Comptes rendus

Évaluation du déclin cognitif associé à la démence mixte
DERMATOLOGIE

Maladies inflammatoires de l’intestin : optimisation de l’adhésion au traitement et des résultats

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

JOURNAL CLUB 2010 - Gastroenterology

February - 2010

Sous la direction de

John Marshall, MD, MSc, FRCPC, AGAF

Directeur, Recherche clinique pour la Division de gastroentérologie Membre, Farncombe Family Digestive Health Research Institute Professeur agrégé de médecine McMaster University Hamilton (Ontario)

Le syntagme «maladie inflammatoire de l’intestin» (MII) englobe la colite ulcéreuse (CU) et la maladie de Crohn (MC). Ces deux maladies chroniques au cours imprévisible sont ponctuées de poussées et de rémissions. Lors d’une poussée aiguë de l’une ou l’autre MII, les objectifs immédiats du traitement sont de venir à bout rapidement des symptômes afin d’améliorer la qualité de vie et d’induire une rémission, puis de la maintenir à long terme.

La mésalamine (aussi appelée acide 5-aminosalicylique ou 5-ASA) demeure la pierre angulaire du traitement de première intention dans la CU légère ou modérée. Non modifiée, elle est rapidement absorbée au niveau du tube digestif proximal, ce qui limite sa disponibilité pour la muqueuse colique. La mise au point de la sulfasalazine visait à lier l’ingrédient actif, le 5-ASA, à une molécule transporteuse, la sulfapyridine, pour en prévenir la dégradation. En raison de la toxicité proportionnelle à la dose souvent associée au groupement sulfapyridine, le fractionnement des doses est devenu incontournable. Depuis, cependant, on a mis au point de nouvelles préparations de mésalamine orale sans sulfapyridine; on utilise plutôt de nouvelles technologies comme le revêtement Eudragit à libération retardée pour que l’ingrédient actif soit libéré en différents points du tube digestif. Néanmoins, comme le fractionnement des doses était bien accepté, on a tout simplement continué d’administrer le traitement en doses fractionnées, tant en recherche clinique que dans la pratique.

Depuis peu, on s’intéresse de plus en plus à diverses préparations orales de mésalamine qui s’administrent une fois par jour. Dans le cadre d’un essai clinique, des chercheurs se sont penchés sur deux posologies de mésalamine MMX, préparation utilisant un système de libération multi-matrice, l’une uniquotidienne, l’autre biquotidienne, dans le traitement de la CU légère ou modérée, et ont constaté qu’elles étaient toutes deux efficaces pour induire une rémission (Clin Gastroenterol Hepatol 2007;5[1]:95-102). Reste toutefois à déterminer si d’autres préparations orales de 5-ASA peuvent aussi s’administrer une ou deux fois par jour. Lors d’une étude visant à évaluer les paramètres pharmacocinétiques dans le plasma, des chercheurs n’ont remarqué aucune différence apparente entre la préparation MMX et la préparation Eudragit-S quant à la libération de l’ingrédient actif après l’administration une fois par jour (Figure 1). L’étape suivante était d’évaluer l’efficacité de cette préparation administrée une fois par jour dans le cadre d’un essai clinique rigoureux.


Résultats de l’essai QDIEM

L’essai QDIEM (QD Dosing Investigation for Efficacy in UC Maintenance) est le plus vaste essai prospectif jamais réalisé dans le domaine des MII. Ses résultats, publiés dernièrement dans Gastroenterology, ont été présentés à Toronto dans le cadre de la Semaine canadienne des maladies digestives de 2010.

L’essai QDIEM avait pour objectif d’évaluer l’efficacité et l’innocuité de la mésalamine à libération retardée (préparation Eudragit-S) en une ou deux prises par jour pour le maintien de la rémission dans la CU. L’analyse principale de l’efficacité avait été conçue pour que l’on puisse déterminer que la préparation administrée une fois par jour était non inférieure à la préparation administrée deux fois par jour pour le maintien de la rémission clinique après six mois. Les patients randomisés (n=1023), dont la CU légère ou modérée était en rémission clinique depuis au moins trois mois, recevaient une dose stable de mésalamine variant entre 1,6 et 2,4 g/jour.

Après six mois, la rémission clinique se maintenait chez 90,5 % des patients du groupe 1 fois/jour, contre 91,8 % des patients du groupe 2 fois/jour (p=0,50). Après 12 mois, la rémission clinique se maintenait toujours chez 85,4 % des patients de l’un et l’autre groupe (p=0,98) (Figure 2). Aucune différence n’a été signalée entre les deux groupes quant à l’intervalle sans rechute ou à la rémission selon les critères du patient, peu importe le moment de l’évaluation. À en juger par le score sur l’échelle MARS (Medication Adherence Report Scale), l’adhésion au traitement était très bonne dans les deux groupes, mais les patients ont indiqué qu’ils préféraient un nombre moindre de prises par jour.

Les abandons pour cause d’effets indésirables (EI) ont été peu fréquents dans les deux groupes (Tableau 1). L’incidence des EI graves se chiffrait à 3,5 % dans le groupe 1 fois/jour vs 1,8 % dans le groupe 2 fois/jour (mais l’écart n’était pas significatif). Les chercheurs ont qualifié de «douteux» le lien entre les EI graves et le médicament, sa
groupe 2 fois/jour.

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L’essai QDIEM renforce d’autres données montrant que l’administration une fois par jour de mésalamine à libération retardée est efficace pour le maintien de la rémission dans la CU légère ou modérée. Ce résultat pourrait être pertinent chez certains patients pour qui la fréquence d’administration influe sur l’adhésion au traitement. Cependant, l’adhésion au traitement étant un phénomène multifactoriel, la correction de la fréquence d’administration ne remédie pas forcément à une piètre observance du traitement. En fait, certaines études montrent que les posologies uniquotidienne et biquotidienne donnent lieu à des taux d’adhésion et de satisfaction comparables (Clin Gastroenterol Hepatol 2003;1:170-3; Clin Therapeutics 1984;6[5]:592-9). Étant donné que, chez les patients atteints de CU, une piètre adhésion au traitement est liée à un risque accru de rechute (Am J Med 2003;114:39-43), d’intervention chirurgicale et de cancer du côlon, il est important de discuter avec le patient de tous les facteurs pertinents et d’élaborer une solution qui lui convient personnellement.

L’ère des agents biologiques

À court terme, les objectifs du traitement – à savoir le soulagement des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie – sont les mêmes dans les formes sévères de MII ainsi que pour l’induction et le maintien de la rémission. Les immunomodulateurs ou les agents biologiques étant nécessaires à l’atteinte de ce dernier objectif, l’induction rapide et le maintien d’une rémission sans corticodépendance, avec le moins possible d’effets indésirables, demeurent les objectifs clés. Dans le cadre de la Semaine canadienne des maladies digestives, on a accordé une importance particulière à l’efficacité à long terme
ouveaux inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa).

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ADHERE était la prolongation ouverte de CHARM, l’essai pivot sur l’adalimumab dans le traitement de la MC. Lors de l’essai ADHERE, le traitement continu par l’adalimumab a été associé au maintien durable de la rémission. Parmi les sujets de CHARM qui étaient en rémission après un an, 83 % le sont demeurés pendant encore deux ans. Les auteurs ont aussi fait état de taux «cliniquement importants» de rémission sans corticostéroïde parmi les patients qui recevaient des corticostéroïdes au moment de leur admission à l’essai CHARM.

Dans la MC modérée ou sévère, les agents biologiques se sont avérés être un outil précieux pour l’induction et le maintien d’une rémission sans corticostéroïdes. Cependant, la perte de réponse ou l’apparition d’anticorps avec le temps demeurent une source de préoccupation. Le changement d’agent biologique peut contribuer au retour de la rémission. À cette fin, Fedorak et ses collaborateurs, investigateurs de l’essai WELCOME, ont évalué l’efficacité du certolizumab pegol chez des patients atteints de MC modérée ou sévère qui ne répondaient plus à l’infliximab ou qui avaient développé une réaction d’hypersensibilité au médicament. Lors de l’essai WELCOME, on observait une réponse clinique chez 38,3 % des patients de la cohorte après 26 semaines, et les taux de réponse ne différaient pas selon que l’agent était administré toutes les deux semaines ou toutes les quatre semaines. La présence d’anticorps au départ n’a pas eu d’effet sur les taux de réponse précoce. Si certains affirment qu’il n’y a pas de réaction croisée entre le certolizumab ou l’adalimumab et les anticorps contre l’infliximab, la question demeure controversée dans la littérature. On continue d’évaluer diverses séquences d’administration des anti-TNFa dans l’éventualité d’un échec du traitement de première intention.

Controverse au sujet des MII modérées

L’une des grandes difficultés de la pratique clinique est la prise en charge des patients atteints d’une MII chez qui un agent biologique n’est pas clairement indiqué d’emblée (stratégie de puissance dégressive), mais chez qui les traitements de première intention échouent. Panaccione et ses collaborateurs ont proposé un algorithme de traitement chronologique pour le traitement de la MC et de la CU modérées (Aliment Pharmacol Ther 2008;28:674-88) en vertu duquel le changement de traitement repose principalement sur le délai de réponse après prise en compte de la sévérité de la maladie. Ainsi, si le 5-ASA est l’option à considérer dans le traitement de première intention de la CU légère ou modérée, on peut envisager le budésonide ou des antibiotiques dans le traitement de la MC légère ou modérée. Un traitement plus énergique peut être envisagé à défaut d’une maîtrise appropriée ou dans l’éventualité de récidives fréquentes. En présence d’une MII modérée ou sévère, l’administration d’un agent biologique devrait être envisagée immédiatement après l’essai de corticostéroïdes systémiques et d’immunomodulateurs pendant un intervalle de durée limitée.

L’expression de la maladie étant variable, il demeure difficile de définir des critères stricts qui dictent l’intensification du traitement, mais les objectifs du traitement – à savoir, la cicatrisation rapide de la muqueuse, une rémission durable et l’absence de corticodépendance – valent pour tous les agents administrés.

Résumé

La mise au point des préparations de 5-ASA à libération retardée est une étape clé vers la maîtrise de la CU légère ou modérée et la rémission. Selon de nouvelles données, la maladie peut demeurer maîtrisée pendant au moins deux ans chez les patients qui répondent à ces préparations administrées une fois par jour. À mesure que la CU et la MC s’aggravent, on doit avoir recours à des traitements plus intensifs, mais l’objectif demeure le même, à savoir le soulagement rapide des symptômes suivi de longues périodes de quiescence de la maladie. Le besoin fréquent de corticostéroïdes pour réprimer les poussées aiguës indique que le patient a besoin d’un traitement plus puissant. Cela dit, au vu de l’arsenal thérapeutique élargi actuellement à leur disposition, les médecins devraient pouvoir induire et faire durer la rémission chez la grande majorité de leurs patients souffrant d’une MII.

questions et réponses

Groupe d’experts :

Pierre Paré, MD, FRCPC, FACG

CHAUQ-Hôpital du Saint-Sacrement Professeur de clinique en médecine Université Laval Québec (Québec)

Flavio Habal, MD, PhD, FRCPC

Division de gastroentérologie UHN-Toronto General Hospital Professeur agrégé de médecine University of Toronto Toronto (Ontario)

Bret A. Lashner, MD, MPH

Directeur, Center for Inflammatory Bowel Disease The Cleveland Clinic Foundation Cleveland (Ohio)

John Marshall, MD, MSc, FRCPC, AGAF Directeur, Recherche clinique pour la division de gastroentérologie Membre Farncombe Family Digestive Health Research Institute Professeur agrégé de médecine McMaster University Hamilton (Ontario)

Dans le traitement de la CU, on a commencé à administrer du 5-ASA en doses fractionnées lorsque la sulfasalazine a été commercialisée, principalement en raison de la toxicité de la sulfapyridine. À votre avis, les médecins continuent-ils d’administrer du 5-ASA en doses fractionnées en raison du risque de toxicité? Que leur diriez-vous pour les rassurer et les convaincre que la plupart des préparations de 5-ASA sont bien tolérées et efficaces lorsqu’elles sont administrées une seule fois par jour?

Dr Marshall : J’estime personnellement que le fractionnement de la dose quotidienne de 5-ASA découle en grande partie d’une tradition et de notre expérience avec la sulfasalazine. Lorsque les nouvelles préparations de 5-ASA ont vu le jour, on a appliqué le principe du fractionnement de la dose sans trop réfléchir à la question, et je crois que de nombreux médecins sont hésitants à rompre avec la pratique établie. Il est donc très rassurant d’avoir de nouvelles données [à l’appui d’une posologie uniquotidienne]. L’étude QDIEM donne du poids aux autres études, et les bons résultats systématiques de ces études montrent que le traitement en une prise par jour est au moins aussi efficace que le traitement fractionné. Que je sache, aucun de ces essais n’a soulevé de problèmes d’innocuité liés à la posologie uniquotidienne, ce qui est aussi rassurant.

Dr Habal : J’exerce depuis 25 ans, et j’ai toujours opté pour un traitement en deux prises par jour, jamais trois ou quatre, parce que plus on fractionne la dose, moins les probabilités d’observance sont bonnes; de toute façon, les patients finissent toujours par prendre seulement deux doses par jour. Pour un grand nombre de patients qui voyagent, commencent leur journée tôt ou rentrent tard le soir, je prescris une dose par jour depuis de nombreuses années, et je n’ai jamais eu de problèmes. Même avant l’étude QDIEM, qui a confirmé que la posologie uniquotidienne était aussi efficace que la posologie biquotidienne, je prescrivais un traitement d’entretien en une prise par jour. Une autre étude, qui portait celle-là sur la nouvelle préparation MMX de 5-ASA, a démontré que la posologie uniquotidienne était tout aussi efficace.

Dr Lashner : Aucune donnée scientifique ne prouve que le profil de toxicité de la mésalamine diffère selon que cette dernière est administrée une ou deux fois par jour. Il semble que les EI graves comme la défaillance rénale signalée chez un sujet de l’étude QDIEM ne soient pas liés à la fréquence d’administration ni à la dose totale. L’étude ne changera peut-être rien aux habitudes de pratique des médecins, mais s’ils ne le font pas déjà, les médecins devraient administrer de la mésalamine une fois par jour comme traitement d’entretien.

Dr Paré : Non, les médecins ne devraient pas craindre la toxicité du 5-ASA lorsqu’ils le prescrivent une fois par jour. Depuis plusieurs années déjà, un grand nombre de cliniciens prescrivent régulièrement deux doses de 5-ASA par jour, mais nous savons maintenant que le traitement par le 5-ASA en une prise par jour est à la fois efficace et bien toléré, car des études rigoureuses l’ont prouvé.

Y a-t-il des patients à qui le traitement en une prise par jour ne convient pas?

Dr Marshall : Certains patients sont réticents à modifier leur routine thérapeutique, et je peux comprendre leur réticence à changer une formule gagnante si, en prenant plusieurs doses par jour, ils sont stables et en rémission. Cela dit, je pense que la plupart des patients pourraient tolérer une prise par jour et, jusqu’ici, la posologie uniquotidienne n’a pas été associée à une toxicité accrue ni à une efficacité moindre. Bref, je considère vraiment que c’est une option viable pour tous les patients qui prennent du 5-ASA par voie orale.

Dr Habal : Prenons comme exemple, parmi les médicaments que nous avons, les comprimés de 400 ou 500 mg à enrobage gastrorésistant. Eh bien, certains patients doivent prendre jusqu’à 10 comprimés par jour. Ce sont beaucoup de comprimés pour un patient, et il n’est pas surprenant que certains aient du mal à y arriver. La posologie biquotidienne est donc plus acceptable pour de nombreux patients. Quand on donne l’option aux patients, certains préfèrent encore deux doses par jour. Ce qui compte, c’est la dose totale, et non les modalités du traitement.

Dr Lashner : Non. Pour le traitement d’entretien, il suffit d’une dose par jour de 5-ASA. Quand il s’agit d’induire la rémission, c’est une autre paire de manches. Le seul agent à une prise par jour qui est indiqué pour l’induction d’une rémission est la mésalamine MMX; les autres doivent être fractionnés en plusieurs doses par jour. Tout dépend de votre choix, donc, mais pour parvenir à la rémission, la plupart des patients ont besoin de deux doses par jour.

Dr Paré : Une seule dose par jour est synonyme de commodité et d’observance du traitement. Si le patient estime que c’est plus pratique de prendre son traitement en doses fractionnées, je respecte sa préférence, mais je m’assure qu’il a toute l’information requise sur l’efficacité et la tolérabilité du traitement en une prise par jour.

La non-adhésion au traitement est un problème dans toutes les branches de la médecine, mais a-t-elle des conséquences particulières chez les patients atteints de CU? Quelles stratégies recommandez-vous pour améliorer l’adhésion au traitement dans la CU?

Dr Marshall : Précisons d’emblée que l’observance du traitement est difficile à mesurer. De plus, elle est probablement meilleure lorsque la maladie est active que lorsque le but du traitement est de maintenir de la rémission et que certains symptômes ont déjà disparu. En pareil cas, il est très difficile de persuader le patient de continuer à prendre son médicament, surtout s’il doit prendre plus d’une dose par jour. Il se pourrait donc qu’il y ait des différences au chapitre de l’observance entre un traitement d’induction et un traitement d’entretien. Cela dit, de solides données tirées d’études d’observation ont établi une corrélation entre une piètre observance et l’activité de la maladie avec le temps, et de plus en plus, on soupçonne que l’activité de la maladie, de la CU en particulier, est un prédicteur de complications à long terme comme la chirurgie et le cancer. Bref, une meilleure observance du traitement permet de mieux maîtriser la maladie et pourrait donc influer sur ces paramètres également.

Dr Habal : L’adhésion au traitement contribue très étroitement au maintien de la rémission chez de nombreux patients. J’ai fait un sondage auprès de mes propres patients, et j’ai un taux de bonne observance d’environ 70 %. Je le sais parce que je renouvelle toutes les prescriptions moi-même et, ce faisant, je note combien de comprimés je prescris. Je peux donc savoir s’ils prennent leurs comprimés ou non. De plus, je vois la quasi-totalité de mes patients une fois par année – ou plus souvent en cas de poussée – alors que je vois tous les trois mois les patients non observants dont la maladie est instable, et je me fais un devoir de souligner à quel point il est important qu’ils prennent leurs médicaments. Dans la CU, le principal problème est que les patients se mettent à sauter des doses de temps à autre quand ils se sentent mieux et, ne voyant aucune différence, ils peuvent cesser de prendre leur traitement pendant quelques mois. Compte tenu des nouvelles données sur la chimioprophylaxie par le 5-ASA, j’aborde la question avec mes patients et je leur explique pourquoi l’obtention d’une rémission est importante. Je leur dis notamment que le traitement réduit leur risque d’avoir un cancer – et ça marche! Par ailleurs, il arrive aussi que les patients ne prennent plus leur médicament pour une question de coût.

Dr Lashner : La posologie uniquotidienne est la clé. Nous devons expliquer au patient qu’il est important de prendre ces médicaments, parce que la rémission est vraiment plus durable chez ceux qui prennent leurs médicaments que chez ceux qui ne les prennent pas; bref, les médicaments font simplement leur travail. Le 5-ASA est aussi connu pour la chimioprévention du cancer, et ça, le patient doit le savoir, car il est alors plus susceptible de prendre son médicament.

Dr Paré : Des études ont révélé que l’observance du traitement par le 5-ASA est médiocre en dehors des essais cliniques. Il a été démontré, lors d’essais en conditions réelles, que le taux d’adhésion à un traitement par le 5-ASA dont la posologie est complexe est d’à peine 40 %. Dans le cadre d’un vaste sondage en ligne réalisé par la Crohn’s and Colitis Foundation of America, plus de 60 % des patients ont affirmé ne pas respecter leur traitement par le 5-ASA; le nombre trop élevé de comprimés était le motif principal de l’inobservance et il précédait de loin l’absence de symptômes. Cliniquement parlant, l’inobservance a pour conséquence d’augmenter le risque de rechute (risque cinq fois plus élevé que chez les patients observants), ce qui diminue la qualité de vie. L’adhésion au traitement par le 5-ASA a également été associée à un risque moindre de cancer colorectal. Le maintien de l’observance est une composante essentielle du traitement de la CU et, pour y arriver, le médecin doit avoir un dialogue franc et honnête avec son patient afin de le guider, de bien l’informer, de comprendre les raisons de son inobservance et de lui signaler qu’il existe des schémas posologiques plus commodes. Un suivi à long terme et à intervalles réguliers des patients dont la maladie est quiescente permet de renforcer l’observance du traitement.

Les préparations de 5-ASA sont indiquées pour le traitement de la CU légère ou modérée alors que les agents biologiques sont plutôt indiqués pour le traitement de la CU modérée ou sévère. Quels sont les critères qui vous amènent à passer à un agent biologique?

Dr Marshall : C’est l’une des pierres d’achoppement dans le traitement des MII, en partie parce que la décision ne se prête pas bien aux algorithmes. Chose certaine, la sévérité de la maladie est un important facteur à considérer lorsqu’on intensifie le traitement, mais la réponse au traitement l’est davantage. Même si l’on fait fi de la sévérité de la maladie, certains patients ne répondent pas suffisamment bien à un traitement que l’on pourrait qualifier de «doux» et ont besoin d’un traitement plus intensif en raison de symptômes réfractaires, même si les symptômes eux-mêmes ne sont pas si sévères. Certains scores standards comme le score Mayo – peut-être le plus utilisé à l’heure actuelle – tiennent compte d’éléments que nous surveillons toujours : fréquence des selles, rectorragies et impression globale de sévérité. Donc, même si nous n’utilisons pas de système officiel de cotation, nous tenons compte de quelques-unes de leurs composantes.

Dr Habal : La majorité des patients atteints de CU légère ou modérée vont assez bien sous 5-ASA, mais un sous-groupe cesse de répondre au traitement. De temps à autre, il est possible d’augmenter la dose, selon la dose déjà administrée. Si le patient ne répond pas, le recours à un corticostéroïde, comme la prednisone orale, est usuel. La corticothérapie permet d’obtenir une rémission rapidement, après quoi on peut commencer à réduire la dose, mais il y a alors un risque de poussée. Lorsque je prescris une corticothérapie à forte dose, je mets fin au traitement par le 5-ASA, puis je le réintroduis lorsque je commence à diminuer la dose du corticostéroïde et je surveille la réponse du patient. Jusqu’à il y a quelques années, lorsque la diminution de la dose de prednisone entraînait une poussée, on administrait d’abord de l’azathioprine et un corticostéroïde en association; puis, lorsqu’on commençait à retirer le corticostéroïde, on espérait que l’azathioprine favorise le maintien de la rémission. Si cette option échouait ou si le patient ne pouvait pas tolérer l’azathioprine, la chirurgie était généralement la seule possibilité. Aujourd’hui, on ne sait pas encore s’il est justifié d’avoir recours à un agent biologique en pareil cas, mais on peut certainement offrir l’option au patient; si on essuie un autre échec, la chirurgie est alors incontournable. On garde donc les agents biologiques pour la fin, lorsque rien ne fonctionne, ou comme transition vers la chirurgie.

Dr Lashner : Si le patient ne répond pas à la dose maximale de mésalamine, on doit essayer autre chose, mais les agents biologiques sont une option parmi d’autres. Si le patient répond bien, par contre, il n’y a aucune raison de changer de traitement. Bref, c’est seulement en cas de non-réponse à la dose maximale de mésalamine que j’envisage d’autres agents. Un agent biologique est alors possible, mais il y a d’autres options.

Dr Paré : Il est inhabituel de passer directement du 5-ASA à un agent biologique. En cas d’échec du traitement par le 5-ASA, la pratique actuelle est d’induire une rémission clinique à l’aide d’un cor t i cos t é roïde , ave c ou sans immunosuppresseur. Le recours à un agent biologique est recommandé dans la CU réfractaire à la fois aux corticostéroïdes oraux et aux immunosuppresseurs. On envisage aussi un agent biologique lorsque le patient ne répond pas suffisamment au traitement traditionnel, qu’il ne parvient pas à la rémission sans corticothérapie ou qu’il ne tolère pas le traitement traditionnel.

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