Comptes rendus

Prise en charge globale du patient glaucomateux
Réduction optimale du risque de maladie vasculaire diffuse : cibler la maladie artérielle périphérique

Manipulations thérapeutiques pour prolonger la survie en présence de tumeurs cérébrales malignes : résultats d’études de phase II et III

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

44e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Chicago, Illinois / 30 mai-3 juin 2008

Dans les tumeurs cérébrales malignes avancées, le paramètre de comparaison des stratégies demeure le délai de progression (DP) plutôt que la survie globale (SG), mais on observe des progrès en matière de prolongation du DP et d’amélioration de la qualité de vie. Au terme d’une étude de phase III ayant pris fin récemment, le témozolomide en monothérapie s’est révélé aussi efficace, mais mieux toléré, que le protocole procarbazine-vincristine-CCNU (PVC). Dans une comparaison tripartite, chacune de ces deux chimiothérapies s’est traduite, en première intention, par un DP comparable à celui de la radiothérapie de première intention, ce qui donne à penser qu’on peut épargner la radiothérapie aux patients qui le désirent, jusqu’à la progression du cancer.

«En ce qui concerne le PVC et le témozolomide, leur efficacité semble comparable, mais la toxicité du PVC est plus grande», déclare le Dr Timothy Cloughesy, directeur du programme de neuro-oncologie, University of California, Los Angeles. «La chimiothérapie précoce n’a pas nui aux patients. On a attendu une médiane de 18 mois avant d’entreprendre la radiothérapie dans le groupe atteint d’un astrocytome anaplasique, et on pouvait attendre plus de quatre ans dans cette population pour soumettre les tumeurs oligodendrogliales à la radiothérapie.»

Étude RESCUE

RESCUE, essai multicentrique de phase II réalisé au Canada, avait pour objectif l’évaluation d’un traitement de deuxième intention chez des sujets atteints d’un gliome malin ayant récidivé après un premier traitement standard. À l’heure actuelle, il n’y a pas de traitement de deuxième intention clairement défini. L’idée de l’essai RESCUE a germé grâce aux résultats obtenus chez un des sujets de l’essai pivot mené conjointement par le Groupe des essais cliniques de l’Institut national du cancer du Canada et l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer, essai qui a fait de l’association radiothérapie-témozolomide (plus six mois de témozolomide en adjuvant) un traitement de référence. Ayant répondu favorablement au traitement initial, le patient en question avait subi une récidive neuf mois après la fin du traitement adjuvant. Or, on a réussi à stopper la progression de nouveau la maladie en recourant encore une fois au témozolomide, mais en traitement continu à raison de 50 mg/m2.

Par suite de l’obtention de résultats comparables chez plusieurs autres patients, on a entrepris l’essai RESCUE dans le but de mettre cette démarche à l’épreuve de manière prospective, explique le principal auteur de l’étude, le Dr James Perry, division de neurologie, University of Toronto, Ontario. Au paramètre principal de l’étude, la survie sans progression (SSP) à six mois, s’ajoutaient divers paramètres secondaires, dont le taux de réponses objectives, la SG à 12 mois et l’innocuité. Pour être admis à l’étude, des patients atteints d’un glioblastome multiforme (GBM) devaient avoir reçu au complet le protocole de chimioradiothérapie usuel et au moins deux traitements adjuvants par le témozolomide (pour éviter les cas de pseudoprogression). Les patients souffrant d’un gliome anaplasique devaient avoir subi au moins deux traitements par le témozolomide administré sur cinq jours en cycles de 28 jours (5/28). Le seul agent chimiothérapeutique antérieur autorisé était le témozolomide. Au total, 12 établissements canadiens ont pris part à l’essai.

«Nous estimions que cette étude serait digne d’intérêt si la SSP [à six mois] excédait 20 %», se remémore le Dr Perry, ajoutant qu’un résultat comme celui-là donnerait une idée de la conduite à tenir dans une population sur laquelle on possède peu de données actuellement. On a recruté 120 sujets, divisés en quatre groupes (Tableau 1). Fidèles au schéma empirique ayant motivé la réalisation de l’étude, les chercheurs ont prescrit 50 mg/m2/jour de témozolomide sans interruption pendant une période maximale de 12 mois.

Tableau 1. Cohortes de l’étude RESCUE


Les résultats sont encourageants. Le seuil de 20 % de SSP à six mois, jugé important à l’étape de la planification, a été atteint dans trois des quatre groupes. En effet, la SSP à six mois s’est établie à 28,6 % chez les sujets ayant subi une récidive précoce (groupe A), à 30,4 % chez ceux dont la récidive est survenue après la fin du traitement adjuvant (groupe C) et à 42,1 % chez les sujets atteints d’un gliome anaplasique (groupe D). Seule exception : le groupe B, qui a obtenu un taux de SSP à six mois de 9,5 %. La SSP à six mois s’est chiffrée, pour l’ensemble des GBM, à 24 %.

«Les signes de toxicité non hématologique n’ont pas été très sévères. On a noté quelques manifestations de classe 3, mais aucune de classe 4», précise le Dr Perry. En ce qui a trait à l’hématotoxicité, la lymphopénie a été la manifestation la plus fréquente, celle-ci (toutes classes confondues) ayant été signalée chez près de la moitié des patients; 20 % des sujets ont présenté une lymphopénie de classe 3 et un seul sujet, une lymphopénie de classe 4 (<1 %). Ce fort taux est tempéré par le fait que 40 % des patients étaient lymphopéniques lors de leur admission à l’étude (données récentes). De plus, aucun sujet n’a subi d’infection opportuniste, même si la prophylaxie des infections par Pneumocystis carinii n’était pas obligatoire et que la moitié des établissements n’y ont pas eu recours.

Le suivi étant en cours, l’essentiel des résultats relatifs aux paramètres d’évaluation secondaires, notamment la survie à 12 mois, sera dévoilé à une date ultérieure. Parmi les sous-études particulièrement intéressantes, mentionnons l’analyse volumétrique par tomodensitométrie cérébrale, qui permettra de mieux quantifier l’effet du traitement sur la réponse tumorale au fil du temps. Cela dit, les résultats principaux de l’étude RESCUE sont d’ores et déjà utiles pour déterminer la conduite à tenir dans une population quelque peu laissée pour compte jusqu’à maintenant.

«Selon nous, la prise de témozolomide en continu est avantageuse dès les premiers signes de progression, malgré une exposition antérieure à cet agent en concomitance avec la radiothérapie. De plus, le témozolomide semble bénéfique non seulement lorsqu’il est réutilisé après un congé thérapeutique, mais également lorsqu’il est administré sans interruption plutôt qu’en traitement de cinq jours comme on le fait habituellement, poursuit le Dr Perry. Il semble également bien toléré, puisqu’il n’a pas eu d’effet toxique non hématologique et que la principale manifestation d’hématotoxicité a été la lymphopénie.» Dans l’ensemble, conclut le Dr Perry, «son efficacité, mesurée par la SSP à six mois, semble comparable, voire légèrement supérieure, à celle d’autres agents d’emploi courant en deuxième intention, par exemple les nitroso-urées».

Les prochaines études porteront sur la dose-intensité et l’utilisation éventuelle du témozolomide en traitement de fond de deuxième intention. «Le témozolomide est la pierre angulaire de nos traitements de première intention, souligne le Dr Perry, et de nombreuses études ont été réalisées sur cette indication. Son emploi [en deuxième intention], avec d’autres agents cytotoxiques ou des traitements ciblés novateurs, pourrait se révéler utile.»

Stratégies axées sur la radiochimiothérapie dans le gliome anaplasique

Le Dr Cloughesy a présenté l’exposé consacré à l’étude de phase III NOA-04, dont les résultats sont tout récents, sur la radiochimiothérapie séquentielle par le PVC ou le témozolomide en présence d’un gliome anaplasique. Les responsables de cette ambitieuse étude multicentrique randomisée menée en Allemagne chez 319 sujets se sont posé diverses questions d’importance (Tableau 2), comme l’explique l’auteur principal, le Dr Wolfgang Wick, département de neuro-oncologie, Centre allemand de recherche sur le cancer, Université de Heide
Tableau 2. Questions

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Les participants à cet essai pour le moins complexe, mais de grande importance, sur le traitement du gliome anaplasique ont été randomisés de façon à recevoir soit une radiothérapie, soit une chimiothérapie. Le groupe chimiothérapie a été subdivisé de manière aléatoire en deux sous-groupes, l’un ayant reçu du témozolomide (huit cycles de quatre semaines à raison de 200 mg/m2 du 1er au 5e jour) et l’autre, le PVC (six cycles : 110 mg/m2 de CCNU le 1er jour, 60 mg/m2 de procarbazine du 8e au 21e jour et 2 mg de vincristine le 8e et le 29e jour). De plus, on a évalué l’effet relatif de chaque stratégie sur le paramètre principal, soit le délai d’échec du traitement (DET), chez les participants qui, lors de l’admission, avaient reçu un diagnostic histologique d’astrocytome (52,6 %), d’oligoastrocytome (33,2 %) ou d’oligodendrogliome (14,2 %). Au surplus, on a évalué ce paramètre chez les sujets pour lesquels on possédait des échantillons tissulaires propices à l’étude de la méthylation de la O6-méthylguanine-DNA-méthyltransférase (MGMT) et des chromosomes 1p/q19, deux marqueurs dont l’importance pronostique a été démontrée lors d’études antérieures.

Cette population assez représentative des personnes atteintes d’un gliome anaplasique était âgée de 45 ans en moyenne et constituée d’hommes à 65 % environ. Une perte d’hétérozygosité des chromosomes 1p et q19 (LOH 1p/q19, pour loss of heterozygosity) a été notée chez un peu plus de 40 % des sujets et une méthylation de la MGMT, chez un peu moins de 60 % de la population. Près de la moitié des participants avaient subi une résection tumorale complète et les autres, une résection partielle.

Résultats

Administrées en première intention, la radiothérapie et la chimiothérapie ont été associées à un DET médian à peu près identique, soit 42,7 mois et 43,8 mois, respectivement. Au sein du groupe chimiothérapie, les deux stratégies ont également donné des résultats statistiquement comparables; le Dr Wick précise toutefois que sur le strict plan numérique, le DET médian a été plus long dans le sous-groupe témozolomide (47 mois) que dans le sous-groupe PVC (38,8 mois). Les chiffres sont également favorables à la monothérapie par le témozolomide par rapport au PVC en ce qui a trait à la tolérabilité (les écarts statistiques ne sont pas précisés). À cet égard, mentionnons un taux de toxicité hématologique de classe 3 ou 4 de 17,4 % dans le groupe PVC contre 4 % dans le groupe témozolomide. Le taux d’infections était également plus élevé dans le groupe PVC que dans le groupe témozolomide ou radiothérapie (4 % vs 1 % vs 0 %). La radiothérapie n’a donné lieu à aucun effet toxique hématologique, de quelque nature que ce soit.

«On a enregistré un taux d’abandons liés au traitement de 0 % chez les sujets sous radiothérapie et de 9 % chez les sujets sous chimiothérapie, et c’est essentiellement le PVC qui était à l’origine des abandons», déclare le Dr Wick.

La comparaison des données histologiques a fait ressortir une «énorme augmentation» du risque d’abrégement du DET en présence d’un astrocytome anaplasique par rapport à l’un ou l’autre des oligoastrocytomes, suivant un taux de risque (HR) de 3,3 (p<0,0001). En revanche, le risque n’était pas plus grand en cas d’oligoastrocytome qu’en cas d’oligodendrogliome (HR : 1,0). Conformément aux constatations faites dans des études antérieures, l’absence de LOH 1p/19q (HR : 3,3; p=0,0129) et d’hyperméthylation de la MGMT (HR : 2,98; p<0,0001) a, dans un cas comme dans l’autre, été associée à un DET plus court.

«Nous avons effectué une analyse CART (Classification and Regression Tree) afin de hiérarchiser les risques et avons conclu que la [méthylation de la] MGMT était probablement le facteur le plus utile sur le plan pronostique et était presque aussi important que l’obtention de résultats histologiques favorables [présence d’une composante oligodendrogliale], et que ces deux éléments étaient beaucoup plus importants que la détection de la LOH 1p/q19 dans le tissu tumoral, explique le Dr Wick. J’ajoute qu’on a observé – et ça n’a pas été le cas dans toutes les études antérieures – une bonne corrélation entre la méthylation de la MGMT et la LOH 1p/q19 dans les oligodendrogliomes, mais non dans les astrocytomes.»

Au chapitre de la SSP, paramètre secondaire, et de la SG, on n’a pas noté de différence non plus entre les groupes radiothérapie et chimiothérapie. On parle, plus précisément, d’une SSP médiane de 30,6 et de 31,6 mois, respectivement. Sur le plan histologique, la radiothérapie et la chimiothérapie ont, une fois encore, fait montre d’une efficacité comparable. Fait à noter, la SSP des sujets atteints d’un astrocytome s’est chiffrée à 18,2 mois dans le groupe chimiothérapie contre 10,8 mois dans le groupe radiothérapie. L’écart n’est pas statistiquement significatif, certes, mais, de l’avis du Dr Wick, ces résultats confondent nettement les sceptiques qui doutent que la chimiothérapie puisse remplacer la radiothérapie en première intention. Dans les cas d’oligoastrocytomes et d’oligodendrogliomes, on a enregistré une médiane de SSP d’environ 52 mois, que les sujets aient reçu une radiothérapie ou une chimiothérapie. Quant à la médiane de SG, elle est comparable dans les deux groupes et excède 60 mois.

Vaccin ciblant l’EGFR en association

En fait, la démarche décrite précédemment a été mise à l’épreuve lors d’un essai de phase II qui portait précisément sur le recours à un vaccin ciblant la variante III du récepteur du facteur de croissance épidermique (EGFRvIII) en association avec le témozolomide. Appelé CDX-110, le vaccin cible précisément cette mutation génique spécifique de la tumeur, non exprimée dans les tissus sains, mais largement exprimée dans les GBM. Il présente plusieurs avantages potentiels, notamment celui-ci : l’expression de la variante EGFRvIII n’est pas liée uniquement à des effets tumorigènes, mais également à une résistance aux traitements classiques.

Faisant le point sur des travaux en cours, le Dr John H. Sampson, Tisch Brain Tumor Center, Duke University Medical Center, Durham, Caroline du Nord, a appris aux congressistes que deux études donnaient maintenant à penser que les patients vaccinés et traités par le témozolomide après la résection tumorale survivaient plus longtemps que des témoins appariés. Il a présenté les résultats de l’essai ACT II, étude multicentrique sur le vaccin ciblant l’EGFRvIII, qui réunit 21 sujets.

«Dans l’essai ACT II, la SG est de 33 mois, déclare le Dr Sampson. Nous sommes ici en présence d’une prolongation appréciable et statistiquement significative de la survie médiane par rapport aux cohortes appariées [15,2 mois; p=0,0097].» Au nombre des observations les plus solides, notons une corrélation de plus en plus vraisemblable entre les titres maximaux d’anticorps post-vaccination et la prolongation du DET. Bien que cette corrélation n’ait pas encore atteint la significativité statistique pour cause d’échantillon restreint, le Dr Sampson croit que les titres d’anticorps pourraient aider les cliniciens à repérer les patients susceptibles de répondre au traitement.

Selon le schéma thérapeutique actuel, les patients reçoivent leur première dose du vaccin 20 jours après le début de la radiothérapie associée au témozolomide. On administre trois doses du vaccin à deux semaines d’intervalle chacune. Les patients reçoivent, avec le vaccin, le facteur stimulant les colonies de granulocytes et de macrophages (GM-CSF). Quant au témozolomide, il est administré suivant un cycle mensuel pendant la poursuite de la vaccination de rappel.

Les effets indésirables du vaccin ont été jugés «minimes» dans l’essai ACT II, les plus fréquents ayant été des réactions cutanées au point d’injection. Deux sujets ont été retirés de l’étude en raison d’une réaction allergique.

«Tout compte fait, l’EGFRvIII apparaît comme une cible spécifique de l’antigène unique en son genre, qui se prête à l’immunothérapie», fait remarquer le Dr Sampson. Selon les études dont nous disposons, le vaccin serait compatible avec la chimiothérapie, puisque «le témozolomide semble intensifier énormément l’immunogénicité». L’activité observée à maintes reprises dans des études indépendantes, ajoute-t-il, a motivé la réalisation d’un essai de phase III auquel on met actuellement la dernière main.

Résumé

On obtient une légère amélioration des résultats dans le traitement des tumeurs cérébrales malignes en misant sur l’efficacité reconnue des agents existants. Ainsi, le trio résection-radiothérapie-chimiothérapie demeure le traitement de première intention habituel pour bon nombre de tumeurs malignes courantes. Cependant, des données récentes laissent entrevoir l’efficacité du témozolomide en deuxième intention, chez des patients déjà exposés à cet agent. Fort de cette constatation, on s’est mis en quête de schémas pouvant retarder encore davantage la progression de la maladie. La voie la plus prometteuse pourrait être l’association de composés chimiothérapeutiques courants tel le témozolomide et d’agents novateurs dirigés contre des cibles moléculaires, le but étant la maîtrise plus soutenue, voire indéfinie, de la maladie.

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