Comptes rendus

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Nausées et vomissements chimio-induits : améliorer la qualité de vie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

RAPPORT SPÉCIAL

21 juin 2007

L’avènement des antagonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT3 (anti-5-HT3) a permis de beaucoup mieux maîtriser les nausées et les vomissements chimio-induits (NVCI). Cependant, malgré l’utilisation d’antiémétiques efficaces, plusieurs études indiquent que la prévalence des NVCI aigus et surtout retardés demeure inquiétante après l’administration de protocoles de chimiothérapie hautement ou modérément émétisants. Les médecins et le personnel infirmier des unités d’oncologie sous-estiment grandement l’incidence des NVCI retardés, probablement parce que ceux-ci surviennent à distance du traitement. La maîtrise inadéquate des NVCI peut amener le refus du patient de poursuivre la chimiothérapie, ce qui oblige à retarder l’administration du nombre requis de cycles ou à réduire la dose et risque fort de diluer les résultats. Selon des investigateurs canadiens, il est beaucoup plus coûteux de traiter les conséquences des NVCI que de traiter les patients exempts de tels effets, même lorsqu’on tient compte du coût des antiémétiques. Du point de vue du patient, les NVCI demeurent la manifestation toxique la plus redoutée de toutes celles que peut causer la chimiothérapie, et lorsqu’elle survient, les études montrent qu’elle peut miner la qualité de vie (QdV) pendant toute la durée du traitement. Ces résultats confirment le besoin de meilleurs traitements pour atténuer les NVCI, surtout à la phase tardive, progrès qui devrait permettre d’améliorer la QdV des patients cancéreux et de réduire significativement les coûts associés à ces effets.

En l’absence de traitement antiémétique, les protocoles de chimiothérapie hautement émétisants provoquent des vomissements chez plus de 90 % des patients dans les 24 heures suivant leur administration. En outre, bien qu’on dispose d’antiémétiques modernes, une proportion substantielle de patients a quand même des NVCI, en particulier durant la phase tardive (Lachaine et al. Suppor Cancer Ther 2005;2[3]181-7).

Prévalence et répercussions : résultats d’études

Lors d’une étude sur la prévalence et les répercussions des NVCI aigus et surtout retardés, 323 patients appelés à recevoir un protocole de chimiothérapie hautement émétisant (p. ex., cisplatine ou carboplatine/gemcitabine) ont été recrutés en Ontario et au Québec.

Une infirmière ou un pharmacien tenait un registre des NVCI survenus durant le traitement. On a également demandé aux patients de noter le nombre d’épisodes émétiques survenus chaque jour sur une période de cinq jours, ainsi que la gravité des nausées en se servant d’une échelle visuelle analogique. Sur cette échelle de 100 mm, seules les nausées cotées à au moins 25 mm ont été considérées comme significatives. La QdV a été mesurée à l’aide du questionnaire validé FLIE (Functional Living Index-Emesis).

«La plupart des patients ont reçu un anti-HT3 à l’hôpital, habituellement en association avec des corticostéroïdes.» Après le jour 1 de la chimiothérapie, environ 40 % des patients ont continué de prendre un anti-5-HT3. D’après les résultats provenant de 266 questionnaires, 47 % des patients ont eu des nausées ou des vomissements, l’incidence de 44 % relevée durant la phase tardive se révélant «particulièrement élevée». Selon les définitions retenues dans cette étude, les NVCI aigus devaient être apparus au cours des premières 24 heures suivant la chimiothérapie, alors que les NVCI retardés devaient être survenus durant les jours 2 à 5 après le traitement.

«Tous les patients sauf un ont reçu un antiémétique pendant leur traitement à l’hôpital, et la majorité ont également pris des antiémétiques en ambulatoire», notent les chercheurs.

Coûts et absentéisme associés aux NVCI

Les NVCI retardés survenus au cours des cinq jours suivant le traitement ont nécessité en tout quatre visites au service des urgences et 10 visites au cabinet du médecin; deux patients ont dû être hospitalisés. «Selon les coûts en vigueur en Ontario en 2003, on a estimé le coût de ces soins à 5680 $». Chez les patients qui ont eu des vomissements ou des haut-le-cœur, le coût moyen des visites au service des urgences, des visites au cabinet du médecin et des hospitalisations était de 65,55 $.

On a également évalué le coût en temps et en argent associé aux NVCI pour les patients et leurs soignants. Les patients ont perdu en moyenne 29,4 heures, dont 44 % correspondaient à du temps de travail rémunéré, et le reste, aux loisirs. «Lorsqu’on tenait compte seulement des patients ayant eu des vomissements [avec ou sans nausées] et de leurs soignants, on constatait une moyenne de 22,3 heures perdues dont le coût était estimé à 402,74 $, rapportent les investigateurs. La différence de coût totale (y compris la perte de productivité) entre les patients ayant eu des NVCI et les patients épargnés variait de 294,38 $ à 591,72 $, selon que le temps de loisir était ou non pris en compte.

Autre élément important révélé par les résultats au questionnaire FLIE, la QdV était significativement diminuée chez les patients ayant présenté des nausées ou des vomissements. Chez les patients sans NVCI, le score FLIE moyen est demeuré similaire avant et après la chimiothérapie, soit 122,7 et 121,7, respectivement. En revanche, chez les patients qui ont eu des NVCI, le score FLIE moyen a diminué significativement, passant de 118,5 avant la chimiothérapie à 90,6 après celle-ci.

La raison pour laquelle de nombreux cliniciens semblent réticents à prescrire des anti-5-HT3 après les premières 24 heures qui suivent la chimiothérapie pourrait être liée au «manque d’efficacité» de ces agents pour prévenir les NVCI retardés. Par conséquent, «comme l’atteste cette étude, la maîtrise des NVCI demeure un problème pour de nombreux patients recevant des protocoles hautement émétisants», concluent les investigateurs; près de la moitié des patients de cette étude ont en effet présenté au moins un épisode de vomissement ou de nausée significative, même s’ils recevaient des antiémétiques. Les NVCI représentent également un «fardeau économique considérable» pour les patients, leurs soignants et le système de santé. Qui plus est, la maîtrise inadéquate des NVCI peut amener le patient à refuser de poursuivre le traitement – qui représente sans doute le schéma le plus efficace sur le plan clinique – ou occasionner un retard dans l’administration des cycles ou une réduction de la dose, «toutes modifications qui peuvent se traduire par des résultats cliniques sous-optimaux», de souligner les chercheurs.

Perception de l’incidence des NVCI par les équipes soignantes

Les NVCI retardés sont fortement sous-estimés par les médecins et les infirmières des unités d’oncologie, comme l’a montré une étude antérieure (Grunberg et al. Cancer 2004;100[10]:2261-8). Vingt-quatre médecins et infirmières provenant de 14 centres distincts aux États-Unis et en Europe ont été invités à prédire l’incidence des NVCI aigus et retardés après l’administration de chimiothérapies modérément ou hautement émétisantes. Quelque 97 % des patients ont reçu – habituellement pendant trois jours – un anti-5-HT3 généralement associé un corticostéroïde.

Les prévisions des professionnels quant aux nausées (34 %) et aux vomissements (17 %) durant la phase aiguë suivant l’administration de protocoles hautement émétisants étaient très proches de l’incidence observée. En revanche, l’incidence prévue était nettement inférieure à l’incidence observée pour les nausées retardées (39 % vs 60 %) et les vomissements retardés (22 % vs 50 %).

«La constatation la plus frappante a été la sous-estimation par des médecins et des infirmières chevronnés de l’incidence actuelle des NVCI retardés chez leurs propres patients», ce qui se vérifiait tant pour les protocoles modérément que hautement émétisants, d’ajouter les investigateurs. Si l’on pose que «l’administration d’un traitement efficace pour corriger un problème donné requiert que les professionnels aient d’abord conscience du problème, les nouveaux antiémétiques, tels que les antagonistes des récepteurs de la neurokinine-1 et les composés à action prolongée, pourraient atténuer ces effets et aider les patients à maintenir leur indice fonctionnel pendant la chimiothérapie.»

Résumé

Une bonne maîtrise des épisodes émétiques est possible, mais une proportion notable de patients recevant une chimiothérapie modérément à hautement émétisante présente quand même des NVCI. Cela résulte en partie d’une sous-évaluation de la prévalence réelle des NVCI retardés durant les jours qui suivent le traitement, troubles dont les patients ne se plaignent pas nécessairement du fait qu’ils ont tendance à s’attendre à ces effets et à souffrir en silence. Cependant, ces effets imposent un fardeau considérable tant sur le plan des jours productifs perdus que du besoin de soins médicaux et des coûts qui s’ensuivent. Une meilleure appréciation de la prévalence des NVCI, couplée à la mise en œuvre de stratégies prophylactiques appropriées, peut substantiellement améliorer la QdV des patients soumis à une chimiothérapie émétisante. Composer avec le cancer et son traitement est déjà bien assez difficile physiquement et émotionnellement sans que se surajoute à cela le fardeau des NVCI.

Questions et réponses tirées d’un entretien avec la Dre Marla Shapiro

Q : Pourquoi les patients qui présentent des NVCI n’en parlent-ils pas au médecin?

R : Souvent, lorsqu’ils sont victimes de NVCI retardés, les patients ne voient pas leur médecin et ils omettent de lui signaler ce problème parce qu’ils pensent qu’ils doivent «endurer». Il peut aussi arriver qu’ils ne soient pas restés en contact avec leur médecin de premier recours durant la chimiothérapie, de sorte qu’ils ne savent trop qui ils peuvent joindre facilement.

Q : Le traitement antiémétique que vous avez vous-même reçu lorsque que vous étiez atteinte d’un cancer du sein a-t-il maîtrisé adéquatement vos NVCI?

R : J’ai reçu un excellent traitement, mais malgré cela, je ne saurais vous dire à quel point les NVCI dérangent votre vie, pas seulement sur le plan des activités quotidiennes mais également de paramètres secondaires, comme la perte de poids et la faiblesse liées à ces effets. Non seulement il m’était impossible d’exercer, mais je ne pouvais pas jouer mon rôle habituel à la maison. Ne pas pouvoir fonctionner à la maison à cause des nausées vous plonge en plein désarroi.

Questions et réponses tirées d’un entretien avec le Dr David G. Warr

Q : Les NVCI sont-ils vraiment plus fréquents que ne le pensent beaucoup d’oncologues? Si oui, comment cette idée fausse s’explique-t-elle?

R : Oui, [ils sont plus fréquents]. Nous aimons être optimistes, et les oncologues plus vieux se rappellent les progrès accomplis depuis 1990. Par ailleurs, si vous avez le sentiment de ne rien pouvoir faire de plus, vous ne serez probablement pas aussi sensible au problème.

Q : Grunberg et al. ont constaté une sous-estimation significative, par les équipes soignantes, de l’incidence des NVCI retardés après l’administration de protocoles modérément ou hautement émétisants. Comment ce problème pourrait-il être le mieux corrigé?

R : Les pourcentages exacts ne sont pas vraiment importants, et le nœud du problème n’est pas dans la sous-estimation en soi. Même si les estimations sont faibles, elles sont suffisamment élevées pour qu’on examine si on peut faire quelque chose et à quel point ces effets sont éprouvants pour le patient. Les répercussions sur la QdV et les options de traitement, pourvu qu’on reconnaisse le problème, doivent être mises en lumière.

Références :

Grunberg et al. Incidence of chemotherapy-induced nausea and emesis after modern antiemetics. Cancer 2004;100(10):2261-8.

Lachaine et al. Chemotherapy-induced emesis: Quality of life and economic impact in the context of current practice in Canada. Support Cancer Ther 2005;2(3):181-7.

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