement estimés d’après les données d’essais comparatifs, mais ces essais ne reflètent pas nécessairement la réalité clinique. Les restrictions imposées par le protocole de l’essai peuvent influer sur l’ensemble de patients évalués, et le contexte d’étude clinique peut engendrer chez le patient un comportement différent de celui qu’il aurait eu dans la pratique courante, par exemple une adhésion plus stricte du fait du suivi dont il se sait l’objet. Par ailleurs, les essais cliniques même relativement vastes n’ont pas un effectif assez important pour que l’on puisse détecter des événements rares. En général, les données de pharmacovigilance (phase IV) pourraient mieux refléter la réalité, mais on ne dispose pas de données robustes ou correctement collectées pour tous les agents, sans compter que ces données ne sont pas nécessairement incluses dans les monographies ni facilement accessibles autrement.

Individualisation du risque : communiquer l’information au patient

Ne serait-ce qu’en raison de l’utilisation répandue des AINS, les données d’efficacité et d’innocuité ont été examinées sur toutes les coutures. Au total, les essais comparatifs qui ont porté sur les AINS non sélectifs ou les inhibiteurs sélectifs de la COX-2 (coxibs) regroupent plus de 145 000 patients1. Dans le cas des études d’observation explorant les risques cardiovasculaire (CV) et gastrointestinal (GI) ou d’autres paramètres, les données pourraient englober plusieurs millions de patients. Malgré la masse exceptionnelle de données d’innocuité réunies, il reste nécessaire d’individualiser les risques relatifs calculés à partir de ces données, les patients ne correspondant pas nécessairement d’une manière absolue aux sous-groupes pour lesquels l’innocuité et l’efficacité ont été étudiées.

Les éléments à considérer pour l’individualisation des risques GI et CV ont déjà été examinés ailleurs, mais la communication de ces informations doit aussi être scrutée; elle fait appel à des principes de soins basés sur le sens pratique et l’expérience. Plus exactement, le premier geste doit être d’insuffler au patient une vision positive des objectifs du traitement et la confiance dans la possibilité de résoudre ses problèmes. Même lorsque l’inquiétude à propos de risques éventuels est justifiée, il peut être contreproductif pour un patient en quête de solutions d’insister d’entrée de jeu sur les aspects négatifs. S’il est important de fournir une évaluation juste et complète des risques possibles, il est également utile de terminer l’entretien sur une note positive, toujours dans le but de stimuler la confiance dans la stratégie de traitement.

Pour que la communication soit efficace, les risques doivent être présentés selon leur degré de probabilité de façon à aider le patient à différencier les événements indésirables fréquents de ceux qui sont rares. Il est important de contextualiser le risque. Dans nombre de cas, les risques associés aux médicaments sont plus faibles, et de loin, que les risques auxquels les patients s’exposent chaque jour en conduisant leur auto ou en sortant de la baignoire (Figure 1). Les patients doivent comprendre que le risque est considéré en relation avec la probabilité beaucoup plus élevée d’un bénéfice. Une démarche raisonnable est de faire une liste des quatre ou cinq manifestations le plus souvent signalées par les patients, d’après les données publiées aussi bien que d’après l’expérience du clinicien. En donnant au patient des exemples tirés de son expérience pratique quant à la fréquence de telle ou telle autre manifesta
nit à ce dernier un contexte utile qui peut lui permettre de comprendre plus personnellement l’information qui lui est communiquée, ce qui accroît sa vigilance à l’égard des signes évoquant les événements discutés tout en diminuant son inquiétude s’ils viennent à se produire.

Figure 1. Risque de mortalité d’origine GI ou CV associé aux AINS ou aux coxibs comparé au risque de mortalité dans la vie courante aux États-Unis

<img3475|center>

Ensuite, on signalera les événements moins fréquents, là encore en permettant au patient de distinguer ce qui est peu fréquent de ce qui est rare. Par exemple, le clinicien pourrait contextualiser le risque en citant le nombre de fois où il a personnellement observé l’événement chez ses patients. Cela dit, on ne doit pas donner l’impression que les effets indésirables peu fréquents, même ceux que le médecin n’a lui-même jamais observés, sont improbables au point qu’on puisse les ignorer. La plupart des médecins ont, au cours de leur pratique, rencontré des effets indésirables très rares. Raconter une anecdote sur cette expérience peut être un moyen utile de garder le patient vigilant même s’il est rassuré quant au faible risque absolu auquel il est exposé.

Donner des renseignements justes et complets sur les risques et les bénéfices

Bien qu’il importe de donner au message une tonalité rassurante, l’honnêteté est essentielle. Négliger d’éclairer le patient d’une manière juste et complète peut causer un tort irréparable à la relation avec celui-ci s’il soupçonne que l’information est incomplète. La plupart des patients sont prêts à accepter des risques même notables en échange de bénéfices appréciables s’ils ont la conviction d’avoir été pleinement informés. Jusqu’à un certain point, l’aptitude à transmettre des informations que le patient reconnaît comme honnêtes et complètes est un art qui s’acquiert. Le langage corporel, le contact visuel et le ton de la voix «parlent» et ne doivent pas être négligés.

L’approche graduelle suggérée pour la présentation des risques, cités par ordre de probabilité, peut également être utile quant au niveau de détail de l’information; ainsi, on pourra faire avec tous les patients une revue de base simple des risques et bienfaits relatifs, puis passer à un niveau plus complexe selon ce qui convient à chaque patient. L’approfondissement de la discussion pourrait dépendre moins du niveau de scolarité que de l’intérêt du patient. Alors que certains patients recherchent un maximum d’information afin de participer le plus pleinement possible aux décisions thérapeutiques qui les concernent, d’autres, assez nombreux, ne sont pas à l’aise dans un rôle de décision et veulent surtout s’informer des risques de façon à pouvoir rapidement reconnaître les effets indésirables qui pourraient survenir. Ces différences importantes doivent guider les objectifs de l’éducation du patient.

Contextualiser le risque

La tendance des individus à surestimer les risques rares et à sous-estimer les risques courants est bien documentée2. Lorsqu’on conseille le patient au sujet de traitements médicamenteux, on parle souvent de risque accru sans rapporter ces majorations à un dénominateur. Par exemple, le taux de référence d’hémorragies digestives hautes en l’absence d’exposition aux AINS est estimé à 2,2 pour 1000 années-patients3. Même si l’exposition à des AINS non sélectifs quadruple le risque relatif (quoique d’importantes disparités existent entre eux), cette hausse correspond à seulement cinq événements de plus pour 1000 années-patients, si bien que le taux absolu d’événements demeure faible4. En re
nts à risque élevé — tels ceux qui ont des antécédents d’hémorragie digestive ou qui prennent un anticoagulant — l’augmentation peut être bien plus importante et d’une grande portée clinique, ce qui prescrit le recours à un AINS sélectif, comme le célécoxib, qui n’est associé à aucun accroissement notable du taux d’hémorragies digestives, ou l’exclusion des AINS (Tableau 1).

Tableau 1. Risque additionnel d’hémorragie digestive et d’IM associé aux AINS et aux coxibs

<img3474|center>

Une analyse du risque CV révèle des données semblables, soit une augmentation globale de 10 % du risque lorsque des AINS sont utilisés (avec, là encore, des écarts notables entre les composés), mais dont la portée clinique devrait être modeste en dehors des groupes à risque élevé1. Chez de nombreux patients, la prise d’un AINS contribue à peine au risque CV comparativement à d’autres facteurs modifiables, comme le tabagisme ou l’hypercholestérolémie, que les patients négligent même s’ils connaissent les bienfaits pour la santé de meilleures habitudes de vie. Suivant les taux de risque (HR, pour hazard ratio) associés aux différents AINS, l’effet sur le risque CV va d’une légère réduction non significative du risque pour le célécoxib (HR : 0,96; IC à 95 % : 0,90–1,02) et le naproxen (HR : 0,98; IC à 95 % : 0,92–1,05) à une augmentation de plus de 40 % pour le diclofénac (HR : 1,44; IC à 95 % : 1,32–1,56)1.

La perception du patient entre aussi en ligne de compte. Bien que des renseignements objectifs aident à prendre une décision éclairée, on devrait laisser le patient qui craint exagérément — compte tenu de son risque absolu réel — une complication particulière, tel un événement CV ou une hémorragie digestive, se faire sa propre idée du ratio bénéfice/risque relatif. Contrairement aux médicaments capables de modifier le cours naturel de la maladie, les AINS sont prescrits aux patients arthrosiques avant tout pour soulager les symptômes et améliorer la qualité de vie. Chez les patients qui ne sont pas convaincus d’un bénéfice net compte tenu de leurs appréhensions quant à l’innocuité, on peut abandonner le traitement. Cependant, pour les très nombreux patients arthrosiques qui ont besoin d’un AINS pour préserver une capacité fonctionnelle adéquate au quotidien, il est essentiel de faire une analyse précise des risques de façon que le patient ait une idée très claire de la balance des bénéfices et des risques. On ne peut pas éliminer totalement les risques du traitement même si on peut les diminuer en choisissant une stratégie thérapeutique appropriée; toutefois, pour la plupart des patients, l’amélioration relative de la qualité de vie apportée par le traitement est corrélée avec le degré de risque relatif qu’ils jugent acceptable.

Résumé

Fournir au patient des données justes sur les risques et les bénéfices relatifs des traitements est essentiel mais pas suffisant pour que cette information soit vraiment significative. Il faut contextualiser les données sur les risques pour que le patient puisse les situer selon leur degré de probabilité. Les médecins peuvent grandement améliorer leur capacité d’expliquer les risques et les bénéfices des AINS en suivant les principes élémentaires de la communication, ce qui implique de structurer leur présentation et de doser la quantité et la complexité de l’information transmise en fonction de l’intérêt du patient. Il est profitable de fournir une description franche et complète des risques tout en insistant sur l’objectif de mieux-être à la base de la démarche thérapeutique.

Références

1. Hernández-Díaz et al. Non-steroidal anti-inflammatory drugs and risk of acute myocardial infarction. Basic Clin Pharmacol Toxicol 2006;98:266-74.

2. Hakes et al. Dead reckoning: demographic determinants of the accuracy of mortality risk perceptions. Risk Anal 2004;24:651-64.

3. Mamdani et al. Observational study of upper gastrointestinal haemorrhage in elderly patients given selective cyclo-oxygenase-2 inhibitors or conventional non-steroidal anti-inflammatory drugs. BMJ 2002;325:624-9.

4. Moore et al. What do we know about communicating risk? A brief review and suggestion for contextualizing serious but rare risk and the example of cox-2 selective and non-selective NSAIDs. Arthritis Res Ther 2008;10:R20.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.