Comptes rendus

Maîtrise prolongée de la colite ulcéreuse
Progrès de la prise en charge du risque cardiovasculaire : cibler de multiples facteurs de risque

Mise à jour sur les lymphomes : survol du traitement d’entretien et du traitement d’induction

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

42e Assemblée annuelle de l’American Society of Clinical Oncology

Atlanta, Géorgie / 2-6 juin 2006

Les résultats finals d’une étude randomisée et prospective du Groupe d’étude allemand sur les lymphomes de faible malignité ont confirmé que le traitement d’entretien par le rituximab après une chimio-immunothérapie est à la fois sûr et hautement efficace contre les lymphomes folliculaires résistants ou en rechute et, dans une moindre mesure, contre les lymphomes du manteau résistants ou en rechute, affirme le Dr Martin Dreyling, Groupe d’étude sur les lymphomes malins, Klinikum Grosshadern, Université de Munich, Allemagne. L’étude regroupait des patients souffrant d’un lymphome folliculaire ou d’un lymphome du manteau, lesquels lymphomes s’étaient tous avérés en rechute ou résistants à la chimiothérapie antérieure. Les autres critères d’inclusion étaient la présence de symptômes devant être traités, un fardeau tumoral important ou une progression rapide de la maladie. «L’indice fonctionnel devait être assez bon, et le protocole de l’étude prévoyait deux randomisations séquentielles», indique le Dr Dreyling.

La chimiothérapie administrée comportait 25 mg/m2/jour de fludarabine les jours 1 à 3, 200 mg/m2/jour de cyclophosphamide les jours 1 à 3 et 8 mg/m2/jour de mitoxantrone le jour 1. Après randomisation, les patients recevaient quatre cycles de ce schéma administré seul ou en association avec le rituximab à raison de 375 mg/m2/jour le jour 0. «Les résultats de cette première randomisation ont confirmé que l’ajout de l’anticorps à la chimiothérapie permettait d’augmenter le taux de survie globale [SG]», poursuit le Dr Dreyling.

Environ 200 patients qui ont eu une réponse complète (RC) ou une réponse partielle (RP) à la chimiothérapie ± le rituximab ont de nouveau été randomisés en deux groupes : observation ou traitement d’entretien par le rituximab administré à raison de 375 mg/m2/semaine pendant quatre semaines, trois et neuf mois après le traitement de sauvetage. Environ les deux tiers des patients inclus dans la deuxième randomisation souffraient d’un lymphome folliculaire, tandis que l’autre tiers souffrait d’un lymphome du manteau.

Quatre-vingts pour cent des patients des deux groupes issus de la deuxième randomisation avaient reçu l’association chimiothérapie+rituximab pendant la phase d’induction. Au cours du suivi de trois ans, on a observé une augmentation significative de la survie sans progression (SSP) dans le groupe recevant le traitement d’entretien. Globalement, la maladie n’a pas progressé durant le suivi chez 50 % des patients de ce groupe vs 20 % des patients du groupe observation. Pendant la même période, dans le sous-groupe lymphome folliculaire, la maladie n’a pas progressé chez 70 % des patients du groupe traitement d’entretien vs 40 % des patients du groupe observation.

Le lymphome du manteau est généralement beaucoup plus agressif que le lymphome folliculaire et, selon d’autres investigateurs, les patients qui en sont atteints ne semblent pas tirer profit d’un traitement d’entretien supplémentaire par le rituximab. Cela dit, note le Dr Dreyling, «nous avons constaté que ces patients retiraient au moins un certain bénéfice du traitement d’entretien par le rituximab; certains étant toujours en rémission, de sorte que, après trois ans, le taux de SSP était de 40 % dans le groupe traitement d’entretien». Dans le groupe observation, l’absence de progression de la maladie après trois ans était plutôt rare, ajoute-t-il.

Toujours après trois ans, on a noté une tendance vers une augmentation du taux de SG qui a presque atteint le seuil de signification statistique en faveur du traitement d’entretien. Plus précisément, 82 % des sujets de cette cohorte étaient toujours en vie après trois ans, par comparaison à 55 % des sujets du groupe observation (p=0,056). Le taux d’infection ne différait pas d’un groupe à l’autre. Les numérations leucocytaire et lymphocytaire n’étaient pas significativement plus faibles dans le groupe traitement d’entretien.

Résultats confirmés dans le traitement des lymphomes folliculaires

Le Dr Dreyling et ses collaborateurs ont effectué une étude en parallèle, encore là sur le lymphome folliculaire en rechute. Les patients ont d’abord reçu un traitement d’induction composé de rituximab et du protocole CHOP (cyclophosphamide/doxorubicine/vincristine/prednisone). Les patients qui ont répondu à la phase d’induction ont de nouveau été randomisés en deux groupes : schéma d’entretien par le rituximab, lequel était «administré à huit reprises, seulement une fois tous les trois mois», ou observation. «Les résultats étaient presque superposables, dit le Dr Dreyling, et au chapitre de la SG, on a une fois de plus observé un bénéfice presque significatif en faveur du traitement d’entretien par le rituximab [p=0,059].»

Une autre étude randomisée et prospective étaye de façon similaire l’effet bénéfique de l’association de l’anticorps monoclonal avec la chimiothérapie pendant la phase d’induction suivie d’un traitement d’entretien par l’interféron (IFN). Le Dr Charles Foussard, Service d’hématologie, CHU-Hôtel-Dieu, Angers, France, a présenté les résultats de cette étude au nom des investigateurs du GELA-GOELAMS (Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte - Groupe Ouest-Est d’étude des leucémies aiguës et autres maladies du sang). L’étude avait pour objectif de comparer les retombées de l’administration de 12 cycles du protocole CHVP (cyclophosphamide à 600 mg/m2, doxorubicine à 25 mg/m2, étoposide à 100 mg/m2 et prednisone à 40 mg/m2) plus 18 mois d’IFNa-2b à raison de 4,5 MU administrées trois fois par jour (3 MU chez les patients de >70 ans) (CHVP-IFN) avec les retombées de l’administration de six cycles du même schéma de chimiothérapie plus six perfusions de rituximab à 375 mg/m2, le tout suivi d’un traitement d’entretien de 18 mois par l’IFNa-2b (R-CHVP-IFN). Le paramètre principal était la survie sans événement (SSE). Pour être admis à l’étude, les patients devaient souffrir d’un lymphome folliculaire de stade II à IV qui n’avait jamais été traité mais qui nécessitait un traitement en raison d’un lourd fardeau tumoral. En tout, 183 patients ont reçu le traitement CHVP-IFN (groupe A) et 175 patients, le traitement R-CHVP-IFN (groupe B). Le cyclophosphamide, la doxorubicine et la vincristine étaient administrés le jour 1, et la prednisone, les jours 1 à 5. Le groupe A a reçu le protocole CHVP une fois par mois pendant six mois, puis six autres cycles de ce schéma avec l’IFNa-2b tous les deux mois. Le groupe B a reçu le protocole CHVP une fois par mois pendant six mois, le même traitement d’entretien de 18 mois par l’IFNa-2b plus six perfusions de rituximab les jours 1 et 8 des cycles 3 et 4, et le jour 1 des cycles 5 et 6.

Comme les investigateurs l’ont déjà rapporté au congrès de l’American Society of Hematology de 2004, la première analyse – qui englobait la totalité des 358 patients – avait fait ressortir une amélioration significative de la réponse au traitement à six et à 18 mois dans le groupe recevant le rituximab. En effet, après un suivi médian de 30 mois, la médiane de SSE n’avait encore été atteinte dans aucun des deux groupes, mais le taux était estimé à 78 % dans le groupe recevant du rituximab vs 62 % dans le groupe sans rituximab.

La deuxième analyse – qui a été faite après un suivi médian de 42 mois – a révélé que la médiane de SSE de l’effectif complet n’avait toujours pas été atteinte, précisent les investigateurs. Les résultats demeurent très prometteurs dans le groupe rituximab.

À 42 mois, des RC ont été observées chez 75 % des sujets qui recevaient le rituximab comme traitement d’entretien (groupe B) vs 60 % des sujets du groupe A. Le taux de RP se chiffrait à 6 % dans le groupe B vs 12 % dans le groupe A, alors que la maladie a progressé ou s’est stabilisée chez 19 % des patients du groupe B vs 28 % de ceux du groupe A. Toujours à 42 mois, le taux de SSE était de 81 % dans le groupe R-CHVP-IFN vs 62 % dans le groupe CHVP-IFN, tandis que le taux de SG était respectivement de 91 % et de 84 % (p=0,029). L’amélioration a été notée chez les patients dont l’indice pronostique international (IPI) pour les lymphomes folliculaires était faible, intermédiaire ou élevé, d’ajouter le Dr Foussard. «Dans cet essai de phase II, le rituximab associé au protocole CHVP et à l’IFNa-2b induit un taux de réponse élevé chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire dont le fardeau tumoral est élevé. De plus, il permet d’abréger la chimiothérapie, d’augmenter le taux de SG chez ces patients et de réduire le risque de mortalité par [un facteur de] 2», conclut-il.

Dans sa discussion sur ces études et des études connexes, le Dr Andrew Zelenetz, chef, Service des lymphomes, Memorial Sloan-Kettering Cancer Center, New York, a fait remarquer que cette étude et plusieurs autres dans lesquelles le rituximab était associé au protocole CHOP mettaient toutes le même bénéfice en évidence. Par exemple, une étude de phase III de l’Organisation européenne de recherche sur le traitement du cancer (OERTC), dont les résultats ont été présentés par le Dr Marinus Van Oers, Centre médical universitaire, Université d’Amsterdam, Pays-Bas, et ses collègues au congrès de l’American Society of Hematology de 2005, a apporté des preuves supplémentaires étayant l’utilité du traitement d’entretien par le rituximab dans le lymphome non hodgkinien à faible malignité et en rechute.

Dans cette étude, les investigateurs ont utilisé le protocole CHOP ou le rituximab + CHOP (R-CHOP) comme traitement d’induction, après quoi les patients ont été randomisés une deuxième fois de façon à recevoir un traitement prolongé par l’anticorps monoclonal ou à être observés. Les résultats ont montré que le traitement d’entretien par le rituximab avait prolongé significativement la médiane de SSP et que, à trois ans, le taux de SG était de 83 % vs 72 % pour ceux qui ne recevaient pas le traitement d’entretien.

Fait important à souligner, aucun des essais sur le traitement d’entretien par le rituximab n’a étayé les craintes que suscite l’utilisation à long terme de l’anticorps monoclonal, à savoir que son utilisation prolongée pourrait compromettre l’immunité à médiation humorale, ce qui entraînerait une incidence excessive d’infections ou de réactivations d’infections virales latentes.

Lymphome diffus à grandes cellules B

Les résultats d’une étude portant sur des patients âgés porteurs d’un lymphome diffus à grandes cellules B (LDGCB) donnent à penser qu’un plan de traitement modifié à base de rituximab et de chimiothérapie pourrait donner lieu à un bienfait clinique.

Comme le souligne l’auteur principal, le Dr Eric Raefsky, Sarah Cannon Research Institute, Nashville, Tennessee, l’étude a démontré que le protocole R-CHOP améliore la survie dans cette population de patients. En fait, le protocole R-CHOP est considéré comme la norme dans le traitement du LDGCB. Cela dit, d’ajouter les investigateurs, l’administration de six à huit cycles de R-CHOP est très difficile dans certains groupes de patients. Par exemple, les anthracyclines sont contre-indiquées chez les patients dont la fraction d’éjection est diminuée. En outre, les patients de plus de 70 ans qui souffrent d’un LDGCB ont souvent un indice fonctionnel médiocre et d’autres maladies qui compliquent le traitement.

À ce jour, les tentatives visant à mettre au point un protocole actif et bien toléré pour ces patients ont échoué. Ainsi, dans cet essai de phase II, les investigateurs ont tenté de mettre au point un protocole à la fois efficace et bien toléré pour les patients porteurs d’un LDGCB qui sont incapables de recevoir le nombre standard de six à huit cycles de R-CHOP. À cette fin, ils ont raccourci la durée de la chimiothérapie à trois cycles et remplacé la doxorubicine par la mitoxantrone.

Ils ont par ailleurs administré un traitement d’entretien par le rituximab aux patients qui avaient répondu aux trois cycles de ce schéma. Ont été admis à l’essai 35 patients porteurs d’un LDGCB CD20+ jamais traité qui avaient plus de 70 ans ou dont les facteurs de comorbidité les rendaient inaptes à recevoir le protocole CHOP, qui avaient un indice fonctionnel de 2 selon l’ECOG ou dont la fraction d’éjection était réduite. Le cyclophosphamide a été administré à raison de 500 mg/m2 en association avec la mitoxantrone à raison de 10 mg/m2 et la vincristine à raison de 1 mg/m2 le jour 1. La prednisone orale a été administrée à la dose de 80 mg les jours 1 à 5, et le pegfilgrastim a été administré à la dose de 6 mg le jour 2. Les cycles duraient 21 jours, après quoi les répondeurs recevaient un traitement d’entretien par le rituximab à raison de quatre doses de 375 mg/m2. Le premier cycle du traitement d’entretien par le rituximab était amorcé à la semaine 12, et les traitements subséquents étaient administrés une fois tous les six mois, pour un total de quatre cycles.

Au moment de la présentation au congrès, 91 % des patients, ou 32 patients, avaient reçu trois cycles de R-chimiothérapie, et la totalité d’entre eux avaient bénéficié soit d’une réponse objective, soit d’une stabilisation de la maladie. Vingt-quatre de ces patients avaient reçu le traitement d’entretien par le rituximab et, au moment de la publication, deux patients avaient terminé leur traitement.

Dix patients (31 %) ont eu une RC au traitement initial, tandis que 12 patients (38 %) ont obtenu une RP. La maladie s’est stabilisée chez les 10 derniers patients (31 %). Après un suivi médian de 12 mois, le taux de SSP est estimé à 92 % et l’on prévoit que le taux de SSP à deux ans restera à 92 %.

Une neutropénie de classe 3 ou 4 a été signalée chez à peu près le tiers des patients. Quelques cas de thrombocytopénie de classe 3 ont été signalés, mais la plupart des signes de toxicité non hématologique de classe 3 sont survenus chez <10 % des patients du groupe, et il n’y a eu aucun signe de toxicité non hématologique de classe 4.

Un taux de SSP de 92 % à deux ans est étonnamment élevé, ce qui semble indiquer qu’un traitement par le rituximab aurait un rôle à jouer après une chimiothérapie de durée abrégée. Une évaluation plus poussée s’impose toutefois, préviennent les investigateurs.

Résumé

Plusieurs études présentées au congrès ont montré que l’utilisation du rituximab, tant comme traitement d’induction que comme traitement d’entretien, améliore l’issue de manière significative chez les patients porteurs d’un lymphome folliculaire et, dans une mesure moindre, d’un lymphome du manteau, en rechute ou résistant au traitement. Fait digne de mention, le rituximab n’exacerbe pas le profil de toxicité des protocoles de chimio-immunothérapie ni n’est associé à un risque accru d’infection lorsqu’il est utilisé seul.

Questions et réponses

Les questions et les réponses qui suivent sont tirées d’un entretien avec le Dr Martin Dreyling, Klinikum Grosshadern, Université de Munich, Allemagne.

Q : Au chapitre de la SG, y avait-il une différence selon que les sujets souffraient d’un lymphome folliculaire ou d’un lymphome du manteau? R : Pour l’instant, nous n’avons pas vu de différence majeure sur le plan de la SG, mais il est encore tôt pour juger de la SG. Notre conclusion doit donc se limiter au fait que, à l’heure actuelle, il n’y a pas de différence majeure entre les deux groupes.

Q : À votre avis, cette étude suffit-elle à confirmer l’effet bénéfique du rituximab en association avec la chimiothérapie comme traitement d’induction et comme traitement d’entretien?

R : Une seule étude ne peut pas tout élucider. Nous avons aussi fait une étude parallèle, toujours sur le lymphome folliculaire en rechute, et les sujets de cette étude recevaient le protocole R-CHOP comme traitement d’induction. Après cette phase d’induction, les répondeurs étaient de nouveau randomisés en deux groupes : traitement d’entretien par le rituximab (huit cycles, administrés seulement une fois tous les trois mois) ou observation seule. Les résultats pouvaient presque se superposer aux nôtres. Pour ce qui est de la SG, l’effet bénéfique a presque atteint le seuil de signification statistique chez les patients qui ont reçu le rituximab comme traitement d’entretien (p=0,059).

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