Comptes rendus

Réduction optimale du risque de maladie vasculaire diffuse : cibler la maladie artérielle périphérique
Vaccins clés pour la prévention des maladies chez l’adulte

Mise à jour des recommandations sur le traitement de l’hypertension : associations à doses fixes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Hypertension 2008

Berlin, Allemagne / 14-19 juin 2008

Selon les recommandations actuelles sur le traitement de l’hypertension en présence de diabète, la tension artérielle (TA) systolique (TAS) doit être inférieure à 130 mmHg et la TA diastolique (TAD), inférieure à 80 mmHg. D’aucuns estiment que, chez les patients diabétiques, il serait peut-être plus efficace d’opter pour des associations à doses fixes que de cibler des chiffres tensionnels donnés et, de cette façon, le traitement causerait peut-être moins d’effets indésirables. Les inhibiteurs du système rénine-angiotensine sont particulièrement recommandés en première intention, car il a été démontré qu’ils réduisent le risque d’apparition ou de progression de la néphropathie diabétique.

Essai ADVANCE

L’essai randomisé ADVANCE (Action in Diabetes and Vascular Disease: Preterax and Diamicron MR Controlled Evaluation) est le plus vaste jamais réalisé sur le traitement du diabète de type 2. Cet essai – qui regroupait 11 140 patients recrutés dans le monde entier – a été conçu pour déterminer l’effet du traitement antihypertensif usuel au moyen d’une association à doses fixes, soit un inhibiteur de l’ECA, le perindopril, et un diurétique apparenté aux thiazidiques, l’indapamide, sur les complications vasculaires majeures. Suivant un plan factoriel, les patients étaient aussi randomisés de façon à recevoir un traitement hypoglycémiant intensif (taux cible d’hémoglobine A1C [HbA1C] <u><</u>6,5 %) par une sulfonylurée, le gliclazide à libération modifiée (MR). Tous les sujets de l’essai ADVANCE étaient diabétiques et présentaient au moins un autre facteur de risque cardiovasculaire (CV).

Le traitement antihypertensif administré dans le cadre de l’essai ADVANCE consistait en l’administration quotidienne d’un comprimé à doses fixes renfermant 2 mg de perindopril et 0,625 mg d’indapamide ou d’un placebo, en plus du traitement en cours. Les doses de perindopril/indapamide ont été doublées après trois mois. Les principaux résultats de l’étude ADVANCE (ADVANCE Collaborative Group. Lancet 2007;370:829-40) ont révélé qu’après un suivi d’une durée moyenne de 4,3 ans, on avait observé chez les patients du groupe perindopril/indapamide une baisse de 14 % de la mortalité totale, une baisse de 18 % de la mortalité d’origine CV, une baisse de 9 % des événements vasculaires majeurs, une baisse de 14 % des événements coronariens totaux et une baisse de 21 % des événements rénaux totaux. Les bénéfices semblaient indépendants de la TA initiale (similaires chez les patients hypertendus et normotendus), se comparaient dans tous les principaux sous-groupes et s’ajoutaient à ceux d’autres traitements protecteurs. Le traitement actif a autorisé une baisse supplémentaire de 5,6/2,2 mmHg. Passant ces résultats en revue, le co-investigateur principal, le Dr Steven MacMahon, The George Institute for International Health, University of Sydney, Australie, estime sur la foi des données de l’essai ADVANCE que l’on devrait systématiquement envisager un traitement d’association inhibiteur de l’ECA/diurétique chez les patients atteints d’un diabète de type 2.

Nouvelles données sur la néphroprotection

Les nouvelles analyses de l’essai ADVANCE sur la fonction rénale semblent indiquer que l’effet néphroprotecteur de l’association perindopril/indapamide préserverait la fonction rénale, l’autonomie et la qualité de vie des patients diabétiques et qu’il s’ensuivrait une diminution éventuelle du nombre de cas où la dialyse et la greffe rénale deviennent inévitables. Le co-investigateur principal, le Dr John Chalmers, The George Institute for International Health, rapporte que le paramètre principal de cette analyse, à savoir tous les événements rénaux confondus, a diminué de 21 % (p<0,0001) sous l’effet de l’association perindopril/indapamide, par rapport au placebo. Ce paramètre principal mixte regroupait l’apparition d’une micro-albuminurie (ratio albumine:créatinine urinaire [UACR] de 30 à 300 µg/mg); l’apparition d’une néphropathie (UACR >300 µg/mg); le doublement du taux sérique de créatinine >200 µmol/L (2,3 mg/dL); le recours obligatoire à un traitement de substitution de la fonction rénale; ou la nécrose rénale. Le traitement actif a également réduit de 22 % la progression de l’albuminurie (p<0,0001) et augmenté de 16 % la régression de l’albuminurie (p=0,002).

Les bénéfices du traitement actif étaient constants dans tous les sous-groupes définis en fonction de la TAS initiale (de <120 à <u>></u>160 mmHg) ou de la TAD initiale (de <70 à <u>></u>90 mmHg). Un lien continu a été observé entre les événements rénaux et la TAS atteinte, la réduction du risque relatif (RR) ayant atteint 6,9 % pour chaque baisse de 10 mmHg de la TAS (p<0,0001) (Figure 1). Cette corrélation s’est maintenue jusqu’à l’atteinte d’une TAS de

Figure 1. ADVANCE : Événements rénaux en fonction de la TAS atteinte au cours du suivi*


Commentant les nouvelles données, le chercheur principal, le Dr Mark E. Cooper, Baker Memorial Research Institute, Melbourne, Australie, indiquait à l’auditoire que l’association perindopril/indapamide à doses fixes évaluée dans le cadre de l’essai ADVANCE avait autorisé une baisse de l’albuminurie de même ampleur que celle qui était ressortie de nombreuses autres études sur les associations d’antihypertenseurs. La baisse de l’albuminurie observée dans l’essai ADVANCE pourrait se traduire par un bénéfice CV et une baisse globale de la mortalité, ajoute-t-il, mais des études d’une durée de quatre à cinq ans en pareil contexte ne sont peut-être pas assez longues pour objectiver les bénéfices ultimes de la prévention de la microalbuminurie et de la diminution de la néphropathie.

Contrôle glycémique

Dans le cadre de l’essai ADVANCE, le contrôle intensif de la glycémie était obtenu au moyen du gliclazide MR – auquel se greffait tout traitement supplémentaire nécessaire à l’atteinte du taux cible de HbA1C – et ce schéma était comparé au traitement de référence, qui consistait en l’administration de toute autre sulfonylurée en plus d’autres traitements déterminés selon les recommandations locales. Les résultats de l’étude ADVANCE sur le contrôle intensif de la glycémie ont été présentés récemment au congrès annuel de l’American Diabetes Association (ADA) et publiés simultanément (The ADVANCE Collaborative Group. N Engl J Med 2008; 358:2560-72). Après un suivi d’une durée médiane de cinq ans, le taux moyen de HbA1C se chiffrait à 6,5 % dans le groupe contrôle intensif vs 7,3 % dans le groupe traitement de référence. Le contrôle glycémique intensif s’est révélé sûr et efficace, souligne le Dr Chalmers, et il a permis une réduction significative des complications micro-angiopathiques du diabète, principalement la néphropathie (apparition ou aggravation de la néphropathie 21 % moins fréquentes par rapport au groupe de comparaison). Il s’agit là d’un bénéfice de taille, poursuit le Dr Chalmers, car la néphropathie tue 20 % des diabétiques. Au chapitre des complications macro-angiopathiques, par contre, on n’a pas observé de bénéfice significatif, ce qui concorde avec les résultats de l’essai ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) (The Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes Study Group. N Engl J Med 2008;358:2545-59) et de l’essai VADT (Veterans Affairs Diabetes Trial), tous deux aussi présentés au congrès de l’ADA en 2008. Contrairement à l’essai ACCORD, cependant, le contrôle intensif de la glycémie pratiqué dans l’essai ADVANCE ne s’est pas traduit par une mortalité excessive ni n’a entraîné de gain pondéral ou de taux excessif de séquelles graves des épisodes d’hypoglycémie.

Quand on lui a demandé s’il pouvait y avoir eu synergie entre le traitement antihypertensif et le traitement hypoglycémiant dans le cadre de l’essai ADVANCE, le Dr Chalmers a indiqué que l’analyse préliminaire de l’objectif principal n’avait objectivé aucune interaction. «Cela ne sous-entend ni synergie ni interaction négative», affirme-t-il. Il a toutefois confirmé que les chercheurs de l’essai ADVANCE s’attendent à voir un effet plus marqué chez les patients qui ont reçu les deux traitements (environ 25 % de l’effectif). Les résultats de cette analyse seront présentés au congrès annuel de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) qui aura lieu à Rome en septembre 2008.

Nouvelles données de l’étude HYVET

Le bénéfice du traitement de l’hypertension chez les patients âgés de <u>></u>80 ans n’était pas clair, et il est rare que ce groupe soit mentionné dans les recommandations actuelles. Avant la tenue de l’essai HYVET (Hypertension in the Very Elderly Trial), nous manquions de données cliniques sur l’innocuité et l’efficacité des antihypertenseurs chez les personnes âgées. En conséquence, cette population était toujours sous-traitée ou non traitée, et demeurait exposée à un risque très élevé d’AVC et de maladie CV, fait valoir l’investigateur principal, le Dr Christopher J. Bulpitt, Imperial College London, Londres, Royaume-Uni. Selon des données épidémiologiques, les patients de ce groupe d’âge sous antihypertenseur(s) pourraient être exposés à un risque plus élevé de mortalité, et il est ressorti d’une méta-analyse réalisée chez des patients de <u>></u>80 ans ayant participé à des essais cliniques que l’efficacité éventuelle du traitement antihypertensif pour réduire les AVC pourrait être neutralisée par une augmentation de la mortalité toutes causes confondues (Gueyffier et al. Lancet 1999;353:793-6). Cependant, les principaux résultats de l’essai HYVET – qui ont été présentés au congrès annuel de 2008 de l’American College of Cardiology et publiés simultanément (Beckett et al. N Engl J Med 2008; 358:1887-98) – ont révélé qu’il était sûr d’abaisser la TA chez les personnes âgées au moyen de l’indapamide à libération soutenue (SR) avec ou sans perindopril. Ce traitement a réduit la mortalité totale de un cinquième et le taux d’événements CV, de un tiers.

Cet essai, qui a été financé par l’Imperial College London et appuyé par la British Heart Foundation, portait sur 3845 patients recrutés en Europe, en Chine, en Australasie et en Tunisie dont la TAS était comprise entre 160 et 199 mmHg et dont la TAD était <110 mmHg. Leur hypertension mise à part, ces patients étaient en bonne santé et autonomes, et ne prenaient aucun autre antihypertenseur, mais 65 % des sujets prenaient un antihypertenseur deux mois avant le début de l’étude. La Ta cible était <150/80 mmHg. L’essai HYVET a pris fin prématurément à la suite de la recommandation du comité indépendant d’éthique et de surveillance des données de l’essai après qu’une analyse partielle prévue au protocole eût montré une diminution significative du paramètre principal, qui regroupait les AVC, mortels ou non mortels, et la mortalité totale.

Dans le cadre de l’essai HYVET, le suivi a duré en moyenne 1,8 an et, après deux ans, la TA moyenne était 15/6 mmHg plus faible dans le groupe de traitement actif que dans le groupe placebo. Les bénéfices du traitement ont été apparents dès la première année, indique le Dr Bulpitt. Selon l’analyse en intention de traiter, le traitement actif a autorisé une réduction de 21 % de la mortalité totale (p=0,019) et une réduction de 30 % de tous les AVC (p=0,055). Lorsque l’analyse se limitait aux sujets ayant terminé l’étude, par contre, les réductions de la mortalité totale (34 %) et des AVC (28 %) étaient toutes deux significatives (p=0,03 et p=0,001, respectivement). L’incidence de l’insuffisance cardiaque a pour sa part diminué de 72 % (p<0,001) et celle des événements CV, de 37 % (p<0,001). Chez les patients qui ont été suivis pendant au moins deux ans, on n’a pas observé d’écart significatif entre les deux groupes quant à la variation de la kaliémie, de l’uricémie, de la glycémie ou de la créatininémie. Bien que les effets indésirables graves soient très courants chez les personnes âgées, note le Dr Bulpitt, moins d’effets indésirables ont été signalés dans le groupe de traitement actif (358 vs 448 dans le groupe placebo; p=0,001) et de ces effets indésirables, seulement cinq, dont trois dans le groupe placebo, ont été considérés comme liés à l’agent à l’étude.

L’analyse des principaux résultats dans les sous-groupes prédéfinis – présentés par le Dr Nigel S. Beckett, Imperial College London – a révélé que la baisse de la TA avait été associée à des bénéfices statistiquement significatifs ou à des tendances favorables sans égard au sexe ou aux antécédents d’événement CV, ce qui indique que le traitement actif a été efficace lorsqu’il était utilisé à des fins de prévention secondaire chez ces patients (Tableau 1). En outre, les chercheurs n’ont relevé aucun écart entre les groupes définis en fonction de l’âge (80 à 84,9 ans vs ³85 ans) ou de la TAS initiale (160 à <u>></u>180 mmHg).

Tableau 1. HYVET : Analyse de la mortalité totale et des événe
-groupes prédéfinis

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HYVET-COG, étude satellite dont les résultats ont été présentés par la Dre Ruth Peters, Imperial College London, visait à évaluer l’incidence de la démence (démence vasculaire et maladie d’Alzheimer) et du déclin cognitif chez 3336 sujets de l’étude HYVET (âge moyen de 83,5 ans), soit 1687 sujets dans le groupe de traitement actif et 1649 dans le groupe placebo. Bien qu’aucun effet significatif n’ait été noté chez les sujets qui recevaient un traitement contre l’hypertension, la Dre Peters précise que la légère réduction du nombre de nouveaux cas de démence sous l’effet de la baisse de la TA était cliniquement significative. La fonction cognitive était évaluée au départ, puis une fois par année à l’aide du mini-examen de l’état mental (MMSE), lequel peut être utilisé dans tous les pays car il ne dépend pas de la langue, mais qui n’est pas en général la méthode la plus exacte de diagnostiquer la démence, concède-t-elle. En tout, 263 cas de démence ont été diagnostiqués. Le taux de risque (HR, pour hazard ratio) pour le groupe de traitement actif, après prise en compte de la scolarité, de l’âge et de la région géographique, se chiffrait à 0,85 (IC à 95 % : 0,67-1,09; p=0,19). Ni les AVC ni le traitement antihypertensif durant ou avant l’essai n’ont eu d’impact sur les résultats. De l’avis de la Dre Peters, un suivi plus long pourrait être nécessaire pour que l’on puisse observer des retombées statistiquement significatives sur la démence.

Des chercheurs ont réalisé une méta-analyse en combinant les résultats de l’essai HYVET-COG avec ceux de trois essais antérieurs dans lesquels on comparait des antihypertenseurs et un placebo quant à leur effet sur l’incidence de la démence : Syst-Eur (Systolic Hypertension in Europe), SHEP (Systolic Hypertension in the Elderly Program) et PROGRESS (Protection Against Recurrent Stroke Study). Les résultats de cette méta-analyse ont objectivé une réduction significative de 13 % du risque relatif d’apparition d’une démence (RR de 0,87 [IC à 95 % : 0,76-1,00; p=0,045]).

Mise à jour des recommandations

Les résultats de l’essai ADVANCE ont déjà été pris en compte dans les recommandations. Les données sur le traitement antihypertensif sont venues renforcer les recommandations du Programme éducatif canadien sur l’hypertension (PECH) pour la prise en charge de l’hypertension chez les patients diabétiques; en particulier, les auteurs des lignes directrices font état du rôle éventuel du traitement d’association à doses fixes en première intention. Les résultats de l’essai HYVET n’ont pas encore été intégrés dans les recommandations nationales. Commentant les données de l’essai HYVET, le Dr Bryan Williams, University of Leicester School of Medicine, Royaume-Uni, a déclaré qu’il n’y avait aucun doute dans son esprit que ces essais «phares» modifieront la pratique clinique dans le monde entier quant au traitement de l’hypertension chez les patients âgés. «La population très âgée est le segment de la population qui croît le plus rapidement et la quasi-totalité de ces patients sont hypertendus. Ces patients présentent une hypertension systolique isolée, et nous avions besoin d’être rassurés quant à l’innocuité et à la tolérabilité d’une baisse de la TAS et d’une baisse supplémentaire de la TAD chez ces patients», a-t-il expliqué à l’auditoire. Qualifiant les résultats de l’essai HYVET de «non équivoques», il a ajouté : «Une intervention toute simple nous permet maintenant d’améliorer davantage l’issue clinique dans ce segment important de la population. HYVET dissipe l’incertitude qui régnait au sujet des bénéfices du traitement de l’hypertension chez les patients très âgés et permettra donc de clarifier et de modifier les recommandations thérapeutiques à l’échelle internationale», conclut-il.

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