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Modulation de la pression intraoculaire et du débit sanguin oculaire : retombées sur le traitement du glaucome à angle ouvert

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Assemblée annuelle de l’Association for Research in Vision and Ophthalmology

Fort Lauderdale, Floride / 30 avril-5 mai 2006

L’étude multicentrique EXACCT visait à évaluer les effets de l’association fixe dorzolamide/timolol (AFDT) chez des patients souffrant d’un glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) ou d’hypertension oculaire (HTO) dont la réponse au traitement initial par le latanoprost avait été sous-optimale ou nulle. Cet essai ouvert regroupait en tout 343 patients recrutés par 33 médecins du Canada. Les investigateurs de l’étude EXACCT ont fait état des premiers résultats obtenus chez 243 patients : 196 d’entre eux avaient eu une réponse inappropriée au traitement par le latanoprost alors que 47 n’avaient pas répondu au traitement (l’absence de réponse étant définie comme une baisse de la pression intraoculaire [PIO] <15 %). Si la PIO n’était toujours pas maîtrisée après quatre semaines de traitement par le latanoprost en monothérapie, l’AFDT était ajoutée au schéma; par contre, les non-répondeurs au latanoprost changeaient de traitement pour passer à l’AFDT. Le paramètre principal était la proportion de patients chez qui la PIO avait baissé de 3 mmHg ou de 10 % après 12 semaines de traitement par l’AFDT.

Après l’essai initial de quatre semaines par le latanoprost, la PIO de la population étudiée variait en moyenne entre 22 et 23 mmHg. Après six semaines de traitement par l’AFDT, la PIO moyenne se chiffrait à 15,8 mmHg chez les patients qui recevaient l’AFDT comme traitement adjuvant au latanoprost et à 17,19 mmHg chez les non-répondeurs au latanoprost qui étaient passés à l’AFDT. La PIO est restée stable pendant les six semaines supplémentaires de suivi, la PIO s’étant établie en moyenne à 15,78 mmHg (-28,31 %; p=0,001) dans le groupe AFDT/latanoprost et à 17,29 mmHg (-24,4 %; p=0,001) chez les non-répondeurs au latanoprost qui sont passés à l’association fixe.

Chez les patients qui ont reçu l’AFDT comme traitement adjuvant, l’ajout de l’association fixe a autorisé une baisse supplémentaire d’au moins 10 % de la PIO dans 93,1 % des cas. Chez les patients qui sont passés du latanoprost à l’AFDT, la baisse de la PIO a été d’au moins 10 % dans 90,6 % des cas. Si l’on combine les deux groupes, 92,6 % des patients ont bénéficié d’une diminution cliniquement significative de la PIO après avoir amorcé le traitement par l’AFDT.

«La baisse de la PIO après [l’ajout de] l’AFDT a été presque deux fois plus marquée que ce à quoi l’on s’attendait. Nous avons été vraiment surpris de voir à quel point cette stratégie de traitement était efficace. Les effets indésirables étaient généralement bénins et n’ont entraîné aucun abandon du traitement», rapportent les chercheurs.

La baisse de la PIO observée chez les non-répondeurs au latanoprost semble indiquer que l’AFDT pourrait être une solution de rechange au latanoprost chez ce sous-groupe particulier de patients, ajoutent-ils. De l’avis de l’un des investigateurs de l’étude EXACCT, le Dr Mark Lesk, Université de Montréal, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Québec, «les résultats de cette étude jettent un nouvel éclairage sur l’utilisation de l’AFDT. Nous disposons maintenant de données cliniques montrant que l’AFDT aide les patients dont la PIO n’est pas maîtrisée; en effet, elle permet aux patients qui ne répondent pas au latanoprost d’atteindre leur PIO cible et ainsi de maîtriser leur pression.»

Effets sur la PIO pendant tout le nycthémère

Dans le cadre d’une deuxième étude présentée au congrès, on a comparé les effets de l’AFDT et du latanoprost sur la PIO pendant une période de 24 heures chez des patients présentant un GPAO ou une HTO. L’étude regroupait 53 patients ayant au départ une PIO moyenne sur 24 heures de 25,2 mmHg. Après randomisation, ils recevaient le traitement par l’association fixe ou le latanoprost pendant six mois. La tonométrie par aplanation de Goldmann, que l’on a utilisée pour mesurer la courbe nycthémérale de la PIO, était réalisée à 6 h, à 10 h, à 14 h, à 18 h, à 22 h et à 2 h, au départ et après six mois.

Au terme de l’étude, la PIO sur 24 heures se chiffrait en moyenne à 18,1 mmHg dans le groupe association fixe et à 18,3 mmHg dans le groupe latanoprost, rapporte le groupe multinational sous la direction du Dr Vassilios P. Kozobolis, Université Démocrite, Thrace, Grèce. La différence entre les groupes de traitement n’était pas significative. L’AFDT a permis une baisse significativement plus marquée de la PIO à 10 h (p=0,01) et à 22 h (p<0,0001). La comparaison de la PIO diurne moyenne, réalisée à deux et à six mois, a mis au jour encore moins de différences statistiques entre le latanoprost et l’AFDT après six mois. De l’avis du Dr Kozobolis, cette observation est le reflet de «la stabilité de la diminution de la PIO sous l’effet de l’AFDT pendant la période de traitement actif. Cela indique que l’AFDT pourrait causer moins d’écarts à long terme que ce que l’on observait auparavant avec le timolol seul.»

Le Dr Kozobolis et ses collaborateurs ont conclu que, pendant les six mois de traitement, l’association dorzolamide/timolol et le latanoprost avaient abaissé la PIO de façon comparable sur 24 heures, mais que l’AFDT s’était avérée plus efficace lors de certaines mesures.

Importance du débit sanguin oculaire

On a constaté que, au-delà de l’HTO, les anomalies du débit sanguin oculaire (DSO) pourraient contribuer considérablement à la pathogenèse du GPAO. Le DSO a donc attiré l’attention des chercheurs cliniciens en tant que cible éventuelle des agents utilisés pour le traitement du GPAO. Des chercheurs de l’Université de Vienne ont évalué les effets du dorzolamide et du timolol sur l’hémodynamique oculaire de patients présentant un GPAO et une HTO. Les premières données de l’étude ont montré que le dorzolamide, contrairement au timolol, augmentait le débit sanguin dans la tête du nerf optique (TNO) et la choroïde (Fuchsjager-Mayrl et al. Br J Ophthalmol 2005;89[10]:1293-7).

Un nouveau rapport de l’étude de Vienne portait précisément sur les effets du dorzolamide et du timolol sur la dysrégulation vasculaire sous-jacente chez les patients présentant un GPAO ou une HTO. Le Dr Leopold Schmetterer et ses collaborateurs ont fait état des résultats à six mois.

Comme il a déjà été démontré, il existe un lien anormal entre le débit sanguin choroïdien (tel que mesuré par l’amplitude des pulsations des artères du fond de l’œil [FPA, pour fundus pulsation amplitude]), la pression artérielle moyenne (PAM), le débit sanguin dans l’anneau neurorétinien (BFrim) et le débit sanguin dans l’excavation papillaire (BFcup) chez les patients présentant un GPAO ou une HTO, par comparaison à des témoins appariés en fonction de l’âge et du sexe (Fuchsjager-Mayrl et al. Invest Ophthalmol Vis Sci 2004;45[3]:834-9). Le dorzolamide et le timolol ont tous deux modifié significativement, dans le sens d’une normalisation, le lien entre le BFrim, le BFcup, la FPA et la PAM (p<0,05). L’effet était dépendant de la baisse de PIO obtenue et n’était pas associé à une augmentation des paramètres du DSO. Les résultats ont révélé que le dorzolamide et le timolol avaient atténué la dysrégulation vasculaire dans le GPAO ou l’HTO, de conclure le Dr Schmetterer et ses collaborateurs. L’effet sur la dysrégulation vasculaire ne semble pas lié aux effets du traitement sur le DSO, mais plutôt à l’efficacité de l’agent pour abaisser la PIO.

Les investigateurs d’une petite étude multinationale ont évalué le lien entre la saturation de la rétine en oxygène et le débit sanguin rétrobulbaire chez des patients présentant un GPAO. Chez 14 patients, on a réalisé une oxymétrie de la rétine par un examen d’imagerie, suivie immédiatement d’une évaluation par Doppler couleur de la vélocité systolique maximale, de la vélocité télédiastolique et de l’index de résistance de l’artère ophtalmique et l’artère centrale de la rétine. Lors du Doppler couleur de l’artère ophtalmique, on a observé une corrélation significative entre la vélocité systolique et le ratio de densité optique des veinules supérieures (p=0,038) de même qu’une faible corrélation entre la vélocité diastolique et le ratio de densité optique des artérioles supérieures (p=0,06).

Une augmentation du débit sanguin dans l’artère ophtalmique est associée à une augmentation de la saturation en oxygène dans les artères et veines rétiniennes supérieures, affirme le Dr Alon Harris, Indiana University, Indianapolis, et ses collaborateurs de plusieurs centres dans le monde entier. Les résultats ont indiqué que les clichés de l’oxymétrie rétinienne pourraient mettre au jour un apport d’oxygène aux tissus rétiniens proportionnel au débit sanguin correspondant.

Dans le cadre d’une étude de l’Université de Montréal et de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, les chercheurs se sont penchés sur le lien entre les variations de la TNO et la stabilité à long terme du champ visuel chez des patients glaucomateux. Des études préalables avaient mis en évidence une diminution plus marquée de la profondeur de l’excavation papillaire et des améliorations moins marquées du débit sanguin dans l’anneau neurorétinien dans le contexte d’une baisse soutenue de la PIO chez des patients atteints de glaucome et d’HTO dont la cornée était mince, affirme le Dr Lesk et ses collaborateurs.

L’étude portait sur 26 patients atteints de glaucome, lequel en était au stade prépérimétrique dans certains cas. La TNO a été évaluée au moyen de la tomographie rétinienne et de la fluxmétrie par laser Doppler avant le traitement de même qu’après deux à six mois de baisse soutenue de la PIO. On a effectué un Doppler du doigt pendant une immersion en eau froide pour mesurer la spasticité des vaisseaux périphériques de même qu’une échopachymétrie. La stabilité du champ visuel a été surveillée pendant 4,2 ans selon les critères modifiés de Hodapp-Anderson-Parrish.

Pendant le suivi, le glaucome de huit patients a progressé, tandis qu’il est resté stable chez 16 patients et qu’il était indéterminé chez deux patients. Chez les patients dont le glaucome a progressé, on a observé un mouvement plus prononcé de la base de l’excavation papillaire, ce qui témoigne d’une plus grande compliance de la lame criblée. En outre, la vasospasticité était plus marquée chez les patients dont le glaucome avait progressé. Ces deux facteurs pourraient permettre d’identifier les patients à risque plus élevé de progression de la maladie.

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